Vu le recours, enregistré le 23 avril 2013, présenté par le ministre de l'économie et des finances, qui demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1105739/2-3 du 17 janvier 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, pour la détermination de la base de la taxe professionnelle et des taxes additionnelles au titre de l'année 2009, fixé à 10,81 euros le mètre carré la valeur locative de l'hôtel " Novotel ", situé 61 quai de Grenelle, dans le quinzième arrondissement de Paris, d'autre part, déchargé la Société hôtelière du 61 quai de Grenelle de la différence entre le montant des cotisations de taxe professionnelle et de taxes additionnelles auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2009 dans les rôles de la ville de Paris et celui résultant de la base d'imposition ainsi fixée ;
2°) de rétablir la Société hôtelière du 61 quai de Grenelle au rôle de la taxe professionnelle et des taxes additionnelles de l'année 2009 à raison des droits dont la décharge a été prononcée en première instance ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 juin 2014 :
- le rapport de M. Jardin, président assesseur,
- et les conclusions de M. Ouardes, rapporteur public ;
1. Considérant que la Société hôtelière du 61 quai de Grenelle, qui exploite l'hôtel " Novotel ", situé 61 quai de Grenelle, dans le quinzième arrondissement de Paris, a présenté au directeur des services fiscaux une réclamation datée du 3 décembre 2010 pour contester les cotisations de taxe professionnelle et de taxes additionnelles à cette taxe auxquelles elle avait été assujettie au titre de l'année 2009 en faisant valoir que le terme de comparaison retenu par l'administration pour évaluer la valeur locative de l'hôtel, à savoir l'hôtel " Hilton " situé 18 avenue de Suffren, dans le quinzième arrondissement de Paris, était inapproprié ; que le directeur régional des finances publiques a transmis cette réclamation au Tribunal administratif de Paris en application de l'article R. 199 du livre des procédures fiscales ; que, par un jugement lu le 17 janvier 2013, le Tribunal administratif de Paris, qui a fait droit à la contestation du choix du terme de comparaison, a fixé à 10, 81 euros le mètre carré la valeur locative de l'hôtel et déchargé la Société hôtelière du 61 quai de Grenelle de la différence entre le montant des impositions contestées et celui résultant de la base ainsi fixée ; que le ministre de l'économie et des finances relève appel de ce jugement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que les premiers juges ont retenu le " Grand Hôtel Intercontinental " comme terme de comparaison pour évaluer la valeur locative de l'hôtel à l'origine du litige ; que le directeur régional des finances publiques a fait valoir en première instance, dans le mémoire présenté le 12 septembre 2012, que la valeur locative de cet immeuble, qui appartient à la catégorie des immeubles de grande hauteur, ne pouvait être évaluée que par comparaison avec un immeuble présentant la même spécificité, ce qui n'est pas le cas du " Grand Hôtel Intercontinental " ; que les premiers juges n'ont pas examiné ce moyen de défense, qui n'était pas inopérant ; que le ministre est par suite fondé à soutenir que jugement attaqué est entaché d'une irrégularité de nature à entraîner son annulation ;
3. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes de la Société hôtelière du 61 quai de Grenelle ;
Sur le fond du litige :
En ce qui concerne le bien-fondé du choix du terme de comparaison retenu par l'administration :
4. Considérant qu'aux termes de l'article 1469 du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur, la valeur locative servant de base à la taxe professionnelle : " (...) est déterminée comme suit : 1° Pour les biens passibles d'une taxe foncière, elle est calculée suivant les règles fixées pour l'établissement de cette taxe ; " ; qu'aux termes de l'article 1498 du code général des impôts : " La valeur locative de tous les biens autres que les locaux d'habitation ou à usage professionnel visés au I de l'article 1496 et que les établissements industriels visés à l'article 1499 est déterminée au moyen de l'une des méthodes indiquées ci-après : 1° Pour les biens donnés en location à des conditions de prix normales, la valeur locative est celle qui ressort de cette location ; 2° a. Pour les biens loués à des conditions de prix anormales ou occupés par leur propriétaire, occupés par un tiers à un autre titre que la location, vacants ou concédés à titre gratuit, la valeur locative est déterminée par comparaison. Les termes de comparaison sont choisis dans la commune. Ils peuvent être choisis hors de la commune pour procéder à l'évaluation des immeubles d'un caractère particulier ou exceptionnel ; b. La valeur locative des termes de comparaison est arrêtée : soit en partant du bail en cours à la date de référence de la révision lorsque l'immeuble type était loué normalement à cette date, soit, dans le cas contraire, par comparaison avec des immeubles similaires situés dans la commune ou dans une localité présentant, du point de vue économique, une situation analogue à celle de la commune en cause et qui faisaient l'objet à cette date de locations consenties à des conditions de prix normales ; 3° A défaut de ces bases, la valeur locative est déterminée par voie d'appréciation directe " ; qu'aux termes de l'article 1504 du même code : " Les locaux types à retenir pour l'évaluation par comparaison des biens visés à l'article 1498 sont choisis par le représentant de l'administration et par la commission communale des impôts directs. Après harmonisation avec les autres communes du département, la liste en est arrêtée par le service des impôts (...) " ;
5. Considérant que la Société hôtelière du 61 quai de Grenelle soutient que l'hôtel " Hilton " ne peut légalement être retenu comme terme de comparaison, en application du 2° de l'article 1498 du code général des impôts, dès lors qu'il ne faisait pas l'objet d'une location à des conditions de prix normales au 1er janvier 1970 ;
6. Considérant que, d'après le bail signé le 27 juillet 1965, la société anonyme l'Immobilière Hôtelière a loué à la société à responsabilité limitée Société Hôtelière de Paris un groupe de deux immeubles de dix et onze étages que le bailleur s'engageait à construire à ses frais sur un terrain d'environ 6 248 m2 et dans lesquels le preneur devait exercer une activité hôtelière ; que le bail, dont le point de départ était fixé à la date de la réception des immeubles, avait une durée de vingt-cinq années, renouvelable pour une, deux ou trois périodes de dix années ; que, selon la section I du titre III du bail, le loyer annuel est calculé en additionnant une somme forfaitaire de 1 700 000 F et une somme variable représentant 8, 5 % du coût de la construction de l'hôtel ; que le c) de cette section prévoit que le coût de construction a été fixé à 42 670 000 F au 31 mars 1963 et que, compte tenu de ce chiffre, le montant du loyer annuel ne peut excéder la somme de 5 326 950 F, sauf si trouvent à s'appliquer les dérogations à cette stipulation prévues au d) et le e) de la même section, soit la révision de certains des prix entrant dans l'évaluation du coût de la construction et une majoration du loyer dépendant du taux moyen d'occupation annuelle de l'hôtel, dans l'hypothèse où il excéderait 75 % ;
7. Considérant qu'à l'appui de sa contestation relative aux conditions de prix de la location de l'hôtel servant de terme de comparaison, la société requérante fait valoir que le taux de rendement des capitaux investis par le propriétaire des immeubles est anormalement élevé par rapport au taux des placements immobiliers constatés à Paris au 1er janvier 1970 pour les locaux commerciaux ; que la société soutient que le taux d'intérêt représentatif du taux des placements immobiliers constaté dans la région parisienne à la date de référence, pour les locaux commerciaux, est de 6 %, ce que ne conteste pas le ministre en appel puisqu'il propose une appréciation directe de la valeur locative de l'immeuble en retenant un tel taux ; que l'administration soutient que les caractéristiques de l'hôtel " Hilton ", et plus particulièrement sa situation à proximité de la Tour Eiffel et sa conception moderne, justifient l'écart de rentabilité mis en évidence par la société, sans toutefois avancer d'éléments permettant d'apprécier si les caractéristiques qu'elle invoque ont une incidence réelle sur les coûts d'exploitation de l'hôtel ou les prix qu'il est à même de pratiquer, permettant ainsi à l'exploitant de verser au bailleur une rémunération inhabituellement élevée ; qu'il résulte ainsi de l'instruction que le taux de rendement des capitaux investis par le propriétaire des immeubles, qui apparaît comme très largement supérieur au taux des placements immobiliers constaté à Paris pour les locaux commerciaux est, en l'espèce, anormalement élevé, ce qui contribue à caractériser l'existence d'une location consentie à des conditions de prix anormales, au sens du 2° de l'article 1498 du code général des impôts ;
8. Considérant que la société requérante appuie également sa contestation sur la circonstance que la valeur locative du terme de comparaison a été évaluée par l'administration à 304 F par mètre carré pondéré alors que, selon les procès-verbaux de la commission communale des impôts directs, la valeur locative de dix hôtels appartenant comme l'hôtel " Hilton " à la catégorie des hôtels quatre étoiles et retenus comme locaux-types par l'administration varie entre 53 F et 134 F par mètre carré ; que la double circonstance que ces hôtels aient des dates de construction beaucoup plus anciennes que l'hôtel " Hilton " et que cet hôtel soit un immeuble de grande hauteur au sens de la législation applicable à ce type de constructions ne suffit pas à invalider la comparaison faite par la société requérante dès lors que le prix de leurs chambres était comparable à celui de l'hôtel " Hilton " au début des années soixante-dix et qu'ils étaient ainsi susceptibles d'entrer en concurrence avec lui pour accueillir la même clientèle ; que la différence ainsi constatée entre les prix de location de ces établissements et celui de l'hôtel " Hilton " contribue aussi à caractériser l'existence d'une location consentie à des conditions de prix anormales, au sens du 2° de l'article 1498 du code général des impôts ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 7 et 8 que l'hôtel " Hilton ", dont le loyer est anormal au regard des prix pratiqués pour des locaux comparables, ne peut, pour ce seul motif, être retenu comme terme de comparaison pour l'application du 2° de l'article 1498 du code général des impôts ;
En ce qui concerne la méthode d'évaluation à retenir :
10. Considérant que, pour l'application de la méthode d'évaluation prévue au 2° de l'article 1498 du code général des impôts, la différence, même significative, de superficie entre le local-type et l'immeuble à évaluer ne fait pas par elle-même obstacle à ce que ce local-type soit valablement retenu comme terme de comparaison ; que, dans ce cas, la valeur locative doit toutefois être ajustée afin de tenir compte de cette différence par application du coefficient prévu à l'article 324 AA de l'annexe III à ce code ; que cependant, cette règle ne peut être mise en oeuvre dans le cas où l'immeuble à évaluer est un immeuble de grande hauteur et où le local-type proposé comme terme de comparaison ne présente pas ces caractéristiques ; qu'en effet, eu égard à leurs spécificités, les immeubles de grande hauteur ne peuvent être évalués que par comparaison avec d'autres immeubles de grande hauteur ou, à défaut, par voie d'appréciation directe en application du 3° du même article ;
11. Considérant que l'administration soutient que l'immeuble exploité par la société requérante est un immeuble de grande hauteur ne pouvant être évalué que dans les conditions rappelées au point 10 ; qu'il résulte de l'instruction que cet hôtel est implanté dans un bâtiment de 32 étages d'une hauteur de 98 mètres ; que, compte tenu de cette hauteur, très proche de 100 mètres, l'immeuble doit être regardé comme un immeuble de grande hauteur dont les spécificités font obstacle à ce que sa valeur locative soit évaluée par comparaison avec un immeuble ne présentant pas les mêmes spécificités ;
12. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'il existerait à Paris un autre immeuble de grande hauteur susceptible d'être retenu comme terme de comparaison à la place de l'hôtel " Hilton " ; que, toutefois, la constatation de l'impossibilité de déterminer la valeur locative d'un bien par comparaison, en application du 2° de l'article 1498 du code général des impôts, n'implique pas nécessairement qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par la société requérante à fin de décharge des impositions litigieuses dès lors que l'administration a la faculté de faire état, à tout moment de la procédure contentieuse, d'un mode de détermination de la valeur locative d'un local commercial conforme aux prescriptions de l'article 1498 précité ; que l'administration est ainsi fondée à proposer le recours à la méthode d'évaluation directe prévue par le 3° de l'article 1498 du code général des impôts ; que la valeur locative de l'hôtel exploité par la société requérante doit par suite être évaluée selon la méthode par appréciation directe ;
13. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'indice INSEE du coût de la construction retenu par l'administration pour établir la valeur vénale des biens ne serait pas significatif de l'évolution de cette valeur par rapport à l'année 1970 ; que les éléments de calcul retenus par le ministre, dont aucun autre n'est contesté par la société requérante, conduisent à déterminer une valeur locative supérieure à celle retenue pour l'évaluation de la valeur locative ayant servi de base à l'imposition en litige ;
14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la Société hôtelière du 61 quai de Grenelle n'est pas fondée à demander à la Cour la décharge des cotisations de taxe professionnelle et de taxes additionnelles auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2009 dans les rôles de la ville de Paris ; qu'il y a lieu par voie de conséquence de rejeter ses conclusions d'appel tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1105739/2-3 du 17 janvier 2013 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la Société hôtelière du 61 quai de Grenelle devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : Les conclusions d'appel de la Société hôtelière du 61 quai de Grenelle tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N° 13PA01597