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03/04/2014 | FRANCE | N°13PA02803

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 03 avril 2014, 13PA02803


Vu la requête, enregistrée le 18 juillet 2013, présentée pour M. C...B..., demeurant..., par MeD... ; M. B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1105053 du 5 juin 2013 du Tribunal administratif de Paris en ce qu'il a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 7 avril 2011 du chef de la circonscription des affaires scolaires des 8ème, 9ème et 18èmes arrondissements de Paris le licenciant pour motif disciplinaire, et d'autre part, à l'indemnisation des préjudices en résultant ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite

décision ;

3°) de condamner la ville de Paris à lui verser les sommes de 7 9...

Vu la requête, enregistrée le 18 juillet 2013, présentée pour M. C...B..., demeurant..., par MeD... ; M. B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1105053 du 5 juin 2013 du Tribunal administratif de Paris en ce qu'il a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 7 avril 2011 du chef de la circonscription des affaires scolaires des 8ème, 9ème et 18èmes arrondissements de Paris le licenciant pour motif disciplinaire, et d'autre part, à l'indemnisation des préjudices en résultant ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite décision ;

3°) de condamner la ville de Paris à lui verser les sommes de 7 919,24 euros à titre d'indemnité de licenciement, 20 000 euros en réparation de ses préjudices matériel, professionnel et moral, et 3 000 euros en réparation du préjudice résultant de son absence de prise en charge au titre du chômage ;

4°) de mettre à la charge de la ville de Paris la somme de 2 000 euros à verser à Me D..., sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

Vu le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 mars 2014 :

- le rapport de Mme Renaudin, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Bonneau-Mathelot, rapporteur public,

- et les observations de Me A...pour la ville de Paris ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.B..., employé par la ville de Paris depuis mai 2006 pour exercer les fonctions d'animateur surveillant dans les établissements scolaires et qui devait être regardé comme ayant la qualité d'agent non titulaire au sens des dispositions du décret susvisé du 15 février 1988 relatif aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale, a fait l'objet, lors d'un remplacement dans une école élémentaire du 18ème arrondissement de Paris où il était chargé d'un service d'interclasse, d'une décision du 7 avril 2011 du chef de la circonscription des affaires scolaires des 8ème, 9ème et 18èmes arrondissements de Paris le licenciant pour motif disciplinaire, à la suite d'un incident qui s'est produit en janvier de la même année ; que M. B...a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant, d'une part, à l'annulation de cette décision et, d'autre part, à l'indemnisation des préjudices en résultant ; que par jugement du 5 juin 2013, dont il relève appel, ce tribunal a rejeté ses demandes ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 613-4 du code de justice administrative : " Le président de la formation de jugement peut rouvrir l'instruction par une décision qui n'est pas motivée et ne peut faire l'objet d'aucun recours. (... ) / La réouverture de l'instruction peut également résulter d'un jugement ou d'une mesure d'investigation ordonnant un supplément d'instruction. / Les mémoires qui auraient été produits pendant la période comprise entre la clôture et la réouverture de l'instruction sont communiqués aux parties " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 613-2 du même code : " Si le président de la formation de jugement n'a pas pris une ordonnance de clôture, l'instruction est close trois jours francs avant la date de l'audience indiquée dans l'avis d'audience prévu à l'article R. 711-2. Cet avis le mentionne. " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment des propres écritures de M. B... que son affaire a été renvoyée à une audience ultérieure fixée au 22 mai 2013, après une première audience qui a eu lieu le 13 mars 2013, à la demande expresse de son avocate qui a présenté ses observations sur ce point à la barre après que le rapporteur public ait prononcé ses conclusions ;

4. Considérant que M. B...ne peut utilement soutenir que le rapporteur public a prononcé ses conclusions à l'audience du 13 mars 2013, alors que l'instruction n'était pas close, puisqu'il résulte des dispositions de l'article R. 613-2 code de justice administrative que l'instruction de l'affaire était close trois jours francs avant l'audience du 13 mars 2013 et que celle-ci n'a été renvoyée, et son instruction par là même rouverte, qu'après la tenue de l'audience, par un avis de renvoi du même jour notifié à l'intéressé ;

5. Considérant, qu'au surplus, après l'examen d'une affaire à l'audience, le juge administratif, à qui il incombe de conduire l'instruction des requêtes qui lui sont soumises, a toujours la faculté, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, de renvoyer l'affaire à une audience ultérieure et de rouvrir l'instruction, notamment pour tenir compte des éléments contenus dans des mémoires qui lui ont été adressés après clôture de l'instruction, ou après l'audience, ou, comme en l'espèce, d'observations orales faites à l'audience ; que la décision des premiers juges de faire usage de cette faculté ne peut, par elle même, être utilement critiquée ;

6. Considérant qu'il résulte des termes de l'article R. 613-4 précité du code de justice administrative que le président de la formation de jugement, lorsqu'il décide de rouvrir l'instruction, n'est pas tenu de prendre une ordonnance prononçant cette réouverture ; que pour faire droit, comme il a été dit, à la demande de report formulée par l'avocate de M.B..., dans le souci d'une bonne administration de la justice, les parties ont été avisées par lettre du greffe que l'affaire serait à nouveau inscrite au rôle d'une prochaine audience publique dont la date a été fixée ; que ce renvoi d'audience portait réouverture de l'instruction ; que contrairement à ce que soutient M.B..., en l'absence de formalisme de la réouverture d'instruction, le jugement attaqué n'avait pas à viser le renvoi d'audience auquel il a été procédé ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que ce dernier aurait été rendu à la suite d'une procédure irrégulière ne peut qu'être écarté ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que les premiers juges ont implicitement mais nécessairement écarté le moyen du caractère disproportionné du licenciement ; que le jugement mentionne que l'administration était fondée à prononcer le licenciement de M. B...pour motif disciplinaire et a pris en compte les circonstances dont ce dernier se prévalait au soutien du moyen tiré du caractère disproportionné de la sanction, soit en particulier l'absence de tout antécédent, d'excellentes appréciations d'un directeur d'école au titre de l'année 2007-2008 et des témoignages élogieux de parents d'élèves et de collègues ; que, dès lors, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité pour omission à statuer ;

8. Considérant, en troisième lieu, que M. B...fait valoir que c'est à tort que les premiers juges ont écarté ses demandes indemnitaires comme irrecevables, à défaut d'avoir formulé une demande indemnitaire préalable auprès de la ville de Paris ; qu'il ressort des pièces du dossier que la ville de Paris n'a pas opposé en première instance de fin de non-recevoir et a conclu au fond sur la demande indemnitaire de l'intéressé, liant ainsi le contentieux ; que dès lors le jugement est entaché d'irrégularité et doit être annulé dans cette mesure ;

9. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande indemnitaire présentée par M. B...devant le Tribunal administratif de Paris et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur ses autres conclusions ;

Au fond :

Sur les conclusions en annulation de la décision contestée :

10. Considérant qu'aux termes de l'article 36 du décret du 15 février 1988 modifié, pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, relatif aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale : " Les sanctions disciplinaires susceptibles d'être appliquées aux agents non titulaires sont : (...) / 4° Le licenciement sans préavis ni indemnité de licenciement. " ; qu'aux termes de l'article 37 du même décret : " Le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité territoriale ayant le pouvoir de procéder au recrutement. / L'agent non titulaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix. L'autorité territoriale doit informer l'intéressé de son droit à communication du dossier. " ; qu'aux termes de son article 42 : " Le licenciement ne peut intervenir qu'à l'issue d'un entretien préalable. La décision de licenciement est notifiée à l'intéressé par une lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Cette lettre précise le ou les motifs du licenciement et la date à laquelle celui-ci doit intervenir compte tenu des droits à congés annuels restant à courir et de la durée du préavis. " et qu'aux termes de son article 43 : " Sauf lorsque le licenciement intervient, soit pour des motifs disciplinaires, soit au cours ou à l'expiration d'une période d'essai, une indemnité de licenciement est due aux agents (...) " ;

11. Considérant que si M. B...fait valoir qu'il n'a pas bénéficié d'un entretien préalablement à son licenciement en méconnaissance des dispositions précitées de l'article 42 du décret du 15 février 1988 alors applicables, il ressort des pièces du dossier qu'après avoir demandé une première fois le report de l'entretien préalable auquel il avait été convoqué le 24 mars 2011, en raison de la nécessité de contacter un délégué syndical, ce que la ville de Paris lui a accordé en le reportant au 5 avril 2011, il a demandé, pour la même raison, un nouveau report d'entretien, qui lui a été refusé ; que dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le licenciement serait irrégulier à défaut d'avoir été précédé d'un entretien préalable ;

12. Considérant que M. B...soutient que l'intégralité de son dossier, dont il est constant qu'il l'a consulté le 1er avril 2011 en présence d'un délégué syndical, ne lui a pas été communiquée en méconnaissance des dispositions de l'article 37 du décret du 15 février 1988 ; qu'il fait valoir que la pièce n° 9 y était manquante ; que toutefois il ressort de la liste des pièces du dossier, qu'il a produite, que cette pièce était l'une des photos exposées sur son site web ; que, par suite, M. B...en avait nécessairement connaissance et était en mesure de préparer utilement sa défense ;

13. Considérant que si M. B...soutient que la lettre de licenciement ne lui a pas été notifiée en méconnaissance des dispositions de l'article 42 du décret du 15 février 1988, les irrégularités entachant la notification d'une décision sont en tout état de cause sans incidence sur sa légalité ;

14. Considérant que les dispositions de l'article L. 1332-4 du code du travail, relatives à la prescription des fait fautifs susceptibles de donner lieu à l'engagement de poursuites disciplinaires, ne sont pas applicables au licenciement d'un agent non titulaire de la fonction publique territoriale et ne peuvent donc pas être utilement invoquées par M.B... ;

15. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des propres déclarations de M. B...dans sa requête de première instance, que celui-ci a fait connaître au cours de son remplacement de janvier 2011 son nom d'artiste à plusieurs élèves de l'école élémentaire où il était affecté dans le but de leur apporter " une information à caractère culturel " ; que M. B...ne peut utilement soutenir qu'il se serait borné à donner ce nom, alors que celui-ci donne accès à son site internet ; qu'il est constant que, quand bien même M. B...revendique le caractère exclusivement artistique des photographies exposées sur ce site, celles-ci le représentent dans des poses dénudées ; qu'il est également constant que les enfants ont consulté ce site ; qu'il ressort des pièces du dossier, notamment d'un courrier électronique de l'un d'eux versé au dossier et du rapport du directeur de l'école, que des parents d'élèves se sont plaints de ce que dans ces circonstances leurs enfants ont été incités à consulter ce site internet ; que comme l'ont jugé à bon droit les premiers juges, la matérialité des faits est établie et que ceux-ci étaient de nature, compte tenu du jeune âge des enfants concernés, à les mettre en danger ; que M. B...a donc commis une faute dans l'exercice de ses fonctions d'animateur et d'encadrant ;

16. Considérant que, alors même qu'il a toujours fait l'objet de bonnes appréciations dans son travail antérieurement, la mesure n'est pas entachée d'erreur d'appréciation eu égard au rôle et aux responsabilités qui doivent être ceux d'un animateur dans la protection des enfants dont il a la charge ;

17 Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 7 avril 2011 ;

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

18. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que dès lors que la décision du 7 avril 2011 n'est pas entachée d'illégalité, M. B...n'est pas fondé à solliciter l'indemnisation des préjudices matériel, professionnel et moral, qu'il estime résulter de celle-ci ;

19. Considérant que si M. B...prétend pouvoir bénéficier d'une indemnité de licenciement en vertu de l'article 46 du décret du 15 février 1988, dès lors que son licenciement est justifié sur le terrain disciplinaire, les dispositions précitées de l'article 43 du même décret y font obstacle ;

20. Considérant, enfin, que si M. B...demande l'indemnisation de la perte de bénéfice des allocations chômage en raison de la prétendue absence de notification de son licenciement, il résulte de l'instruction que cette décision lui a bien été notifiée ; qu'il ressort des pièces du dossier que la ville de Paris a envoyé par courrier avec accusé de réception à M. B...la décision contestée du 7 avril 2011 prononçant son licenciement, le jour même, et que ce courrier lui a été retourné le 5 mai 2011, assorti de la mention " non réclamé " ; que si l'intéressé affirme, contrairement à ce que soutient la ville de Paris, qu'il n'est pas démontré que le pli litigieux contenait la décision en cause, il n'établit pas, par cette seule affirmation, qui n'est appuyé d'aucun élément, que ledit pli aurait porté sur un autre objet ou aurait eu un autre contenu ;

21. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la demande indemnitaire présentée par M. B...devant le Tribunal administratif de Paris doit être rejetée ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

22. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la ville de Paris, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. B...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche de mettre à la charge de M. B... une somme de 1 000 euros à verser à la ville de Paris sur le fondement des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du 5 juin 2013 du Tribunal administratif de Paris est annulé en ce qu'il a rejeté pour irrecevabilité les conclusions de M. B...tendant à l'indemnisation de ses préjudices.

Article 2 : Les conclusions indemnitaires présentées par M. B...devant le Tribunal administratif de Paris sont rejetées.

Article 3 : Le surplus de la requête de M. B...est rejeté.

Article 4 : M. B...versera la somme de 1 000 euros à la ville de Paris au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 13PA02803


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 13PA02803
Date de la décision : 03/04/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme TERRASSE
Rapporteur ?: Mme Mathilde RENAUDIN
Rapporteur public ?: Mme BONNEAU-MATHELOT
Avocat(s) : OULAD BENSAID

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2014-04-03;13pa02803 ?
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