Vu la requête, enregistrée le 29 mars 2012, présentée pour M. A...C..., demeurant en France ...), élisant domicile..., par Me Duchemin ; M. C... demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1010547/2-2 du 23 janvier 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2002, 2003 et 2004, ainsi que des pénalités y afférentes ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le remboursement des frais qu'il a été contraint d'exposer tant en première instance qu'en appel, et qui comprennent le droit de timbre ;
..................................................................................................................en France
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention fiscale signée à Paris le 31 août 1994 entre la France et les Etats-Unis d'Amérique en vue d'éviter les doubles impositions et son avenant du 8 décembre 2004, dont l'article 1er est applicable rétroactivement à compter du 1er janvier 1996 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 mars 2014 :
- le rapport de M. Vincelet, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Dhiver, rapporteur public,
- et les observations de Me Duchemin, avocat de M.C... ;
1. Considérant qu'à l'issue de deux examens contradictoires de la situation fiscale personnelle de M.C..., ressortissant américain, ayant porté sur les années 2002 et 2003, d'une part, et sur l'année 2004, d'autre part, l'administration l'a assujetti, au titre de ces trois années, à des cotisations d'impôt sur le revenu en conséquence de la taxation d'office, sur le fondement de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales dès lors qu'il n'avait pas satisfait à ses obligations déclaratives, de crédits figurant sur ses comptes bancaires pour les trois années concernées ainsi que du solde créditeur d'une balance de trésorerie espèces établie pour l'année 2002 ; qu'elle lui a également notifié des cotisations de contributions sociales au titre des années 2002 et 2003 et a majoré les droits rappelés des pénalités prévues à l'article 1728 du code général des impôts en cas de taxation d'office ; que M. C...fait appel du jugement du 23 janvier 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge de ces impositions ;
Sur l'étendue du litige :
2. Considérant que, par deux décisions postérieures à l'introduction de la requête, le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris a prononcé au profit de M.C..., le dégrèvement, d'une part, à concurrence des sommes respectives de 309 738 euros et 62 472 euros, des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales qui lui avaient été assignées au titre de l'année 2002, et, d'autre part, à hauteur des sommes de 142 250 euros et de 30 025 euros, des mêmes cotisations notifiées à l'intéressé au titre de l'année 2003 ; qu'à concurrence du montant de ces dégrèvements, les conclusions en décharge des impositions contestées sont devenues sans objet ;
Sur le surplus des impositions en litige :
En ce qui concerne le domicile fiscal du contribuable :
Au regard du droit interne :
3. Considérant qu'aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus " ; qu'aux termes du 1 de l'article 4 B du même code : " Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : - a) Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; (...) " ; que, pour l'application des dispositions du a du 1 de l'article 4 B précité, telles qu'éclairées par les travaux préparatoires de la loi n° 76-1234 du 29 décembre 1976 d'où elles sont issues, le foyer d'un contribuable célibataire, sans charge de famille, s'entend du lieu où il habite normalement et a le centre de sa vie personnelle, sans qu'il soit tenu compte des séjours effectués temporairement ailleurs en raison des nécessités de la profession ou de circonstances exceptionnelles ; que le lieu du séjour principal de ce contribuable ne peut déterminer son domicile fiscal que dans l'hypothèse où il ne dispose pas de foyer en France ;
4. Considérant que, durant les années 2002 à 2004 en litige, M.B..., célibataire sans charge de famille, était locataire d'un appartement situé à Paris dans le 16ème arrondissement et d'un garage y attenant ; qu'il avait souscrit plusieurs abonnements notamment auprès d'opérateurs de télécommunication, et que les factures de téléphone, d'internet, de télévision et d'électricité produites attestent de l'occupation régulière de ce logement ; qu'il était par ailleurs titulaire de trois comptes bancaires ouverts dans une succursale parisienne de la Citybank à partir desquels il a effectué, de manière régulière, des dépenses de vie courante ; qu'enfin en 2002, il a acquis, auprès d'un concessionnaire parisien, un véhicule automobile dont il a fait un usage régulier en France ; que, dans ces conditions, et ainsi qu'il n'est d'ailleurs pas contesté, M. B...avait en France son foyer au sens du a) du 1) de l'article 4 B du code général des impôts et était, en conséquence, fiscalement domicilié en Franceau regard du droit interne ; qu'il y était par suite passible de l'impôt sur le revenu à raison de l'ensemble de ses revenus mondiaux, à moins qu'il n'établisse sa qualité de résident des Etats-Unis au sens de la convention fiscale franco-américaine du 31 août 1994 ;
Au regard du droit conventionnel :
5. Considérant qu'aux termes de l'article 4 de la convention fiscale franco-américaine du 31 août 1994 dans sa rédaction applicable en l'espèce : "1. Au sens de la présente Convention, l'expression résident d'un Etat contractant désigne toute personne qui, en vertu de la législation de cet Etat, est assujettie à l'impôt dans cet Etat en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction, de son siège social, ou de tout autre critère de nature analogue. Toutefois, cette expression ne comprend pas les personnes qui ne sont assujetties à l'impôt dans cet Etat que pour les revenus de source situées dans cet Etat ou pour la fortune qui y est située. 2. (...); 3. Lorsque (...) une personne physique est résident des deux Etats contractants, sa situation est réglée de la manière suivante : a) cette personne est considérée comme un résident de l'Etat où elle dispose d'un foyer d'habitation permanent ; si elle dispose d'un foyer d'habitation permanent dans les deux Etats, elle est considérée comme un résident de l'Etat avec lequel ses liens personnels et économiques sont les plus étroits (centre des intérêts vitaux) (...) ; qu'il résulte de ces stipulations que la notion de foyer d'habitation permanent doit être définie en fonction d'éléments d'appréciation relatifs à la personne du contribuable et que toute résidence dont une personne dispose de manière durable est pour elle, au sens de la convention, un foyer d'habitation permanent ;
6. Considérant que, durant les années 2002, 2003 et 2004 en litige, M. C...a été considéré comme résident des Etats-Unis par les autorités fiscales américaines ; que, simultanément, il a été regardé comme fiscalement domicilié en Francepar l'administration française ; qu'il y a dès lors lieu de faire application du premier critère subsidiaire prévu par la convention et d'examiner dans lequel des deux Etats il avait un foyer d'habitation permanent ;
7. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, M. C...était, durant les années 2002 à 2004, locataire d'un appartement à Paris, qu'il occupait très régulièrement ; que, dans ses observations en défense non démenties par le requérant, le ministre fait valoir que M. C... ne disposait d'aucune adresse personnelle aux Etats-Unis au titre des mêmes années ; qu'il relève ainsi que l'adresse du 5481 Ashton Lake Sarasota Florida 34231, mentionnée par l'intéressé comme étant celle de sa résidence aux Etats-Unis, correspondait en réalité à celle du siège de la société Gnome Holding dont il était l'associé ; que les autres adresses figurant notamment sur les déclarations de revenus du contribuable ou sur ses relevés bancaires étaient soit des adresses de boîtes postales, soit correspondaient, pour l'une
d'entre-elles, au siège de la société comptable de la société Gnome Holding ; que, dans ces conditions, et alors qu'il ne conteste pas avoir vendu en 2001 la résidence dont il était propriétaire à Miami, M. C... ne peut être regardé comme ayant disposé aux
Etats-Unis, durant les années d'imposition en litige, d'un foyer d'habitation permanent au sens des stipulations précitées de la convention ; qu'ainsi, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le deuxième critère subsidiaire de la convention et de déterminer dans lequel des deux Etats M. C... avait le centre de ses intérêts vitaux, ce dernier avait la qualité de résident fiscal de France au sens de la convention ;
8. Considérant, enfin, que M. C...n'est pas fondé à se prévaloir, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des termes de l'instruction référencée 14 B-3-03 du 22 mai 2003 à l'encontre des impositions contestées, lesquelles ne procèdent pas de rehaussements ;
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
9. Considérant qu'il incombait à M.C..., qui était fiscalement domicilié en Francede 2002 à 2004, de souscrire des déclarations de revenu global au titre de ces années ; que, n'ayant pas donné suite aux mises en demeure en ce sens du service, il encourait la taxation d'office de ses revenus ; qu'il lui appartient en conséquence, en vertu des articles L. 193 et R. 193-1 du livre des procédures fiscales, d'établir l'exagération du surplus des impositions maintenu à sa charge ;
10. Considérant que les impositions demeurant en Franceeuros ;
11. Considérant, en premier lieu, s'agissant des crédits bancaires de l'année 2002, que si M. C...soutient qu'ils représentent une fraction de son épargne personnelle placée sur des comptes bancaires aux Etats-Unis qu'il a fait transférer sur le compte bancaire de l'agence parisienne de la Citybank, les pièces qu'il produit ne permettent pas d'établir l'origine et la nature de ces sommes ; qu'ainsi, à raison de ces crédits, M. C...n'apporte pas la preuve qui lui incombe de l'exagération des impositions ;
12. Considérant, en deuxième lieu, s'agissant des crédits bancaires de l'année 2003, le requérant soutient qu'à l'exception de la somme de 15 000 euros, créditée le 18 décembre, ces crédits, d'un montant total de 149 341 euros, ont été virés depuis un autre compte n° 7215520055383 dont il était titulaire à la Citybank au Royaume Uni ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que ce compte n'a pas été déclaré à l'administration fiscale française en méconnaissance de l'article 1649 A du code général des impôts, opposable au contribuable en sa qualité de résident fiscal de France ; que, par suite, les sommes transférées en France depuis ce compte sont, en application de ces dispositions, présumées être des revenus imposables ; que la circonstance invoquée que ces sommes proviendraient des sociétés américaines GIAS et Gnome Holdings I United Kingdom, dans lesquelles le requérant possède une participation indirecte, n'est pas à elle seule susceptible d'établir, en l'absence notamment de preuve que ces sommes seraient effectivement tirées de l'activité de ces sociétés et auraient été déjà taxées aux Etats-Unis, que les crédits en litige ne constitueraient pas des revenus imposables ;
13. Considérant, en troisième lieu, qu'à raison du crédit bancaire de 15 000 euros du 18 décembre 2003 et des crédits de l'année 2004, M. C...invoque sa qualité d'associé unique de la société de personnes américaine Gnome Holding, constituée sous le statut de " S. Corporation ", et entrant dans la catégorie des partnerships dont la convention fiscale franco-américaine reconnaît la transparence fiscale ; qu'il fait valoir que les crédits en cause correspondent, pour partie, aux revenus fonciers tirés de l'activité immobilière exercée aux Etats-Unis par ce partnership, lesquels ont, selon lui, déjà été imposés aux Etats-Unis entre ses mains, et pour le surplus, au remboursement de son compte courant créditeur ouvert dans les livres de cette structure ; qu'il fait état de la qualité de résident fiscal des Etats-Unis de ce partnership au sens de l'article 4 de la convention, qui ferait obstacle à l'imposition par la France des revenus qu'il a perçus par l'intermédiaire de ce dernier ; qu'il invoque également le bénéfice de l'article 6 de la convention, qui réserve aux Etats-Unis l'imposition des revenus immobiliers provenant de biens situés dans cet Etat et, à titre accessoire, celui du crédit d'impôt prévu par les stipulations de l'article 24 de la même convention en faveur des contribuables résidents de l'un des Etats contractants et imposables en cette qualité dans cet Etat à raison de l'ensemble de leurs revenus, mais dont certains revenus ont déjà été imposés dans l'autre Etat ;
14. Considérant, toutefois, qu'il résulte des pièces produites par M. C...que les sommes correspondant aux crédits litigieux proviennent, non de la société Gnome Holding, mais de la société Gnome Investments et Advisory (GIAS), constituée sous la forme d'une Limited Liability Company (LLC), dont ni l'objet, ni la nature de l'activité ne sont précisés ; que, si M. C...allègue que cette société est une filiale de la société Gnome Holding, aucune pièce ne l'atteste alors que ses résultats ne sont pas repris dans les déclarations fiscales de la société Gnome Holding ; que, dans ces conditions, faute pour M. C...de justifier que les crédits concernés émanent de la société Gnome Holding, la circonstance, même établie, selon laquelle cette société avait la qualité de résident fiscal des Etats-Unis au sens de la convention franco-américaine, n'est pas de nature à faire obstacle à l'imposition en France des crédits litigieux en tant que revenus d'origine indéterminée ; que si dans le dernier état de ses écritures, le requérant soutient que certaines des sommes portées au crédit de ses comptes bancaires lui auraient été versées par la société GIAS à raison de sa participation dans cette société, les documents qu'il produit, qui ne permettent pas de déterminer avec précision l'objet et le statut juridique de la société GIAS, ni la nature et l'étendue des liens l'unissant à M. C..., ne sont pas susceptibles d'établir la réalité de ses allégations ; qu'enfin, le requérant ne démontre pas davantage que certains des crédits correspondraient, ainsi qu'il le soutient, au remboursement par la société Gnome Holding de frais professionnels qu'il aurait exposés en France dans l'intérêt de cette dernière ;
15. Considérant, en outre, que M. C...n'établit pas, ainsi qu'il a été dit, que les crédits litigieux correspondent à des revenus de la société Gnome Holding ; que, dans ces conditions, il n'est fondé à se prévaloir, ni des stipulations de l'article 6 de la convention, qui ont pour effet de ne rendre imposables qu'aux Etats-Unis les revenus immobiliers tirés de l'exploitation d'immeubles situés dans cet Etat, ni de celles de l'article 24 de cette convention, qui prévoient que l'associé américain résident de France d'un partnership américain a droit, à raison des revenus provenant de cette structure, à un crédit d'impôt égal à l'impôt français ;
16. Considérant, en quatrième lieu, que M. C...n'établissant pas que les crédits figurant sur ses comptes bancaires pourraient être rattachés à une catégorie particulière de revenus, l'administration était fondée, en l'absence de stipulation particulière de la convention y faisant obstacle, à les taxer d'office en tant que revenus d'origine indéterminée ; que, dès lors, il n'y a pas lieu d'examiner le bien-fondé de la demande de substitution de base légale présentée par le ministre de l'économie et des finances ;
17. Considérant, en cinquième lieu, que le requérant demande l'imputation sur son revenu imposable du déficit d'exploitation dégagé par le partnership ; que, toutefois, et en tout état de cause, dès lors que la nature des revenus de cette société n'est pas connue, une telle demande ne peut qu'être rejetée ;
18. Considérant, en sixième lieu, qu'au titre de l'année 2002, M. C...a été également taxé d'office sur le solde créditeur d'une balance de trésorerie espèces dont le montant initial de 201 821 euros, ramené à 150 745 euros à l'issue de l'instruction de sa réclamation, correspond à l'insuffisance de liquidités dégagées pour financer l'acquisition, le 21 novembre 2002, d'un véhicule de marque Bentley ; que, dans le cadre de la présente instance, l'administration a ramené ce solde créditeur à la somme de 43 896 euros pour tenir compte de la preuve apportée par le contribuable de ce que cette acquisition avait été partiellement financée par la revente, au prix de 106 819 euros, d'un précédent véhicule de marque Ferrari ; que le requérant ne fournit aucun justificatif complémentaire susceptible de faire regarder la taxation de ce dernier solde comme exagérée ;
19. Considérant, en septième et dernier lieu, qu'ainsi qu'il a été dit au point 7, le requérant ne peut être regardé comme résident des Etats-Unis au sens de la convention durant les années concernées ; que, par suite, il n'est pas fondé à demander le bénéfice des stipulations de l'article 11 de la convention franco-américaine pour faire échec à l'imposition par l'administration fiscale française des intérêts produits par les sommes déposées sur ses comptes bancaires en France ;
20. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le Tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus de sa demande en décharge des impositions contestées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative :
21. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. C...de la somme globale de 1 535 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : A concurrence des sommes de 451 988 euros et de 92 497 euros, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête tendant à la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à la charge de M. C...au titre des années 2002 et 2003.
Article 2 : L'Etat versera à M. C...une somme de 1 535 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C...est rejeté.
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N° 12PA01465
Classement CNIJ :
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