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19/06/2014 | FRANCE | N°12PA03246

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 19 juin 2014, 12PA03246


Vu la requête, enregistrée le 26 juillet 2012, présentée pour l'association " Centre régional pour le développement local, la formation et l'insertion des jeunes " (Credij), dont le siège social est situé 66, rue Saint-Lazare, à Paris (75009), par Me de Couessin, avocat ; le Credij demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°1101062 en date du 15 mai 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2005 au 31 décem

bre 2007, ainsi que les intérêts de retard correspondants ;

2°) de prononc...

Vu la requête, enregistrée le 26 juillet 2012, présentée pour l'association " Centre régional pour le développement local, la formation et l'insertion des jeunes " (Credij), dont le siège social est situé 66, rue Saint-Lazare, à Paris (75009), par Me de Couessin, avocat ; le Credij demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°1101062 en date du 15 mai 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2007, ainsi que les intérêts de retard correspondants ;

2°) de prononcer la décharge de ces rappels et intérêts ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.........................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 juin 2014 :

- le rapport de M. Blanc, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Dhiver, rapporteur public ;

1. Considérant que le Credij, qui exerce son activité dans le secteur de la formation professionnelle continue, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2007, à l'issue de laquelle des rappels de taxe sur la valeur ajoutée lui ont été réclamés se rapportant à des prestations réalisées au profit de l'Association Comptables Enseignement (ACE), de la Fédération nationale compagnonnique des métiers du bâtiment (FNCMB), de l'association " Drogues et société ", de la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB) ainsi que de l'Association nationale pour la formation automobile (ANFA), dont l'administration fiscale a considéré qu'elles ne pouvaient pas bénéficier de l'exonération de taxe prévue par le 4°) du 4 de l'article 261 du code général des impôts au profit des prestations de services effectuées dans le cadre de la formation professionnelle continue ; que le Credij fait appel du jugement en date du 15 mai 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces rappels ;

Sur les prestations facturées à l'ANFA :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 259 du code général des impôts : " Le lieu des prestations de services est réputé se situer en France lorsque le prestataire a en France le siège de son activité ou un établissement stable à partir duquel le service est rendu ou, à défaut, son domicile ou sa résidence habituelle " ; qu'aux termes de l'article 259 B du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " Par dérogation aux dispositions de l'article 259, le lieu des prestations suivantes est réputé se situer en France lorsqu'elles sont effectuées par un prestataire établi hors de France et lorsque le preneur est un assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée qui a en France le siège de son activité ou un établissement stable pour lequel le service est rendu ou, à défaut, qui y a son domicile ou sa résidence habituelle : (...) 4° Prestations des conseillers, ingénieurs, bureaux d'études dans tous les domaines y compris ceux de l'organisation de la recherche et du développement ; prestations des experts-comptables (...). Le lieu de ces prestations est réputé ne pas se situer en France même si le prestataire est établi en France lorsque le preneur est établi hors de la communauté européenne ou qu'il est assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée dans un autre Etat membre de la communauté " ;

3. Considérant que, si le Credij ne conteste pas que les prestations réalisées au profit de l'ANFA s'apparentent à des prestations de conseil soumises à la taxe sur la valeur ajoutée, il soutient les avoir fournies à cette association en tant qu'entreprise coordinatrice d'un projet dont la réalisation s'inscrit dans le cadre d'un programme lancé par la Commission européenne ; que, toutefois, la mention figurant sur la facture n°1171 en date du 22 décembre 2006 adressée par le Credij à l'ANFA, selon laquelle les prestations correspondantes auraient été réalisées " pour la Commission européenne ", ne suffit pas à justifier que l'ANFA n'aurait pas été le preneur de ces prestations et que leur exécution ne devrait pas être regardée comme ayant eu lieu en France au sens de l'article 259 B du code général des impôts précité ; que le Credij n'est donc pas fondé à soutenir que les prestations facturées à l'ANFA remplissaient les conditions prévues par ces dispositions pour être exonérées en France de taxe sur la valeur ajoutée ;

En ce qui concerne l'application de l'interprétation administrative de la loi fiscale :

4. Considérant que le Credij se prévaut, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des paragraphes 63 et 64 de la documentation de base, référencée 3 A-2143 du 20 octobre 1999, issus d'une lettre du 12 juin 1981 émanant du service de la législation fiscale, qui prévoient que les prestations de service fournies par une entreprise française à la Commission européenne, y compris dans le cadre d'actions conjointes de l'Union européenne avec les Etats ou des organismes privés, dès lors que le programme auquel se rapportent les prestations en cause comporte une contribution financière de l'Union européenne, ne sont pas soumises à la taxe sur la valeur ajoutée à hauteur de ce financement ; que le Credij n'a toutefois produit aucun élément de nature à établir que le projet pour lequel des prestations ont été réalisées au profit de l'ANFA aurait reçu une contribution financière de la part de l'Union européenne ; qu'ainsi, à défaut de remplir les conditions de la doctrine dont il se prévaut, le Credij n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que l'administration fiscale a soumis les prestations en litige à la taxe sur la valeur ajoutée ;

Sur les autres prestations fournies par le Credij :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

5. Considérant qu'aux termes du I de l'article 256 du code général des impôts : " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de service effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel " ; qu'aux termes de l'article 256 A du même code : " Sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent de manière indépendante une des activités économiques mentionnées au troisième alinéa, quelques soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention (...) " ; que sont toutefois exonérées de cette taxe, selon le a du 4° du 4 de l'article 261 de ce code : " les prestations de services et les livraisons de biens qui leur sont étroitement liées, effectuées dans le cadre (...) de la formation professionnelle continue, telle qu'elle est définie par les dispositions législatives et réglementaires qui la régissent, assurée (...) par des personnes de droit privé titulaires d'une attestation délivrée par l'autorité administrative compétente reconnaissant qu'elles remplissent les conditions fixées pour exercer leur activité dans le cadre de la formation professionnelle continue. (...) " ; que l'article L. 900-1, alors en vigueur, du code du travail définit la formation professionnelle continue comme l'action " de favoriser l'insertion ou la réinsertion professionnelle des travailleurs, de permettre leur maintien dans l'emploi, de favoriser le développement de leurs compétences et l'accès aux différents niveaux de la qualification professionnelle, de contribuer au développement économique et culturel et à leur promotion sociale " ; que l'article L. 900-2 du même code dresse la liste des actions entrant dans le champ de la formation professionnelle continue et mentionne notamment parmi ces actions :

" 1° Les actions de préformation et de préparation à la vie professionnelle (...) ; 2° Les actions d'adaptation et de développement des compétences des salariés (...) " ;

S'agissant des prestations effectuées au profit de l'ACE :

6. Considérant qu'il ressort des termes de la convention conclue entre le Credij et l'ACE pour " la réalisation du plan qualité correspondant au 2ème semestre (juin 2003- avril 2004) " que les prestations réalisées par l'association requérante au profit de l'ACE en exécution de cette convention ont consisté à dispenser une formation aux employés de l'ACE, chargés eux-mêmes de concevoir et d'assurer la formation des apprentis, de les orienter et de suivre leur apprentissage en entreprise ; que la circonstance que l'exemplaire de la convention produit par le Credij ne soit pas signé par l'ACE n'est pas de nature à remettre en cause la nature, ni la réalité des prestations fournies à cette association, dès lors qu'il est constant que les factures correspondantes, qui font expressément référence à cette convention, ont été payées au cours de l'année 2005 par l'ACE ; qu'ainsi, les interventions du Credij auprès de l'ACE, outre le fait qu'elles étaient étroitement liées à la formation professionnelle continue dont bénéficient les apprentis, ont constitué en elles-mêmes une action de formation au sens du 2° de l'article L. 900-2 du code du travail, en participant au développement des compétences des employés de l'ACE ; que si le Credij sollicite, par ailleurs, la décharge des rappels de taxe qui lui ont été réclamés au titre de l'année 2006 à raison d'une somme perçue par l'ACE d'un montant de 1 600 euros, l'association requérante n'a produit aucun élément de nature à établir l'objet des prestations correspondant à ce versement ; que, par suite, le Credij est seulement fondé à soutenir que les prestations fournies à l'ACE, pour lesquelles il a reçu le paiement d'une somme de 2 600 euros au cours de l'année 2005, devaient bénéficier de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée prévue par les dispositions du 4° du 4 de l'article 261 du code général des impôts ;

S'agissant des prestations effectuées au profit de la FNCMB :

7. Considérant qu'il ressort des termes du projet de " convention de promotion de l'emploi ", conclu entre l'Etat et la FNCMB, que le Credij devait participer, avec le concours de la fédération et du préfet de la région Ile-de-France, à la conception et la réalisation d'un centre permanent d'information, d'orientation et de présentation des métiers du bâtiment ; que l'article 2 de cette convention prévoyait la réalisation de deux études, une première, concernant " les représentations sociales et les attentes liées aux métiers du bâtiment des différents groupes d'acteurs concernés par le projet, à partir notamment d'une enquête par entretiens et une évaluation de la documentation et des supports d'information existants ", et une seconde étude portant sur la conception et la réalisation du centre permanent d'information et d'orientation, et comprenant une analyse " des attentes des partenaires concernés par le projet, une évaluation des besoins en locaux, équipements et personnels, ainsi qu'une évaluation financière des différentes phases de réalisation du projet " ; que le plan de financement annexé à cette convention précisait que le Credij était spécialement chargé de réaliser la première de ces études portant sur les représentations sociales, pour laquelle ses honoraires avaient été fixés à un montant de 19 000 euros ; que la participation du Credij à la première phase d'étude de création d'un projet d'un centre permanent d'information, d'orientation et de présentation des métiers du bâtiment, avant même toute création de ce centre, s'apparente à une prestation d'ingénierie et ne peut être regardée comme une action de formation professionnelle continue au sens des dispositions précitées des articles L. 900-1 et L. 900-2 du code du travail, ni comme étant liée à une telle action ; que, par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a considéré qu'elle ne pouvait bénéficier de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée prévue au 4° du 4 de l'article 261 du code général des impôts ;

S'agissant des prestations effectuées au profit de l'association " Drogues et société " :

8. Considérant que les documents produits par le Credij pour justifier de la nature des prestations exécutées au profit de l'association " Drogues et société ", à défaut d'être suffisamment précis, ne permettent pas d'établir que la réalisation de ces prestations correspond à une des actions de formation professionnelle continue visées par les articles L. 900-1 et L. 900-2 du code du travail ;

S'agissant des prestations effectuées au profit de la CAPEB :

9. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la convention de prestations conclue avec la CAPEB, le Credij s'est engagé à mettre à la disposition de la confédération quatre doctorantes chargées, d'une part, de réaliser une " observation-diagnostic des effets de la formation auprès d'agents CAPEB, un diagnostic auprès d'un échantillon significatif parmi les 30 agents sur la base d'entretiens semi-directifs entre janvier et juin 2008 (...) une évaluation de l'apport du dispositif de professionnalisation des agents ", et, d'autre part, de mener " une enquête auprès " d'un échantillon d'entreprises constitué par la CAPEB, qui sont en relation avec ses agents, comprenant " la rédaction d'un questionnaire ouvert destiné aux entreprises " ; que la prestation fournie par le Credij, qui correspond à une évaluation de la formation professionnelle assurée, non par le Credij lui-même, mais par la CAPEB à l'égard de ses agents, ne constitue pas une action de formation professionnelle continue au sens des dispositions des articles L. 900-1 et L. 900-2 du code du travail, ni ne présente un lien étroit avec une telle action de formation permettant de bénéficier de l'exonération prévue par les dispositions précitées du 4° du 4 de l'article 261 du code général des impôts ;

En ce qui concerne l'application de l'interprétation administrative de la loi fiscale :

10. Considérant que si, selon les paragraphes B1-3 et B6-3 de la fiche B annexée à la circulaire n° 2006/35 en date du 14 novembre 2006 du ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, le champ de l'activité de formation professionnelle continue s'étend aux actions qui s'y rattachent directement, telles que les actions préalables à la mise en oeuvre d'une formation, ces dispositions ne peuvent en tout état de cause être utilement invoquées par l'association requérante sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales pour contester les rappels mis à sa charge, dès lors que cette circulaire n'émane pas de l'administration fiscale, ni n'a été reprise par une instruction de cette administration ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le Credij est seulement fondé à demander une réduction à concurrence de la somme de 2 600 euros de la base d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été assignée au titre de la période allant du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2007, ainsi que la réformation, dans cette mesure, du jugement attaqué ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, pour l'essentiel, la partie perdante dans la présente instance, la somme que le Credij demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La base d'imposition du Credij à la taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période allant du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2007 est réduite d'un montant de 2 600 euros, correspondant à une partie des prestations fournies à l'Association Comptables Enseignement et réglées par celle-ci au cours de l'année 2005.

Article 2 : Il est accordé au Credij une réduction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la même période correspondant à la différence entre la base d'imposition sur laquelle ces rappels ont été établis et celle résultant de l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : Le jugement n°1101062 du 15 mai 2012 du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête du Credij est rejeté.

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N°12PA03246


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 12PA03246
Date de la décision : 19/06/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Personnes et opérations taxables - Territorialité.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Exemptions et exonérations.


Composition du Tribunal
Président : Mme COIFFET
Rapporteur ?: M. Philippe BLANC
Rapporteur public ?: Mme DHIVER
Avocat(s) : SELARL N.O.A ORENSTEIN DE COUESSIN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2014-06-19;12pa03246 ?
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