Vu la requête, enregistrée le 20 avril 2012, présentée pour la société CDF 105 ayant son siège 105 rue du Faubourg Saint-Honoré à Paris (75008), par Me A...; la société CDF 105 demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1005855 du 24 février 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires relatives à la participation des employeurs à l'effort de construction au titre des années 2004, 2005 et 2006 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2006, ainsi que des pénalités et des intérêts de retard correspondants ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son protocole additionnel n° 7 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de la construction et de l'habitation ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 juin 2014 :
- le rapport de M. Pagès, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Ouardes, rapporteur public ;
1. Considérant que la société CDF 105, entreprise de restauration, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2006 ; que deux propositions de rectifications lui ont été respectivement adressées le 12 décembre 2007, relative à l'année 2004, et le 22 février 2008 relative aux années 2005 et 2006 ; que les impositions supplémentaires en découlant ont été mises en recouvrement le 21 novembre 2008 ; que la société requérante a contesté ces impositions par une réclamation du 23 juillet 2009 qui a fait l'objet, le 28 janvier 2010, de deux décisions de rejet portant, d'une part, sur les rappels de taxe à la valeur ajoutée mises à sa charge au titre des années 2004, 2005 et 2006 et, d'autre part, sur les cotisations supplémentaires relatives à la participation des employeurs à l'effort de construction prononcées au titre de ces mêmes années ; que la société CDF 105 a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires relatives à la participation des employeurs à l'effort de construction au titre des années 2004, 2005 et 2006 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2006, ainsi que des pénalités et des intérêts de retard correspondants ; que la société CDF 105 relève régulièrement appel du jugement du 24 février 2012 par lequel le tribunal administratif a rejeté ladite demande ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Considérant, en premier lieu, que, dans son mémoire en réplique, la société requérante invoque la violation du droit de communication en se référant à son argumentation de première instance ; que la société CDF 105 n'apporte ainsi aucun élément de fait ou de droit de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le Tribunal administratif de Paris sur son argumentation de première instance ; qu'il y a lieu, dès lors, d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par les premiers juges ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable, sa réponse doit également être motivée " ; que la société requérante soutient que la réponse aux observations du contribuable en date du 28 mars 2008 est entachée de défaut de motivation, s'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée dans la mesure où elle ne pouvait se borner à se référer à la proposition de rectification ; que, toutefois, d'une part, s'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée collectée, la réponse de la société du 11 janvier 2008 se bornait à contester de façon générale la soumission des pourboires du premier trimestre 2004 à la taxe et la réponse aux observations du contribuable indique les motifs de droit et de fait pour lesquels cette rectification est maintenue ; que, s'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée déductible, la société avait répondu de manière synthétique en indiquant qu'elle procédait à des recherches afin de comprendre d'où provenait l'écart entre les écritures comptables et les déclarations de taxe et qu'elle remerciait le service de lui communiquer le détail des calculs des rappels ; que dans la mesure où cette réponse de la société était générale et imprécise et où le détail des calculs des rappels figurait en page 5 de la proposition de rectifications, la réponse aux observations du contribuable, qui rappelait les exigences pesant sur les contribuables soumis au régime réel d'imposition en vertu de l'article 54 du code général des impôts et qui renvoyait à bon droit au détail des calculs figurant dans la proposition de rectifications, était suffisamment motivée, en droit et en fait, au regard des exigences de l'article L. 57 précité ; que le moyen tiré du défaut de motivation de la réponse aux observations du contribuable en date du 28 mars 2008 doit donc être écarté ;
4. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article L. 59 A du livre des procédures fiscales : " I. - La commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires intervient lorsque le désaccord porte : 1° Sur le montant du résultat industriel et commercial, non commercial, agricole ou du chiffre d'affaires, déterminé selon un mode réel d'imposition ; 2° Sur les conditions d'application des régimes d'exonération ou d'allégements fiscaux en faveur des entreprises nouvelles, à l'exception de la qualification des dépenses de recherche mentionnées au II de l'article 244 quater B du code général des impôts ; 3° Sur l'application du 1° du 1 de l'article 39 et du d de l'article 111 du même code relatifs aux rémunérations non déductibles pour la détermination du résultat des entreprises industrielles ou commerciales, ou du 5 de l'article 39 du même code relatif aux dépenses que ces mêmes entreprises doivent mentionner sur le relevé prévu à l'article 54 quater du même code ; 4° Sur la valeur vénale des immeubles, des fonds de commerce, des parts d'intérêts, des actions ou des parts de sociétés immobilières servant de base à la taxe sur la valeur ajoutée, en application du 6° et du 1 du 7° de l'article 257 du même code. II. - Dans les domaines mentionnés au I, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires peut, sans trancher une question de droit, se prononcer sur les faits susceptibles d'être pris en compte pour l'examen de cette question de droit. Par dérogation aux dispositions du premier alinéa, la commission peut se prononcer sur le caractère anormal d'un acte de gestion, sur le principe et le montant des amortissements et des provisions ainsi que sur le caractère de charges déductibles des travaux immobiliers ";
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que par une lettre en date du 7 avril 2008 l'avocat de la société CDF 105 a sollicité de manière générale la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; que par un courrier en date du 20 octobre 2008 adressé au gérant de la société le vérificateur a indiqué que la commission ne serait pas saisie au motif qu'à l'issue du recours hiérarchique et de l'interlocution avec le directeur divisionnaire, seules les pénalités demeuraient contestées alors que celles-ci ne relèvent pas de la compétence de ladite commission ; que si la société conteste que seules les pénalités demeuraient contestées à l'issue de ces recours, d'une part, les impositions supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sur l'impôt sur les sociétés ont fait l'objet d'un dégrèvement le 28 janvier 2010 avant l'introduction de la demande au tribunal et ne sont plus en litige, d'autre part, la participation des employeurs à l'effort de construction n'est pas au nombre des impositions relevant du champ de compétence de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires en vertu de l'article L. 59 A précité du livre des procédures fiscales, enfin, les rappels de taxe sur la valeur ajoutée demeurant... ; que le moyen tiré du défaut de saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires doit, par suite, être écarté ;
Sur le bien fondé des impositions :
En ce qui concerne la participation des employeurs à l'effort de construction :
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-1 du code de la construction et de l'habitation, dans sa version alors en vigueur : " Les employeurs, occupant au minimum dix salariés, à l'exception de l'État, des collectivités locales et de leurs établissements publics administratifs, assujettis à la taxe sur les salaires prévue à l'article 231 du code général des impôts, (...), doivent consacrer des sommes représentant 0,45 % au moins du montant, (...), des rémunérations versées par eux au cours de l'exercice écoulé (...) " ; qu'aux termes de l'article 235 bis du code général des impôts, dans sa version alors en vigueur : " Conformément aux articles L. 313-1, L. 313-4 et L. 313-5 du code de la construction et de l'habitation, les employeurs qui, au 31 décembre de l'année suivant celle du paiement des rémunérations, n'ont pas procédé, dans les conditions fixées par décret en Conseil d'État aux investissements prévus à l'article L. 313-1 du code de la construction et de l'habitation sont, dans la mesure où ils n'ont pas procédé à ces investissements, assujettis à une cotisation de 2 % calculée sur le montant des rémunérations versées par eux au cours de l'année écoulée, (...). / Conformément à l'article L. 313-6 du code de la construction et de l'habitation, les agents des impôts peuvent exiger de ces employeurs et, le cas échéant, des organismes bénéficiaires des investissements, la justification qu'il a été satisfait aux obligations qui leur sont imposées. " ;
7. Considérant, en premier lieu, que pour contester les cotisations mises à sa charge, pour l'année 2006, sur le fondement des articles L. 313-1 du code de la construction et de l'habitation et 235 bis du code général des impôts combinés, la société requérante fait valoir que la proposition de rectification du 22 février 2008 indique que, pour l'exercice 2006, la période de référence utilisée pour le calcul de la cotisation serait cette même année ; que toutefois, nonobstant l'erreur matérielle relevée, il résulte de l'instruction que le montant des salaires effectivement retenus au titre de l'exercice litigieux correspond bien à ceux de l'année 2005 comme l'ont jugé avec raison les premiers juges ;
8. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 62 du livre des procédures fiscales : " Au cours d'une vérification de comptabilité et pour les impôts sur lesquels porte cette vérification, le contribuable peut régulariser les erreurs, inexactitudes, omissions ou insuffisances dans les déclarations souscrites dans les délais (...) " ; que, conformément aux dispositions de l'article 161 de l'annexe II au code général des impôts, cette déclaration doit être déposée au plus tard le 30 avril de chaque année et que conformément à celles de l'article 235 bis du code général des impôts susmentionné, les agents des impôts peuvent exiger des employeurs la justification qu'il a été satisfait aux obligations qui leur sont imposées ; que la société requérante se prévaut du fait que le service aurait refusé sa demande de régularisation sans solliciter le représentant du ministère de l'équipement, en méconnaissance d'une circulaire du 13 mars 1954 reprise dans la documentation administrative dont elle entend se prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ; que, toutefois, comme l'ont estimé avec raison les premiers juges, d'une part, le moyen tiré de l'irrégularité du refus de régularisation des cotisations contestées, opposé par l'administration, ne peut qu'être écarté, faute pour la société requérante d'avoir satisfait à ses obligations déclaratives dans les délais légaux, d'autre part, doit être également écarté le moyen tiré du vice de procédure qui résulterait de l'absence de consultation du représentant du ministère de l'équipement dès lors qu'aucun investissement n'a été déclaré par la société CDF 105 ;
9. Considérant, en dernier lieu, que la société requérante conteste l'application qui lui a été faite par l'administration du taux de cotisation de 2 %, tel que fixé par l'article 235 bis du code général des impôts, au motif que la différence entre le taux de base de 0, 45 %, tel que fixé à l'article L. 313-1 du code de la construction et de l'habitation susmentionné et le taux contesté, constituerait une pénalité disproportionnée qui ne peut être modulée par le juge ; qu'il suit de là qu'elle serait contraire à l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
10. Considérant toutefois que, d'une part, le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2010-84 QPC du 13 janvier 2011, a dit pour droit " qu'aux termes de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : " La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée " ; qu'il s'ensuit que ces principes ne s'appliquent qu'aux peines et aux sanctions ayant le caractère d'une punition ; (...) que pour développer l'effort de construction, les employeurs qui n'ont pas procédé ou insuffisamment procédé aux investissements prévus par l'article L. 313-1 du code de la construction et de l'habitation sont assujettis à une cotisation de 2 % des rémunérations versées par eux ; que le fait générateur de cette cotisation se situe à la date à laquelle expire le délai imparti pour procéder aux investissements prévus par la loi ; que celle-ci doit être acquittée, en application de l'article L. 313-4 du même code, de façon spontanée, en même temps que le dépôt de la déclaration relative à la participation à l'effort de construction, par les entreprises dans la mesure de l'insuffisance constatée ; qu'en application du même article, l'absence de paiement de cette cotisation est passible des sanctions applicables aux taxes sur le chiffre d'affaires ; qu'eu égard à ces caractéristiques, ladite cotisation ne constitue pas une sanction ayant le caractère d'une punition au sens de l'article 8 de la Déclaration de 1789 " ; que, d'autre part, il résulte du texte même de l'article 6 de la convention précitée que les stipulations de cette dernière ne sont applicables qu'aux procédures contentieuses suivies devant les juridictions lorsqu'elles statuent sur des droits et obligations de caractère civil ou sur des accusations en matière pénale ; qu'hormis les sanctions imposées à titre de sanction pénale, le contentieux fiscal échappe au champ des droits et obligations de caractère civil, en dépit des effets patrimoniaux qu'il a nécessairement quant à la situation des contribuables ; qu'en conséquence, la société CDF 105 n'est pas fondée à soutenir que la cotisation en litige constitue une pénalité disproportionnée qui ne peut être modulée par le juge et que l'administration ainsi aurait méconnu, en lui appliquant le taux de 2 % prévu par les dispositions précitées de l'article 235 bis du code général des impôts, les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
11. Considérant en outre, qu'aux termes du premier alinéa de l'article 4 du protocole n° 7 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même État en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet État. " ; qu'ainsi qu'il a été dit, la cotisation de 2 %, telle que fixée par l'article 235 bis du code général des impôts, ne constitue pas une sanction ayant le caractère d'une punition ; qu'il en va de même des simples intérêts de retard prévus par l'article 1727 du même code et qui ont pour seul objet la seule réparation d'un préjudice ; que les seules pénalités présentant le caractère d'une punition tendant à empêcher la réitération des agissements de la société requérante sont celles prévues à l'article 1728 du code précité ; que par suite, comme l'ont estimé avec raison les premiers juges, le moyen tiré de ce que le principe " non bis in idem ", tel qu'il est affirmé tant par le droit interne que par le premier alinéa de l'article 4 du protocole n° 7 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, aurait été méconnu, ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté ;
En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :
12. Considérant que la société CDF 105 reprend en appel, avec une formulation largement identique à celle de ses écritures de première instance, les moyens tirés du caractère infondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée collectée et de taxe sur la valeur ajoutée déductible et de ce que la gérance de fait de M. B...ne serait pas établie ; qu'elle n'apporte aucun élément de fait ou de droit de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le Tribunal administratif de Paris sur son argumentation de première instance ; qu'il y a lieu, dès lors, d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par les premiers juges ;
Sur les pénalités :
13. Considérant que la société CDF 105 fait valoir que c'est à tort que l'administration a appliqué les pénalités prévues par l'article 1729 du code général des impôts et que lesdites pénalités sont entachées d'un défaut de motivation ; que, toutefois, la société CDF 105 n'apporte aucun élément de fait ou de droit de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le Tribunal administratif de Paris sur son argumentation de première instance, reprise en appel sans élément nouveau ; qu'il y a lieu, par suite, d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par les premiers juges ;
14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société CDF 105 n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ; que, dés lors, l'ensemble des conclusions de la requête étant rejetées, la requête elle même doit être rejetée ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société CDF 105 est rejetée.
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N° 12PA01768