Vu, I°, la requête, enregistrée le 10 décembre 2012 sous le n°12PA04837, présentée pour Mme E...A..., demeurant..., par MeC... ; Mme A...demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°1011187 du 23 octobre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 18 mars 2010 du maire de Paris prononçant sa révocation ;
2°) d'annuler la décision du 18 mars 2010 du maire de Paris ;
3°) de mettre à la charge de la Ville de Paris le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
Vu le décret n° 94-415 du 24 mai 1994 ;
Vu le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 octobre 2013 :
- le rapport de Mme Larsonnier, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Dewailly, rapporteur public ;
- les observations de Me D...de la SCP Sartorio-Lonqueue-Sagalovitsch et associés, représentant la ville de Paris ;
1. Considérant que MmeA..., puéricultrice, cadre de santé titulaire à la direction des familles et de la petite enfance de la Ville de Paris, qui exerçait les fonctions de directrice de la crèche municipale Jean Dolent, située dans le 14ème arrondissement de Paris, fait appel du jugement en date du 23 octobre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 mars 2010 du maire de Paris prononçant sa révocation ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 4 du décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 : " L'autorité investie du pouvoir disciplinaire informe par écrit l'intéressé de la procédure disciplinaire engagée contre lui, lui précise les faits qui lui sont reprochés et lui indique qu'il a le droit d'obtenir la communication intégrale de son dossier individuel au siège de l'autorité territoriale et la possibilité de se faire assister par un ou plusieurs conseils de son choix. L'intéressé doit disposer d'un délai suffisant pour prendre connaissance de ce dossier et organiser sa défense. Les pièces du dossier et les documents annexés doivent être numérotés. " ;
3. Considérant, d'une part, que, si la lettre informant Mme A...de sa convocation devant le conseil de discipline ne mentionnait pas les faits qui lui étaient reprochés, il ressort des termes de celle-ci et il n'est pas contesté qu'elle était accompagnée de la copie de la pièce n° 4 du dossier disciplinaire de l'intéressée ; que cette pièce, produite par la Ville de Paris devant la Cour, correspond au rapport de la direction des ressources humaines qui expose précisément les faits reprochés à l'agent ; qu'en outre, il est constant que MmeA..., informée par la lettre de convocation devant le conseil de discipline de la possibilité de consulter son dossier, a effectivement exercé ce droit, accompagnée de son conseil, le 22 février 2010 ; que, par suite, c'est à bon droit que le tribunal a estimé que Mme A...avait été mise à même de prendre connaissance des faits qui lui étaient reprochés et d'organiser sa défense ;
4. Considérant, d'autre part, que si Mme A...soutient que son dossier individuel ne comportait pas de rapport relatif aux faits survenus en 2006, il ressort toutefois des pièces du dossier que le rapport de la direction des ressources humaines, joint à la lettre de convocation devant le conseil de discipline de MmeA..., se référait à ces événements et que le dossier de l'agent comportait plusieurs pièces relatant ces faits, en particulier le compte-rendu d'un entretien avec un agent technique de la petite enfance de la crèche du 18 novembre 2009, le témoignage de la responsable de la crèche Cabanis du 29 janvier 2010 et le rapport du 4 février 2012 de MmeB..., psychologue coordonnateur à la direction des familles et de la petite enfance ; que, par suite, malgré l'absence au dossier de Mme A...d'un rapport se rapportant aux faits de maltraitance révélés en 2006, à supposer qu'il existe, celle-ci a été mise en mesure de prendre connaissance de ces faits avant la séance du conseil de discipline ; qu'il s'ensuit que la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle a été privée des garanties prévues par les dispositions de l'article 4 du décret du 18 septembre 1989 ;
5. Considérant, en second lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, en particulier du procès-verbal de la séance du conseil de discipline du 8 mars 2010, que les cinq experts de l'administration ayant assisté la Ville de Paris lors de cette séance, conformément à la possibilité prévue par l'article 7 du décret du 18 septembre 1989, auraient assisté ou pris part au délibéré ; que si ces experts, en leur qualité d'attaché au bureau des personnels, de conseillère technique et de coordinatrice des crèches du quatorzième arrondissement, ont recueilli les témoignages des agents de la crèche Dolent concernant les faits de maltraitance dénoncés en 2009 et ont ainsi participé à l'enquête administrative, et qu'à l'encontre de deux d'entre eux une action en diffamation a été intentée par MmeA..., il n'est pas établi par les pièces du dossier qu'ils auraient manqué d'impartialité ou manifesté une animosité particulière à l'égard de MmeA..., notamment devant les parents d'enfants accueillis au sein de la crèche ; qu'enfin, la requérante ne peut utilement invoquer la méconnaissance des dispositions de l'article 237 du code de procédure civile, qui ne sont applicables qu'aux seules procédures devant les juridictions judiciaires ; que, par suite, la participation de ces cinq experts à la séance du conseil de discipline n'a pas vicié la procédure disciplinaire suivie ;
6. Considérant, en troisième lieu, que, contrairement à ce que soutient la requérante, il ne ressort pas du procès-verbal de la séance du conseil de discipline du 8 mars 2010 que les témoignages en faveur de la Ville de Paris auraient été privilégiés au détriment de ceux présentés pour MmeA... ; qu'en tout état de cause, les témoignages de parents, qui n'ont pu assister aux faits reprochés à MmeA..., ont une force probante moindre que ceux émanant de personnes travaillant au sein de la crèche ;
7. Considérant, en quatrième lieu, que, contrairement à ce que soutient la requérante, il ressort des pièces du dossier que le conseil de discipline a entendu tous les témoins présents cités par MmeA..., ainsi qu'un témoin non annoncé ;
8. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " (...) 3. Tout accusé a droit notamment à : (...) b) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ; se défendre lui-même ou avoir l'assistance d'un défenseur de son choix et, s'il n'a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d'office, lorsque les intérêts de la justice l'exigent ; d) interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l'interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ; (...) " ;
9. Considérant que le présent litige, qui porte notamment sur la procédure suivie devant le conseil de discipline, n'entre pas dans le champ des prévisions du paragraphe 3 de l'article 6 de la convention, qui vise uniquement les droits de " tout accusé ", ce qui limite son champ d'application à la " matière pénale " au sens du paragraphe 1 du même article ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations ne peut qu'être écarté ;
10. Considérant, en sixième lieu, qu'aux termes de l'article 4 du décret du 24 mai 1994, dans sa rédaction applicable à la date de la décision contestée : " La loi du 26 janvier 1984 susvisée est applicable aux personnels des administrations parisiennes dans sa rédaction en vigueur au 1er juin 2001, sous réserve des dérogations prévues ci-dessous. Sont également applicables, dans les mêmes conditions, à ces personnels les dispositions des décrets pris pour l'application de ceux des articles de la loi du 26 janvier 1984 susvisée qui leur sont applicables en vertu du présent décret. Sauf disposition contraire, toute modification d'une disposition mentionnée à l'alinéa précédent est applicable de plein droit à ces personnels " ; qu'aux termes de l'article 14 du même décret : " Pour l'application de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée, les seize premiers alinéas sont rédigés comme suit : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. " Premier groupe : " - l'avertissement ; " - le blâme. " Deuxième groupe : " - la radiation du tableau d'avancement ; " - l'abaissement d'échelon ; " - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de quinze jours ; " - le déplacement d'office. " Troisième groupe : " - la rétrogradation ; " - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans. " Quatrième groupe : " - la mise à la retraite d'office ; " - la révocation. (...) " ;
11. Considérant qu'il ressort de la décision contestée que le maire de Paris, pour prononcer la révocation de MmeA..., s'est notamment fondé sur la circonstance que le maintien en poste de MmeA..., à la suite de la révélation de faits de maltraitance institutionnelle il y a quatre ans, dans la crèche dont elle est directrice, a été assorti d'un contrat d'objectifs, d'un accompagnement par un coach et de formations à l'encadrement mais que, malgré cet accompagnement, de nouveaux actes de maltraitance ont été portés à la connaissance de l'administration en avril 2009 ; que si Mme A...soutient que le tribunal a dénaturé les faits en qualifiant les " pratiques inappropriées " révélées en 2006 de " cas de mauvais traitements ", il ressort des termes de l'arrêté que le maire de Paris lui-même avait qualifié ces événements de " faits de maltraitance " ; qu'au demeurant, ces cas de maltraitance, commis en 2006, ne sont pas reprochés à MmeA..., à laquelle il est fait grief, en revanche, de n'avoir pas su empêcher la réitération de tels actes, alors qu'elle était soumise à un contrat d'objectifs et qu'elle bénéficiait d'un accompagnement spécifique ;
12. Considérant, en outre, que si Mme A...conteste la matérialité des faits survenus en 2009, il ressort des pièces du dossier, et notamment de comptes-rendus d'entretien avec trois auxiliaires de puériculture et deux agents placés auprès des enfants de la crèche Dolent, dont l'un n'exerçait plus ses fonctions au sein de cette structure au moment de son témoignage, et du rapport de la psychologue clinicienne, coordonnateur des psychologues de la direction des familles et de la petite enfance, que la requérante, directrice de la crèche depuis de nombreuses années, avait connaissance de faits de maltraitance commis par une auxiliaire de puériculture dans l'une des sections dédiées aux bébés et de comportements inadaptés d'autres membres de son personnel, mais qu'en raison de ses liens amicaux avec ceux-ci, elle n'a pas pris aucune mesure destinée à empêcher de tels comportements ; que, lorsqu'une auxiliaire de puériculture nouvellement recrutée l'a avertie de ces actes, le 7 avril 2009, Mme A...a tardé à réagir, s'opposant à la proposition de son adjointe de prévenir immédiatement la psychologue en charge de la crèche et attendant plus de trois semaines avant d'alerter sa hiérarchie ; qu'ainsi, Mme A...n'est pas fondée à soutenir que la sanction serait fondée sur des faits matériellement inexacts ; que la circonstance que le signalement effectué par la Ville de Paris auprès du parquet de Paris a été classé sans suite n'est pas de nature à remettre en cause la matérialité de ces faits, l'autorité investie du pouvoir disciplinaire n'étant pas liée par les appréciations de l'autorité de poursuite en matière pénale ; que, par ailleurs, Mme A...ne conteste pas la matérialité des fautes de gestion qui lui sont reprochées ;
13. Considérant, en septième lieu, que la décision attaquée est également fondée sur ce que la requérante aurait manqué au devoir de réserve en s'exprimant dans un article de presse sur l'affaire en cours ; qu'il est constant que si ce fait ne peut être regardé comme un manquement au devoir de réserve, il ressort des pièces du dossier que la même décision aurait été prise à l'encontre de la requérante si ce motif n'avait pas été retenu ;
14. Considérant, en huitième lieu, que, compte tenu des fonctions de directrice exercées par MmeA..., de l'ancienneté de ces fonctions, du comportement de l'intéressée qui a tardé à prendre les mesures nécessaires pour faire cesser les agissements particulièrement graves de certains membres du personnel vis-à-vis de très jeunes enfants vulnérables accueillis au sein de la crèche et placés sous sa responsabilité, alors qu'elle avait bénéficié d'un encadrement spécifique à partir de 2006, date à laquelle des comportements maltraitants avaient été dénoncés dans cette même crèche dont elle était déjà la directrice, ce qui aurait dû, par conséquent, l'inciter à faire preuve d'une particulière vigilance vis-à-vis de ces problèmes, la sanction de la révocation prononcée à l'encontre de Mme A...à raison de ces faits n'est pas manifestement disproportionnée ;
15. Considérant, enfin, que le détournement de procédure allégué par Mme A...n'est pas établi ;
16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du maire de Paris prononçant sa révocation ;
17. Considérant que la Cour se prononçant, par le présent arrêt, sur la requête de la Mme A...tendant à l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Paris du 23 octobre 2012, il n'y a plus lieu, en tout état de cause, de statuer sur la requête n° 12PA04838, par laquelle Mme A...sollicitait de la Cour le sursis à exécution de ce jugement ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative :
18. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la Ville de Paris, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme A...demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de Mme A...une somme de 1 000 euros à verser à la Ville de Paris sur le fondement des mêmes dispositions ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête n° 12PA04837 de Mme A...est rejetée.
Article 2 : Mme A...versera à la Ville de Paris la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n°12PA04838.
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N° 12PA04837 ; 12PA04838