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10/06/2014 | FRANCE | N°13PA01486

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 10 juin 2014, 13PA01486


Vu la requête, enregistrée le 17 avril 2013, présentée pour Mme F...H..., demeurant..., par MeE... ; Mme H...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1105846/3-3 en date du 19 février 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du

21 janvier 2011 du ministre du travail annulant la décision de l'inspecteur du travail du

23 juillet 2010 et autorité la société Trans Service International à la licencier pour faute ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite décision ;
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Vu la requête, enregistrée le 17 avril 2013, présentée pour Mme F...H..., demeurant..., par MeE... ; Mme H...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1105846/3-3 en date du 19 février 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du

21 janvier 2011 du ministre du travail annulant la décision de l'inspecteur du travail du

23 juillet 2010 et autorité la société Trans Service International à la licencier pour faute ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite décision ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 mai 2014 :

- le rapport de M. Sorin, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Ladreyt, rapporteur public ;

1. Considérant que, le 11 décembre 2000, la société Trans Service International (TSI), spécialisée dans le nettoyage de matériel de transport ferroviaire, a recruté Mme H...en qualité de responsable du service comptabilité ; que, le 1er juin 2010, celle-ci a été désignée représentante de section syndicale ; que, par une demande du 11 juin 2010, la société TSI a sollicité l'autorisation de licencier Mme H...pour faute ; que, par une décision en date du

23 juillet 2010, l'inspecteur du travail a refusé d'accorder l'autorisation demandée et a annulé la mise à pied conservatoire prononcée à l'encontre de l'intéressée ; que la société TSI a alors formé un recours hiérarchique auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé qui, par une décision du 21 janvier 2011, a annulé la décision de l'inspecteur du travail et autorisé le licenciement pour faute de MmeH... ; que Mme H...interjette régulièrement appel du jugement du 19 février 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision ministérielle du 21 janvier 2011 ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;

En ce qui concerne la légalité externe :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 susvisée : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ; qu'aux termes de l'article

R. 2421-16 du code du travail : " L'inspecteur du travail et, en cas de recours hiérarchique, le ministre examinent notamment si la mesure de licenciement envisagée est en rapport avec le mandat détenu, sollicité ou antérieurement exercé par l'intéressé " ;

4. Considérant que, contrairement à ce que soutient MmeH..., la décision litigieuse, qui vise les dispositions dont elle fait application et énonce de façon précise les raisons pour lesquelles le licenciement litigieux est autorisé, est suffisamment motivée, nonobstant l'erreur de plume commise dans le visa de l'article L. 2442-1-2 du code du travail en lieu et place de l'article L. 2142-1-2 du même code, une telle erreur relative aux visas de la décision attaquée étant, en tout état de cause, sans incidence sur sa légalité ;

En ce qui concerne la légalité interne et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

5. Considérant que la décision litigieuse est fondée sur trois témoignages desquels il ressort, d'une part, que Mme H...aurait tenu des propos injurieux à l'endroit de

MmeI..., sa subordonnée, d'autre part, qu'elle aurait informé un fournisseur, la société Delaunay, des difficultés qu'elle rencontrait avec sa hiérarchie et, enfin, qu'elle aurait fait part à deux personnes du service de la paie, Mmes Portalet A...D..., ainsi qu'à la directrice générale adjointe de la société, MmeB..., de son intention d'informer les clients, fournisseurs et organismes publics des malversations que sa position au sein de la société lui aurait permis de découvrir ; que Mme H...nie avoir tenu les propos à l'origine de son licenciement ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la demande d'autorisation de licenciement de Mme H...est intervenue dans un contexte de tensions avec son employeur, celui-ci lui ayant refusé, à la suite d'un congé de maladie de deux mois en avril et mai 2010, le versement de la prime annuelle de bilan qu'elle percevait régulièrement depuis dix ans ; que, contestant ce refus, non motivé par la société, Mme H...a saisi le conseil des prud'hommes de Paris qui, par un jugement en référé du 17 novembre 2010, a condamné la société TSI à verser à Mme H...une provision de 5 000 euros sur les 6 150 euros qu'elle demandait à ce titre ; que, face à la dégradation de ses relations avec son employeur, accentuée par l'annonce du départ, finalement non intervenu, au mois d'avril 2010 de Mme I...et l'exigence de reprise des fonctions de celle-ci par MmeH..., celle-ci s'est rapprochée d'un syndicat et a été désignée, à compter du 1er juin 2010, représentante de section syndicale ; qu'il n'est pas contesté par la société TSI que, le 16 juin 2010, son directeur des ressources humaines a essayé d'obtenir le retrait du mandat conféré à MmeH..., en faisant valoir auprès du syndicat en cause les difficultés auxquelles l'attribution de ce mandat exposait la société ;

7. Considérant que l'appréciation de l'exactitude matérielle des propos reprochés à MmeH..., qu'elle a toujours niés, doit tenir compte du contexte dans lequel la demande de licenciement litigieuse est intervenue ; qu'à cet égard, le témoignage de MmeI..., imprécis et intervenu dans un contexte de forte dégradation des relations au sein du service de comptabilité, ne permet pas de tenir pour établis les propos injurieux que Mme H...lui aurait adressés ; que si Mme I...soutient par ailleurs avoir entendu Mme H...se plaindre auprès d'un fournisseur, la société Delaunay, des difficultés qu'elle rencontrait avec sa hiérarchie, ni la société TSI ni le ministre chargé du travail ne produisent d'attestation émanant directement de cette société de nature à conforter les déclarations de MmeI... ; que, dans ces conditions, le témoignage de cette dernière ne saurait être, à lui seul, de nature à établir la réalité des propos imputés à MmeH... ; qu'il en va de même du témoignage de Mme J...C...qui se borne à faire état des propos que lui auraient rapportés deux employées du service paie,

Mmes Portalet A...D..., sans que la société TSI ni le ministre chargé du travail n'aient estimé utile de produire des attestations émanant directement de ces employées ; qu'enfin, le témoignage de MmeB..., selon lequel Mme H...aurait renouvelé ces menaces de révélation des malversations de l'entreprise, n'est pas de nature, à lui seul, à établir la réalité des menaces en cause ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'exactitude matérielle des faits à l'origine du licenciement litigieux ne saurait être regardée comme établie et que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, Mme H...est fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de MmeH..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par la société TSI et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par

Mme H...et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1105846/3-3 du Tribunal administratif de Paris du 19 février 2013 et la décision du ministre du travail, de l'emploi et de la santé du 21 janvier 2011 sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à Mme H...une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de la société TSI présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 13PA01486


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 13PA01486
Date de la décision : 10/06/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MILLE
Rapporteur ?: M. Julien SORIN
Rapporteur public ?: M. LADREYT
Avocat(s) : MAUGER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2014-06-10;13pa01486 ?
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