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22/01/2015 | FRANCE | N°13PA04184

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 22 janvier 2015, 13PA04184


Vu le recours, enregistré par télécopie le 15 novembre 2013 et régularisé par la production de l'original le 20 novembre 2013, présenté par le ministre de l'économie et des finances ; le ministre de l'économie et des finances demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement n° 1221990 du 20 septembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a accordé à la société Ecovadis la restitution de la somme de 57 676 euros correspondant au surplus non remboursé du crédit d'impôt recherche dont elle s'estimait titulaire au titre de l'année 2011 ;

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°) de remettre à la charge de la société Ecovadis la somme de 57 676 euros dont...

Vu le recours, enregistré par télécopie le 15 novembre 2013 et régularisé par la production de l'original le 20 novembre 2013, présenté par le ministre de l'économie et des finances ; le ministre de l'économie et des finances demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement n° 1221990 du 20 septembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a accordé à la société Ecovadis la restitution de la somme de 57 676 euros correspondant au surplus non remboursé du crédit d'impôt recherche dont elle s'estimait titulaire au titre de l'année 2011 ;

2°) de remettre à la charge de la société Ecovadis la somme de 57 676 euros dont le remboursement a été ordonné à tort par les premiers juges;

3°) de réformer en ce sens le jugement attaqué ;

Il soutient que :

- les dépenses de personnel en litige sont afférentes à l'emploi de 6 salariés qui sont analystes titulaires de masters en management, en sciences sociales et économiques, et diplômés d'universités, d'H.E.C. ou de l'I.E.P. de Paris ;

- ces dépenses de personnel ont été à tort regardées par les premiers juges comme éligibles au crédit d'impôt recherche ;

- en effet, en application des dispositions du code général des impôts, entrent dans la base du crédit d'impôt toutes les rémunérations et cotisations sociales obligatoires correspondantes, allouées aux chercheurs et techniciens de recherche directement et exclusivement affectés aux opérations de recherche à l'exclusion du personnel de soutien dont les charges sont couvertes par le forfait relatif aux dépenses de fonctionnement ;

- en l'espèce, selon la société, le travail de recherche de la société consiste à créer une méthodologie d'évaluation polyvalente et modulable s'adaptant aux enjeux du R.S.E., ainsi qu'à développer une application informatique supportant le processus d'évaluation et génératrice d'un rapport d'audit ;

- au cours de l'année 2011 la société précise que les travaux ont couvert un plus grand nombre des secteurs d'activité et ont notamment permis de lever certains obstacles techniques et de développer des grilles d'analyses adaptées à de nouveaux secteurs industriels ;

- l'avis favorable émis par les services du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche ne lie pas l'administration fiscale, dès lors que la société ne justifie pas avoir réalisé en 2011 des opérations de recherche ; au demeurant, les termes de cet avis ne caractérisent pas la réalisation d'une opération de recherche ;

- les dépenses de personnel ne sont pas éligibles au crédit d'impôt recherche ;

- la fonction exercée par M. F...est analyste développement durable alors qu'il est titulaire d'une maîtrise en relations internationales, qui sont étrangères au projet de la société ; il en va de même de la fonction d'analyste exercée par MG..., qui est titulaire d'un diplôme en politiques économiques internationales, matière également étrangère à l'activité de la société ;

- MM.E..., A..., B...ainsi que par Mme D...exercent également les fonctions d'analystes, alors qu'ils sont titulaires d'un diplôme de management en responsabilité sociale des entreprises ou en développement durable ;

- or, les termes management et gestion concernent respectivement un savoir-faire dans le domaine des relations humaines et une pratique dans la conduite des affaires ;

- or il n'apparaît pas que les fonctions que les fonctions exercées par ces quatre salariés aient consisté à concevoir une pratique et un savoir faire associés aux relations humaines ou dédiés à la conduite des affaires en général ; ces fonctions ne sont en conséquence pas en totale adéquation avec leur qualification ;

- les fonctions dévolues aux intéressés, telles qu'elles ont été définies par les premiers juges, caractérisent plutôt une simple mission de collecte d'informations destinée à alimenter un modèle informatique élaboré par des chercheurs et ingénieurs de la société, qu'une quelconque opération de recherche ;

- la qualification des salariés, qui n'ont pas suivi un cursus scientifique classique, ne leur procure pas la compétence nécessaire pour être assimilés à des ingénieurs ou des chercheurs travaillant sur des projets scientifiques ;

- le jugement attaqué est, par suite, erroné en droit et doit être annulé ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 mars 2014, présenté pour la société par actions simplifiée Ecovadis, dont le siège est 4 rue du Faubourg Montmartre, à Paris (75009), par MeC... ; la société Ecovadis demande à la Cour :

1°) de rejeter le recours du ministre ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le recours du ministre ne tient pas compte du rapport d'expertise diligenté par le ministère de la recherche, dont les conclusions sont favorables à la société ; ce rapport constitue un élément déterminant du faisceau d'indices établissant l'éligibilité des dépenses de personnel concernées au crédit d'impôt recherche ;

- le ministre réduit la fonction d'analyste RSE " sociaux " des salariés concernés à une simple collecte d'informations destinée à alimenter un modèle informatique ;

- le projet de la société consiste à développer un modèle prédictif de la performance RSE des entreprises, lequel doit intégrer un référentiel basé sur les règles internationales en cours d'adoption pour diagnostiquer une situation de risque RSE dans un contexte mondialisé ; cette recherche inclut la création d'une méthodologie d'évaluation en fonction des profils des fournisseurs et le développement d'une application informatique générant un rapport d'audit ;

- ce projet requiert trois types de profil : des analystes informatiques, des analystes en RSE avec des profils d'ingénieurs en environnement et des analystes avec des profils " sciences sociales " ou master en développement durable ;

- le RSE comporte des volets sociaux et sociétaux et le projet requiert des experts en sciences sociales et en relations internationales ;

- les profils RSE " sociaux " sont en conséquence au coeur même du projet ;

- le ministre ne tient pas compte de l'expérience professionnelle acquise par les intéressés et ne retient que le diplôme ; or, l'expérience des intéressés leur a permis de gérer des projets de recherche ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 8 janvier 2015 :

- le rapport de M. Vincelet, rapporteur,

- et les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public ;

1. Considérant que la société Ecovadis, qui exerce une activité de conseil dans le domaine des risques sociaux et environnementaux, a demandé la restitution d'un crédit d'impôt recherche d'un montant de 248 057 euros dont elle s'estimait titulaire au titre de l'année 2011 à raison de ses dépenses de personnel ; que l'administration n'a que partiellement fait droit à sa demande en limitant la restitution à la somme de 190 381 euros et a rejeté le surplus de sa demande, soit la somme de 57 676 euros, au motif que cette somme avait été versée à six salariés dont ni les diplômes ni la qualification ne pouvaient les assimiler à des ingénieurs ou à des techniciens de recherche ; que le ministre de l'économie et des finances fait appel du jugement du 20 septembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris, faisant droit à la demande de la société Ecovadis, a prescrit la restitution à son profit de la somme susmentionnée de 57 676 euros ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts : " I. Les entreprises industrielles et commerciales (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année (...) II. Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt sont : (...) b) Les dépenses de personnel afférentes aux chercheurs et techniciens de recherche directement et exclusivement affectés à ces opérations (...) " ; qu'aux termes de l'article 49 septies G de l'annexe III au code général des impôts : " Le personnel de recherche comprend : 1. Les chercheurs qui sont les scientifiques ou les ingénieurs travaillant à la conception ou à la création de connaissances, de produits, de procédés, de méthodes ou de systèmes nouveaux. Sont assimilés aux ingénieurs les salariés qui, sans posséder un diplôme, ont acquis cette qualification au sein de leur entreprise. 2. Les techniciens, qui sont les personnels travaillant en étroite collaboration avec les chercheurs, pour assurer le soutien technique indispensable aux travaux de recherche et de développement expérimental. Notamment : Ils préparent les substances, les matériaux et les appareils pour la réalisation d'expériences ; Ils prêtent leur concours aux chercheurs pendant le déroulement des expériences ou les effectuent sous le contrôle de ceux-ci ; Ils ont la charge de l'entretien et du fonctionnement des appareils et des équipements nécessaires à la recherche et au développement expérimental. Dans le cas des entreprises qui ne disposent pas d'un département de recherche, les rémunérations prises en compte pour le calcul du crédit d'impôt sont exclusivement les rémunérations versées aux chercheurs et techniciens à l'occasion d'opérations de recherche. " ; que, pour l'application de ces dispositions, ouvrent droit au crédit d'impôt, les dépenses de personnel afférentes notamment aux salariés qui, sans posséder un diplôme d'ingénieur, se livrent à des opérations de recherche et ont acquis, au sein de leur entreprise, des compétences les assimilant, par le niveau et la nature de leurs activités, aux ingénieurs impliqués dans la recherche ;

3. Considérant que la société Ecovadis, créée en 2007, propose aux directions d'achat des grandes entreprises un outil d'évaluation de la responsabilité sociale des entreprises (R.S.E.), en évaluant la performance environnementale, sociale et éthique des chaînes d'approvisionnement, indépendamment de la taille des fournisseurs et de l'état de leur implantation ; que, durant l'année 2011, elle a continué d'oeuvrer à la modélisation de la performance R.S.E. des entreprises en poursuivant le développement d'un modèle prédictif qui intègre un référentiel basé sur des règles internationales ; qu'à cette fin, elle a finalisé une méthodologie d'évaluation, ainsi qu'une application informatique appropriée ; qu'il n'est pas sérieusement contesté que la réalisation de ce projet, en raison de ses aspects sociaux et environnementaux ainsi que de sa composante internationale, implique le recours, non seulement à des analystes informatiques, mais aussi à des spécialistes des problèmes d'environnement, sociaux et internationaux ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que cinq des six salariés concernés sont titulaires de diplômes de niveau Master, en management de la responsabilité sociale des entreprises, management du développement durable et politique économique internationale, délivrés par H.E.C., l'I.E.P. de Paris ou l'Université ; que le sixième salarié est titulaire d'une maîtrise universitaire en relations internationales ; que ni leur expérience professionnelle dans chacune de ces spécialités ni leur connaissance approfondie de chacune de ces dernières n'est contestée ; que, s'ils n'ont participé directement, ni à l'élaboration du modèle prédictif à la base de la modélisation mathématique, ni à la création de l'application informatique, ils doivent être regardés, en raison de leur expérience dans des matières nécessaires à la réalisation du projet, comme ayant contribué au développement et à l'amélioration de ce dernier ; que, dans ces conditions, l'administration, qui n'a pas remis en cause l'éligibilité au crédit d'impôt des travaux menés par la société Ecovadis, ne peut valablement invoquer l'absence de diplôme ou de qualification professionnelle des salariés intéressés dans le domaine scientifique ou encore l'inadéquation du poste occupé par les salariés à leur qualification dès lors que leur soutien était indispensable aux travaux de recherche en cause ; que, dans ces conditions, la rémunération versée à ces six salariés par la société Ecovadis à l'occasion d'opérations de recherche ouvraient droit au crédit d'impôt recherche au titre de l'année 2011 ;

5. Considérant qu'il résulte enfin de l'instruction que les travaux en cause, décrits au point 3, avaient pour finalité l'élaboration d'un modèle encore inexistant d'analyse transversale et générale, applicable à toutes les entreprises, quelle que soit leur dimension, leur localisation et la nature de leur activité ; que, par suite, l'administration n'est pas fondée à remettre en cause l'éligibilité de ces travaux au crédit d'impôt recherche, alors au demeurant qu'elle l'avait précédemment admise en remboursant à la société une fraction du crédit dont cette dernière avait fait état au titre de la même année ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie et des finances n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande de la société Ecovadis en prescrivant la restitution, à son profit, de la fraction non remboursée du crédit d'impôt recherche à laquelle elle avait droit au titre de l'année 2011 ;

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à la société Ecovadis sur ce fondement ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête du ministre de l'économie et des finances est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à la société Ecovadis la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des finances et des comptes publics et à la société par actions simplifiée Ecovadis.

Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris (pôle fiscal Paris centre et services spécialisés).

Délibéré après l'audience du 8 janvier 2015, à laquelle siégeaient :

M. Formery, président de chambre,

Mme Coiffet, président assesseur,

M. Vincelet, premier conseiller,

Lu en audience publique le 22 janvier 2015

Le rapporteur,

A. VINCELET Le président,

S.-L. FORMERY

Le greffier,

S. CHALBOT-SANTT

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution au présent arrêt.

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N° 13PA04184

Classement CNIJ :

C


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 13PA04184
Date de la décision : 22/01/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-08-01-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Calcul de l'impôt.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: M. Alain VINCELET
Rapporteur public ?: M. LEMAIRE
Avocat(s) : SELARL VILLEMOT, BARTHES, ET ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-01-22;13pa04184 ?
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