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17/10/2013 | FRANCE | N°11PA02245

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 17 octobre 2013, 11PA02245


Vu la requête, enregistrée le 10 mai 2011, présentée pour Mme D...C..., demeurant..., par

MeA... ; Mme C...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0813521/5-2 du 3 mars 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la société France Télécom à lui verser une indemnité de 300 000 euros en réparation des préjudices matériels et moraux qu'elle soutient avoir subis en conséquence des fautes constituées d'une part par l'attribution sans formation préalable de fonctions de conseiller-clientèle, et d'au

tre part par le harcèlement moral dont elle soutient avoir été victime au cours d...

Vu la requête, enregistrée le 10 mai 2011, présentée pour Mme D...C..., demeurant..., par

MeA... ; Mme C...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0813521/5-2 du 3 mars 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la société France Télécom à lui verser une indemnité de 300 000 euros en réparation des préjudices matériels et moraux qu'elle soutient avoir subis en conséquence des fautes constituées d'une part par l'attribution sans formation préalable de fonctions de conseiller-clientèle, et d'autre part par le harcèlement moral dont elle soutient avoir été victime au cours des années 2003 à 2008 ;

2°) de condamner la société France Télécom à lui verser la somme de 300 000 euros ;

3°) de mettre une somme de 7 000 euros à la charge de la société France Télécom en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, modifiée, portant droits et obligations des fonctionnaires, notamment en son article 6 quinquies ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, modifiée, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

Vu la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990, modifiée, relative à l'organisation du service public de la poste et à France Télécom ;

Vu le décret n° 96-1174 du 27 décembre 1996, approuvant les statuts de France Télécom et portant diverses dispositions relatives au fonctionnement de l'entreprise nationale ;

Vu le décret n° 95-49 du 13 janvier 1995, relatif au statut particulier du corps des secrétaires administratifs du ministère de l'industrie, des postes et télécommunications et du commerce extérieur ;

Vu le décret n° 85-607 du 14 juin 1985 relatif à la formation professionnelle des fonctionnaires de l'Etat ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 octobre 2013 :

- le rapport de M. Bergeret, rapporteur,

- les conclusions de Mme Bonneau-Mathelot, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., pour France Telecom et celles de MmeC... ;

1. Considérant que MmeC..., collaboratrice de 1er niveau, classe 2, de la société France Télécom, relève appel du jugement du 3 mars 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la société France Télécom à lui verser une indemnité de 300 000 euros en réparation des préjudices matériels et moraux qu'elle soutient avoir subis en conséquence du harcèlement moral dont elle allègue avoir été victime au cours des années 2003 à 2008, et de la faute qu'aurait constitué la décision de son employeur de lui imposer des fonctions de conseiller-clientèle sans formation adéquate ;

Sur la recevabilité de la requête :

2. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier de première instance que le jugement attaqué a été notifié à Mme C...le 14 mars 2011 ; que dès lors, contrairement à ce que soutient la société France Télécom, la requête d'appel, enregistrée au greffe de la Cour le 10 mai 2011, n'est pas tardive ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que la fin de non-recevoir tirée de ce que la requête est irrecevable faute d'avoir été accompagnée du jugement attaqué, en méconnaissance de l'article R. 412-1 du code de justice administrative, manque en fait ;

4. Considérant, en troisième lieu, que si la requête d'appel de Mme C...énonce de nouveau, dans les mêmes termes, les faits et moyens qu'elle avait présentés au tribunal administratif à l'appui de sa demande, elle n'en constitue pas la reproduction littérale et tend clairement à l'annulation du jugement précité ; que la société France Télécom n'est donc pas fondée à soutenir qu'elle est irrecevable au regard des dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;

Au fond :

5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du

13 juillet 1983 susvisée : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements (...) " ;

6. Considérant qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

7. Considérant que Mme C...soutient qu'elle a subi, depuis la fin de l'année 2003, date à laquelle lui ont été imposées des fonctions de conseiller-clientèle sur un nouveau lieu de travail, des agissements de harcèlement moral de la part de sa hiérarchie, caractérisés par le fait que lui ont été attribuées sans son accord des tâches sans rapport avec ses fonctions et sa qualification de secrétaire, sans formation adéquate, qu'elle aurait été victime d'une stratégie d'éviction du service, se manifestant notamment par l'attribution d'un bureau exigu et dépourvu de moyens de travail, et que sur de longues périodes, aucune tâche ne lui aurait été confiée ;

8. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'intéressée avait été mise à disposition de la société France Télécom Mobiles, devenue la Société Orange, à compter du 1er septembre 2000 pour exercer à Nanterre des fonctions de secrétariat ; qu'il résulte également de l'instruction, et n'est d'ailleurs pas sérieusement contesté, qu'à la fin de l'année 2003, des fonctions de conseiller-clientèle lui ont été imposées sur un lieu de travail sis à Villejuif, sans son accord alors même que la convention de mise à disposition signée le 8 septembre 2000 par la société France Télécom, la société France Télécom Mobiles et Mme C...prévoyait qu'un changement de fonctions ou de lieu de travail devait donner lieu à un avenant signé par les trois parties ; qu'il est par ailleurs établi que ce changement de fonctions a été imposé sans qu'une formation préalable ait été proposée à l'intéressée ; qu'ainsi, alors même que MmeC..., ayant la qualité de fonctionnaire, était dans une situation légale et règlementaire, le changement de fonctions intervenu dans ces conditions revêt le caractère d'un agissement fautif ; qu'il ressort en revanche de l'instruction que l'intéressée a bénéficié, en novembre 2005, d'une formation pour les fonctions de nature commerciale que son employeur n'avait pas renoncé à lui confier ; qu'il n'est par ailleurs pas établi, malgré les nombreuses pièces produites par l'intéressée, que son employeur, confronté à ses réticences et à de très nombreux arrêts de travail, dont l'imputabilité à des agissements fautifs de sa hiérarchie n'est pas certaine, aurait par la suite conduit à son encontre une stratégie d'éviction du service, en lui octroyant des moyens de travail inadéquats ou insuffisants, ou en la privant volontairement de toute tâche sur de longues périodes ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'existence d'agissements répétés de nature à caractériser une situation de harcèlement moral n'est pas établie, et que par suite

Mme C...n'est pas fondée à demander à être indemnisée des préjudices matériels et moraux qui auraient résulté d'une telle situation ;

10. Considérant, en second lieu et en revanche, que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le changement de fonctions qui a été imposé à Mme C...à la fin de l'année 2003 dans les conditions susrappelées qui sont caractéristiques, au vu des pièces produites au dossier, des modalités brutales alors utilisées par la société France Télécom pour mener à bien une stratégie d'adaptation de sa production à un contexte concurrentiel accru, revêt un caractère fautif et engage la responsabilité de l'employeur de Mme C...à l'égard de celle-ci, pour les préjudices matériels et moraux qui en sont découlés ; que dans les circonstances de l'espèce, eu égard notamment à la situation familiale alors difficile de l'intéressée, il sera fait une juste appréciation de la réparation ainsi due en la fixant à hauteur d'une somme de 5 000 euros ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme C...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté l'intégralité de sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de MmeC..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société France Télécom demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la société France Télécom une somme de 2 000 euros à verser à Mme C...sur le fondement des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 0813521/5-2 du 3 mars 2011 est annulé.

Article 2 : La société France Télécom est condamnée à verser une somme de 5 000 euros à

MmeC....

Article 3 : La société France Télécom versera une somme de 2 000 euros à Mme C...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

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N° 11PA02245


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 11PA02245
Date de la décision : 17/10/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme VETTRAINO
Rapporteur ?: M. Yves BERGERET
Rapporteur public ?: Mme BONNEAU-MATHELOT
Avocat(s) : SCP MORTON ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2013-10-17;11pa02245 ?
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