Vu la requête, enregistrée par télécopie le 25 janvier 2013, régularisée par la production de l'original le 30 janvier 2013, présentée par le préfet de police ; le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1216255/6-2 du 21 décembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé son arrêté du 13 août 2012 refusant un titre de séjour à M.A..., l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination, d'autre part, lui a enjoint de délivrer à l'intéressé une autorisation provisoire de séjour et de procéder au réexamen de sa demande de titre dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de Paris ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n°79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu la loi n°2007-1631 du 20 novembre 2007 ;
Vu la loi n°2011-672 du 16 juin 2011 ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 mars 2014 le rapport de M. Vincelet, premier conseiller ;
1. Considérant que M.A..., de nationalité chinoise, a demandé un titre de séjour sur le fondement des articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que par arrêté du 13 août 2012, le préfet de police a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ; que le préfet de police fait appel du jugement du 21 décembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris, faisant droit à la demande de M.A..., a annulé son arrêté et lui a enjoint de délivrer à l'intéressé une autorisation provisoire de séjour ainsi que de réexaminer sa situation administrative dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement ;
Sur le motif d'annulation retenu par les premiers juges :
2. Considérant que pour annuler l'arrêté du préfet de police, le tribunal s'est fondé sur ce que le préfet de police avait commis une erreur de droit en se fondant sur la circonstance que le demandeur, faute de justifier d'une quelconque activité professionnelle, ne remplissait pas les conditions requises pour l'attribution d'un titre de séjour " salarié " au titre de l'article 40 de la loi du 20 novembre 2007, dès lors que ce texte n'était plus applicable, et qu'en outre, il n'avait pas examiné la promesse d'embauche présentée par l'intéressé ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de l'article 27 de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 [...] " ;
4. Considérant qu'il résulte des dispositions de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 que son article 27 était applicable à compter de sa publication le 17 juin 2011 ; qu'il ressort des termes de l'arrêté en cause du 13 août 2012, qu'il est fondé sur les dispositions de ce même article, dans leur version antérieure à l'entrée en vigueur de l'article 27 de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 qui ne lui étaient en conséquence plus applicables ;
5. Considérant, toutefois, que lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait du être prononcée ;
6. Considérant qu'en supprimant, par l'article 27 de la loi du 16 juin 2011 susvisée, la référence antérieurement faite par l'article L. 313-14 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au troisième alinéa de l'article L. 313-10 du même code, le législateur a entendu ne plus limiter le champ de l'admission exceptionnelle au bénéfice de la carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " aux cas dans lesquels cette admission est sollicitée pour exercer une activité professionnelle salariée dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie au plan national ;
7. Considérant qu'en l'espèce, l'arrêté refusant la délivrance à M. A...du titre de séjour qu'il demandait, motivé par l'absence de motif exceptionnel, trouve son fondement légal dans les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur rédaction issue de l'article 27 de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011, lesquelles peuvent en conséquence être substituées à celles antérieures à son entrée en vigueur dès lors, d'une part, que le préfet de police n'a pas limité le champ de l'admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié à l'exercice d'une activité professionnelle salariée dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur la liste établie au plan national, d'autre part, que cette substitution de base légale ne prive l'intéressé d'aucune garantie de procédure ; qu'enfin, l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces deux dispositions ;
8. Considérant que contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, l'arrêté, en mentionnant que l'intéressé ne pouvait " justifier d'une quelconque activité professionnelle ", n'a pas subordonné la délivrance du titre à l'exercice préalable d'une activité salariée mais s'est borné à relever que M. A...ne justifiait pas d'un motif exceptionnel ; qu'en outre, dès lors que l'intéressé n'avait présenté aucune pièce susceptible d'attester son expérience professionnelle, l'arrêté n'avait pas à prendre en compte la promesse d'embauche qu'il avait présentée en qualité de cuisinier, alors au surplus qu'il avait auparavant fait état d'une profession différente ; qu'enfin l'arrêté a également mentionné que M. A...ne justifiait ni d'un motif exceptionnel, ni de considérations humanitaires au regard de sa situation familiale et de l'ancienneté de son séjour en France ; qu'ainsi, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, l'arrêté n'est pas erroné en droit et que c'est en conséquence à tort qu'ils l'ont annulé pour ce motif ;
9. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...devant le Tribunal administratif de Paris ;
10. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté, qui énonce les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement, est suffisamment motivé ; qu'en outre, il ne résulte pas de l'instruction que le préfet de police, alors même qu'il n'a pas fait mention des stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990, n'aurait pas procédé à l'examen particulier de la situation personnelle de l'intéressé au regard de l'intérêt supérieur de ses deux enfants ;
11. Considérant, en deuxième lieu, que, si M. A...fait valoir qu'il réside habituellement en France depuis l'année 2001, les quelques pièces produites sont insuffisamment probantes, notamment pour la période allant de 2002 à 2005, pour établir la durée et le caractère habituel de son séjour en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté ; que, dès lors, ce dernier n'avait pas à être précédé de la consultation de la commission du titre de séjour ; que, par ailleurs, la compatriote qu'il a épousée est également en situation irrégulière et la circonstance que le couple ait deux enfants nés en France dont l'aîné est scolarisé, ne permet pas davantage d'établir que son admission au séjour répondrait à des considérations humanitaires ou à des motifs exceptionnels au sens de l'article L 313-14 précité du code ;
12. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7°) A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) " ; et qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
13. Considérant M. A...est entré en France en 2001 selon ses déclarations ; que son séjour, dont la continuité n'est pas établie, a été constamment irrégulier ; que la compatriote qu'il a épousée en novembre 2007 est également en situation irrégulière et que rien ne s'oppose à ce que sa vie privée et familiale se poursuive dans son pays d'origine, avec son épouse et ses deux enfants ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, eu égard aux conditions du séjour en France de l'intéressé, l'arrêté n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a donc méconnu ni les dispositions du 7°) de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
14. Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent des enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur des enfants doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;
15. Considérant que, contrairement aux affirmations de M.A..., l'arrêté n'a pas pour effet de séparer ses enfants nés en France respectivement en 2004 et en 2009, de leurs parents ; que le seul fait que cet arrêté aurait pour effet d'interrompre la scolarité en France de l'aîné ne suffit pas établir que son intérêt supérieur aurait été méconnu ;
16. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté en date du 13 août 2012 ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n°1216255/6-2 du Tribunal administratif de Paris du 21 décembre 2012 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.
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N° 13PA00360
Classement CNIJ :
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