Vu la requête, enregistrée le 7 novembre 2013, présentée pour la société China Shipping Container Lines, dont le siège est situé au Suntime International Mansion, 450 Fishan Road-Pudong- Shangaï (République populaire de Chine) et la société China Shipping France Agency, dont le siège est situé au 10, Place Léon Meyer au Havre (76600), par la SCP B...-Corlay-Marlange ; la société China Shipping Container Lines et la société China Shipping France Agency demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°1110058/2-1 et 1115151/2-1 du 17 septembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leurs demandes tendant, d'une part, à l'annulation du courrier du 7 avril 2011 par lequel le ministre de la défense a informé la société China Shipping France Agency qu'un titre de perception d'un montant de 139 257,39 euros serait émis à son encontre en sa qualité de représentant en France de la société China Shipping Container Lines, armateur du navire " Xing Qing Dao " dont des conteneurs étaient tombés en mer, d'autre part, au prononcé de la décharge de l'obligation de payer cette somme résultant du titre de perception émis le 14 avril 2011, et de de condamner l'Etat à leur restituer la somme en cause, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de son versement et d'en ordonner la capitalisation ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision et le titre de perception ;
3°) de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme de 139.257,39 euros ;
4°) d'ordonner à l'Etat la restitution, à leur profit, de la somme de 139 257,39 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de son versement ainsi que leur capitalisation ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982, publiée au Journal officiel de la République française par le décret n° 96-774 du 30 août 1996 ;
Vu la Convention internationale du 28 avril 1989 sur l'assistance, publiée au Journal officiel de la République française par le décret n° 2002-645 du 23 avril 2002 ;
Vu la loi n° 67-545 du 7 juillet 1967 relative aux événements de mer, alors en vigueur ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 novembre 2014 :
- le rapport de M. Auvray, président-assesseur,
- les conclusions de Mme Vrignon, rapporteur public,
- et les observations de Me B...pour la société China Shipping Container Lines et la société China Shipping France Agency ;
1. Considérant qu'après que le navire " Xing Qing Dao ", battant pavillon de la République populaire Chine, eut signalé, le 27 octobre 2004, avoir perdu en haute mer vingt conteneurs, le préfet maritime de l'Atlantique a mis en demeure son armateur, la compagnie China Shipping Container Lines, de prendre toutes les mesures appropriées pour faire cesser, avant le 28 octobre 2004, 12h00 GMT, le danger que constituait, pour la navigation maritime, la dérive de ces conteneurs, l'avertissant qu'à défaut, pourraient être prises à ses " frais, risques et périls toutes les mesures nécessaires pour mettre fin au danger " ; qu'à compter du
28 octobre 2004, plusieurs vols ont ainsi été effectués par des aéronefs de la marine nationale pour localiser ces conteneurs ; que l'un d'eux fut repéré le 2 novembre, et récupéré ce même jour par le bâtiment de soutien, d'assistance et de dépollution " Argonaute " affrété par les autorités ; que ce conteneur fut alors débarqué à Brest pour être pris en charge par un agent consignataire agissant pour la compagnie China Shipping Container Lines ; que, par une lettre du 26 novembre 2004, le directeur du commissariat de la marine à Brest a demandé à cette compagnie, faisant valoir que sa " responsabilité " était engagée, de réparer le préjudice subi par l'Etat, d'un montant de 139 257,39 euros, correspondant au coût de la mise en oeuvre des moyens militaires d'intervention de la marine nationale ; que, par courrier du 18 août 2005, le commissariat de la marine à Brest a rejeté la demande de remboursement de cette somme dont l'intéressée s'était acquittée ;
2. Considérant que, par jugement du 12 décembre 2006, le Tribunal administratif de Rennes a annulé les décisions des 26 novembre 2004 et 18 août 2005 et, par son article 2, condamné l'Etat à restituer à la société China Shipping France Agency la somme de 139 257,39 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 18 octobre 2005 ; que la Cour administrative d'appel de Nantes a, par arrêt du 2 décembre 2008, rejeté l'appel formé par le ministre de la défense contre ce jugement ; qu'enfin, par décision du 16 mars 2011, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, d'une part, annulé l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Nantes et l'article 2 du jugement du Tribunal administratif de Rennes, d'autre part, enjoint à l'Etat de restituer à la société China Shipping Container Lines, avec intérêts au taux légal à compter du 18 octobre 2005, la somme de 139 257,39 euros perçue sur le fondement de l'ordre de recettes annulé, dans un délai de deux mois à compter de la notification de sa décision si l'Etat n'avait pas émis, avant l'expiration de ce délai, un nouveau titre de perception dans des conditions régulières ;
3. Considérant que le 7 avril 2011, le ministre de la défense a adressé à la société China Shipping France Agency un courrier l'informant que serait émis à son encontre un titre de perception d'un montant de 139 257,39 euros représentant le coût de la mise en oeuvre des moyens militaires d'intervention de la marine nationale pour récupérer les conteneurs perdus en haute mer le 27 octobre 2004 par le navire " Xing Qing Dao " ; que les sociétés requérantes interjettent appel du jugement du 17 septembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leurs demandes tendant, d'une part, à l'annulation de ce courrier du 7 avril 2011 ainsi que du titre de perception émis le 14 avril suivant, d'autre part, au prononcé de la décharge de l'obligation de payer la somme de 139 257,39 euros ainsi qu'à la restitution, par l'Etat, de cette somme à leur profit ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
4. Considérant que si les sociétés requérantes font grief au jugement attaqué d'avoir omis de répondre au moyen tiré de ce qu'elles ne sont pas, à l'égard de l'Etat, les débitrices de la somme de 139 257,39 euros et que le résultat des recherches ne lui a pas été utile, il ressort des termes de ce jugement et, en particulier, de ses points 12 et 14, que les premiers juges ont au contraire exposé les raisons pour lesquelles ils ont écarté ce moyen ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
5. Considérant, en premier lieu, que le courrier contesté du 7 avril 2011 a été signé, au nom du ministre de la défense, par M. A...C..., chargé des fonctions de sous-directeur du contentieux, lequel disposait d'une délégation de signature à cet effet consentie par le directeur des affaires juridiques en vertu d'une décision du 15 septembre 2009 modifiée le
21 mai 2010, ayant fait l'objet d'une publication au Journal officiel de la République française respectivement les 17 octobre 2009 et 27 mai 2010 ; qu'eu égard aux termes de ce courrier, le titre de perception émis le 14 avril 2011 par l'agence comptable des services industriels de l'armement doit être regardé comme ayant été rendu exécutoire par M.C..., qui avait compétence pour ce faire pour la raison susdite, au nom du ministre de la défense ; qu'il suit de là que doit être écarté le moyen, invoqué par les sociétés requérantes, tiré de ce que les décisions contestées auraient été prises par une autorité incompétente ;
6. Considérant, en deuxième lieu, qu'en vertu des stipulations de l'article 221 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, et contrairement à ce que soutiennent les sociétés China Shipping Container Lines et China Shipping France Agency, il était loisible à l'Etat français, dans l'exercice de ses pouvoirs de police, d'intervenir pour rechercher et récupérer les conteneurs tombés à la mer en dehors de ses eaux territoriales dès lors que la dérive de ces marchandises très volumineuses, susceptibles de causer un accident en mer, présentait un danger grave pour la navigation en particulier dans la zone en cause, dite du rail d'Ouessant, très fréquentée, et exposant ainsi les côtes françaises à un risque de pollution en cas de collision avec un autre navire ;
7. Considérant, en troisième lieu, que l'article 1er de la Convention internationale du
28 avril 1989 précise, dans son a), que les opérations d'assistance s'entendent de " Tout acte ou activité entrepris pour assister un navire ou tout autre bien en danger dans les eaux navigables ou dans n'importe quelles autres eaux " et, dans son c), que le terme " bien " désigne " Tout bien qui n'est pas attaché de façon permanente et intentionnelle au littoral et comprend le fret en risque " ; que le paragraphe 3 de l'article 5 de la Convention internationale sur l'assistance stipule que : " La mesure dans laquelle une autorité publique qui est obligée d'exécuter des opérations d'assistance peut se prévaloir des droits et recours prévus par la présente Convention est déterminée par la législation de l'Etat où cette autorité est située " ; que, sauf le cas où l'assistant est en droit de réclamer l'indemnité spéciale prévue par l'article 14 de la Convention du 28 avril 1989, la rémunération qui lui est due est fixée selon les modalités prévues aux paragraphes 1 et 3 de l'article 13 et doit être payée, aux termes du paragraphe 2 du même article, par " toutes les parties intéressées au navire et aux autres biens sauvés en proportion de leur valeur respective " ; que, sous les réserves qu'il prévoit, l'article 21 de la loi du 7 juillet 1967 relative aux événements de mer rend applicables aux navires de l'Etat et aux navires affectés à un service public les dispositions de cette loi relatives à l'assistance et, notamment, celles de son article 10 aux termes duquel " tout fait d'assistance ayant eu un résultat utile donne lieu à une équitable rémunération " ; que, contrairement à ce que soutiennent les sociétés requérantes, ces dispositions combinées ont pour effet de permettre aux autorités publiques de se prévaloir des stipulations des articles 12 et 13 de la Convention du
28 avril 1989 lesquelles prévoient le principe d'une rémunération dans les conditions susdites, alors même que la loi du 7 juillet 1967 est antérieure à la Convention internationale du
28 avril 1989 ;
8. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 13 de la Convention du
28 avril 1989 : " 1. La rémunération est fixée en vue d'encourager les opérations d'assistance compte tenu des critères suivants, sans égard à l'ordre dans lequel ils sont présentés ci-dessous : / a) La valeur du navire et des autres biens sauvés ; / b) l'habilité et les efforts des assistants pour prévenir ou limiter les dommages à l'environnement ; / c) L'étendue du succès obtenu par l'assistant ; / d) la nature et l'importance du danger ; / e) L'habileté et les efforts des assistants pour sauver le navire, les autres biens et les vies humaines ; / f) le temps passé, les dépenses effectuées et les pertes subies par les assistants ; / g) Le risque de responsabilité et les autres risques courus par les assistants ou leur matériel ; / h) La promptitude des services rendus ; / i) La disponibilité et l'usage de navires ou d'autres matériels destinés aux opérations d'assistance ; / j) L'état de préparation ainsi que l'efficacité et la valeur du matériel de l'assistant ; 2. Le paiement d'une rémunération fixée conformément au paragraphe 1 doit être effectué par toutes les Parties intéressées au navire et aux autres biens sauvés en proportion de leur valeur respective. Toutefois, un Etat Partie peut prévoir, dans sa législation nationale, que le paiement d'une rémunération doit être effectué par l'une des Parties intéressées, étant entendu que cette Partie a un droit de recours contre les autres Parties pour leur part respective. Aucune disposition du présent article ne porte préjudice à l'exercice de tout droit de défense. / 3. Les rémunérations, à l'exclusion de tous intérêts et frais juridiques récupérables qui peuvent être dus à cet égard, ne dépassent la valeur du navire et des autres biens sauvés " ;
9. Considérant, d'une part, que si les sociétés requérantes font valoir qu'aucune d'elles n'était propriétaire de la cargaison récupérée, il est constant que la société China Shipping Container Lines, dont la société China Shipping France Agency est le représentant déclaré en France, est l'armateur du navire " Xing Qing Dao " ayant perdu en mer une partie de sa cargaison ; que, dans ces conditions, la société China Shipping Container Lines doit être regardée comme une partie intéressée à la sauvegarde de la cargaison au sens du paragraphe 2 de l'article 13 de la Convention du 28 avril 1989 à laquelle incombe le paiement de la rémunération due à l'Etat français, sans préjudice de son recours contre le propriétaire des marchandises et nonobstant la circonstance que le commandant du navire n'a pas sollicité d'assistance ;
10. Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction et, notamment du rapport d'expertise établi le 9 novembre 2004 par la société Brittany Marine Services pour le compte de la société China Shipping France Agency, que le conteneur récupéré par la marine nationale était rempli de cartons de cigarettes dont la partie non dégradée, soit 126 cartons sur un total de 847, représentait, en cas de commercialisation en France, une valeur totale de 457 380 euros ; que, dès lors, les sociétés requérantes, qui n'apportent aucun élément de nature à combattre utilement les conclusions de ce rapport d'expertise, ne peuvent soutenir que l'opération d'assistance menée par la marine nationale n'aurait point eu un résultat utile au sens et pour l'application du paragraphe 1 de l'article 12 de la Convention du 28 avril 1989 ;
11. Considérant, en outre, que, pour évaluer le coût des opérations de recherche des vingt conteneurs tombés à la mer, qui ont permis d'en récupérer un, le ministre de la défense a produit des éléments circonstanciés indiquant les moyens mis en oeuvre pour mener à bien l'opération, en l'espèce un navire et deux aéronefs, ainsi que leur durée d'utilisation et leurs coûts horaires attestés par un commissaire de la marine, dont il ressort que le coût total s'élève à 139 257,39 euros, montant mis à la charge de la société China Shipping France Agency par le titre de perception contesté émis le 14 avril 2011; que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, les modalités de calcul de la rémunération due à l'Etat français retenues par le ministre de la défense sont conformes à celles prévues par les stipulations du 1 de l'article 13 de la Convention du 28 avril 1989 ;
12. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 23 de la Convention du
28 avril 1989 : " 1. Toute action en paiement en vertu de la présente Convention est prescrite si une procédure judiciaire ou arbitrale n'a pas été engagée dans un délai de deux ans. Le délai de prescription court du jour où les opérations d'assistance ont été terminées. / 2. La personne contre laquelle une créance a été formée peut à tout moment, pendant le délai de prescription, prolonger celui-ci par une déclaration adressée au créancier. Le délai peut, de la même façon, être à nouveau prolongé " ;
13. Considérant que les sociétés requérantes soutiennent que la créance de l'Etat français est prescrite motifs pris, d'une part, que le titre de perception contesté a été émis le
14 avril 2011, soit plus de deux ans après la fin des opérations d'assistance, intervenue le
2 novembre 2004, d'autre part, que les précédentes décisions des 26 novembre 2004 et
18 août 2005, par lesquelles l'Etat avait mis la somme contestée à leur charge, ont fait l'objet d'annulations contentieuses, ce qui fait obstacle à ce qu'elles puissent être regardée comme étant interruptives de prescription ;
14. Considérant qu'après s'être spontanément acquittée de la somme de
139 257,39 euros par virement du 23 février 2005 réclamée par un courrier du
26 novembre 2004 du directeur du commissariat de la marine à Brest, la société China Shipping Container Lines a formé un recours gracieux tendant à se voir restituer la somme en cause puis, après le rejet de ce recours par décision du 18 août 2005, a introduit un recours contentieux devant le Tribunal administratif de Rennes qui, par jugement n° 0504738 du
12 décembre 2006, a annulé les décisions des 26 novembre 2004 et 18 août 2005 en son article 1er et ordonné à l'Etat le reversement de la somme litigieuse en son article 2 ; que si, par arrêt n° 07NT00511, la Cour administrative de Nantes a rejeté l'appel interjeté par le ministre de la défense contre ce jugement, le Conseil d'Etat, saisi par le ministre, a, par décision n° 324984 du 16 mars 2011, d'une part, prononcé l'annulation de l'arrêt de la Cour administrative de Nantes et l'annulation de l'article 2 du jugement du Tribunal administratif de Rennes, d'autre part, enjoint à l'Etat de restituer à la compagnie China Shipping Container Lines la somme de 139 257,39 euros, mais seulement dans le cas où l'Etat n'émettrait pas, avant un délai de deux mois à compter de la notification de sa décision, un nouvel ordre de recette dans des conditions régulières, dès lors que la créance de l'Etat était bien fondée ; qu'ainsi, c'est en exécution de cette décision de justice que l'Etat a émis, le 14 avril 2011, soit dans le délai de deux mois imparti par le Conseil d'Etat, le titre de perception contesté, précédé de la décision litigieuse du 7 avril 2011 ; que, dès lors, les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que la prescription de deux ans, prévue à l'article 23 de la Convention du 28 avril 1989, leur était acquise lorsque l'Etat a pris les décisions contestées ;
15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les sociétés China Shipping Container Lines et China Shipping France Agency ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur requête ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
16. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, en la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que les sociétés requérantes demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête des sociétés China Shipping Container Lines et China Shipping France Agency est rejeté.
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N° 13PA04069