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13/11/2014 | FRANCE | N°13PA00611

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 13 novembre 2014, 13PA00611


Vu la requête, enregistrée le 14 février 2013, présentée pour la société civile immobilière (SCI) DAV, prise en la personne de ses représentants légaux, dont le siège social est 11 place de la Nation à Paris (75011), par Me Attal, avocat ; la société DAV demande à la

Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1008622/4 du 29 novembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté n° 2010/7076

du 14 octobre 2010 par lequel le préfet du Val-de-Marne a déclaré d'utilité publique au profit de la co

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Vu la requête, enregistrée le 14 février 2013, présentée pour la société civile immobilière (SCI) DAV, prise en la personne de ses représentants légaux, dont le siège social est 11 place de la Nation à Paris (75011), par Me Attal, avocat ; la société DAV demande à la

Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1008622/4 du 29 novembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté n° 2010/7076

du 14 octobre 2010 par lequel le préfet du Val-de-Marne a déclaré d'utilité publique au profit de la commune de Saint-Mandé l'acquisition des immeubles sis 182 avenue Gallieni et 3 rue des Vallées ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté préfectoral ;

3°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

Vu la loi n° 70-612 du 10 juillet 1970 modifiée tendant à faciliter la suppression de l'habitat insalubre ;

Vu le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'État dans les régions et départements ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 octobre 2014 :

- le rapport de M. Romnicianu, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Bonneau-Mathelot, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., pour la commune de Saint-Mandé ;

1. Considérant que la société civile immobilière (SCI) DAV est propriétaire d'une parcelle de terrain, d'une superficie de 348 m2, située 182 avenue Gallieni et 3 rue des Vallées à Saint-Mandé, sur laquelle sont édifiés deux immeubles de rapport ; que cet ensemble immobilier, d'une "superficie développée pondérée hors oeuvre" (SDPHO) de 1 189 m2, comprend, outre 2 locaux commerciaux situés au rez-de-chaussée, 18 logements d'habitation, pour la plupart occupés ; que, par une série d'arrêtés pris au cours des années 2007, 2008 et 2009, en application de l'article L. 1331-28 du code de la santé publique, le préfet du Val-de-Marne a déclaré insalubres environ la moitié de ces logements, certains avec possibilité d'y remédier, d'autres à titre irrémédiable ; que, par une délibération en date du 31 mars 2009, le conseil municipal de la commune de Saint-Mandé a saisi les services de l'Etat aux fins d'engager une procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique ; que, par un arrêté n° 2010/1561 en date du 8 janvier 2010, le préfet du Val-de-Marne a prescrit, sur le fondement du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, l'ouverture d'une enquête publique ; que cette enquête s'est déroulée du 1er février au 13 mars 2010 ; que le commissaire enquêteur a déposé son rapport le 9 avril 2010 et émis un avis favorable à l'opération ; que, par une délibération en date du 21 septembre 2010, le conseil municipal de la commune de Saint-Mandé a demandé au préfet du Val-de-Marne de déclarer d'utilité publique l'acquisition des deux immeubles en cause ; que, par un arrêté n°2010/7076 en date du 14 octobre 2010, le préfet du Val-de-Marne a déclaré d'utilité publique, au profit de la commune de Saint-Mandé, l'acquisition des immeubles sis 182 av. Gallieni et 3 rue des Vallées ; que, par un jugement en date du 29 novembre 2012, qui fait l'objet du présent appel, le Tribunal administratif de Melun a rejeté la demande de la société DAV tendant à l'annulation de cet arrêté préfectoral ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Saint-Mandé ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la légalité externe de l'arrêté litigieux :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 11-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " I. - L'expropriation d'immeubles, en tout ou partie, ou de droits réels immobiliers ne peut être prononcée qu'autant qu'elle aura été précédée d'une déclaration d'utilité publique intervenue à la suite d'une enquête publique et qu'il aura été procédé contradictoirement à la détermination des parcelles à exproprier ainsi qu'à la recherche des propriétaires, des titulaires de droits réels et autres intéressés. / (...) " ; qu'aux termes de l'article L.11-2 du même code : " L'utilité publique est déclarée par arrêté ministériel ou par arrêté préfectoral. / (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 11-1 du même code : " L'utilité publique, dans les cas autres que ceux énumérés à l'article R. 11-2, est déclarée : / 1° Par arrêté du préfet du lieu des immeubles faisant l'objet de l'opération lorsque l'opération se situe sur le territoire d'un seul département ; / (...) " ; qu'enfin, aux termes de l'article 43 du décret du 29 avril 2004 susvisé : " Le préfet de département peut donner délégation de signature (...) : / 1° En toutes matières et notamment pour celles qui intéressent plusieurs chefs des services déconcentrés des administrations civiles de l'Etat dans le département, au secrétaire général et aux chargés de mission " ;

3. Considérant que, par l'article 1er de l'arrêté n° 2009/2991 du 30 juillet 2009 portant délégation de signature à M. Christian Rock, secrétaire général de la préfecture du Val-de-Marne, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture n°14 du 17 juillet au 31 juillet 2009, complété et modifié par l'arrêté n°2009/5101 du 2 décembre 2009, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture n° 10 du 20 mai au 7 juin 2010, le préfet du Val-de-Marne a donné à M. Christian Rock, secrétaire général de la préfecture, délégation pour signer tous arrêtés relevant des attributions de l'Etat dans le département à l'exception de certaines catégories parmi lesquelles ne figurent pas les déclarations d'utilité publique ; qu'en outre, la délégation de signature accordée par le préfet du Val-de-Marne à M. Christian Rock est conforme à l'article 43 du décret du 29 avril 2004 susvisé aux termes duquel : " Le préfet de département peut donner délégation de signature : 1°) En toutes matières (...) au secrétaire général et aux chargés de mission ; / (...) " ; qu'enfin, dans les termes où elle est rédigée, la délégation de signature dont justifiait pour prendre la décision litigieuse M. Christian Rock, était définie avec une précision suffisante ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte contesté manque en fait et doit, dès lors, être écarté ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article R. 11-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " L'expropriant adresse au préfet pour être soumis à l'enquête un dossier qui comprend obligatoirement : [...] II.-Lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de l'acquisition d'immeubles, ou lorsqu'elle est demandée en vue de la réalisation d'une opération d'aménagement ou d'urbanisme importante et qu'il est nécessaire de procéder à l'acquisition des immeubles avant que le projet n'ait pu être établi : 1° Une notice explicative ; 2° Le plan de situation ; 3° Le périmètre délimitant les immeubles à exproprier ; 4° L'estimation sommaire des acquisitions à réaliser. / Dans les cas prévus aux I et II ci-dessus, la notice explicative indique l'objet de l'opération et les raisons pour lesquelles, notamment du point de vue de l'insertion dans l'environnement, parmi les partis envisagés, le projet soumis à l'enquête a été retenu. La notice explicative comprend, s'il y a lieu, les indications mentionnées à l'article R. 122-15 du code de l'environnement. " ; qu'il est constant que, la procédure d'expropriation litigieuse ayant exclusivement pour objet l'acquisition et la rénovation intérieure d'immeubles, la composition du dossier soumis à l'enquête publique était régie par les seules prescriptions du II de l'article R. 11-3 précité ; qu'il ne résulte pas desdites prescriptions que le dossier dit "simplifié" doive comporter un "plan général des travaux", ainsi que "les caractéristiques principales des ouvrages les plus importants" ; que, par suite, le moyen tiré de l'absence de ces éléments au dossier est inopérant ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'en vertu des dispositions de l'article R. 11-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, la notice explicative, qui doit figurer dans le dossier établi par l'expropriant pour être soumis à l'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique, "indique l'objet de l'opération et les raisons pour lesquelles, notamment du point de vue de l'insertion dans l'environnement, parmi les partis envisagés, le projet soumis à l'enquête a été retenu" ; que la notice explicative insérée dans le dossier de l'enquête organisée préalablement à l'intervention de l'arrêté contesté exposait les obligations imposées par la loi dite " SRU " à la commune de Saint-Mandé en termes de construction de logements sociaux et de maintien de la mixité sociale sur son territoire, ainsi que les contraintes pesant sur ladite commune en termes d'insuffisance d'espace constructible ; qu'en outre, la notice mentionnait l'état d'insalubrité récurrent des immeubles litigieux et soulignait les carence de la SCI propriétaire dans la gestion locative de ses biens ; qu'elle concluait à cet égard que " seul le transfert de ces immeubles dans le domaine public est de nature à permettre leur réhabilitation dans les règles de l'art, leur entretien dans la durée et une gestion locative rigoureuse " ; qu'elle précisait enfin que " le choix de ces immeubles pour la réalisation de l'opération a également été dicté par leur situation centrale sur le territoire de Saint-Mandé " ; qu'ainsi, la teneur de la notice explicative satisfaisait aux conditions fixées par les dispositions de l'article R. 11-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

6. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article R. 11-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " L'expropriant adresse au préfet pour être soumis à l'enquête un dossier qui comprend obligatoirement : [...] II.- Lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de l'acquisition d'immeubles, ou lorsqu'elle est demandée en vue de la réalisation d'une opération d'aménagement ou d'urbanisme importante et qu'il est nécessaire de procéder à l'acquisition des immeubles avant que le projet n'ait pu être établi : (...) 4° L'estimation sommaire des acquisitions à réaliser " ; que l'obligation ainsi faite à l'autorité publique qui poursuit la déclaration d'utilité publique en vue de l'acquisition d'immeubles a pour but de permettre à tous les intéressés de s'assurer que ces acquisitions, compte tenu de leur coût total réel, tel qu'il peut être raisonnablement apprécié à l'époque de l'enquête, ont un caractère d'utilité publique ; que seule une sous-évaluation importante du coût global de l'opération, de nature à aboutir à un bouleversement de son économie, est susceptible, le cas échéant, d'entacher d'illégalité la procédure ;

7. Considérant qu'il est constant que figurait au dossier l'avis de France Domaine fixant la valeur vénale des immeubles à la somme de 2.656.000 € ; qu'ainsi, en l'espèce, les informations relatives au coût de l'opération soumise à enquête publique étaient suffisantes et n'étaient pas, à la date à laquelle elles ont été établies, manifestement sous-évaluées ; qu'en particulier, le coût des travaux de rénovation des immeubles, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait été manifestement sous-évalué, a dûment été pris en compte aux fins d'estimation du coût total de l'opération ; qu'en outre, la SCI DAV ne saurait utilement soutenir que l'estimation du coût desdits travaux de rénovation des immeubles serait surévaluée faute de tenir compte du "montant extrêmement important des dépenses réalisées par le propriétaire dans l'immeuble" ; que, par suite, le moyen tiré du caractère erroné de l'estimation sommaire de l'acquisition ne peut qu'être écarté ;

8. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article R. 11-10 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : "Le commissaire enquêteur ou la commission examine les observations consignées ou annexées aux registres et entend toutes personnes qu'il paraît utile de consulter ainsi que l'expropriant s'il le demande. Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête rédige des conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables ou non à l'opération. Le commissaire enquêteur ou le président de la commission d'enquête transmet le dossier avec ses conclusions soit au préfet si l'enquête est ouverte à la préfecture, soit au sous-préfet dans les autres cas. Le dossier est transmis, le cas échéant, par le sous-préfet au préfet avec son avis. Ces opérations, dont il est dressé procès-verbal, doivent être terminées dans un délai d'un mois à compter de l'expiration du délai d'enquête fixé dans l'arrêté du préfet visé à l'article R. 11-4 " ; que la règle de motivation, prévue à l'article R. 11-10 précité du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, oblige le commissaire enquêteur à apprécier les avantages et les inconvénients de l'opération et à indiquer, au moins sommairement, en donnant son avis personnel, les raisons qui déterminent le sens de cet avis ;

9. Considérant qu'il ressort du rapport du commissaire enquêteur que ce dernier a analysé l'ensemble des observations présentées au cours de l'enquête publique par les locataires, les riverains et la SCI propriétaire ; qu'il a notamment examiné l'ensemble des arguments et des pièces produits par cette dernière ; qu'enfin, après avoir procédé à l'examen, qui lui incombait, des avantages et des inconvénients comparés du projet, il a émis un avis favorable suffisamment motivé sur l'utilité publique de l'opération projetée ; qu'en outre, contrairement à ce que soutient la société requérante, le rapport, qui conclut à l'utilité publique de l'opération au regard tant de l'objectif de résorption de l'habitat insalubre que de celui de la création de logements sociaux, n'est entaché d'aucune contradiction de motifs ; que, par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du rapport du commissaire enquêteur au regard des dispositions précitées de l'article R. 11-10 ne peut qu'être écarté ;

10. Considérant, en sixième lieu, que si le 3 de l'article L. 11-1-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique prévoit que " l'acte déclarant l'utilité publique est accompagné d'un document qui expose les motifs et considérations justifiant le caractère d'utilité publique de l'opération ", ces dispositions, qui exigent que l'auteur de la décision, une fois cette dernière prise, porte à la connaissance du public une information supplémentaire explicitant les motifs et les considérations qui l'ont fondée, ne sauraient être interprétées comme imposant une motivation en la forme de la déclaration d'utilité publique qui serait une condition de légalité de cette dernière ; qu'ainsi les dispositions de cet article ne peuvent être utilement invoquées à l'encontre d'un acte déclarant d'utilité publique une opération ; qu'en outre, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose de viser le plan départemental de lutte contre l'habitat insalubre, ni le projet d'aménagement et de développement durable (PADD) ; qu'enfin, il ressort des pièces du dossier que, conformément aux dispositions précitées de l'article L. 11-1-1, l'acte contesté était accompagné de documents exposant les motifs et considérations justifiant le caractère d'utilité publique de l'opération, notamment la délibération du conseil municipal de Saint-Mandé en date du 21 septembre 2010 ainsi que le rapport du commissaire enquêteur ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté litigieux ne peut qu'être écarté ;

En ce qui concerne la légalité interne de l'arrêté litigieux :

S'agissant du moyen tiré de l'exception d'illégalité de la délibération du 31 mars 2009 :

11. Considérant que la SCI DAV excipe de l'illégalité de la délibération du 31 mars 2009 par laquelle le conseil municipal de la commune de Saint-Mandé a demandé au préfet du Val-de-Marne de prescrire l'ouverture d'une enquête publique préalable à la déclaration d'utilité publique, faisant valoir que cette délibération est insuffisamment motivée ; que, toutefois, ladite délibération n'est pas au nombre des actes qui doivent être motivés en application de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la délibération est inopérant ;

S'agissant du moyen tiré du détournement de procédure :

12. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 11-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : "L'expropriation d'immeubles, en tout ou partie, ou de droits réels immobiliers, ne peut être prononcée qu'autant qu'elle aura été précédée d'une déclaration d'utilité publique intervenue à la suite d'une enquête et qu'il aura été procédé contradictoirement à la détermination des parcelles à exproprier, ainsi qu'à la recherche des propriétaires, des titulaires de droits réels et des autres intéressés" ;

13. Considérant, d'autre part, que l'article 13 de la loi susvisée du 10 juillet 1970 tendant à faciliter la résorption de l'habitat insalubre autorise l'expropriation, dans des conditions dérogatoires à certaines dispositions du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, "des immeubles déclarés insalubres à titre irrémédiable en application des articles L. 1331-25 et L. 1331-28 du code de la santé publique", ainsi que "des immeubles à usage total ou partiel d'habitation, ayant fait l'objet d'un arrêté de péril pris en application de l'article L. 511-2 du code de la construction et de l'habitation et assorti d'une ordonnance de démolition ou d'interdiction définitive d'habiter" et, enfin, "à titre exceptionnel, des immeubles qui ne sont eux-mêmes ni insalubres, ni impropres à l'habitation, lorsque leur expropriation est indispensable à la démolition d'immeubles insalubres ou d'immeubles menaçant ruine, ainsi que des terrains où sont situés les immeubles déclarés insalubres ou menaçant ruine lorsque leur acquisition est nécessaire à la résorption de l'habitat insalubre, alors même qu'y seraient également implantés des bâtiments non insalubres ou ne menaçant pas ruine" ; que, dans le cadre de l'expropriation ainsi prévue par l'article 13 de la loi, le préfet déclare d'utilité publique l'expropriation et déclare cessibles les biens immobiliers visés dans son arrêté sans avoir à faire procéder à l'enquête mentionnée à l'article L. 11-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, selon l'article 14 de la loi ;

14. Considérant que la SCI DAV fait valoir que le préfet du Val-de-Marne aurait dû utiliser la procédure prévue par la loi susvisée du 10 juillet 1970 tendant à la résorption de l'habitat insalubre ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'opération que le préfet du Val-de-Marne a déclarée d'utilité publique par son arrêté litigieux en date du 14 octobre 2010, sur le fondement des dispositions de droit commun du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, vise non seulement à résorber l'insalubrité des immeubles appartenant à la SCI, dont environ la moitié des logements avaient été déclarés insalubres par arrêté préfectoral en vertu de l'article L. 1331-28 du code de la santé publique, mais aussi, après rénovation desdits appartements, à les inclure dans le parc locatif social de la commune ; qu'ainsi, les objectifs poursuivis par cette opération sont, outre la lutte contre l'insalubrité, l'amélioration globale des conditions résidentielles du quartier, le rééquilibrage social du quartier avec la production de logements à loyers modérés et enfin la valorisation de l'image du quartier ; qu'eu égard aux finalités d'urbanisme diversifiées que poursuivait ainsi le projet dans le cadre de l'aménagement du centre ville de Saint-Mandé, le préfet du Val-de-Marne n'a en tout état de cause commis aucun détournement de procédure en empruntant les voies de droit commun, qui offrent de surcroît des garanties plus étendues au propriétaire intéressé, au lieu de recourir à la procédure dérogatoire des articles 13 et 14 de la loi du 10 juillet 1970 pour prononcer la déclaration d'utilité publique ; que, par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté préfectoral portant déclaration d'utilité publique serait entaché de détournement de procédure ;

S'agissant de l'utilité publique du projet :

15. Considérant qu'il appartient au juge, lorsqu'il doit se prononcer sur le caractère d'utilité publique d'une opération nécessitant l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers, de contrôler successivement qu'elle répond à une finalité d'intérêt général, que l'expropriant n'était pas en mesure de réaliser l'opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation, notamment en utilisant des biens se trouvant dans son patrimoine et, enfin, que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les inconvénients d'ordre social ou économique que comporte l'opération ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente ;

16. Considérant, en l'espèce, que, comme il a été dit au point 14 du présent arrêt, l'expropriation en cause a été poursuivie dans le cadre de la procédure de droit commun ; que les objectifs susrappelés de lutte contre l'insalubrité des logements, d'amélioration des conditions résidentielles, de mixité sociale, de participation au rééquilibrage social du quartier et de valorisation de son image par une réalisation de grande qualité urbaine et architecturale, poursuivis en l'espèce par la commune de Saint-Mandé, conféraient à l'opération qu'elle projetait un caractère d'utilité publique ; qu'en particulier, les obligations imposées par la loi SRU, telles que traduites dans le " contrat de mixité sociale " conclu entre l'Etat et la commune de Saint-Mandé le 11 mars 2009, imposaient à la commune d'accroître son parc locatif social ; que la commune soutient, sans être utilement contredite sur ce point, qu'elle ne disposait d'aucune solution alternative, faute de disposer de terrains et d'immeubles pouvant être utilisés pour la réalisation de logements sociaux ; que, par ailleurs, l'état d'insalubrité des immeubles en cause, auquel, nonobstant les nombreuses mises en demeure qui lui ont adressées, la SCI n'a pas voulu remédier, a été constaté à plusieurs reprises par les autorités compétentes ; qu'à cet égard, si la société requérante fait valoir qu'elle s'est finalement résolue à entreprendre d'importants travaux de rénovation des immeubles, cette circonstance, postérieure à la décision litigieuse, est en tout état de cause sans incidence sur la légalité de celle-ci ; qu'enfin, ni les atteintes que l'opération litigieuse était susceptible de causer à la propriété privée et qui doivent s'apprécier, en ce qui concerne la société requérante, compte tenu de l'état d'extrême vétusté de ses immeubles déclarés insalubres, ni son coût financier, qui n'apparaît pas excessif au regard des intérêts en cause, ne sont de nature à lui retirer ce caractère d'utilité publique ;

17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la commune, que la décision litigieuse du 14 octobre 2010 n'est pas entachée d'illégalité ; que la SCI DAV n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

19. Considérant que les dispositions précitées font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Saint-Mandé, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SCI DAV demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la SCI DAV une somme de 1 500 euros au titre des frais engagés par la commune de Saint-Mandé et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société DAV est rejetée.

Article 2 : La société DAV versera à la commune de Saint-Mandé une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 11PA00434

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N° 13PA00611


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 13PA00611
Date de la décision : 13/11/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme TERRASSE
Rapporteur ?: M. Michel ROMNICIANU
Rapporteur public ?: Mme BONNEAU-MATHELOT
Avocat(s) : ADP AVOCAT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2014-11-13;13pa00611 ?
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