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02/02/2015 | FRANCE | N°13PA04400

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 02 février 2015, 13PA04400


Vu la requête, enregistrée le 2 décembre 2013 et le mémoire enregistré le 20 mars 2014, présentés par le ministre de la défense, qui demande à la Cour:

1°) de réformer le jugement n° 1301688 du 26 septembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à verser à Mme B...C...la somme de 39 791,64 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 27 décembre 2012, en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité de la décision du 21 juin 2005 admettant celle-ci à la retraite à compter du 1er juillet 2005 ;

2°)

de limiter à la somme de 30 667,26 euros le montant de cette condamnation ;

Il soutient...

Vu la requête, enregistrée le 2 décembre 2013 et le mémoire enregistré le 20 mars 2014, présentés par le ministre de la défense, qui demande à la Cour:

1°) de réformer le jugement n° 1301688 du 26 septembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à verser à Mme B...C...la somme de 39 791,64 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 27 décembre 2012, en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité de la décision du 21 juin 2005 admettant celle-ci à la retraite à compter du 1er juillet 2005 ;

2°) de limiter à la somme de 30 667,26 euros le montant de cette condamnation ;

Il soutient que :

- Mme C...ne pouvait, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif, bénéficier de l'indice net majoré 379 au titre de la période comprise entre le 1er juillet 2005 et le 31 décembre 2005 ; elle ne pouvait bénéficier que de l'indice net majoré 378 ;

- les textes réglementaires applicables ne permettaient pas de prendre en compte l'indice net majoré 392 au titre de la période comprise entre le 1er janvier 2006 et le

16 mars 2007 ; seul l'indice 379 peut être retenu pour cette période ; l'indice net majoré ne pouvait être attribué qu'à compter du 4 janvier 2008 ;

- l'évaluation du préjudice faite par les premiers juges est erronée car elle n'a pas pris en compte le montant des prélèvements sociaux ;

- ainsi, au total, le préjudice matériel ne saurait excéder la somme de 30 667,26 euros ;

- le préjudice moral n'est pas établi ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 juillet 2014, présenté pour Mme B...C...par la SCP A...et Komly-Nallier, qui conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que les moyens soulevés par la requête ne sont pas fondés ;

Vu l'ordonnance du 3 septembre 2014 fixant la clôture de l'instruction au 1er octobre 2014, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

Vu le décret n° 2005-1228 du 29 septembre 2005 relatif à l'organisation des carrières des fonctionnaires de catégorie C ;

Vu le décret n° 2006-1283 du 19 octobre 2006 portant attribution à compter du 1er novembre 2006 d'un point d'indice majoré uniforme à l'ensemble des personnels civils et militaires de l'Etat, des personnels des collectivités territoriales et des établissements publics d'hospitalisation ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 janvier 2015 :

- le rapport de Mme Petit, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Vrignon , rapporteur public,

- et les observations de MeA..., pour MmeC... ;

1. Considérant que MmeC..., adjoint administratif de 2ème classe en fonction au commissariat de l'armée de terre, a demandé en 2005 à prendre sa retraite à compter du 1er juillet 2005 ; que, toutefois, elle s'est rétractée, par des courriers des 3 et 17 juin 2005 ; que le ministre de la défense n'a pas tenu compte de ces courriers et l'a admise à la retraite à compter du 1er juillet 2005 ; que, saisi par MmeC..., le Tribunal administratif de Paris, par un jugement du 10 avril 2008 devenu définitif, a annulé cette décision ; qu'à la suite de ce jugement, le ministre de la défense a procédé, par une décision du 17 juillet 2008, à la réintégration juridique de Mme C...dans ses fonctions à compter du 1er juillet 2005 et, par une décision du 21 juillet 2008, à son admission à la retraite à compter du 16 mars 2007, date du soixante-cinquième anniversaire de l'intéressée ; que le ministre a exigé le remboursement du trop perçu correspondant à la différence entre les sommes versées au titre de la pension accordée en 2005 et celles versées au titre de la retraite accordée en 2008 et a procédé également à la régularisation des cotisations sociales de Mme C...au regard de ses droits à la retraite ; que celle-ci a sollicité, le 21 décembre 2012, le versement d'une indemnité représentative du traitement qu'elle aurait perçu si elle avait été maintenue en service du 1er juillet 2005 au 16 mars 2007 ainsi que la réparation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence résultant de l'illégalité de la décision du 21 juin 2005 ; que le ministre de la défense a rejeté cette demande le 30 janvier 2013 ; que, par un jugement du 26 septembre 2013, le Tribunal administratif de Paris, une nouvelle fois saisi par MmeC..., a estimé que la responsabilité de l'Etat était engagée à raison de l'illégalité de la décision de mise à la retraite du 21 juin 2005 et a condamné l'Etat à verser à

Mme C...la somme totale de 39 791,64 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 27 décembre 2012, en réparation des préjudices subis ; que le ministre de la défense fait appel de ce jugement en en demandant la réformation;

2. Considérant qu'en vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre ; que sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité ; que, pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte du traitement ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions ; qu'enfin, il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations que l'agent a pu se procurer par son travail au cours de la période d'éviction ; que, par ailleurs, il y a lieu de reconstituer fictivement la carrière de l'agent pendant la période d'éviction pour tenir compte, le cas échéant, des avancements que l'agent aurait eu une chance sérieuse d'obtenir pendant cette période ;

3. Considérant qu'en application de ces principes, Mme C...a droit à la réparation du préjudice matériel qu'elle a subi au titre de la période du 1er juillet 2005 au

16 mars 2007 ; qu'il résulte de l'instruction que Mme C...détenait, au 1er juillet 2005, un indice net majoré égal à 378, en qualité d'adjoint administratif principal de deuxième classe, à l'échelle de rémunération 5 au 11ème échelon, avec une ancienneté conservée de 11 mois et 27 jours ; qu'elle aurait bénéficié d'un reclassement à compter du 1er octobre 2005, comme tous les agents de catégorie C, en application de l'arrêté du 29 septembre 2005 fixant l'échelonnement indiciaire des grades et emplois de la catégorie C, lui-même pris en application du décret n° 2005-1228 du 29 septembre 2005 relatif à l'organisation des carrières des fonctionnaires de catégorie C ; qu'elle aurait été ainsi reclassée au 10ème échelon de l'échelle 5 de rémunération avec une ancienneté conservée de 1 an 8 mois et 27 jours, sans gain financier ; qu'à compter du 1er novembre 2006, elle aurait bénéficié, jusqu'à l'âge légal de départ à la retraite, de la revalorisation d'un point de son indice, en application du décret

n° 2006-1283 du 19 octobre 2006 portant attribution à compter du 1er novembre 2006 d'un point d'indice majoré uniforme à l'ensemble des personnels civils et militaires de l'Etat, des personnels des collectivités territoriales et des établissements publics d'hospitalisation ; que le passage au 11ème échelon du grade, auquel correspondait l'indice net majoré 392, s'effectuant après une durée moyenne de 4 ans passée au 10 ème échelon, Mme C...n'aurait pu, en principe, bénéficier de cet avancement qu'à compter du 4 janvier 2008, soit postérieurement à la date à laquelle elle a atteint l'âge légal de départ en retraite ; que, toutefois, compte tenu de ses évaluations, qui soulignaient notamment qu'elle méritait un avancement de grade, elle doit être regardée comme ayant perdu une chance sérieuse de bénéficier d'un avancement d'échelon à compter du 4 janvier 2007 ; que, par ailleurs, si le ministre de la défense soutient qu'il y a lieu de déduire du montant du total des rémunérations qu'elle aurait pu percevoir le montant total des cotisations sociales et des contributions sociales y afférentes, il résulte de l'instruction que des cotisations de retraite ont déjà été réclamées à Mme C...par un titre de perception du 20 août 2009, pour un montant de 2 794,75 euros, et que celle-ci a déjà versé des contributions sociales accessoires (CSG, CFDS et CRDS) sur la pension de retraite qu'elle avait perçue initialement entre le 1er juillet 2005 et le 15 mars 2007 et qu'elle a du reverser ; que le ministre n'apporte pas de précisions sur le montant des contributions sociales dont elle pourrait être redevable; que, dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que le préjudice matériel subi par Mme C...serait inférieur à la somme de 36 791,64 euros retenue par les premiers juges ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, comme l'ont relevé les premiers juges, la pension de retraite perçue par Mme C...à compter du 1er juillet 2005 était nettement inférieure à la rémunération qu'elle aurait été en droit de percevoir si elle n'avait pas été admise illégalement à la retraite ; que l'obligation mise à sa charge par l'administration de reverser la somme représentative de la pension de retraite qui lui avait été versée antérieurement au jugement du 10 avril 2008 du Tribunal administratif de Paris, ainsi que l'obligation de verser à l'administration la somme due au titre des retenues pour pension relatives à la période du 1er juillet 2005 au 16 mars 2007, alors que parallèlement elle était privée de tout droit à traitement du fait de l'intervention illégale de la décision prononçant son admission à la retraite à compter du 1er juillet 2005, a entraîné, pour elle, une situation de précarité et des troubles dans les conditions d'existence notables ; que, dans ces conditions, les premier juges n'ont pas inexactement apprécié le préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence subis par Mme C...en les évaluant à la somme de 3 000 euros ;

5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de la défense n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a condamné l'Etat à verser à Mme C...la somme de 39 791,64 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 27 décembre 2012 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme C...de la somme de 1500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du ministre de la défense est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Mme C...la somme de 1500 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la défense et à Mme B...C....

Délibéré après l'audience du 19 janvier 2015, à laquelle siégeaient :

Mme Fuchs Taugourdeau , président de chambre,

M. Auvray, président assesseur,

Mme Petit, premier conseiller,

Lu en audience publique le 2 février 2015.

Le rapporteur,

V. PETITLe président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

S. LAVABRE

La République mande et ordonne au ministre de la défense en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 13PA04400
Date de la décision : 02/02/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-10-02 Fonctionnaires et agents publics. Cessation de fonctions. Mise à la retraite sur demande.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: Mme Valérie PETIT
Rapporteur public ?: Mme VRIGNON-VILLALBA
Avocat(s) : SCP ARVIS et KOMLY-NALLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-02-02;13pa04400 ?
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