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20/01/2014 | FRANCE | N°13PA00332

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 20 janvier 2014, 13PA00332


Vu la requête, enregistrée le 25 janvier 2013, présentée pour Mme B...E..., demeurant..., par Me D...Vincent ; Mme B...E...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1110912/3-2 du 21 novembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a, à la demande de la Société Nouvelle du Terrass Hotel (SNTH), annulé la décision du 20 avril 2011 du ministre du travail refusant à la SNTH l'autorisation de la licencier et a enjoint au ministre de réexaminer la demande d'autorisation de licenciement formée par la SNTH ;

2°) de rejeter la demande présentée par la

SNTH devant le Tribunal administratif de Paris ;

3°) de mettre à la charge d...

Vu la requête, enregistrée le 25 janvier 2013, présentée pour Mme B...E..., demeurant..., par Me D...Vincent ; Mme B...E...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1110912/3-2 du 21 novembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a, à la demande de la Société Nouvelle du Terrass Hotel (SNTH), annulé la décision du 20 avril 2011 du ministre du travail refusant à la SNTH l'autorisation de la licencier et a enjoint au ministre de réexaminer la demande d'autorisation de licenciement formée par la SNTH ;

2°) de rejeter la demande présentée par la SNTH devant le Tribunal administratif de Paris ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la SNTH la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 janvier 2014 :

- le rapport de M. Romnicianu, premier conseiller,

- les conclusions de M. Ladreyt, rapporteur public,

- et les observations de Me Vincent, avocat de Mme E... et celles de

Me Laporte, avocat de la SNTH ;

1. Considérant que MmeE..., employée en qualité de femme de chambre par la Société Nouvelle du Terrass Hôtel (SNTH) en contrat à durée indéterminée depuis 1998, a été désignée déléguée syndicale CGT en 2007 ; que le 3 novembre 2010 la SNTH a sollicité l'autorisation de licencier Mme E...à titre disciplinaire ; que, par une décision en date du 22 novembre 2010, l'inspecteur du travail a accordé ladite autorisation aux motifs, d'une part, que les faits invoqués par l'employeur à l'appui de sa demande présentaient, au regard du bon fonctionnement de l'entreprise et des règles d'exécution du contrat de travail, un caractère fautif d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, et, d'autre part, qu'aucun lien entre la demande de licenciement de Mme E...et son acticité syndicale n'avait été relevé lors de l'enquête ; que, saisi d'un recours hiérarchique par MmeE..., le ministre du travail, de l'emploi et de la santé a, par une décision du 20 avril 2011, rapporté la décision de l'inspecteur du travail et refusé d'accorder l'autorisation de licenciement sollicitée, au motif que la matérialité des griefs retenus à l'encontre de Mme E...n'était pas établie ; que, sur recours de la SNTH, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision ministérielle du

20 avril 2011 au motif que deux des trois griefs retenus à l'encontre de Mme E...étaient établis et revêtaient un caractère fautif suffisamment grave de nature à justifier le licenciement prononcé ; que le Tribunal administratif de Paris a enjoint au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social de réexaminer la demande d'autorisation de licenciement formée par la SNTH ; que Mme E...interjette régulièrement appel de ce jugement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que la requérante soutient que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité, le Tribunal administratif de Paris ayant omis de répondre à son argumentation tirée du lien entre la demande d'autorisation de licenciement et son activité syndicale, d'une part, et son état de santé, d'autre part ;

3. Considérant qu'il ressort du jugement attaqué que les premiers juges ont annulé, à la demande de la SNTH, la décision du ministre du travail refusant à celle-ci l'autorisation de licencier MmeE..., au seul motif que l'auteur de la décision litigieuse avait à tort considéré que les griefs retenus à l'encontre de l'intéressée n'étaient pas établis ; que, dans ces conditions, le Tribunal administratif de Paris s'est borné à enjoindre au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social de réexaminer la demande d'autorisation de licenciement formée par la SNTH ; que, partant, le Tribunal administratif de Paris, à qui il n'appartenait pas de se substituer à l'autorité administrative compétente en statuant sur la demande d'autorisation de licenciement de Mme E...présentée par la SNTH, n'était pas tenu d'examiner l'argumentation invoquée par MmeE..., défenderesse en première instance, et, partant, de se prononcer sur l'existence d'un lien entre ladite demande et l'activité syndicale de l'intéressée, d'une part, et l'état de santé de cette dernière, d'autre part ; qu'il suit de là que la requérante n'est pas fondée à soutenir que les premiers juges auraient entaché le jugement attaqué d'une quelconque omission à statuer ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables à son contrat de travail et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;

5. Considérant, en premier lieu, que la requérante conteste la matérialité du premier grief retenu par son employeur à son encontre, à savoir des retards à l'arrivée sur son lieu de travail, en soutenant, notamment, qu'elle n'aurait jamais accepté les " nouveaux horaires " ; que, toutefois, à supposer même que les horaires nouvellement définis ne lui étaient pas applicables, il est constant, selon les stipulations de l'article 5 de son contrat de travail de " femme de

chambre ", toujours applicables dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un accord tacite concernant la modification des horaires de travail de l'intéressée serait intervenu, que

Mme E...devait " respecter les horaires en vigueur dans l'entreprise, c'est-à-dire de

8 heures à 16h50 " ; qu'il ressort des pièces du dossier que Mme E...est arrivée sur son lieu de travail le 16 octobre à 9h22, le 19 octobre à 8h06, le 20 octobre à 8h10 et le

22 octobre 2010 à 8h08 ; qu'en se bornant à faire valoir que ces retards ont été constatés sur la base d'un mode de pointage irrégulièrement mis en oeuvre et que ses horaires de travail n'étaient pas définis avec précision, la requérante ne conteste pas sérieusement la matérialité de ce premier grief ; qu'en outre, les circonstances, à les supposer établies, que, d'une part, s'agissant du retard du 16 octobre 2010, celui-ci aurait eu un motif légitime et que, d'autre part, l'intéressé

" compensait " son retard du matin en sortant plus tard le soir, sont en tout état de cause sans incidence sur la matérialité de ce premier grief ; que, par suite, le moyen tiré du caractère non établi des retards reprochés à Mme E...ne peut qu'être écarté ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que la matérialité du deuxième grief dont fait état l'employeur de Mme E...à l'appui de sa demande d'autorisation de licenciement de l'intéressée à titre disciplinaire, à savoir des faits d'insubordination, est établie, dès lors qu'ils ressortent du courriel dont l'auteur est " la gouvernante ", appellation qui ne permettait pas de douter de l'identité de son rédacteur, et qu'ils ont été corroborés par les écrits de MmeA..., gouvernante générale, et ceux d'une autre salariée présente au moment des faits litigieux,

Mme C...; que ces témoignages revêtent un caractère probant suffisant ; qu'en se bornant à évoquer son " caractère jovial et sympathique ", lequel rendrait peu crédible ces accusations, Mme E...ne remet pas sérieusement en cause la matérialité des faits de violence verbale de la salariée à l'encontre de sa supérieure hiérarchique, lesquels sont postérieurs au premier avertissement infligé à l'intéressée ; que la circonstance que l'intéressée ait elle-même été victime d'actes de violence de la part de son employeur, à la supposer établie, est en tout état de cause sans incidence sur ce qui précède ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la décision litigieuse était entachée d'erreur de fait et ont, pour ce motif, prononcé son annulation ;

8. Considérant, en troisième lieu, que Mme E...soutient que son licenciement est intervenu sur une procédure irrégulière, d'une part, et que la demande d'autorisation de licenciement introduite par son employeur est irrégulière en la forme, en l'absence de mention de la qualité de candidate à la délégation unique du personnel,

d'autre part ;

9. Considérant que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé, à la demande de la SNTH, la décision du ministre du travail refusant à celle-ci l'autorisation de licencier MmeE..., au seul motif que l'auteur de la décision litigieuse avait commis une erreur de fait en considérant que les agissements de MmeE..., constitutifs d'une faute disciplinaire de nature à justifier son licenciement, n'étaient pas établis ; que, toutefois, l'annulation par le tribunal administratif de la décision du ministre du travail rapportant la décision de l'inspecteur du travail autorisant le licenciement de Mme E...n'a pas eu pour effet de remettre en vigueur cette dernière décision ; qu'ainsi, conformément à l'injonction que lui ont adressé les premiers juges, il appartient à l'autorité ministérielle, ressaisie de la demande d'autorisation de licenciement présentée par la SNTH, de statuer à nouveau sur ladite demande et, à cette occasion, de prendre en compte l'argumentation de la requérante tirée de l'irrégularité de la procédure de licenciement et du vice de forme affectant la demande d'autorisation de licenciement ; que, dans ces conditions, Mme E...ne saurait utilement invoquer, à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation du jugement attaqué, lequel n'a pas eu pour effet d'autoriser son licenciement, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure de licenciement et du vice de forme affectant la demande d'autorisation de licenciement ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme E...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a accueilli favorablement la demande de la SNTH tendant à l'annulation de la décision du ministre du travail, de l'emploi et de la santé en date du 20 avril 2011 refusant à l'employeur l'autorisation de licencier MmeE... ;

Sur les conclusions à fin d'injonction présentées par la SNTH :

11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ;

12. Considérant qu'en dehors des cas prévus par les articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative, dont les conditions d'application ne sont pas remplies en l'espèce, il n'appartient pas au juge administratif d'adresser des injonctions à l'administration ; que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête de MmeE..., n'implique aucune mesure d'exécution ; que, dans ces conditions, il ne relève pas de l'office du juge de l'injonction d'ordonner à l'autorité administrative d'autoriser la SNTH à licencier

Mme E...; que, dès lors, les conclusions présentées à ce titre par la SNTH, sont irrecevables et doivent, en tout état de cause, être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SNTH, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme E...demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par la SNTH et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme E...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions à fin d'injonction, ainsi que les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, présentées par la Société Nouvelle du Terrass Hôtel sont rejetées.

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N° 13PA00332


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 13PA00332
Date de la décision : 20/01/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-02 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour faute.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: M. Michel ROMNICIANU
Rapporteur public ?: M. LADREYT
Avocat(s) : VINCENTX

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2014-01-20;13pa00332 ?
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