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02/02/2015 | FRANCE | N°14PA02608

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 02 février 2015, 14PA02608


Vu la requête et le mémoire, enregistrés les 11 et 24 juin 2014, complétés par le mémoire en date du 29 décembre 2014, présentés pour M. C...B..., demeurant..., par Me A...; M. B...demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1316796 du 28 janvier 2014 par laquelle le vice-président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 août 2013 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé

le pays de destination ;

2°) de renvoyer l'affaire devant le Tribunal admini...

Vu la requête et le mémoire, enregistrés les 11 et 24 juin 2014, complétés par le mémoire en date du 29 décembre 2014, présentés pour M. C...B..., demeurant..., par Me A...; M. B...demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1316796 du 28 janvier 2014 par laquelle le vice-président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 août 2013 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination ;

2°) de renvoyer l'affaire devant le Tribunal administratif de Paris, ou, subsidiairement, d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou subsidiairement, de réexaminer sa situation, dans le même délai, et sous les mêmes conditions d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me A...de la somme de

1000 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Il soutient que :

- sa demande ne pouvait être rejetée par ordonnance sur le fondement du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative ;

- le refus de titre de séjour est insuffisamment motivé ;

- il n'a jamais été informé qu'il pouvait faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et il n'a donc jamais pu présenter des observations préalablement à cette décision ;

- le préfet de police s'est cru à tort lié par les décisions de l'OFPRA et de la CNDA, alors qu'il aurait dû admettre M. B...au séjour pour des raisons humanitaires ;

- il est parfaitement intégré en France ;

- l'obligation de quitter le territoire français n'est pas motivée, contrairement aux exigences de l'article 12 de la directive 2008/115/CE :

- le préfet de police a commis une erreur manifeste d'appréciation en lui faisant obligation de quitter le territoire français ;

- son retour en Côte d'Ivoire l'exposerait à des risques pour sa vie ; la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance attaquée ;

Vu les pièces dont il ressort que la requête a été communiquée au préfet de police, qui n'a pas produit de mémoire en défense ;

Vu la décision du 20 mai 2014 laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris a admis M. B...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu l'ordonnance du 23 septembre 2014 fixant la clôture de l'instruction au 9 octobre 2014, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 janvier 2015, le rapport de Mme Petit, premier conseiller ;

1. Considérant que par un arrêté du 20 août 2013, le préfet de police a refusé de délivrer à M.B..., de nationalité ivoirienne, né en 1977, le titre de séjour qu'il avait sollicité sur le fondement du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par le même arrêté, il a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; que par une ordonnance du 28 janvier 2014, le vice-président du Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M. B...tendant à l'annulation de cet arrêté ; que le requérant fait appel de cette ordonnance ;

Sur la régularité de l'ordonnance :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, le vice-président du tribunal administratif de Paris et les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours peuvent, par ordonnance...7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ".

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier de première instance que M. B...a fait valoir devant le Tribunal administratif de Paris qu'il a été contraint de quitter son pays afin d'échapper aux risques qu'il encourait pour sa vie et sa sécurité ; qu'il a précisé avoir été amené à donner des cours de karaté dans un camp militaire, qu'il a découvert que ces militaires étaient des partisans du président Gbagbo, qu'il a été menacé et forcé de prendre les armes, qu'il a été de nouveau menacé à la suite de la chute du président Gbagbo car considéré comme l'un de ses partisans ; que de tels faits, même s'ils n'étaient pas assortis de pièces justificatives, étaient susceptibles de venir au soutien du moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que ce moyen de légalité interne, qui n'était ni irrecevable ni inopérant à l'encontre de la décision fixant le pays de destination était assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé ; que, par suite, l'ordonnance du vice-président du Tribunal administratif de Paris du 28 janvier 2014 est irrégulière et doit être annulée ;

4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B...devant le Tribunal administratif de Paris ;

Sur la légalité de l'arrêté du 20 août 2013 :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

5. Considérant que, saisi d'une demande de titre de séjour au titre de l'asile, le préfet de police est tenu de la rejeter dès lors que, comme en l'espèce, la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été refusée au demandeur ; que le requérant ne justifie pas avoir demandé un titre de séjour sur un autre fondement ; que, par suite, les moyens tirés de l'insuffisante motivation de la décision portant refus de titre de séjour, de l'erreur de droit qu'aurait commise le préfet de police en se croyant à tort lié par les décisions de l'office français de protection des réfugiés et apatrides et de la cour nationale du droit d'asile et en n'examinant pas la possibilité de l'admettre au séjour pour des raisons humanitaires, et de ce qu'il serait parfaitement intégré en France sont inopérants et ne peuvent qu'être écartés ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

6. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'obligation faite à un étranger de quitter le territoire français n'a pas à comporter une motivation spécifique, distincte de celle du refus de titre de séjour au titre de l'asile dès lors que cette décision portant obligation de quitter le territoire français accompagne nécessairement celle de refus de titre de séjour, laquelle est soumise à l'obligation de motivation ; que ces dispositions, en tant qu'elles n'exigent pas, dans cette hypothèse, une motivation spécifique, ne sont pas incompatibles avec les dispositions du paragraphe 1 de l'article 12 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants des pays tiers en séjour irrégulier (dite "directive retour"), selon lesquelles les décisions de retour indiquent leurs motifs de fait et de droit ; que le refus de titre de séjour comportant, en l'espèce, l'énoncé des circonstances de droit et de fait qui en constituent le fondement, le moyen tiré de l'absence de motivation de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que M. B...soutient qu'il n'a jamais été informé qu'il pouvait faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et qu'il n'a donc jamais pu présenter des observations préalablement à cette décision ; qu'ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans les motifs de son arrêt C-383/13 PPU du

10 septembre 2013, les auteurs de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008, s'ils ont encadré de manière détaillée les garanties accordées aux ressortissants des Etats tiers concernés par les décisions d'éloignement ou de rétention, n'ont pas précisé si et dans quelles conditions devait être assuré le respect du droit de ces ressortissants d'être entendus, qui relève des droits de la défense figurant au nombre des droits fondamentaux faisant partie intégrante de l'ordre juridique de l'Union européenne et consacrés à l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; que si l'obligation de respecter les droits de la défense pèse en principe sur les administrations des Etats membres lorsqu'elles prennent des mesures entrant dans le champ d'application du droit de l'Union, il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles doit être assuré, pour les ressortissants des Etats tiers en situation irrégulière, le respect du droit d'être entendu ; que le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne ; que, toutefois, dans le cas prévu au 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où la décision portant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du refus de titre de séjour ; que le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour ; que lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; qu'à l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande ; qu'il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles ; qu'il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux ; que le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour ; que le moyen doit dès lors être écarté ;

8. Considérant, en troisième lieu, que compte tenu notamment de la durée de séjour en France de M.B..., lequel n'allègue pas être dépourvu d'attaches familiales en Côte d'Ivoire, le préfet n'a pas entaché d'erreur manifeste son appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle du requérant ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

9. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales: " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. " ; que M. B...soutient qu'il a été contraint de quitter son pays afin d'échapper aux risques qu'il encourait pour sa vie et sa sécurité ; que, selon lui, il a, en effet, été amené à donner des cours de karaté dans un camp militaire, qu'il a découvert que ces militaires étaient des partisans du président Gbagbo, a été menacé et forcé de prendre les armes, puis a été de nouveau menacé à la suite de la chute du président Gbagbo car considéré comme l'un de ses partisans ; que ces faits ont été examinés par la Cour nationale du droit d'asile qui a estimé dans sa décision du 7 mai 2013, qu'ils ne permettaient pas de tenir pour établies les allégations de l'intéressé et pour fondées les craintes énoncées ; que les pièces produites par le requérant devant la Cour, notamment la photocopie d'une carte, ancienne, d'adhésion à un parti politique, ne suffisent pas à établir l'existence des risques allégués par celui-ci ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance, par la décision fixant le pays de destination, des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à demander l'annulation des décisions attaquées; que ses conclusions présentées au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance du vice-président du Tribunal administratif de Paris du 28 janvier 2014 est annulée ;

Article 2: La demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 19 janvier 2015 à laquelle siégeaient :

Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

M. Auvray, président assesseur,

Mme Petit, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 2 février 2015.

Le rapporteur,

V. PETIT

Le président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

S. LAVABRE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA02608
Date de la décision : 02/02/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: Mme Valérie PETIT
Rapporteur public ?: Mme VRIGNON-VILLALBA
Avocat(s) : BOUARD

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-02-02;14pa02608 ?
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