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23/10/2014 | FRANCE | N°13PA03926

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre, 23 octobre 2014, 13PA03926


Vu la requête, enregistrée le 29 octobre 2013, présentée par le préfet de police ; le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1304850/6-3 du 26 septembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande de M. A...B...en annulant l'arrêté du 17 janvier 2013 constatant la caducité de son droit au séjour, portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination et en mettant à la charge de l'Etat la somme de 600 euros à verser à son avocat en application de l'article L. 761-1 du code de jus

tice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 rel...

Vu la requête, enregistrée le 29 octobre 2013, présentée par le préfet de police ; le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1304850/6-3 du 26 septembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande de M. A...B...en annulant l'arrêté du 17 janvier 2013 constatant la caducité de son droit au séjour, portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination et en mettant à la charge de l'Etat la somme de 600 euros à verser à son avocat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant le Tribunal administratif de Paris ;

....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu la circulaire du 22 décembre 2006 relative aux modalités d'admission des ressortissants roumains et bulgares à partir du 1er janvier 2007 ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 octobre 2014, le rapport de M. Polizzi, président assesseur ;

1. Considérant que le préfet de police, estimant que M. A... B..., ressortissant roumain né le 24 février 1950, se maintenait depuis plus de trois mois en France, où il ne disposait d'aucun droit au séjour, lui a, par arrêté en date du 17 janvier 2013, fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois à destination de son pays d'origine ou de tout autre pays où il établirait être légalement admissible sur le fondement des dispositions des articles L. 121-1 et suivants et L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le préfet de police demande à la Cour l'annulation du jugement du 26 septembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté comme étant entaché d'une erreur de droit en méconnaissance des dispositions de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur les conclusions du préfet de police dirigées contre le jugement du Tribunal administratif de Paris :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne (...) a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 511-3-1 du même code : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) à quitter le territoire français lorsqu'elle constate : 1° Qu'il ne justifie plus d'aucun droit au séjour tel que prévu par les articles L. 121-1, L. 121-3 ou L. 121-4-1 ; 2° Ou que son séjour est constitutif d'un abus de droit (...) Constitue un abus de droit le fait de renouveler des séjours de moins de trois mois dans le but de se maintenir sur le territoire alors que les conditions requises pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois ne sont pas remplies. Constitue également un abus de droit le séjour en France dans le but essentiel de bénéficier du système d'assistance sociale ; (...) L'étranger dispose, pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, d'un délai qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à trente jours à compter de sa notification. A titre exceptionnel, l'autorité administrative peut accorder un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. L'obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel il est renvoyé en cas d'exécution d'office (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le préfet peut prononcer une obligation de quitter le territoire français à l'encontre d'un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne dans le cas où il constate que l'intéressé séjourne en France depuis plus de trois mois sans interruption, et ne justifie plus d'aucun droit au séjour ; qu'il incombe toutefois à l'administration, en cas de contestation sur la durée du séjour d'un citoyen de l'Union européenne dont elle a décidé l'éloignement, de faire valoir les éléments sur lesquels elle se fonde pour considérer qu'il ne remplit plus les conditions pour séjourner en France ; que l'administration peut, notamment, s'appuyer sur les déclarations préalablement faites par l'intéressé ; qu'il appartient alors à l'étranger qui demande l'annulation de cette décision d'apporter tout élément de nature à en contester le bien-fondé, selon les modalités habituelles de l'administration de la preuve ;

4. Considérant que, pour annuler l'arrêté du préfet de police, le Tribunal administratif de Paris a considéré que le préfet de police, qui n'indique pas à quelle date M. B...est, selon lui, entré en France, n'apporte aucun élément de nature à établir que la durée du séjour de l'intéressé sur le territoire français excéderait les trois mois à la date où il a pris sa décision et que, si le préfet fait valoir que l'intéressé, sans domicile fixe, ne disposait pas de ressources lui permettant de séjourner sur le territoire français, cette circonstance, prévue par les dispositions de l'article L. 121-1, n'est pas opposable au requérant dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que ce dernier séjournait en France depuis plus de trois mois à la date de l'arrêté attaqué ou qu'il aurait commis un abus de droit en renouvelant des séjours de moins de trois mois dans le but de se maintenir sur le territoire français ;

5. Considérant, toutefois, que, pour estimer que M. B... résidait en France depuis plus de trois mois, le préfet de police a produit au dossier, une fiche d'examen de situation administrative, établie le 17 janvier 2013, soit le jour même de son arrêté ; que cette fiche, signée par le requérant et par un interprète, indique qu'il est entré en France deux ans auparavant ; que cette fiche révèle ainsi qu'à la date de la décision attaquée du 17 janvier 2013, M. B... séjournait en France depuis plus de trois mois ; qu'à cet égard, les circonstances qu'aucun agent assermenté n'a été présent et n'a signé cette fiche d'examen et qu'il n'a pas été auditionné par un agent ou un officier de police judiciaire sont sans influence ; que l'intéressé n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause cette pièce ; que s'il soutient qu'il est régulièrement entré pour la dernière fois en France le 19 décembre 2012, soit depuis moins de trois mois avant la date de la décision litigieuse, il ne l'établit pas en se bornant à produire une copie de son passeport établi en Roumanie le 19 septembre 2012, soit près de quatre mois avant l'arrêté attaqué ; qu'en outre, M. B... qui a reconnu vivre dans un camp sauvage, recourir à la mendicité, disposer de 20 euros de revenus journaliers et ne pas avoir de sécurité sociale personnelle, n'établit pas qu'il disposerait d'une assurance maladie et de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale français ; que, par suite, le préfet de police n'a ni commis d'erreur de fait sur la date de son entrée sur le territoire français, ni privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que dès lors le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé son arrêté comme étant entaché d'une erreur de droit en méconnaissance de l'article L. 121-1 précité ;

6. Considérant, qu'il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. B... devant le Tribunal administratif de Paris et devant la Cour ;

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

7. Considérant, en premier lieu, que par un arrêté n° 2013-00003 du 4 janvier 2013 régulièrement publié au bulletin municipal de la Ville de Paris le 11 janvier 2013, le préfet de police a donné délégation de signature à M. Philippe Sitbon, conseiller d'administration de l'intérieur et de l'outre-mer, chef du 8ème bureau pour signer toutes décisions relatives à l'application des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence de M. C...pour signer la décision attaquée doit être écarté ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que, ainsi qu'il a été dit au point 5, en produisant une fiche d'examen de la situation administrative de M. B...en date du 17 janvier 2013, le préfet de police établit avoir fait procéder à l'audition du requérant ; qu'il résulte de cette pièce que M. B... a déclaré être célibataire, ne pas avoir d'enfants, être venu en France chercher du travail, ne pas avoir de domicile et vivre dans un camp sauvage, disposer de revenus journaliers de 20 euros, recourir à la mendicité et ne pas avoir de sécurité sociale personnelle ; que le préfet de police disposait donc d'informations sur la vie familiale de M. B... ainsi que sur son insertion sociale et professionnelle ; que si le requérant fait grief au préfet de police de ne pas avoir pris en considération son état de santé, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait fait part de difficultés particulières liées à son état de santé imposant son séjour sur le territoire français ou faisant obstacle à un retour dans le pays dont il a la nationalité ; qu'ainsi la décision attaquée atteste de l'examen de la situation personnelle du requérant à laquelle il a été procédé au regard de l'ensemble des dispositions des articles L. 121-1 et L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que des articles 3 et 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, le moyen tiré du défaut d'examen de la situation personnelle du requérant par le préfet de police doit être écarté comme manquant en fait ;

9. Considérant, en troisième lieu, que si le requérant conteste être une charge déraisonnable pour le système français d'assistance sociale, il n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause les éléments retenus par le préfet de police pour prendre la décision attaquée ; qu'il a lui-même indiqué, comme en atteste le questionnaire d'examen de sa situation administrative mentionné ci-dessus, être sans domicile fixe et vivre de la mendicité ; que, s'il mentionne dans sa requête être saisonnier agricole, actuellement en recherche d'emploi et bénéficier de ressources provenant de la récupération de ferraille, il ne l'établit pas ; que, par ailleurs, M. B... ne conteste pas le motif selon lequel il ne justifie d'aucune assurance maladie personnelle ; que, dès lors, et quand bien même M. B... n'aurait jamais eu effectivement recours au système d'assistance sociale français, le préfet de police a pu légalement estimer que l'intéressé se trouvait dans une situation de complète dépendance à l'égard dudit système et constituait une charge déraisonnable pour l'Etat ;

10. Considérant, enfin, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier et de ce qui a été dit ci-dessus que la décision attaquée soit entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant ; que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit, dès lors, être écarté ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

11. Considérant, ainsi qu'il a été dit précédemment, que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'illégalité ; que, par suite, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de cette décision ne peut qu'être écarté ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 17 janvier 2013 ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter en toutes ses dispositions la demande présentée par M. B...devant le Tribunal administratif de Paris ainsi que ses conclusions présentées devant la Cour à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris du 26 septembre 2013 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions présentées devant la Cour sont rejetées.

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N° 13PA03926


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3 ème chambre
Numéro d'arrêt : 13PA03926
Date de la décision : 23/10/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: M. Francis POLIZZI
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : LAUNOIS FLACELIERE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2014-10-23;13pa03926 ?
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