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06/03/2014 | FRANCE | N°13PA01725

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre, 06 mars 2014, 13PA01725


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 mai et 5 juin 2013, présentés pour la Société française du radiotéléphone (SFR), dont le siège est Tour Séquoia, 1 Place Carpeaux à La Défense (92915), par la SCP Barthelemy-Matuchansky-Vexliard ; la société SFR demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 1012825/2-1 du 5 mars 2013 du Tribunal administratif de Paris en tant que, par ce jugement, celui-ci a partiellement rejeté ses demandes tendant au versement des intérêts moratoires correspondant aux sommes versées par les sociétés

Cegetel Entreprises, Telecom Développement, Kaptech, Belgacom, Neuf Télécom et N...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 mai et 5 juin 2013, présentés pour la Société française du radiotéléphone (SFR), dont le siège est Tour Séquoia, 1 Place Carpeaux à La Défense (92915), par la SCP Barthelemy-Matuchansky-Vexliard ; la société SFR demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 1012825/2-1 du 5 mars 2013 du Tribunal administratif de Paris en tant que, par ce jugement, celui-ci a partiellement rejeté ses demandes tendant au versement des intérêts moratoires correspondant aux sommes versées par les sociétés Cegetel Entreprises, Telecom Développement, Kaptech, Belgacom, Neuf Télécom et Neuf Télécom Réseau au titre de la contribution au financement du service universel pour les années 1998 à 2000 et au titre de la rémunération additionnelle à la rémunération d'interconnexion pour les années 1998 et 1999, avec intérêts au taux légal à compter du 29 mai 2008 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 2 986 940 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 29 mai 2008 et de la capitalisation de ces intérêts, sous réserve des sommes déjà versées par l'Etat ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code des postes et télécommunications ;

Vu le décret n° 2007-563 du 16 avril 2007 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 février 2014 :

- le rapport de M. Roussel, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Macaud, rapporteur public,

- et les observations de Me Poupot, avocat de la société SFR, et celles de M.A..., représentant l'ARCEP ;

1. Considérant que par jugement n° 0216070 du 1er mars 2007, le Tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à restituer à la société française du radiotéléphone (SFR), venant aux droits des sociétés Cegetel entreprises et Telecom développement, la somme correspondant aux contributions définitives au financement du service universel des télécommunications qu'elle a versées pour les années 1998, 1999 et 2000, et, le cas échéant, à la rémunération additionnelle à la rémunération d'interconnexion pour les années 1998 et 1999 ; que par jugement n° 0215946 du 8 novembre 2007, le tribunal a condamné l'Etat à restituer à la société Neuf Cegetel, venant aux droits de la société Neuf Télécom, venant elle-même aux droits de la société Kaptech, les sommes, correspondant aux contributions définitives au financement du service universel des télécommunications, versées pour les années 1998 et 2000 ainsi que la somme correspondant à la rémunération additionnelle à la rémunération d'interconnexion pour les années 1997, 1998 et 1999, sous réserve en ce qui concerne cette dernière somme, que France Télécom n'ait pas procédé à son remboursement au jour du jugement ; que par jugement n° 0215975 du 8 novembre 2007, le tribunal a condamné l'Etat à restituer à la société Neuf Cegetel, venant aux droits de la société Neuf Télécom, venant elle-même aux droits de la société Neuf Telecom Réseau, les sommes, correspondant aux contributions définitives au financement du service universel des télécommunications, versées pour l'année 2000 ainsi que la somme correspondant à la rémunération additionnelle à la rémunération d'interconnexion pour l'année 1999, sous réserve en ce qui concerne cette dernière somme, que France Télécom n'ait pas procédé à son remboursement au jour du jugement ; que par jugement n° 0412769 du 8 novembre 2007, le tribunal a condamné l'Etat à restituer à la société Neuf Cegetel, venant aux droits de la société Neuf Télécom, venant elle-même aux droits de la société Belgacom, les sommes, correspondant aux contributions définitives au financement du service universel des télécommunications, versées pour les années 1998, 1999 et 2000 ainsi que la somme correspondant à la rémunération additionnelle à la rémunération d'interconnexion pour l'année 1999, sous réserve en ce qui concerne cette dernière somme, que France Télécom n'ait pas procédé à son remboursement au jour du jugement ;

2. Considérant que par ces mêmes jugements, confirmés par la Cour par des arrêts en date du 9 juillet 2009, le tribunal a en revanche considéré qu'en l'absence de décision du comptable leur refusant le paiement des intérêts moratoires sur les sommes acquittées au titre de la contribution au financement du service universel des télécommunications et de la rémunération additionnelle à la rémunération d'interconnexion pour les années en litige, les sociétés requérantes n'étaient pas recevables à demander la condamnation de l'Etat à leur verser de tels intérêts ; que par lettre du 16 mai 2008, la société Neuf Cegetel a demandé à l'ARCEP de lui verser des intérêts moratoires au titre de la perception et de la détention illégales des contributions au financement du service universel des télécommunications pour les années 1998 à 2000, à savoir la contribution au fonds de financement du service universel des télécommunications et la rémunération additionnelle à la rémunération d'interconnexion ; que par une décision du 28 juillet 2008, l'ARCEP a rejeté cette demande au motif que ce préjudice ne relevait pas du champ d'application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ; que par le jugement attaqué du 5 mars 2013, le Tribunal administratif de Paris n'a que partiellement fait droit aux demandes de la société SFR ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Considérant que le jugement attaqué a rejeté les conclusions de la société requérante tendant au versement d'intérêts moratoires sur la restitution de la somme correspondant à la rémunération additionnelle à la rémunération d'interconnexion au motif qu'il ne résultait de l'instruction " ni que France Télécom n'aurait pas procédé audit remboursement, ni qu'à l'inverse l'Etat aurait, en exécution des jugements [des 1er mars et 8 novembre 2007], remboursé ces sommes à la requérante ou même opéré une compensation entre celles-ci et d'autres sommes dues par la société SFR " et que dans ces conditions, la société requérante n'établissait pas que " les remboursements qu'elle aurait obtenus au titre de la rémunération additionnelle seraient la conséquence d'un dégrèvement prononcé par le juge de l'impôt ou par l'administration chargée d'établir l'impôt et consécutif à la présentation d'une réclamation contentieuse entrant dans les prévisions de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales " ; qu'en retenant un tel motif pour rejeter la demande, le tribunal a recherché, comme il lui appartenait de le faire compte tenu de son office, si les conditions posées par l'article L. 208 du livre des procédures fiscales pour le paiement au contribuable d'intérêts moratoires étaient réunies ; que le tribunal, qui n'était pas tenu de mettre en cause la société France Télécom, n'a ainsi pas soulevé un moyen d'office ; que la société SFR n'est donc pas fondée à soutenir que le tribunal, en ne l'invitant pas à présenter ses observations sur ce motif de rejet de sa demande, aurait méconnu les exigences résultant du principe du contradictoire, tel qu'il est rappelé notamment par l'article L. 5 du code de justice administrative et est garanti par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur les conclusions indemnitaires :

En ce qui concerne la demande tendant au versement d'intérêts moratoires sur la restitution de la somme correspondant à la contribution au fonds de financement du service universel des télécommunications :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable jusqu'au 31 décembre 2005 : " Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est celui de l'intérêt légal. Les intérêts courent du jour du paiement. Ils ne sont pas capitalisés. Lorsque les sommes consignées à titre de garanties en application des articles L. 277 et L. 279 doivent être restituées, en totalité ou en partie, la somme à rembourser est augmentée des intérêts prévus au premier alinéa. " ; qu'aux termes du même article dans sa rédaction applicable depuis le 1er janvier 2006 : " Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est celui de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts. Les intérêts courent du jour du paiement. Ils ne sont pas capitalisés. Lorsque les sommes consignées à titre de garanties en application des articles L. 277 et L. 279 doivent être restituées, en totalité ou en partie, la somme à rembourser est augmentée des intérêts prévus au premier alinéa. " ;

5. Considérant que par ses jugements susmentionnés des 1er mars et 8 novembre 2007, le Tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à restituer à la société SFR ainsi qu'aux sociétés aux droits desquelles elle vient dans la présente instance la somme correspondant aux contributions définitives au financement du service universel des télécommunications qu'elles ont versées pour les années 1998, 1999 et 2000, au motif que ces contributions avaient été établies sur le fondement de dispositions réglementaires jugées par la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) incompatibles avec le droit communautaire et que l'arrêté ministériel du 11 juillet 2002 fixant les valeurs définitives du coût net du service universel et le solde définitif des contributions des opérateurs avait été annulé par le Conseil d'Etat par une décision du 12 décembre 2005 ; que la société SFR est dès lors fondée à réclamer à l'Etat le paiement d'intérêts moratoires sur le fondement des dispositions précitées ;

6. Considérant qu'ainsi que l'a jugé le tribunal, dont le jugement n'est pas contesté sur ce point, le point de départ de ces intérêts doit être fixé à la date du versement effectif de la première échéance de la contribution prévisionnelle et ces intérêts doivent courir jusqu'au 21 décembre 2007, date à laquelle l'ARCEP a notifié aux sociétés intéressées le montant définitif des contributions dues pour les années 1998, 1999 et 2000 en application du décret n° 2007-563 du 16 avril 2007 et à laquelle ces contributions sont devenues exigibles ;

7. Considérant que la société SFR soutient que la totalité du montant des contributions prévisionnelles au fonds de service universel, lorsqu'il excède le montant des contributions définitives, doit être retenue dans l'assiette de calcul des intérêts moratoires ; que toutefois, les dispositions précitées de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ne visent que les remboursements effectués au profit d'un contribuable en conséquence d'un dégrèvement prononcé par le juge de l'impôt ou par l'administration chargée d'établir l'impôt et consécutif à la présentation, par ce contribuable, d'une réclamation contentieuse entrant dans les prévisions de l'article L. 190 de ce code ; que le remboursement du montant des contributions prévisionnelles, lorsque celui-ci s'est révélé supérieur au montant de la contribution définitive, n'est pas intervenu en exécution des jugements des 1er mars et 8 novembre 2007, qui n'ont condamné l'Etat qu'à la restitution des sommes correspondant aux contributions définitives au financement du service universel des télécommunications ; que ce montant ne saurait donc être pris en compte dans l'assiette des intérêts demandés par la société SFR en application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ;

8. Considérant que les intérêts moratoires, qui s'acquièrent jour par jour, doivent être calculés au taux en vigueur à la date à laquelle ils ont été acquis ; qu'avant l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2006, de l'article 29 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005, le taux des intérêts moratoires dus en application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales était celui de l'intérêt légal ; que postérieurement à cette date, ce taux est celui de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts, soit 0,4% par mois ; que la société requérante est dès lors fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a fait application du taux de l'intérêt légal, et non du taux prévu à l'article 1727 du code général des impôts, pour les années 2006 et 2007 ;

En ce qui concerne la demande tendant au versement d'intérêts moratoires sur la restitution de la somme correspondant à la rémunération additionnelle à la rémunération d'interconnexion :

9. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 35-3 du code des postes et télécommunications, dans sa rédaction applicable au litige : " Le financement des coûts imputables aux obligations de service universel est assuré par les exploitants de réseaux ouverts au public et par les fournisseurs de services téléphoniques au public dans les conditions suivantes : 1° Le financement du coût net des obligations de péréquation tarifaire correspondant, d'une part aux obligations de péréquation géographique, d'autre part au déséquilibre résultant de la structure courante des tarifs téléphoniques, est assuré par une rémunération additionnelle à la rémunération d'interconnexion mentionnée à l'article L. 34-8, versée à l'opérateur chargé du service universel selon les mêmes modalités que la rémunération principale. Cette rémunération additionnelle est la contrepartie de l'universalité du réseau et du service téléphonique. Elle est calculée au prorata de la part de l'opérateur qui demande l'interconnexion dans l'ensemble du trafic téléphonique. Son montant est constaté, sur proposition de l'Autorité de régulation des télécommunications, par le ministre chargé des télécommunications. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 20-38 de ce code, pris pour l'application des dispositions précitées : " Durant la période transitoire prévue à l'article

R. 20-32, les coûts évalués aux articles R. 20-32 et R. 20-33 sont financés par une rémunération additionnelle aux charges d'interconnexion. La rémunération additionnelle r est évaluée par unité de temps selon la formule suivante : r = (C1 + C2)/V où C1 et C2 sont les coûts définis respectivement aux articles R. 20-32 et R. 20-33 ; Le volume de trafic V représente le volume total du trafic téléphonique supporté par les boucles locales des réseaux téléphoniques, à l'exception des communications au départ ou à destination de réseaux exploités par des opérateurs de réseaux ouverts au public n'assurant pas le service téléphonique. Pour un opérateur donné, le volume de trafic est la somme des trafics téléphoniques comptabilisés au départ et à l'arrivée des postes d'abonnés et des cabines publiques. L'ensemble du trafic national et international est pris en compte y compris le trafic de cet opérateur à destination des services télématiques et celui des services avancés de télécommunications utilisant le réseau téléphonique. Pour les appels à destination ou en provenance des opérateurs de radiocommunications mobiles exemptés en application de l'article L. 35-3, la rémunération additionnelle est égale à C2/V. Le ministre chargé des télécommunications constate et rend publiques les valeurs prévisionnelles de C1, C2 et V au plus tard le 1er octobre de l'année précédant l'année considérée, sur proposition de l'Autorité de régulation des télécommunications exprimée au plus tard le 1er septembre de l'année précédant l'année considérée. (...) L'Autorité de régulation des télécommunications propose, au plus tard le 15 octobre de l'année suivant l'année considérée, la révision des valeurs prévisionnelles de C2 et V au ministre chargé des télécommunications qui les constate au plus tard le 1er novembre de l'année suivant l'année considérée. L'Autorité de régulation des télécommunications notifie ces valeurs à chaque opérateur au plus tard le 30 novembre suivant l'année considérée. Les soldes débiteurs correspondant aux écarts entre les charges prévisionnelles effectivement facturées et les sommes qui auraient été dues sont versés par les opérateurs débiteurs aux opérateurs créditeurs au plus tard le 20 décembre de l'année suivant l'année considérée. Ces écarts portent intérêt de droit au taux interbancaire offert à Paris pour une durée de douze mois " ;

10. Considérant que par ses jugements des 1er mars et 8 novembre 2007, le Tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à restituer aux sociétés aux droits desquelles vient la société SFR, les sommes correspondant à la rémunération additionnelle à la rémunération d'interconnexion pour les années 1998, 1999 et 2000, sous réserve que France Télécom n'ait pas procédé au jour du jugement à son remboursement ;

11. Considérant qu'à la suite de l'arrêt de la CJCE du 6 décembre 2001, jugeant que certaines dispositions du code des postes et télécommunications relatives au financement du service universel des télécommunications étaient incompatibles avec le droit communautaire, l'Autorité de régulation des télécommunications a proposé, par une décision n° 02-0329 du 23 avril 2002, des évaluations rectificatives du coût du service universel et des contributions des opérateurs ; que s'agissant de la rémunération additionnelle à l'interconnexion, cette décision prévoyait qu'il appartenait aux opérateurs de faire valoir leurs créances auprès de France Télécom et que l'écart entre les valeurs des contributions résultant des précédentes décisions de l'Autorité et celles issues de ladite décision donnerait lieu à régularisation au taux de l'intérêt légal ; qu'à la suite de cette décision, l'arrêté du ministre délégué à l'industrie du 11 juillet 2002 a constaté les valeurs définitives du coût net du service universel pour les années 1998 et 1999 et le solde définitif des contributions des opérateurs pour les années 1997, 1998 et 1999 ; qu'il résulte de ce qui précède que les sommes que France Télécom était tenu de rembourser aux opérateurs à la suite de l'arrêt de la CJCE ne portaient que sur la différence entre les montants des contributions définitives de ces sociétés déterminés postérieurement à cet arrêt et les montants des contributions définitives dont ils avaient dû s'acquitter avant cette arrêt pour les années litigieuses ; qu'en revanche, aucune décision juridictionnelle ou administrative n'a exigé de France Télécom le remboursement des contributions définitives définies en application de l'arrêté du 11 juillet 2002 ; que l'Etat, qui a d'ailleurs partiellement fait droit, le 2 mai 2011, aux demandes des opérateurs tendant au versement d'intérêts moratoires au titre de la rémunération additionnelle à la rémunération d'interconnexion, ne fait état d'aucun élément de nature à établir que France Télécom leur aurait spontanément remboursé cette somme ;

12. Considérant que le montant de la contribution définitive dont les sociétés aux droits desquelles vient la société SFR se sont acquittées au titre de la rémunération additionnelle à la rémunération d'interconnexion ayant fait l'objet d'un dégrèvement, en application du jugement susvisé du 1er mars 2007, la circonstance que l'Etat n'aurait pas remboursé cette somme ou n'aurait pas opéré une compensation avec d'autres sommes dues par la société SFR est sans incidence sur le droit de cette dernière au versement d'intérêts moratoires sur le fondement de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ; qu'en outre, il résulte de l'instruction que ces jugements ont bien été exécutés par voie de compensation légale, les opérateurs ayant été informés, le 21 décembre 2007, de l'identité entre les montants des contributions définitives résultant des décisions de l'ARCEP du 23 octobre 2007 et ceux résultant des arrêtés ministériels adoptés en 2002, et de l'absence de nécessité, dans ces conditions, de procéder à une régularisation ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la société SFR est fondée à réclamer à l'Etat le paiement d'intérêts moratoires au titre de la rémunération additionnelle à la rémunération d'interconnexion sur le fondement de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ;

14. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit précédemment en ce qui concerne la contribution au fonds de financement du service universel des télécommunications, le montant des intérêts moratoires dus par l'Etat à l'opérateur concerné doit être calculé sur la période allant de la date de versement initial de la contribution par l'opérateur concerné, jusqu'à la date des décisions définitives de l'ARCEP, le 21 décembre 2007, qui constatent, après l'intervention du décret susvisé du 16 avril 2007, les montants à payer et rendent possible la régularisation entre les montants déjà avancés par les opérateurs et les sommes réellement dues ;

15. Considérant qu'il y a lieu, pour définir le montant de la somme due à la société SFR pour chaque année, de retenir comme assiette le montant de la contribution définitive au titre de la rémunération additionnelle à la rémunération d'interconnexion ; que si la société SFR ne dispose plus des factures et relevés de compte se rapportant aux exercices 1998 et 1999, il résulte de l'instruction qu'elle s'est effectivement acquittée auprès de France Télécom au cours des années 1998 et 1999 des contributions prévisionnelles qui étaient dues ; qu'ainsi, dans les circonstances particulières de l'espèce, elle est fondée, pour déterminer le point de départ des intérêts, à recourir à une méthode d'évaluation fondée sur la reconstitution théorique du montant mensuel des charges prévisionnelles dont elle s'est acquittée en 1998 et 1999, élaborée à partir du coût prévisionnel du service universel évalué par les décisions n° 97-272 et n° 98-907 de l'Autorité de régulation des télécommunications et de l'avis relatif aux contributions définitives des opérateurs au titre de la rémunération additionnelle aux charges d'interconnexion, publié au Journal officiel le 1er avril 2004 ; que l'ARCEP ne fait état d'aucun argument de nature à remettre en cause la pertinence de cette méthode de calcul ;

16. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, ces intérêts doivent courir jusqu'au 21 décembre 2007 et doivent être calculés à partir du taux d'intérêt légal pour les années 1998 à 2005 et du taux prévu à l'article 1727 du code général des impôts pour les années 2006 et 2007 ; qu'il résulte également de ce qui précède que ces intérêts moratoires doivent porter sur la rémunération additionnelle définitive, déterminée en application de l'arrêté ministériel du 11 juillet 2002 annulé par le Conseil d'Etat, dont s'est acquittée la société au titre des années 1998 et 1999 ;

17. Considérant que la société SFR est dès lors fondée à demander à l'Etat au titre des intérêts moratoires sur la restitution de la somme correspondant à la rémunération additionnelle à la rémunération d'interconnexion, le paiement des sommes de 834 200 euros au titre de l'année 1998 et de 664 358 euros au titre de l'année 1999 ;

18. Considérant que si les dispositions de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales font obstacle à ce que les intérêts moratoires auxquels elles donnent droit soient eux-mêmes capitalisés, elles sont sans application dans le cas qui est celui de l'espèce, où l'Etat s'acquitte de sa dette en principal, interrompant ainsi le cours des intérêts, mais ne paye pas en même temps la somme des intérêts dont il est alors redevable, obligeant ainsi le créancier à former une nouvelle demande tendant au paiement de cette somme ; que dans ce cas, les intérêts qui étaient dus au jour du paiement du principal forment eux-mêmes une créance productive d'intérêts dans les conditions de l'article 1153 et, le cas échéant, de l'article 1154 du code civil ;

19. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les sommes dues par l'Etat doivent être assorties des intérêts au taux légal à compter du 29 mai 2008, date de réception de la demande préalable présentée par la société SFR et qu'il y a lieu de faire droit à la demande de capitalisation des intérêts à compter de la date du 3 mars 2011, à laquelle elle a été demandée, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

20. Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société SFR de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La somme que l'Etat a été condamné à payer à la société SFR en application du jugement attaqué au titre des intérêts moratoires sur les contributions définitives au financement du service universel des télécommunications sera assortie des intérêts au taux prévu à l'article 1727 du code général des impôts, pour les années 2006 et 2007.

Article 2 : L'Etat est condamné à payer à la société SFR au titre des intérêts moratoires sur la restitution de la somme correspondant à la rémunération additionnelle à la rémunération d'interconnexion une somme de 834 200 euros au titre de l'année 1998 et une somme de 664 358 euros au titre de l'année 1999, sous réserve des sommes qui auraient déjà été versées à ce titre à la société. Ces sommes seront assorties des intérêts au taux légal à compter du 29 mai 2008. Les intérêts échus à la date du 3 mars 2011 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le jugement du Tribunal administratif de Paris du 5 mars 2013 est réformé en ce qu'il a de contraire à ce qui précède.

Article 5 : L'Etat versera à la société SFR une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 10PA03855

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N° 13PA01725


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3 ème chambre
Numéro d'arrêt : 13PA01725
Date de la décision : 06/03/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. MOREAU
Rapporteur ?: M. Florian ROUSSEL
Rapporteur public ?: Mme MACAUD
Avocat(s) : SCP BARTHELEMY-MATUCHANSKY-VEXLIARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2014-03-06;13pa01725 ?
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