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12/05/2014 | FRANCE | N°13PA01127

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 12 mai 2014, 13PA01127


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 mars et 7 mai 2013, présentée par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), dont le siège est 7, square Max Hymans à Paris (75730) ;

L'ARCEP demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1209660/2-1 du 22 janvier 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé le titre de perception du 27 septembre 2011 par lequel elle a mis à la charge de la société Altitude wireless la somme de 1 437 040,91 euros au titre de la redevance annuelle desti

née à couvrir les coûts exposés par l'Etat pour la gestion du spectre hertzie...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 mars et 7 mai 2013, présentée par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), dont le siège est 7, square Max Hymans à Paris (75730) ;

L'ARCEP demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1209660/2-1 du 22 janvier 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé le titre de perception du 27 septembre 2011 par lequel elle a mis à la charge de la société Altitude wireless la somme de 1 437 040,91 euros au titre de la redevance annuelle destinée à couvrir les coûts exposés par l'Etat pour la gestion du spectre hertzien et des autorisations d'utilisation de fréquences pour les années 2008, 2009 et 2011 et de la redevance annuelle domaniale de mise à disposition de fréquences radioélectriques pour les mêmes années ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société Altitude wireless devant le Tribunal administratif de Paris ;

..................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 28 avril 2014, présentée pour la société Altitude wireless par Me Vève ;

Vu la directive 2002/20/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à l'autorisation de réseaux et de services de communications électroniques (directive " autorisation ") ;

Vu la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et les services de communications électroniques (directive " cadre ") ;

Vu la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances ;

Vu le code des postes et communications électroniques ;

Vu la loi n° 2007-1824 du 25 décembre 2007 de finances rectificative pour 2007 ;

Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique ;

Vu le décret n° 92-1369 du 29 décembre 1992 modifiant le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique et fixant les dispositions applicables au recouvrement des créances de l'Etat mentionnées à l'article 80 de ce décret ;

Vu le décret n° 2007-1531 du 24 octobre 2007 instituant une redevance destinée à couvrir les coûts exposés par l'Etat pour la gestion de fréquences radioélectriques ;

Vu le décret n° 2007-1532 du 24 octobre 2007 relatif aux redevances d'utilisation des fréquences radioélectriques dues par les titulaires d'autorisations d'utilisation de fréquences délivrées par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes ;

Vu l'arrêté du 24 octobre 2007 portant application du décret n° 2007-1532 du

24 octobre 2007 relatif aux redevances d'utilisation des fréquences radioélectriques dues par les titulaires d'autorisations d'utilisation de fréquences délivrées par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 avril 2014 :

- le rapport de M. Sorin, premier conseiller,

- les conclusions de M. Ladreyt, rapporteur public,

- et les observations de Mme A...pour l'ARCEP et de Me Vève avocat de la société Altitude wireless ;

1. Considérant que par un titre de perception en date du 27 septembre 2011, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) a mis à la charge de la société Altitude wireless, titulaire d'une autorisation d'utilisation de fréquences radioélectriques, la somme de 1 437 040,91 euros au titre de la redevance annuelle destinée à couvrir les coûts exposés par l'Etat pour la gestion du spectre hertzien et des autorisations d'utilisation de fréquences pour les années 2008, 2009 et 2011 et de la redevance annuelle domaniale de mise à disposition de fréquences radioélectriques pour les mêmes années ; que, par un jugement du 22 janvier 2013, le Tribunal administratif de Paris a annulé ce titre de perception ; que l'ARCEP interjette régulièrement appel de ce jugement ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 12 de la directive 2002/20/CE du 7 mars 2002 susvisée : " 1. Les taxes administratives imposées aux entreprises fournissant un service ou un réseau au titre de l'autorisation générale ou auxquelles un droit d'utilisation a été octroyé : / a) couvrent exclusivement les coûts administratifs globaux qui seront occasionnés par la gestion, le contrôle et l'application du régime d'autorisation générale, des droits d'utilisation et des obligations spécifiques visées à l'article 6, paragraphe 2, qui peuvent inclure les frais de coopération, d'harmonisation et de normalisation internationales, d'analyse de marché, de contrôle de la conformité et d'autres contrôles du marché, ainsi que les frais afférents aux travaux de réglementation impliquant l'élaboration et l'application de législations dérivées et de décisions administratives, telles que des décisions sur l'accès et l'interconnexion, et / b) sont réparties entre les entreprises individuelles d'une manière objective, transparente et proportionnée qui minimise les coûts administratifs et les taxes inhérentes supplémentaires. / 2. Lorsque les autorités réglementaires nationales imposent des taxes administratives, elles publient un bilan annuel de leurs coûts administratifs et de la somme totale des taxes perçues. Les ajustements nécessaires sont effectués en tenant compte de la différence entre la somme totale des taxes et les coûts administratifs " ; qu'aux termes de l'article 2 du décret n° 2007-1532 du 24 octobre 2007 susvisé : " Les titulaires d'une autorisation d'utilisation de fréquences (...) accordée par une décision de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes sont assujettis : (...) - au paiement d'une redevance annuelle de gestion dont le montant est destiné à couvrir les coûts exposés par l'Etat pour la gestion du spectre hertzien et des autorisations d'utilisation de fréquences et déterminé conformément au chapitre II du présent décret (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions précises et inconditionnelles qu'il existe une obligation pour les autorités réglementaires de justifier précisément que la redevance de gestion de fréquences radioélectriques, qui trouve son fondement dans les dispositions précitées de l'article 12 de la directive 2002/20 transposée sur ce point par celles précitées de l'article 2 du décret n° 2007-1532, couvre exclusivement les coûts administratifs globaux tels que détaillés au paragraphe 1 de cet article ; qu'en l'espèce, aucune disposition des décrets n° 2007-1531 et 2007-1532 du 24 octobre 2007 n'est venue transposer cet article ; que, dès lors, la méconnaissance des obligations imposées par l'article 12 de la directive 2002/20/CE est susceptible d'être invoquée par un justiciable à l'appui d'un recours dirigé contre un acte individuel pris à son encontre ;

4. Considérant que pour annuler le titre de perception du 27 septembre 2011 par lequel l'ARCEP a mis à la charge de la société Altitude wireless la somme de 1 437 040,91 euros au titre de la redevance annuelle destinée à couvrir les coûts exposés par l'Etat pour la gestion du spectre hertzien et des autorisations d'utilisation de fréquences pour les années 2008, 2009 et 2011 et de la redevance annuelle domaniale de mise à disposition de fréquences radioélectriques pour les mêmes années, le Tribunal administratif de Paris a estimé que l'ARCEP ne justifiait pas que les sommes prélevées au titre de la redevance de gestion couvraient exclusivement les coûts administratifs globaux occasionnés par cette gestion ; que, toutefois, et pour la première fois en cause d'appel, l'ARCEP produit des éléments de comptabilité analytique détaillés permettant d'établir, d'une part, que le produit des redevances de gestion couvre effectivement les coûts administratifs globaux au sens des dispositions de l'article 12 de la directive du 7 mars 2002 précitées et, d'autre part, que ces redevances ne couvrent qu'une partie des coûts ainsi exposés ; que, contrairement à ce que soutient la société Altitude wireless, d'une part, il ne résulte pas de l'instruction que ces tableaux reposeraient sur des données comptables erronées et, d'autre part, les dispositions précitées de l'article 12, qui se bornent à exiger un équilibre entre " les coûts administratifs globaux " exposés et " la somme totale des taxes perçues ", n'imposent aucunement à l'ARCEP de détailler la répartition respective du montant des redevances perçues et des coûts de gestion exposés pour chaque catégorie d'opérateurs exploitant des fréquences hertziennes ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le Tribunal administratif s'est fondé sur l'absence de preuve de l'affectation du produit des redevances de gestion aux coûts administratifs globaux exposés par l'ARCEP pour annuler le titre de perception du 27 septembre 2011 ;

6. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 13 de la directive 2002/20/CE du 7 mars 2002 susvisée : " Les Etats membres peuvent permettre à l'autorité compétence de soumettre à une redevance les droits d'utilisation des radiofréquences ou des numéros ou les droits de mettre en place des ressources sur ou sous des biens publics ou privés, afin de tenir compte de la nécessité d'assurer une utilisation optimale de ces ressources. Les Etats membres font en sorte que ces redevances soient objectivement justifiées, transparentes, non discriminatoires et proportionnées eu égard à l'usage auquel elles sont destinées et tiennent compte des objectifs fixés à l'article 8 de la directive 2002/21/CE (directive cadre) " ; qu'au terme de cet article : " (...) Les autorités réglementaires nationales promeuvent la concurrence dans la fourniture des réseaux de communications électroniques, des services de communications électroniques et des ressources et services associés, (...), contribuent au développement du marché intérieur, (...) soutiennent les intérêts des citoyens de l'Union européenne " ; qu'aux termes de l'article 2 du décret n°2007-1532 du 24 octobre 2007 susvisé : " Les titulaires d'une autorisation d'utilisation de fréquences (...) accordée par une décision de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes sont assujettis : (...) - au paiement d'une redevance annuelle domaniale de mise à disposition de fréquences radioélectriques dont le montant est déterminé conformément au chapitre Ier du présent décret (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 du décret n° 2007-1532 susvisé : " Par dérogation à

l'article 2, les titulaires d'une autorisation d'utilisation de fréquences exploitant un réseau mobile terrestre ouvert au public sont assujettis au paiement d'une redevance dont le montant est déterminé par le chapitre III. Lorsqu'il n'est pas déterminé par le chapitre III, ce montant est précisé dans le cahier des charges annexé aux autorisations correspondantes. / Pour les autorisations d'utilisation des fréquences pour l'exploitation d'un réseau mobile terrestre ouvert au public, les chapitres Ier et II et le premier alinéa de l'article 14 du présent décret ne sont pas applicables " ;

7. Considérant que pour annuler le titre de perception du 27 septembre 2011 par lequel l'ARCEP a mis à la charge de la société Altitude wireless la somme de 1 437 040,91 euros au titre de la redevance annuelle destinée à couvrir les coûts exposés par l'Etat pour la gestion du spectre hertzien et des autorisations d'utilisation de fréquences pour les années 2008, 2009 et 2011 et de la redevance annuelle domaniale de mise à disposition de fréquences radioélectriques pour les mêmes années, le Tribunal administratif de Paris a estimé que l'ARCEP n'apportait aucun élément qui ferait état d'une quelconque différence de situation entre les opérateurs exploitant un réseau hertzien fixe et les opérateurs exploitant un réseau mobile terrestre ouvert au public permettant de justifier des modalités de calcul différentes de la redevance annuelle domaniale due par ces deux catégories d'opérateur, et, partant, a accueilli le moyen tiré de la rupture d'égalité opérée entre ces opérateurs par les dispositions précitées du décret

n° 2007-1532 ;

8. Considérant, toutefois, qu'il résulte de l'instruction que ces opérateurs sont, tant d'un point de vue juridique que d'un point de vue technique et économique, placés dans des situations différentes ; que, d'une part, il résulte de l'instruction qu'en application des dispositions de l'article L. 42-2 du code des postes et des communications électroniques, seules les autorisations d'utilisation des fréquences permettant l'exploitation d'un réseau mobile ouvert au public font l'objet d'une sélection par appel à candidature, les autorisations d'utilisation des fréquences fixes étant délivrées au fur et à mesure des demandes reçues par l'ARCEP ; que, par ailleurs, en vertu du même article, seuls le montant et les modalités de versement des redevances dues pour les fréquences permettant l'exploitation d'un réseau mobile ouvert au public peuvent déroger aux dispositions de l'article L. 2125-4 du code général de la propriété des personnes publiques ; que, d'autre part, d'un point de vue technique, les opérateurs exploitant un réseau hertzien fixe, qui se répartissent entre les opérateurs de service fixe point à point et les opérateurs de boucle locale radio, ont vocation à assurer un service local principalement destiné à permettre l'accès à la ressource numérique des territoires ruraux, alors que les opérateurs exploitant un réseau mobile terrestre ouvert au public ont vocation à offrir principalement des services de téléphonie mobile à l'échelle nationale ; qu'enfin, les conditions d'exploitation commerciale de la ressource hertzienne occupée par les opérateurs de réseaux fixes et les opérateurs de réseaux mobiles diffèrent profondément, ces derniers comptant près de 73,1 millions de clients au 31 décembre 2012 et ayant généré cette même année un chiffre d'affaires de 18 milliards d'euros quand les premiers comptaient à la même date moins de 50 000 abonnés pour un chiffre d'affaires de

15 millions d'euros ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur la rupture d'égalité entre les différentes catégories d'opérateurs pour annuler le titre de perception du 27 septembre 2011 ;

10. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Altitude wireless devant le Tribunal administratif de Paris et devant la Cour ;

Sur la légalité du titre de perception du 27 septembre 2011 :

En ce qui concerne la redevance de gestion :

11. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er du décret n° 2007-1531 du 24 octobre 2007 susvisé : " Les titulaires d'autorisations d'utilisation de fréquences radioélectriques délivrées par arrêté du ministre chargé des communications électroniques pris avant le 1er janvier 1997 ou accordées par décision de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes sont assujettis à une redevance annuelle destinée à couvrir les coûts exposés par l'Etat pour la gestion du spectre hertzien et des autorisations d'utilisation de fréquences " ; qu'aux termes de l'article 2 du même décret : " Le mode de calcul de la redevance instituée à l'article 1er et les conditions de son paiement et de son recouvrement sont déterminés par décret " ; qu'aux termes de l'article 2 du décret n° 2007-1532 du 24 octobre 2007 susvisé : " Les titulaires d'une autorisation d'utilisation de fréquences (...) accordée par une décision de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes sont assujettis : (...) - au paiement d'une redevance annuelle de gestion dont le montant est destiné à couvrir les coûts exposés par l'Etat pour la gestion du spectre hertzien et des autorisations d'utilisation de fréquences et déterminé conformément au chapitre II du présent décret (...) " ;

12. Considérant que la redevance annuelle de gestion ainsi instaurée est destinée à couvrir les coûts exposés pour la gestion du spectre hertzien et des autorisations d'utilisation de fréquences incombant à l'ARCEP ; que cette gestion inclut la recherche et la coordination des bandes de fréquences, notamment pour les réseaux allotis de couverture nationale ou infranationale dans les zones frontalières afin d'éviter les brouillages, l'inscription des fréquences dans le fichier national des fréquences, le contrôle du respect par les titulaires d'autorisations des obligations de couverture mises à leur charge, le contrôle des installations utilisées par ces titulaires et la vérification de la cohérence entre la liste des sites mis en service transmise par les titulaires de l'autorisation et les déclarations faites par ces mêmes titulaires auprès de la commission d'assignation des fréquences et de la commission des sites et servitudes ; que, dans ces conditions, et contrairement à ce que soutient la société requérante, la circonstance que la gestion du spectre hertzien contribue également à la satisfaction de l'intérêt général n'est pas, à elle seule, de nature à la priver de sa qualification de redevance pour service rendu, dès lors, d'une part, qu'elle trouve sa contrepartie directe dans les coûts exposés par l'ARCEP pour la gestion du spectre hertzien et des autorisations d'utilisation des fréquences, et, d'autre part, que cette gestion, nécessaire à l'utilisation des fréquences hertziennes, bénéficie principalement et directement aux entreprises titulaires d'autorisations d'utilisation de fréquences ; qu'il y a par suite lieu d'écarter le moyen tiré de ce que, la redevance de gestion devant en réalité être regardée comme une imposition de toute nature, seul le législateur aurait été compétent pour l'instaurer ;

13. Considérant, en deuxième lieu, que la société requérante n'établit pas que les " dotations budgétaires " dont bénéficierait par ailleurs l'ARCEP de la part de l'Etat permettraient de couvrir les frais exposés au titre de la gestion du spectre hertzien et des autorisations d'utilisation de fréquences ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les coûts engendrés par cette gestion seraient déjà couverts par l'impôt ne peut qu'être écarté ;

14. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 4 de la loi organique relative aux lois de finances : " La rémunération de services rendus par l'Etat peut être établie et perçue sur la base de décrets en Conseil d'Etat pris sur le rapport du ministre chargé des finances et du ministre intéressé. Ces décrets deviennent caducs en l'absence d'une ratification dans la plus prochaine loi de finances afférente à l'année concernée " ;

15. Considérant que le décret n° 2007-1531 du 24 octobre 2007 susvisé, pris en Conseil d'Etat, qui fixe en son article 1er le principe de l'assujettissement des titulaires d'autorisations d'utilisation de fréquences radioélectriques délivrées par l'ARCEP au paiement d'une redevance annuelle destinée à couvrir les coûts exposés par l'Etat pour la gestion du spectre hertzien et des autorisations d'utilisation de fréquences a pu, sans méconnaître les dispositions précitées de l'article 4 de la loi organique relative aux lois de finances, renvoyer à un décret simple le soin de fixer le mode de calcul et les conditions de paiement et de recouvrement de ladite redevance ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le décret n° 2007-1532 du 24 octobre 2007 susvisé, qui procède à cette fixation, n'a pas été pris en Conseil d'Etat est inopérant et doit être écarté ;

16. Considérant, en quatrième lieu, que le moyen tiré de ce que, en méconnaissance des dispositions de l'article 4 de la loi organique relative aux lois de finances précitées, le décret

n° 2007-1532 du 24 octobre 2007 susvisé n'a pas été pris sur le rapport du ministre chargé des communications électroniques n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé ; qu'il n'est en tout état de cause pas fondé, le décret n° 2007-996 du

31 mai 2007 relatif aux attributions du ministre de l'économie, des finances et de l'emploi alors applicable lui attribuant compétence pour la politique des postes et communications électroniques ;

17. Considérant, en cinquième lieu, que le moyen tiré de ce que l'ARCEP ne justifierait pas précisément l'équivalence entre le produit de la redevance de gestion et les coûts administratifs globaux occasionnés pour la gestion du spectre hertzien et des autorisations d'utilisation des fréquences doit être écarté pour les raisons qui ont été exposées au point 4 ;

18. Considérant, en sixième lieu, qu'aux termes de l'article 3 du décret n° 2007-1532 susvisé : " Par dérogation à l'article 2, les titulaires d'une autorisation d'utilisation de fréquences exploitant un réseau mobile terrestre ouvert au public sont assujettis au paiement d'une redevance dont le montant est déterminé par le chapitre III. Lorsqu'il n'est pas déterminé par le chapitre III, ce montant est précisé dans le cahier des charges annexé aux autorisations correspondantes. / Pour les autorisations d'utilisation des fréquences pour l'exploitation d'un réseau mobile terrestre ouvert au public, les chapitres Ier et II et le premier alinéa de l'article 14 du présent décret ne sont pas applicables " ;

19. Considérant que la société Altitude wireless soutient que ces dispositions introduisent une différence de traitement entre les opérateurs exploitant un réseau mobile terrestre ouvert au public et les autres opérateurs, les premiers étant notamment soustraits au paiement de la redevance de gestion, et méconnaissent par suite le principe d'égalité de traitement des opérateurs ;

20. Considérant que le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un comme l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier ;

21. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les opérateurs exploitant un réseau mobile terrestre ouvert au public sont assujettis, en application des dispositions précitées de l'article 3 du décret n° 2007-1532, à une redevance dont le montant est déterminé soit par les dispositions du chapitre III dudit décret, soit dans le cahier des charges annexé aux autorisations dont ils bénéficient ; qu'en l'espèce, les opérateurs de téléphonie mobile supportent, en vertu des décisions d'autorisation dont ils sont détenteurs, les coûts relatifs au contrôle des obligations de couverture du territoire par le réseau mobile exploité ainsi que les coûts liés à la réalisation annuelle sur ledit réseau des mesures de la qualité du service fourni conformément à une méthodologie définie par l'ARCEP ; que ces mêmes coûts sont, en revanche, supportés par l'ARCEP s'agissant des opérateurs exploitant un réseau hertzien fixe et recouvrés dans le cadre de la redevance annuelle de gestion à laquelle ils sont soumis ; que la différence de situation qui en résulte est de nature à justifier la différence de traitement introduite par le décret

n° 2007-1532 entre ces différentes catégories d'opérateurs ; que, par suite, le moyen tiré de la rupture d'égalité entre les différentes catégories d'opérateurs doit être écarté ;

22. Considérant, en septième lieu, qu'il résulte des dispositions de l'article 12 du décret n° 2007-1532 susvisé que le montant annuel, exprimé en euros, de la redevance de gestion est égal au produit d'une constante de référence " G " par la surface hertzienne dont l'utilisation est autorisée ; que l'arrêté du 24 octobre 2007 portant application de ce décret a fixé la valeur de la constante " G " à 50 euros ; que si la société requérante soutient que l'ARCEP ne démontre pas le caractère objectif et proportionnée de ce montant, il résulte de l'instruction que ce montant a été déterminé, à l'issue de travaux menés conjointement par l'ARCEP et l'Agence nationale des fréquences, par le rapport du nombre de fréquences attribuées en application du décret du

3 février 1993, que le décret n° 2007-1532 a remplacé, à l'ensemble des coûts directement supportés pour la gestion des autorisations d'utilisation de fréquences ; qu'au résultat obtenu a été appliqué une double " marge de sécurité " destinée à garantir que le montant total des redevances perçues ne soit pas supérieur aux coûts administratifs globaux exposés ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le montant de la constante " G " ne serait ni objectif, ni proportionné, doit être écarté ;

23. Considérant, en huitième lieu, que la société requérante soutient qu'en fixant à

50 euros le montant de la constante de référence " G " et en prévoyant un montant de la redevance de gestion pour les assignations égal au produit de cette constante par le nombre d'assignations attribuées, les dispositions de l'article 12 du décret n° 2007-1532 ont méconnu les dispositions de l'article 12 de la directive 2002/20 précitées ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que ce mode de calcul de la redevance de gestion a été déterminé en tenant compte de l'ensemble des prestations assurées par l'ARCEP dont bénéficient, de façon mutualisée, les sociétés affectataires de fréquences hertziennes pendant toute la durée des autorisations qu'elles détiennent ; qu'il n'y a dès lors pas lieu, contrairement à ce que soutient la société requérante, de distinguer les prestations fournies au moment de l'affectation des fréquences et les prestations assurées tout au long de leur occupation privative ; que, par suite, le mode de calcul de ces fréquences ne méconnaît pas les dispositions de la directive 2002/20 précitées ;

24. Considérant, en neuvième lieu, que si la société requérante soutient qu'une partie des prestations de gestion des fréquences hertziennes relevant de l'ARCEP est déléguée, en vertu d'une convention du 11 mai 2012, à l'Agence nationale des fréquences, il résulte de ladite convention que ces prestations portent exclusivement sur les demandes d'utilisation temporaire de fréquences, sur les demandes d'utilisations de fréquences pour des réseaux du service mobile et sur les demandes d'utilisation de fréquences inférieures à 470 MHz ; qu'il n'est ni établi ni même soutenu que la société requérante relève de l'une de ces hypothèses ; que, par suite, elle n'est pas fondée à soutenir qu'elle supporterait une double charge financière, la première au titre de l'impôt, destiné à financer les activités de l'Agence nationale des fréquences, et la seconde au titre de la redevance annuelle de gestion, destinée à alimenter le budget de l'ARCEP ;

25. Considérant, en dixième lieu, que, contrairement à ce que soutient la société requérante, la circonstance, à la supposer établie, qu'elle n'aurait fait l'objet que de missions de contrôle éparses n'est pas de nature à établir l'existence d'une disproportion entre le montant de la redevance et les avantages procurés par l'occupation privative du domaine public hertzien ; que, par ailleurs, et contrairement à ce qu'elle soutient, le produit de la taxe forfaitaire pour l'utilisation de fréquences radioélectriques sans autorisation, due, comme son nom l'indique, lorsqu'une fréquence est occupée en dehors de toute autorisation, n'est pas déjà inclus dans le montant de la redevance de gestion relative aux fréquences dont l'occupation privative est autorisée ; que, par suite, la circonstance que la société requérante ait exposé des coûts afférents au paiement de cette taxe est sans incidence sur le montant dû au titre de la redevance de gestion ;

26. Considérant, en onzième lieu, que si la société Altitude wireless soutient qu'à défaut de préciser les bases de liquidation de la créance réclamée, le titre de perception litigieux est insuffisamment motivé, il résulte de l'instruction, et il ressort des écritures-mêmes de la société requérante ainsi que du recours gracieux qu'elle a adressé à l'ARCEP le 21 novembre 2011, que les ordres de paiement successifs dont elle a été destinataire entre 2008 et 2011 étaient joints au titre de perception litigieux ; que ces ordres de paiement indiquent de façon suffisamment précise les bases de la liquidation de la créance réclamée ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation du titre exécutoire litigieux doit être écarté ;

27. Considérant, enfin, que le moyen tiré de l'inintelligibilité du titre de perception litigieux, qui ainsi qu'il a été dit au point 26 énonce les bases de la liquidation de la créance pour le recouvrement de laquelle il est émis et est par suite suffisamment motivé, n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

En ce qui concerne la redevance domaniale :

28. Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret n° 2007-1531 du 24 octobre 2007 susvisé : " Les titulaires d'autorisations d'utilisation de fréquences radioélectriques délivrées par arrêté du ministre chargé des communications électroniques pris avant le

1er janvier 1997 ou accordées par décision de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes sont assujettis à une redevance annuelle destinée à couvrir les coûts exposés par l'Etat pour la gestion du spectre hertzien et des autorisations d'utilisation de fréquences " ; qu'aux termes de l'article 2 du même décret : " Le mode de calcul de la redevance instituée à l'article 1er et les conditions de son paiement et de son recouvrement sont déterminés par décret " ; qu'aux termes de l'article 2 du décret n° 2007-1532 du 24 octobre 2007 susvisé : " Les titulaires d'une autorisation d'utilisation de fréquences (...) accordée par une décision de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes sont assujettis : (...) - au paiement d'une redevance annuelle domaniale de mise à disposition de fréquences radioélectriques dont le montant est déterminé conformément au chapitre Ier du présent décret (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 du décret n° 2007-1532 susvisé : " Par dérogation à

l'article 2, les titulaires d'une autorisation d'utilisation de fréquences exploitant un réseau mobile terrestre ouvert au public sont assujettis au paiement d'une redevance dont le montant est déterminé par le chapitre III. Lorsqu'il n'est pas déterminé par le chapitre III, ce montant est précisé dans le cahier des charges annexé aux autorisations correspondantes. / Pour les autorisations d'utilisation des fréquences pour l'exploitation d'un réseau mobile terrestre ouvert au public, les chapitres Ier et II et le premier alinéa de l'article 14 du présent décret ne sont pas applicables " ;

29. Considérant que la redevance imposée à un occupant du domaine public doit être calculée non seulement en fonction de la valeur locative d'une propriété privée comparable à la dépendance du domaine public pour laquelle la permission est délivrée mais aussi en fonction de l'avantage spécifique procuré par cette jouissance privative du domaine public ;

30. Considérant, en premier lieu, que la société requérante soutient que les difficultés économiques rencontrées par les opérateurs titulaires d'autorisations de fréquences hertziennes utilisant le système d'exploitation WiMAX depuis l'intervention du décret n° 2007-1532 ont sensiblement diminué la valeur commerciale des autorisations détenues alors que le mode de calcul de la redevance, qui ne comprend pas, contrairement à ce qu'il en est de la redevance due par les opérateurs de réseaux mobile terrestres ouverts au public, de coefficient indexé sur les résultats commerciaux, est demeuré identique ; que, toutefois, d'une part, en proportionnant la fixation de cette redevance à la largeur de la bande de fréquence attribuée et à la surface couverte par l'autorisation d'utilisation de fréquences et en tenant compte ainsi des avantages tirés de l'utilisation de la fréquence, le décret litigieux répond à l'objectif de gestion optimale des ressources en radiofréquences fixé par l'article 13 de la directive 2002/20/CE ; que, d'autre part, en se bornant à invoquer une conjoncture économique défavorable, la société requérante n'établit pas que les modalités de fixation de la redevance domaniale de mise à disposition des radiofréquences conduirait à un montant disproportionné aux avantages procurés par l'occupation du domaine public hertzien, les données chiffrées qu'elle produit faisant au demeurant état d'une part de la redevance dans le chiffre d'affaires oscillant de 10 à 20% qui ne saurait être regardé comme manifestement disproportionnée ; qu'enfin, la société requérante n'établit pas que ce montant serait à l'origine des difficultés économiques rencontrées, lesquelles résultent au contraire de l'obsolescence de la technologie qu'elle exploite ; que, dans ces conditions, le moyen soulevé ne peut qu'être écarté ;

31. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 4 du décret n° 2007-1532 susvisé : " Les coefficients définis ci-après servent au calcul des montants des redevances. / Le coefficient " l " représente la largeur de bande de fréquences attribuée, exprimée en MHz. / Le coefficient " bf " caractérise la bande de fréquences. / Le coefficient " lb " caractérise l'adéquation de longueur de bond dans le cas du service fixe point à point. / Le coefficient " es " caractérise l'efficacité spectrale dans le cas du service fixe point à point. / Le coefficient " a " caractérise les autorisations d'utilisation de fréquences par allotissement. / Le coefficient " c " caractérise la surface couverte par l'autorisation d'utilisation de fréquences. / Les coefficients " k1 ", " k2 ", " k3 ", " k4 " sont des valeurs de référence. / Les valeurs des coefficients bf, lb, es, a, k1, k2, k3, k4 sont fixées par arrêté du ministre chargé des communications électroniques " ; qu'aux termes de l'article 5 du même décret : " Pour une assignation du service fixe point à point, le montant annuel, exprimé en euros, de la redevance de mise à disposition résulte du produit des coefficients l, bf, lb, es, k1 (...) " ; qu'aux termes de l'article 6 du même décret : " Pour un allotissement du service fixe de boucle locale radio, le montant annuel, exprimé en euros, de la redevance de mise à disposition résulte du produit des coefficients l, bf, c, k2. / Pour l'application du présent article, le coefficient c est égal au rapport entre la surface couverte par l'allotissement et la surface totale du territoire métropolitain (...) " ;

32. Considérant, d'une part, que si la société requérante fait grief aux dispositions de l'article 6 du décret n° 2007-1532 précitées de lier le montant de la redevance domaniale due pour les services fixes de boucle locale radio à la surface couverte alors, selon elle, que cette surface est sans rapport avec la densité de la population qui constitue le seul critère économique pertinent, il résulte de l'instruction, et il n'est pas contesté, que les autorisations portant sur des services fixe de boucle locale radio ont pour principal objet de permettre l'accès à des services de communications électroniques à haut débit dans les territoires ruraux faiblement équipés ; que les auteurs de la disposition contestée ont, par suite, pu à bon droit retenir pour le calcul de la redevance pour les services fixes de boucle locale radio le critère de la surface couverte, pertinent au regard de l'objectif poursuivi ;

33. Considérant, d'autre part, que le moyen tiré de l'absence de démonstration par l'ARCEP du caractère pertinent des niveaux des coefficients " bf " et " k2 " fixés par les dispositions de l'arrêté du 24 mars 2007 susvisé n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

34. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'ARCEP est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé le titre du perception du 27 septembre 2011 par lequel elle a mis à la charge de la société Altitude wireless la somme de 1 437 040,91 euros au titre de la redevance annuelle destinée à couvrir les coûts exposés par l'Etat pour la gestion du spectre hertzien et des autorisations d'utilisation de fréquences pour les années 2008, 2009 et 2011 et de la redevance annuelle domaniale de mise à disposition de fréquences radioélectriques pour les mêmes années ; qu'il y a lieu de rejeter la demande présentée en première instance par la société Altitude wireless, ensemble les conclusions présentées en appel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1209660/2-1 du Tribunal administratif de Paris du 22 janvier 2013 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la société Altitude wireless devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de la société Altitude wireless présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 13PA01127


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 13PA01127
Date de la décision : 12/05/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: M. Julien SORIN
Rapporteur public ?: M. LADREYT
Avocat(s) : SELARL ERIC VEVE ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2014-05-12;13pa01127 ?
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