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16/12/2013 | FRANCE | N°11PA04029

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 16 décembre 2013, 11PA04029


Vu la requête, enregistrée le 5 septembre 2011, et le mémoire complémentaire, enregistré le 21 octobre 2011, présentés pour le préfet de police, par Me B...; le préfet de police demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0913431/3-3 du Tribunal administratif de Paris en date du 28 juin 2011, en tant qu'il a condamné l'Etat à verser à la société Microclinique une somme de 150 000 euros en réparation du préjudice subi en raison du non-respect du montant minimal du marché à bons de commande attribué à cette société le 1er mars 2005 ;

2°) de rejeter

la demande présentée par la société Microclinique devant le tribunal ;

3°) de mettre...

Vu la requête, enregistrée le 5 septembre 2011, et le mémoire complémentaire, enregistré le 21 octobre 2011, présentés pour le préfet de police, par Me B...; le préfet de police demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0913431/3-3 du Tribunal administratif de Paris en date du 28 juin 2011, en tant qu'il a condamné l'Etat à verser à la société Microclinique une somme de 150 000 euros en réparation du préjudice subi en raison du non-respect du montant minimal du marché à bons de commande attribué à cette société le 1er mars 2005 ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société Microclinique devant le tribunal ;

3°) de mettre à la charge de la société Microclinique une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.........................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de fournitures courantes et de services, approuvé par le décret n° 77-699 du 27 mai 1977 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 décembre 2013 :

- le rapport de Mme Sirinelli, premier conseiller,

- les conclusions de M. Dewailly, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant la société Microclinique ;

1. Considérant que, par un courrier du 1er mars 2005, la préfecture d'Île-de-France a attribué à la société Microclinique le marché n° 05.72.006.00.109.75.71, à bons de commande, relatif à la maintenance sur site et en atelier de matériels informatiques ou spécifiques, pour une durée de quatre ans, avec un minimum de commandes fixé à 1 600 000 euros hors taxes et un maximum à 4 800 000 euros hors taxes ; qu'à l'issue du marché, le montant total des commandes ne s'élevait qu'à 1 087 367 euros hors taxes ; que la société Microclinique a demandé à la préfecture de police, par un courrier du 15 mai 2009, le paiement d'une indemnité de 450 000 euros à raison des préjudices découlant de l'exécution du marché ; que cette demande a été rejetée, par un courrier du 26 juin 2009 ;

2. Considérant que le préfet de police, sans revenir sur le principe de l'existence d'une faute contractuelle, demande à la Cour de réformer le jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 28 juin 2011, en tant qu'il l'a condamné à verser à la société Microclinique la somme de 150 000 euros en réparation des préjudices subis en raison du non-respect du montant minimal du marché en cause ; que, par la voie de l'appel incident, la société Microclinique demande à la Cour de réformer le même jugement, en tant qu'il a fait droit, partiellement seulement, à sa demande de première instance, et de condamner le préfet de police à lui verser une somme de 409 572 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis ;

Sur l'appel principal :

3. Considérant, en premier lieu, qu'il n'est pas contesté que le montant des commandes passées par la préfecture de police à la société Microclinique entre les années 2005 et 2009 ne s'est élevé qu'à 1 087 367 euros ; qu'ainsi que l'ont relevé à juste titre les premiers juges, dans le cas d'un marché à bons de commande, l'entrepreneur a droit à être indemnisé du préjudice éventuellement subi lorsque le montant minimal annuel de prestations spécifié au contrat n'est pas atteint du fait de la personne publique ; que le manque à gagner susceptible d'être indemnisé de ce chef doit être évalué non pas à partir de la marge brute, mais à partir de la marge nette après impôt que la cocontractante eût pu dégager à raison des prestations prévues contractuellement, mais non exécutées ; qu'en l'espèce, le préjudice subi par la société Microclinique du fait de l'insuffisance des travaux commandés durant toute la durée du marché en cause ne saurait donc être déterminé en fonction du taux de marge brute constaté, mais en fonction du bénéfice net qu'aurait procuré la commande minimum prévue, déduction faite notamment du montant de la prime de résultats accordées au personnel et des charges sociales correspondantes ; qu'en outre, s'agissant d'un marché dont le montant minimum faisait l'objet d'une évaluation globale, et non annuelle, le préfet de police est fondé à soutenir que l'année 2008 doit être prise en compte pour le calcul de cette marge bénéficiaire, malgré la forte diminution des commandes au cours de cette année, et qu'ainsi la somme accordée sur ce point ne peut être supérieure à 19 787,63 euros, suivant les calculs qu'il a effectués à partir des pièces comptables produites par la société devant le tribunal ; que c'est donc à tort que les premiers juges ont retenu, pour ce chef de préjudice, une somme de 30 000 euros ; que le jugement attaqué doit donc être réformé sur ce point ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que le préfet de police fait valoir que la société Microclinique ne saurait être indemnisée pour le chef de préjudice tenant aux charges liées au personnel, que l'intimée évalue à 148 532 euros, charges patronales comprises, dès lors que l'équipe dédiée au marché par la société aurait pu être affectée à d'autres clients et qu'elle était, en tout état de cause, surdimensionnée eu égard à la reconfiguration du marché intervenue dès 2005 ; que, toutefois, il résulte de l'instruction, et notamment du cahier des clauses administratives particulières applicable au marché litigieux, qu'il était prévu des interventions de la société sur site et en atelier ; que si, en vertu des échanges intervenus lors de la réunion du 16 juin 2005, confirmés par un courrier du 24 juin 2005, il a été prévu que l'exécution des prestations de maintenance ne se ferait que dans les locaux de la société, il ressort également de ce document que deux rotations hebdomadaires ont été mises en place afin de récupérer sur site et restituer le matériel soumis à réparation, et que les interventions directes sur site devaient continuer d'être assurées ; qu'en outre, il ressort des pièces du dossier que la société était tenue, selon les termes du marché, de conserver en permanence une disponibilité significative de ses salariés en l'attente des commandes de la préfecture de police, et qu'elle a d'ailleurs informé la préfecture de police, par un courrier du 17 octobre 2008, qu'elle avait maintenu en place ses moyens humains et matériels malgré la diminution constatée des commandes, sans que la préfecture lui fît ultérieurement part de son désaccord sur ce point ; qu'il résulte de tout ce qui précède, indépendamment des dates d'embauche des personnels concernés que la société était libre d'affecter en son sein selon les différentes activités qui étaient les siennes, que la société Microclinique n'a pu redéployer, au moins pour partie, les effectifs chargés de l'exécution du marché en cause vers d'autres clients ; que, dès lors, le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal, dont le jugement est suffisamment motivé sur ce point, a retenu, pour ce chef de préjudice la somme de 100 000 euros ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'il découle de ce qui vient d'être dit que la société Microclinique est également fondée à demander une indemnisation au titre du préjudice lié à la non-utilisation des véhicules affectés au personnel dédié au marché ; qu'il résulte de l'instruction que la période à prendre en compte pour l'indemnisation de ce préjudice commence à partir de la baisse significative des commandes, intervenue au mois de décembre 2007, jusqu'au licenciement et au départ des salariés dédiés au marché, en juin 2008 ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé ce préjudice à 20 000 euros ; que la préfecture n'est donc pas davantage fondée à demander la réformation du jugement sur ce point ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris l'a condamné à verser à la société Microclinique la somme de 150 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 15 mai 2009, cette somme devant être ramenée à 139 787,63 euros, assortie des mêmes intérêts ;

Sur l'appel incident :

7. Considérant, en premier lieu, que, comme l'ont indiqué les premiers juges, le lien direct entre l'exécution du marché litigieux et les licenciements pour motif économique évoqués par la société, dont la baisse du chiffre d'affaires durant la période concernée était supérieure à la seule diminution des commandes émanant du préfet de police, qui n'était pas son unique client ainsi qu'il ressort des montants des produits d'exploitation figurant aux comptes de résultats de la société, n'est pas établi ; qu'elle ne peut, en conséquence, demander à être indemnisée des coûts afférents à ces licenciements et, notamment, des montants correspondant aux deux mois de préavis laissés aux salariés dédiés au marché ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que la société Microclinique soutient que, du fait de l'impossibilité pour la préfecture de police de mettre à disposition de ses techniciens un local permettant de réaliser les prestations sur site, elle s'est vue dans l'obligation d'étendre ses propres locaux ; que cependant, ni l'augmentation de surface alléguée, ni son lien avec l'exécution du marché litigieux ne ressort des mentions et dates des baux et avenants aux baux produits au dossier ; qu'il résulte d'ailleurs de l'instruction qu'il avait été spécifié, lors de la réunion du 16 juin 2005 portant sur les modalités d'exécution du marché, et confirmé, par une lettre du 24 juin 2005, que le fait d'effectuer les prestations uniquement en atelier et non sur site, faute de local disponible, n'entraînerait aucun coût supplémentaire, et que la société n'a émis aucune objection ni aucune réserve quant à ces modalités d'exécution ; que, dès lors, la société Microclinique ne peut prétendre à une indemnisation sur ce fondement ;

9. Considérant, en troisième lieu, que la société Microclinique fait valoir qu'elle avait constitué un stock de machines de prêts et de pièces détachables et consommables, afin de répondre au mieux aux besoins du client, d'une part, et qu'elle avait mis à disposition des techniciens de la préfecture, à la demande de celle-ci, un stock de tampons, disques durs et graveurs, d'autre part ; que, toutefois, s'il est vrai que le revirement brutal de politique de commande de la préfecture de police, sans communication préalable, a pu entraîner pour la société des difficultés de gestion du stock, il ne résulte pas de l'instruction que ce stock soit demeuré inutilisable et n'ait pu, en particulier, être réaffecté aux besoins d'autres clients ; qu'en outre, la société ne démontre pas avoir répondu à une demande hors marché de la préfecture pour la constitution d'un stock de tampons, disques durs et graveurs ; qu'il s'ensuit qu'elle n'est pas fondée à demander une indemnisation au titre du préjudice lié au stock ;

10. Considérant, dernier lieu, que la société Microclinique soutient avoir subi un préjudice lié au trouble commercial du fait de la diminution des commandes ; qu'elle ne produit, toutefois, aucun élément de nature à étayer le principe et le montant de sa demande sur ce point, s'agissant tant du temps passé par son directeur à régler le présent litige, que des appels d'offre qui auraient été manqués du fait de la diminution du personnel, ou de la dégradation de son image ; qu'enfin, la seule production de la résiliation d'un encours COFACE intervenue cinq mois après la fin de l'exécution du marché litigieux ne permet pas d'établir le lien de causalité entre la faute contractuelle constatée et le préjudice qui aurait découlé de cette résiliation ; qu'il s'ensuit que les conclusions concernant ce chef de préjudice doivent également être rejetées ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Microclinique n'est pas fondée à demander la réformation du jugement attaqué en tant qu'il aurait retenu une indemnisation insuffisante au regard des préjudices subis en raison du non-respect du montant minimum fixé par le marché en cause ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société Microclinique demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en outre, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Microclinique la somme demandée au titre des frais exposés par l'Etat et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'Etat est condamné à verser à la société Microclinique la somme de 139 787,63 euros, assortie des intérêts à taux légal à compter du 15 mai 2009, en réparation des préjudices subis en raison du non-respect du montant minimum fixé par le marché à bons de commande attribué à cette société le 1er mars 2005.

Article 2 : Le jugement n° 0913431/3-3 du 28 juin 2011 du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire aux dispositions de l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions incidentes de la société Microclinique sont rejetées.

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N° 11PA04029


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 11PA04029
Date de la décision : 16/12/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

39-05-01-02 Marchés et contrats administratifs. Exécution financière du contrat. Rémunération du co-contractant. Indemnités.


Composition du Tribunal
Président : M. AUVRAY
Rapporteur ?: Mme Marie SIRINELLI
Rapporteur public ?: M. DEWAILLY
Avocat(s) : GARREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2013-12-16;11pa04029 ?
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