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26/05/2014 | FRANCE | N°13PA04530

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 26 mai 2014, 13PA04530


Vu la requête, enregistrée le 16 décembre 2013, présentée par le préfet de police ; le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°1308937/2-3 du 24 octobre 2013 en tant que le Tribunal administratif de Paris, d'une part, a annulé les décisions du 4 janvier 2013 portant obligation pour M. B...C...de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi, d'autre part, lui a enjoint de réexaminer la situation de

M. B...C...dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement et de lui délivr

er une autorisation provisoire de séjour pendant ce réexamen et enfin, a mis ...

Vu la requête, enregistrée le 16 décembre 2013, présentée par le préfet de police ; le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°1308937/2-3 du 24 octobre 2013 en tant que le Tribunal administratif de Paris, d'une part, a annulé les décisions du 4 janvier 2013 portant obligation pour M. B...C...de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi, d'autre part, lui a enjoint de réexaminer la situation de

M. B...C...dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pendant ce réexamen et enfin, a mis à sa charge la part des frais exposés par M. B...C...non compris dans les dépens et laissés à sa charge par la décision du 22 avril 2013 du bureau d'aide juridictionnelle du Tribunal de grande instance de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B...C...devant le Tribunal administratif de Paris ;

..................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

Vu la directive n° 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du

16 décembre 2008 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 mai 2014 :

- le rapport de Mme Larsonnier, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Dewailly, rapporteur public ;

- et les observations de MeA..., pour M. B...C... ;

1. Considérant que M. B...C..., de nationalité péruvienne, né le

2 juillet 1974, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en invoquant sa qualité de conjoint d'une ressortissante de l'Union européenne ; que, par arrêté du 4 janvier 2013, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ; que le préfet de police fait appel du jugement du 24 octobre 2013 du Tribunal administratif de Paris en tant que, par ce jugement, celui-ci a annulé ses décisions du 4 janvier 2013 faisant obligation à M. B...C...de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination ; que, par la voie de l'appel incident, M. B...C...demande l'annulation de ce même jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du préfet de police du 4 janvier 2013 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ;

Sur l'appel principal du préfet de police :

2. Considérant que, pour annuler la décision du préfet de police du 4 janvier 2013 obligeant M. B...C...à quitter le territoire français, ainsi que par voie de conséquence les décisions fixant le délai de départ volontaire et le pays de renvoi, les premiers juges ont estimé que le préfet de police avait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle de l'intéressé au motif que l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français opposée à

M. B...C...aurait pour effet soit de priver son fils de son père pour le cas où cet enfant resterait aux côtés de sa mère, soit de la présence de sa mère dans le cas inverse où il accompagnerait son père au Pérou, alors qu'il n'est pas établi que sa mère, de nationalité estonienne, pourrait l'y rejoindre ni que M. B...C...pourrait être admis au séjour en Estonie ; que, toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B...C...et son épouse, certes de nationalité différente, ne seraient pas légalement admissibles dans le même pays, où ils pourraient poursuivre la vie familiale avec leur enfant, né le 7 septembre 2012 ; que, dès lors, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, le tribunal a annulé pour ce motif les décisions obligeant

M. B...C...à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination en relevant qu'elles étaient entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;

3. Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...C...tant devant le Tribunal administratif de Paris que devant elle ;

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

4. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; 3° S'il est inscrit dans un établissement fonctionnant conformément aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur pour y suivre à titre principal des études ou, dans ce cadre, une formation professionnelle, et garantit disposer d'une assurance maladie ainsi que de ressources suffisantes pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 5° afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale ; 4° S'il est un descendant direct âgé de moins de vingt et un ans ou à charge, ascendant direct à charge, conjoint, ascendant ou descendant direct à charge du conjoint, accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° ou 2° ; 5° S'il est le conjoint ou un enfant à charge accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées au 3°. " ; qu'aux termes de l'article L. 121-3 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le membre de famille visé aux 4° ou 5° de l'article L. 121-1 selon la situation de la personne qu'il accompagne ou rejoint, ressortissant d'un Etat tiers, a le droit de séjourner sur l'ensemble du territoire français pour une durée supérieure à trois mois. S'il est âgé de plus de dix-huit ans ou d'au moins seize ans lorsqu'il veut exercer une activité professionnelle, il doit être muni d'une carte de séjour. Cette carte, dont la durée de validité correspond à la durée de séjour envisagée du citoyen de l'Union dans la limite de cinq années, porte la mention : " carte de séjour de membre de la famille d'un citoyen de l'Union ". Sauf application des mesures transitoires prévues par le traité d'adhésion à l'Union européenne de l'Etat dont il est ressortissant, cette carte donne à son titulaire le droit d'exercer une activité professionnelle " ;

5. Considérant que la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article

L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile étant de droit,

M. B...C..., marié depuis le 29 juin 2012 avec une ressortissante estonienne, peut utilement invoquer la méconnaissance de ces dispositions à l'encontre de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ; que si M. B...C...soutient qu'il exerce une activité professionnelle lui permettant de disposer de ressources suffisantes pour lui et les membres de sa famille au sens des dispositions précitées, il résulte de celles-ci que seules les ressources du ressortissant de l'Union européenne, soit en l'espèce l'épouse de

M B...C..., doivent être prises en considération ; que la production de trois convocations adressées à l'épouse de M B...C..., respectivement en date des

14 mars 2012, 15 mai 2012 et 18 octobre 2012, pour exercer les fonctions d'interprète auprès de juridictions judiciaires, ne permettent pas d'établir que celle-ci exercerait une activité professionnelle stable, ni qu'elle disposerait de ressources suffisantes, alors qu'il ressort des avis d'impôt sur le revenu versés au dossier qu'elle a déclaré respectivement les sommes de 980 euros, 6 466 euros et 525 euros au titre des revenus 2008, 2009 et 2011 ; qu'ainsi, et dès lors que l'épouse de M. B...C...ne remplit aucune des conditions énoncées au 1° ou au 2° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision contestée ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 121-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7º A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...). " ;

7. Considérant que M. B...C..., entré régulièrement en France en 2004, établit résider habituellement sur le territoire français seulement depuis 2007 ; que s'il est marié depuis le 29 juin 2012 avec une ressortissante estonienne et que le couple a un enfant, né le 7 septembre 2012, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la date de la décision litigieuse, son épouse aurait elle-même régulièrement résidé en France ; que la circonstance que le couple ait eu un second enfant est sans incidence sur la légalité de la décision contestée dès lors que cet enfant est né le 14 septembre 2013, soit postérieurement à la décision litigieuse, dont la légalité s'apprécie à la date à laquelle elle a été prise ; qu'il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que M. B...C...ne pourrait pas reconstituer sa cellule familiale hors de France ; qu'en outre, il est constant que les parents de

M. B...C...résident au Pérou où lui-même a vécu au moins jusqu'à l'âge de

30 ans ; que le contrat de travail de M. B...C...concernant un emploi de peintre a, en tout état de cause, été conclu postérieurement à la décision contestée ; que, dès lors, cette décision ne peut être regardée comme ayant porté au droit de M. B...C...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise; que, par suite, elle n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

8. Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent utilement être invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

9. Considérant que la circonstance que les membres du couple soient de nationalité différente n'est pas, par elle-même, de nature à faire obstacle à la reconstitution de la cellule familiale hors du territoire français ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, comme il a déjà été dit, que M. B...C...ne serait pas admissible en Estonie, ou que son épouse ne le serait pas au Pérou ; qu'il s'ensuit que la décision contestée n'a pas méconnu les stipulations précitées ;

Sur la légalité de la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours :

10. Considérant que si M. B...C...soutient que la décision fixant à

trente jours le délai de départ volontaire méconnaît les dispositions de l'article 7 de la directive n° 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, ces dispositions ont été transposées par la loi du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité ; qu'ainsi, il ne saurait se prévaloir directement des dispositions de cette directive ;

11. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. (...) " ;

12. Considérant que ni la durée du séjour en France de M. B...C..., ni la nationalité différente de la mère de son enfant, ni aucune autre circonstance ressortant des pièces du dossier, eu égard notamment au très jeune âge de l'enfant, ne permettent de regarder le préfet de police comme ayant commis une erreur manifeste d'appréciation en accordant à l'intéressé un délai de départ volontaire de trente jours, qui est le délai normalement prévu pour quitter le territoire, sauf circonstances exceptionnelles non établies en l'espèce ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la demande de

M. B...C...tendant à l'annulation de la décision l'obligeant à quitter le territoire français et de celle fixant un délai de départ volontaire de trente doit être rejetée ;

Sur l'appel incident de M. B...C...:

14. Considérant que les conclusions, enregistrées après l'expiration du délai d'appel, par lesquelles M. B...C...demande l'annulation de la décision du préfet de police du 4 janvier 2013 portant refus de séjour et à ce qu'il soit enjoint au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour, doivent par suite être regardées comme un appel incident ; que ces conclusions soulèvent un litige distinct de celui qui fait l'objet de l'appel du préfet de police et ne sont, par suite, pas recevables, ainsi que le relève le préfet de police dans son dernier mémoire ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat qui n'est pas, en la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que demande M. B...C...au titre des frais qu'il a exposés à l'occasion du présent litige et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 1, 2 et 3 du jugement du 24 octobre 2013 du Tribunal administratif de Paris sont annulés.

Article 2 : La demande présentée devant le Tribunal administratif de Paris par

M. B...C...et ses conclusions d'appel sont rejetées.

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N° 13PA04530


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 13PA04530
Date de la décision : 26/05/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme HERBELIN
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: M. DEWAILLY
Avocat(s) : CABINET ELBAZ

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2014-05-26;13pa04530 ?
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