Vu le recours, enregistré le 4 décembre 2012, présenté pour le ministre de l'intérieur, par MeA..., qui demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n°1114858/3-2 du 26 septembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé pour excès de pouvoir sa décision du 23 mai 2011 refusant de renouveler l'autorisation de jeux dont bénéficiait l'association le Cercle Haussmann, ainsi que sa décision du 22 juillet 2011 confirmant, sur recours gracieux, cette décision ;
2°) de rejeter la demande formée par l'association le Cercle Haussmann devant le Tribunal administratif ;
.................................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code monétaire et financier ;
Vu les articles 47 et 49 de la loi de finances du 30 juin 1923 ;
Vu le décret n° 47-798 du 5 mai 1947 ;
Vu le décret n° 2011-252 du 9 mars 2011 ;
Vu l'instruction du 15 juillet 1947 sur la règlementation des jeux dans les cercles ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 mars 2014 :
- le rapport de Mme Petit, premier conseiller,
- les conclusions de M. Dewailly, rapporteur public,
- les observations de Me A...de la SELAS Arcole, pour le ministre de l'intèrieur,
- et les observations de Me B...substituant MeC..., pour l'association Cercle Haussmann ;
1. Considérant qu'à la suite d'un contrôle, effectué le 12 avril 2011 dans les locaux de l'association Cercle Haussmann, qui bénéficiait d'une autorisation de jeux en application de l'article 47 de la loi du 30 juin 1923 et du décret du 5 mai 1947, des manquements aux dispositions de l'instruction ministérielle du 15 juillet 1947 portant réglementation des jeux et des cercles ont été constatés par les services de police ; que, par une décision du 23 mai 2011, le ministre de l'intérieur, après avoir recueilli l'avis de la commission consultative des jeux de cercles et de casinos, a refusé le renouvellement de cette autorisation de jeux, qui expirait le 31 mai 2011 ; que, sur recours gracieux formé le 16 juin 2011, le ministre de l'intérieur a, le 22 juillet 2011, confirmé sa décision ; que, par un jugement du 26 septembre 2012, le Tribunal administratif de Paris a annulé pour excès de pouvoir ces deux décisions du ministre de l'intérieur, en estimant que la matérialité du principal grief reproché à l'association, à savoir l'existence d'un second accès, sans contrôle, aux salles de jeux, n'était pas établie par l'administration, et qu'en tant qu'il se fondait sur les autres manquements, le refus de renouvellement était entaché d'erreur manifeste d'appréciation ; que le ministre de l'intérieur fait appel de ce jugement ;
2. Considérant, en premier lieu, que le ministre de l'intérieur soutient qu'il se trouvait en situation de compétence liée, dès lors que, par une décision du 23 mai 2011, le commissaire divisionnaire en fonction au service central des courses et jeux de la direction centrale de la police judiciaire avait ordonné la fermeture momentanée du Cercle Haussmann à compter du même jour à 11h05 ; qu'il en déduit que, du fait de cette compétence liée, l'ensemble des moyens soulevés en première instance par l'association Cercle Haussmann seraient inopérants ; que, toutefois, cette décision du 23 mai 2011 a été prise en application de l'article 63 de l'instruction du 15 juillet 1947, selon laquelle : " Les fonctionnaires de police [...] ont la meilleure compétence pour formuler toutes observations et recommandations ou prescrire toutes mesures qu'ils estiment opportunes en vue de remédier aux imperfections d'organisation ou de fonctionnement qu'ils sont à même de constater à l'occasion de leur contrôle. / En cas d'urgence, ils sont habilités à prendre, sous leur responsabilité, toutes décisions nécessaires à charge pour eux d'en rendre immédiatement compte à l'administration supérieure [...] " ; que, prise en raison de l'urgence, elle consistait seulement en une fermeture provisoire du cercle de jeux ; que, par suite, le ministre de l'intérieur, qui n'allègue pas que la situation financière et administrative de l'association était définitivement compromise, ne se trouvait pas en situation de compétence liée du fait de la décision provisoire prise par un agent placé sous son autorité, et pouvait, le cas échéant, accorder une nouvelle autorisation ;
3. Considérant, en second lieu, que le ministre fait valoir que l'ensemble des manquements reprochés à l'association Cercle Haussmann justifiait, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif, le refus de renouvellement de l'autorisation de jeux ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 47 de la loi de finances du 30 juin 1923 : " Les jeux de hasard ne peuvent être pratiqués dans les cercles constitués sous le régime de la loi du 1er juillet 1901 qu'en vertu d'une autorisation toujours révocable du ministre de l'intérieur, et sous réserve : [...] 2° que la direction et le fonctionnement des jeux soient assurés en conformité des règles posées par le décret qui déterminera les modalités d'application du présent article ou par des instructions administratives [...] " ; que le décret du 5 mai 1947 portant règlement de la police des jeux dans les cercles, pris en application de l'article 47 de la loi, dispose en son article 1er que : " L'autorisation de jeux prévue par l'article 47 de la loi du 30 juin 1923 est accordée par le ministre de l'intérieur après avis de la commission consultative des jeux de cercles et de casinos prévue par le décret n° 2011-252 du 9 mars 2011.... confère aux membres du cercle qui l'a obtenue ... le droit de pratiquer des jeux de hasard... ", et renvoie, en son article 7, à une instruction du ministre de l'intérieur le soin de fixer les conditions d'application du décret ; que cette instruction, intervenue le
15 juillet 1947, a été publiée au Journal officiel du 19 juillet 1947 ; que, selon l'article 66 de cette instruction ministérielle, portant réglementation des jeux et des cercles ; : " Les commissaires et inspecteurs de police des Renseignements généraux ou les commissaires de Sécurité publique chargés du contrôle et de la surveillance des cercles rendent compte par rapports établis en triples exemplaires [...] des constations faites au cours de leur surveillance. Chargés de vérifier la stricte observation des prescriptions légales et administratives sur le fonctionnement des jeux, ils ont le devoir de signaler toute infraction relevée par eux ou parvenue à leur connaissance. / Les irrégularités légères sont relatées dans un rapport administratif comme il est dit ci-dessus. / Lorsqu'il s'agit d'infractions graves constituant soit des délits, soit des faits de nature à entraîner le retrait ou la suspension de l'autorisation des jeux ou quelque autre sanction administrative (emploi de combinaisons frauduleuses, détournements d'espèces ou de jetons par les employés de jeux, fausses indications portées sur les documents de comptabilité en vue de soustraire à l'impôt une partie des recettes, etc. ), les commissaires ou les inspecteurs officiers de police judiciaire dressent un procès-verbal et procèdent à une enquête dans les formes usitées en matière judiciaire. [...] " ;
5. Considérant que, pour justifier le refus de renouvellement de l'autorisation de jeux sollicitée par le Cercle Haussmann, le ministre de l'intérieur a relevé que " le contrôle technique et réglementaire effectué le 12 avril 2011 a fait état de nombreux manquements aux dispositions de l'instruction du 15 juillet 1947 " et a retenu que " - l'ensemble des vérifications comptables n'a pas pu être effectué, car les données comptables n'étaient pas disponibles en raison de l'absence de la secrétaire chargée de ce poste, en méconnaissance de l'article 62 de l'instruction ministérielle ; / - le registre des gains supérieurs à 5 000 euros ne fait pas apparaître l'adresse exacte des gagnants, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 561-13 du code monétaire et financier ; / - le montant journalier des cotisations reçues pour la journée du 8 avril 2010 fait apparaître que seuls seize cotisants ont été retranscrits en comptabilité, alors que dix-sept cotisants sont mentionnés sur le registre de la physionomie ; /- l'absence de retranscription sur le registre des cartes bancaires des numéros de cartes utilisées par les membres pour leurs transactions a été constatée ; / - une partie des locaux mentionnés sur les baux et plans, d'une superficie de 100 m² au 3ème étage de l'immeuble, ne fait l'objet d'aucune affectation, en méconnaissance de l'article 9 de l'instruction ministérielle de 1947, et elle a échappé jusqu'à présent à tout contrôle. Ce local, qui est en fait un appartement équipé d'un dispositif de vidéosurveillance en état de fonctionnement, dispose d'une seconde entrée qui communique vraisemblablement avec un immeuble voisin, offrant un accès possible aux salles de jeux sans contrôle, en méconnaissance de l'article 20 de l'instruction ministérielle de 1947 " ; que la décision du
22 juillet 2011 a repris l'ensemble de ces griefs, en notant que les cercles de jeux n'étant autorisés que par exception au principe général d'interdiction des jeux de hasard, leurs conditions d'exploitation devaient être irréprochables ;
6. Considérant que le ministre de l'intérieur ne produit pas, en appel, d'éléments de nature à corroborer l'hypothèse d'une utilisation du local non affecté, situé au troisième étage de l'immeuble, en tant que salle de jeux doté d'un second accès, non contrôlé, à partir d'un immeuble voisin, alors que, comme l'ont relevé les premiers juges, l'appartement en cause figurait sur le plan des locaux transmis à l'administration, qui était ainsi en mesure de contrôler à tout moment, en vertu de l'instruction ministérielle du 15 juillet 1947, son utilisation ; que la seule circonstance que les plans fournis à l'administration ne précisaient pas l'affectation du local en cause, en méconnaissance de l'article 9 de l'instruction, ne pouvait justifier, à elle seule, la décision en litige, dès lors que cette imprécision ne faisait pas obstacle aux contrôles que pouvait exercer l'administration ;
7. Considérant, toutefois, qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des termes de la décision rejetant le recours gracieux, que le ministre de l'intérieur aurait pris la même décision de refus de renouvellement en se fondant uniquement sur les autres irrégularités, mentionnées ci-dessus, constatées par les services de police ; que, si ces autres irrégularités, dont la matérialité n'est pas sérieusement contestée par l'association Cercle Haussmann, n'ont pas donné lieu à l'établissement d'un procès-verbal et, prises séparément, ne justifiaient pas nécessairement, eu égard à leur degré de gravité, qu'une sanction soit prise à l'égard de l'association, notamment sous la forme d'un retrait de l'autorisation de jeux avant son terme, le ministre de l'intérieur n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en estimant que, compte tenu des nombreuses irrégularités, l'association ne présentait pas des garanties de fonctionnement permettant de lui accorder une nouvelle autorisation ; qu'ainsi, c'est à tort que les premiers juges ont estimé que les décisions en litige étaient entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;
8. Considérant toutefois qu'il y a lieu pour la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par l'association Cercle Haussmann devant le Tribunal administratif et devant la Cour ;
9. Considérant, en premier lieu, que, si la décision du 22 juillet 2011 indique qu'elle a été prise conformément à l'avis rendu par la commission consultative des jeux de cercles et de casinos, elle précise les motifs pour lesquels le ministre de l'intérieur a lui-même estimé que le renouvellement de l'autorisation de jeux ne pouvait être accordé ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le ministre se serait cru à tort lié par l'avis rendu par la commission consultative des jeux de cercles et de casinos ;
10. Considérant, en second lieu, qu'en admettant même que, s'agissant de certains manquements reprochés à l'association, le ministre aurait interprété de manière erronée l'instruction du 15 juillet 1947, il n'a pas, comme cela a été dit au point 6 ci-dessus, commis d'erreur manifeste d'appréciation en estimant, eu égard aux constatations effectuées par les services de police, que la régularité et la sincérité des jeux n'étaient pas garanties dans l'établissement ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif a annulé ses décisions des 23 mai et 22 juillet 2011 ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font, dès lors, obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées, à ce titre, par l'association Cercle Haussmann ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n°1114858/3-2 du 26 septembre 2012 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée devant le Tribunal administratif de Paris par l'association Cercle Haussmann ainsi que ses conclusions présentées devant la Cour au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
''
''
''
''
3
N° 12PA04717