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02/12/2014 | FRANCE | N°13PA03511

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 10ème chambre, 02 décembre 2014, 13PA03511


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 septembre 2013 et 8 novembre 2013, présentés pour M. F... B..., demeurant au..., par SCP Arvis et Komly-Nallier ; M. B... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1300799/5-1 du 11 juillet 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du

24 décembre 2012 par lequel le ministre de l'éducation nationale l'a mis à la retraite d'office à titre de sanction disciplinaire ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ce

t arrêté ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 eu...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 septembre 2013 et 8 novembre 2013, présentés pour M. F... B..., demeurant au..., par SCP Arvis et Komly-Nallier ; M. B... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1300799/5-1 du 11 juillet 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du

24 décembre 2012 par lequel le ministre de l'éducation nationale l'a mis à la retraite d'office à titre de sanction disciplinaire ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et la somme de 35 euros correspondant à la contribution pour l'aide juridique prévue par l'article R. 761-1 du code de justice administrative ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 21 novembre 2014 pour le ministre de l'éducation nationale ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 novembre 2014 :

- le rapport de Mme Amat, premier conseiller,

- les conclusions de M. Ouardes, rapporteur public,

- et les observations de Me A...pour M.B... ;

1. Considérant que, par décision du 24 décembre 2012, le ministre de l'éducation nationale a prononcé la mise à la retraite d'office de M. B...au motif de la fraude dont se serait rendu coupable celui-ci en dispensant le 27 janvier 2012 à ses élèves de classe préparatoire du lycée Louis Le Grand à Paris un cours de travaux dirigés (TD) dont l'originalité, le contenu et les questions (11 sur 71 questions du concours commun X-ESPCI-ENS) étaient similaires à ceux de l'épreuve de chimie de la session 2012 du concours commun X-ESPCI-ENS ; que M. B...relève régulièrement appel du jugement du 11 juillet 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ;

2. Considérant que le sujet du cours de travaux dirigés du 27 janvier 2012 était la réaction chimique MBH (Morita-Baylis-Hilman) que l'épouse du requérant, elle-même chimiste, avait utilisé en 2008 comme sujet de travaux dirigés qu'elle donnait aux étudiants de l'ENS Cachan dans le cadre de la préparation de l'agrégation ; qu'au mois de décembre 2008, lorsqu'elle a quitté ses fonctions pour devenir membre du jury de concours de l'agrégation,

Mme E...a transmis à M. B...ses supports de TD de l'ENS Cachan et notamment celui relatif à la réaction MBH ; que, de son côté, MmeE..., épouse du requérant, est devenue en septembre 2009 coordinatrice de l'épreuve de chimie pour l'Ecole polytechnique et chargée à ce titre de mettre au point des sujets en conformité avec le programme pour la validation de ceux-ci par l'inspection générale ; qu'elle a élaboré le sujet de secours de la session 2011 du concours commun X-ESPCI-ENS à partir du TD qu'elle avait conçu en 2008 pour la préparation qu'elle dispensait dans le cadre de l'ENS de Cachan ; que le sujet de secours de l'année 2011 a été ensuite choisi moyennant quelques adaptations pour être le sujet principal de la session du concours commun X-ESPCI-ENS de 2012 ; qu'à la suite de suspicions de " fuites " sur le sujet de chimie organique, le ministre de l'éduction nationale a été conduit à mener une enquête diligentée par l'inspection générale de l'éducation nationale à l'issue de laquelle il a conclu compte tenu d'un faisceau d'indices concordants que M. B...s'était rendu coupable de fraude ;

3. Considérant, en premier lieu, que l'inspection générale, à titre d'indice d'une fraude, a estimé que les notes prises par les élèves durant le TD du 27 janvier 2012 étaient plus proches de l'énoncé du concours que du texte utilisé par le requérant pour réaliser le TD du 27 janvier 2012 ; qu'il a par ailleurs été relevé que M. B...n'a produit le corrigé du TD du 27 janvier 2012 qu'en juin 2012 alors qu'il avait produit l'énoncé du TD dès le mois d'avril 2012 ; qu'il résulte toutefois de l'analyse de ces trois documents réalisée par M.D..., professeur de chimie renommé, que si le sujet de TD et le sujet de concours ont manifestement la même source, ils diffèrent toutefois dans leur forme et leur méthode d'exécution ; que les réponses contenues dans les notes prises par un élève et fournies par ce dernier à la direction du concours correspondent effectivement aux questions posées dans le TD, que les notes de correction comportent des erreurs qui seraient incompréhensibles si l'énoncé utilisé en TD était celui du concours mais qui sont cohérentes en revanche avec le sujet de du TD ; que cette analyse a été confirmée par le Docteur Géraldine Masson, chargée de recherche au CNRS et spécialiste de la réaction MBH ; que, par ailleurs, si l'inspection générale relève que le requérant aurait eu une difficulté à corriger la 6ème question de son TD, cette allégation n'est pas suffisamment établie dès lors qu'elle résulte du témoignage de l'élève qui a diffusé ses notes sous l'appellation " TD Secret " alors que les notes d'autres de ses camarades comportent la réponse à cette question ; qu'au demeurant M. B...avait l'habitude de " coller " ses étudiants sur la réaction MBH depuis l'année 2009 ainsi qu'il résulte des témoignages de M.C..., étudiant lors de l'année 2010-2011, de M.H..., étudiant de M. B...au cours de l'année scolaire 2009/2010, et de M.G..., professeur de chimie au lycée Janson-de-Sailly, ancien collègue du requérant ; qu'ainsi l'administration n'établit pas que le corrigé de M. B...n'aurait été rédigé que pour les besoins de la cause et que le requérant ne l'avait pas en sa possession lorsqu'il a dispensé le cours du 27 janvier 2012 ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que l'administration a également relevé à titre d'indice de fraude, que M. B...n'avait pas distribué au cours de la séance de travaux dirigés du 27 janvier 2012 d'énoncé photocopié à ses élèves contrairement à sa pratique habituelle et qu'en outre, il n'avait pas dispensé le TD N°16 - initialement prévu - dont il avait distribué l'énoncé à 14 heures avant son cours magistral ; que, toutefois, l'avancement du cours magistral du 27 janvier 2012, lequel s'est déroulé de 14 heures à 16 heures, ne permettait pas de faire les exercices prévus dans le TD N°16 ainsi qu'il résulte de l'attestation de M.G..., collègue

de M. B...et agrégé de chimie ; que c'est dans ces conditions que M. B...a décidé de faire travailler les élèves sur la réaction MBH laquelle avait été traitée lors de cours magistraux précédents ; qu'il ressort du témoignage de plusieurs élèves qu'au cours de l'année, M. B...a du changer le sujet de TD en raison de l'état d'avancement du cours magistral le précédant ; que si l'administration a relevé que M. B...n'avait pas distribué l'énoncé et le corrigé du TD aux élèves, il ressort toutefois des pièces du dossier que cette demande n'a émané que d'un seul élève alors que le corrigé comme l'énoncé des exercices avaient été écrits au tableau et consistaient essentiellement en des schémas réactionnels et qu'ainsi M. B...a pu logiquement à l'époque où il a dispensé son cours estimer que la distribution d'un document polycopié n'était pas indispensable ; qu'enfin, si un élève a intitulé la correction, partagée avec des camarades des autres classes préparatoires du lycée Louis Le Grand, " TD Secret " cette mention " TD secret " ne figure pas sur les notes de cours des autres élèves de la classe de M.B... ;

5. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les indices relevés par le ministre ne sont pas suffisants à eux seuls pour établir l'existence d'une fraude justifiant la mise à la retraite d'office de M. B...; qu'au demeurant, et au surplus, la commission de recours du conseil supérieur de la fonction publique d'Etat dans sa séance du 26 mars 2014 s'est prononcée en défaveur d'une sanction aux motifs notamment que " Mme E...a scrupuleusement respecté les protocoles de confidentialité à toutes les étapes d'élaboration du sujet de concours 2012, [...] des témoignages concordants et étayés de professeurs de chimie et d'élèves de M. B...tendant à démentir la thèse du ministre selon laquelle ce professeur connaissait le sujet du concours 2012 lorsqu'il a assuré son TD du 27 janvier 2012, d'autant qu'il est admis que M. B...avait pour habitude de coller les élèves de classe préparatoire sur la réaction de " Morita-Baylis-Himan " [...] ; qu'enfin, et au surplus, le parquet près le Tribunal de grande instance de Paris a, le 25 juin 2014, classé sans suite la procédure ouverte à l'encontre du requérant pour des faits de fraude aux examens ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, ni d'ordonner une expertise, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par ailleurs, il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat partie perdante en la présente instance la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B...et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1300799/5-1 du 11 juillet 2013 du Tribunal administratif de Paris et l'arrêté en date du 24 décembre 2012 du ministre de l'éducation nationale sont annulés.

Article 2 : La contribution pour l'aide juridique acquittée par M. B... est mise à la charge de l'Etat.

Article 3 : L'Etat versera à M. B...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

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N° 13PA03511


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 13PA03511
Date de la décision : 02/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-03-01 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Motifs. Faits de nature à justifier une sanction.


Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Nathalie AMAT
Rapporteur public ?: M. OUARDES
Avocat(s) : SCP ARVIS et KOMLY-NALLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2014-12-02;13pa03511 ?
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