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31/12/2014 | FRANCE | N°14PA01510

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 10ème chambre, 31 décembre 2014, 14PA01510


Vu la requête, enregistrée le 7 avril 2014, présentée pour M. A...Douidi,

demeurant..., par Me Maoui, avocat ; M. Douidi demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1206713/5-3 en date du 19 février 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 11 avril 2012 par laquelle le gouverneur de la Banque de France lui a infligé la sanction du déplacement d'office et à ce qu'il soit enjoint au gouverneur de la Banque de France de le réintégrer à l'autorité de contrôle prudentiel sur le pos

te qu'il occupait avant la sanction prise le 11 avril 2012 ;

2°) d'annuler po...

Vu la requête, enregistrée le 7 avril 2014, présentée pour M. A...Douidi,

demeurant..., par Me Maoui, avocat ; M. Douidi demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1206713/5-3 en date du 19 février 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 11 avril 2012 par laquelle le gouverneur de la Banque de France lui a infligé la sanction du déplacement d'office et à ce qu'il soit enjoint au gouverneur de la Banque de France de le réintégrer à l'autorité de contrôle prudentiel sur le poste qu'il occupait avant la sanction prise le 11 avril 2012 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ;

3°) de mettre à la charge de la Banque de France la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code monétaire et financier ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu le statut du personnel de la Banque de France ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 décembre 2014 :

- le rapport de M. Luben, président assesseur,

- les conclusions de M. Ouardes, rapporteur public,

- et les observations de Me Maoui pour M. Douidi et de Me C...B...pour la Banque de France ;

Sur la légalité de la décision de sanction litigieuse, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

1. Considérant que, par une décision en date du 11 avril 2012, M. Douidi, secrétaire-comptable de troisième classe, alors affecté au service des entreprises d'investissement de la direction du contrôle des établissements de crédit à caractère mutualiste et des entreprises d'investissement de la Banque de France, a fait l'objet d'une sanction disciplinaire consistant en sa mutation d'office à la direction générale des statistiques de la Banque de France à compter du 23 avril 2012 ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi susvisée du

11 juillet 1979 : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) ; - infligent une sanction (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 de la même loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des circonstances de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. " ; qu'il appartient à l'autorité administrative qui prononce une sanction de préciser dans sa décision les griefs qu'elle entend retenir à l'encontre de l'intéressé, de sorte que ce dernier puisse, à la seule lecture de la décision qui lui est notifiée, connaître les motifs de la sanction qui le frappe ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la décision de sanction attaquée vise les articles 230 à 238 du statut du personnel de la Banque de France et le procès-verbal de la séance du 4 avril 2012 du conseil de discipline, et est motivée par " la gravité des faits reprochés à M. Douidi : attitude agressive envers la responsable du " Pôle gestion administrative du personnel " du Secrétariat Général de l'Autorité de Contrôle Prudentiel. / Considérant que ce comportement, totalement inadmissible, rend nécessaire son changement d'affectation " ; qu'en se bornant à faire état de " l'attitude agressive " de l'intéressé envers la responsable du pôle gestion administrative du personnel, sans préciser notamment s'il s'agissait d'une attitude agressive physique ou simplement verbale et sans préciser la date de commission du fait reproché, ni au demeurant s'il avait été réitéré dans le temps, le gouverneur de la Banque de France a insuffisamment motivé la décision de sanction litigieuse et a ainsi méconnu les dispositions susrappelées de la loi susvisée du 11 juillet 1979 ;

4. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 231 du statut du personnel de la Banque de France : " Les sanctions visées à l'article précédent sont, selon leur nature, réparties comme suit : / - Sanctions du premier degré : / 1° avertissement inscrit au dossier, / 2° blâme inscrit au dossier, / - Sanctions du second degré : / 1° retard de deux ans au maximum de l'accès à l'ancienneté au plus prochain échelon de traitement, / 2° retard de plus de deux ans de l'accès à l'ancienneté au plus prochain échelon de traitement, / 3° radiation du tableau d'avancement, / 4° déplacement disciplinaire, / 5° mise en disponibilité sans traitement pour une durée supérieure à un mois et de deux ans au maximum, / 6° changement de catégorie ou de grade entraînant une diminution du traitement fixe, / 7° mise à la retraite d'office, / 8° radiation des effectifs, / 9° révocation. " ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, le 16 juin 2011, M. Douidi, qui souhaitait présenter un dossier de congé individuel de formation en vue de suivre à temps partiel un cursus de l'université de Cergy-Pontoise relatif au financement des collectivités territoriales, a entendu reprendre son dossier, qui était incomplet, dans le bureau de la responsable du pôle " gestion administrative du personnel " au service des ressources humaines de la direction des ressources humaines, méthodes et systèmes d'information du secrétariat général de l'autorité de contrôle prudentiel, comme ils en avaient convenu la veille ; que la responsable dudit lui a alors indiqué avoir déjà transmis son dossier ; que M. Douidi a alors élevé la voix, si bien qu'il a été entendu des bureaux qui se trouvaient à proximité ; que le chef du service est alors intervenu en demandant à M. Douidi de se calmer et lui a demandé de le suivre dans son bureau ; que, de l'aveu même de la responsable du pôle " gestion administrative du personnel ", recueilli lors de l'enquête administrative, M. Douidi a haussé le ton lors de cet échange mais n'a pas eu de geste menaçant ; que le chef du service a indiqué, lors de l'enquête administrative, que M. Douidi l'a suivi dans son bureau sans poser de problème, s'est calmé rapidement, s'est excusé et lui a expliqué s'être très énervé parce que la responsable du pôle n'aurait pas dû envoyer son dossier, qui était incomplet, au service qui devait l'examiner ; que la matérialité des faits ainsi relatés est établie par des témoignages concordants ;

6. Considérant, d'une part, que la décision de sanction litigieuse n'est motivée que par l'incident du 16 juin 2011, à l'exclusion de toute référence au comportement antérieur de

M. Douidi ; que, par suite, la Banque de France ne saurait se fonder sur les multiples manquements antérieurs de M. Douidi, à les supposer établis, tels qu'ils sont recensés de manière particulièrement exhaustive dans le rapport d'enquête de l'inspection générale de la Banque de France, pour justifier la sanction attaquée du déplacement d'office de M. Douidi ;

7. Considérant, d'autre part, que si M. Douidi a usé d'un ton déplacé dans le cadre d'une relation de travail, et plus particulièrement au sein de la Banque de France où, comme il ressort des pièces du dossier, l'atmosphère de travail est particulièrement feutrée et où en conséquence, selon plusieurs de ses collègues, l'attitude générale de M. Douidi pouvait détonner, le simple fait d'avoir élevé la voix dans un bureau à l'encontre d'un autre agent, s'il pouvait être de nature à justifier une sanction disciplinaire, ne pouvait justifier que la quatrième sanction du second degré du déplacement disciplinaire soit infligée à M. Douidi ; que, par suite, le gouverneur de la Banque de France, en infligeant à M. Douidi la sanction du déplacement d'office à la direction générale des statistiques de la Banque, a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que la décision du gouverneur de la Banque de France en date du 11 avril 2012 et le jugement en date du 19 février 2014 du Tribunal administratif de Paris doivent être annulés ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ;

10. Considérant qu'eu égard au second motif d'annulation ci-dessus retenu, l'exécution du présent arrêt implique qu'il soit enjoint au gouverneur de la Banque de France de réintégrer M. Douidi sur le poste qu'il occupait à l'autorité de contrôle prudentiel avant la sanction prise le 11 avril 2012 ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. Douidi, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la Banque de France au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

12. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Banque de France le paiement à M. Douidi de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens en application des dispositions de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ;

D ÉC I D E :

Article 1er : Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Paris en date du 19 février 2014, ensemble la décision susvisée du gouverneur de la Banque de France en date du 11 avril 2012, sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au gouverneur de la Banque de France de réintégrer M. Douidi sur le poste qu'il occupait à l'autorité de contrôle prudentiel avant la sanction illégale prise le 11 avril 2012.

Article 3 : La Banque de France versera à M. Douidi une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par la Banque de France, tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

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N° 14PA01510


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA01510
Date de la décision : 31/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Capitaux - monnaie - banques - Banque de France.

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Sanctions.

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Procédure.


Composition du Tribunal
Président : M. KRULIC
Rapporteur ?: M. Ivan LUBEN
Rapporteur public ?: M. OUARDES
Avocat(s) : SCP GUILLAUME ET ANTOINE DELVOLVE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2014-12-31;14pa01510 ?
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