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16/10/2013 | FRANCE | N°13PA00378

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 16 octobre 2013, 13PA00378


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 janvier 2013 et 28 février 2013, présentés par le préfet de police de Paris ; le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1217582/2-1 du 24 décembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 6 septembre 2012 refusant de délivrer un titre de séjour à Mlle D...B..., faisant obligation à celle-ci de quitter le territoire français et fixant le pays de sa destination, lui a enjoint de délivrer à l'intéressée une carte de séjour temporaire

portant la mention "vie privée et familiale" dans un délai de trois mois à comp...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 janvier 2013 et 28 février 2013, présentés par le préfet de police de Paris ; le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1217582/2-1 du 24 décembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 6 septembre 2012 refusant de délivrer un titre de séjour à Mlle D...B..., faisant obligation à celle-ci de quitter le territoire français et fixant le pays de sa destination, lui a enjoint de délivrer à l'intéressée une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat le versement à Mlle B...de la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mlle B...devant le Tribunal administratif de Paris ;

...................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, ensemble le décret du 3 mai 1974 portant publication de la convention ;

Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 octobre 2013:

- le rapport de Mme Appèche, président,

- et les observations de MeA..., substituant MeC..., pour MlleB... ;

1. Considérant que le préfet de police relève appel du jugement n° 1217582/2-1 du

24 décembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 6 septembre 2012 refusant de délivrer un titre de séjour à MlleB..., faisant obligation à celle-ci de quitter le territoire français et fixant le pays de sa destination, lui a enjoint de délivrer à l'intéressée une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat le versement à Mlle B...de la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et qu'il n'est au demeurant pas contesté que MlleB..., ressortissante nigériane, a saisi le préfet de police d'une demande de carte de résident en qualité de réfugié, sur le fondement du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'elle n'a pas présenté d'autres demandes ; qu'elle n'a notamment pas sollicité la délivrance d'une carte de séjour portant la mention "vie privée et familiale" sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 ou de l'article

L. 313-14 de ce code ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si la présence de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour : (...) 8° A l'étranger qui a obtenu le statut de réfugié en application du livre VII du présent code ainsi qu'à son conjoint et à ses enfants dans l'année qui suit leur dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3 lorsque le mariage est antérieur à la date de cette obtention ou, à défaut, lorsqu'il a été célébré depuis au moins un an, sous réserve d'une communauté de vie effective entre les époux ainsi qu'à ses ascendants directs au premier degré si l'étranger qui a obtenu le statut de réfugié est un mineur non accompagné " ; qu'aux termes de l'article L. 712-1 du même code : " Sous réserve des dispositions de l'article

L. 712-2, le bénéfice de la protection subsidiaire est accordé à toute personne qui ne remplit pas les conditions pour se voir reconnaître la qualité de réfugié mentionnées à l'article L. 711-1 et qui établit qu'elle est exposée dans son pays à l'une des menaces graves suivantes : /a) La peine de mort ; /b) La torture ou des peines ou traitements inhumains ou dégradants ; /c) S'agissant d'un civil, une menace grave, directe et individuelle contre sa vie ou sa personne en raison d'une violence généralisée résultant d'une situation de conflit armé interne ou international. " ; que l'article L. 713-1 dudit code précise : " La qualité de réfugié est reconnue et le bénéfice de la protection subsidiaire est accordé par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans les conditions prévues au chapitre III du titre II du présent livre. " ;

4. Considérant, en premier lieu, que, dès lors que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile avaient rejeté la demande de Mlle B...tendant à la reconnaissance de la qualité de réfugié ou au bénéfice de la protection subsidiaire, le préfet de police était tenu de rejeter la demande de titre de séjour dont il était saisi et qui tendait seulement à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées et ne tendait pas, en revanche, à la délivrance, sur un autre fondement et notamment sur celui de l'article L. 313-11 7°ou de l'article L. 313-14 de ce code, d'un titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale" ; que, dans son arrêté, le préfet de police, qui n'avait pas l'obligation de rechercher si un titre de séjour d'une autre nature que celui sollicité aurait été susceptible, le cas échéant, d'être délivré à l'intéressée, se borne à refuser de délivrer un titre de séjour en qualité de réfugié ou de bénéficiaire de la protection subsidiaire, tirant ainsi la conséquence des décisions prises par les instances susmentionnées, seules compétentes pour reconnaitre à un étranger le statut de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire ; qu'il suit de là que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont estimé qu'il avait, ce faisant, pu commettre une erreur manifeste d'appréciation et entaché ainsi d'illégalité sa décision ;

5. Considérant, en second lieu, que, si les premiers juges ont entendu, par leur jugement, sanctionner l'abstention du préfet de police de faire usage, au profit de MlleB..., de son pouvoir de régulariser la situation d'un étranger qui ne remplit pas les conditions légalement requises pour prétendre à un titre de séjour, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en n'usant pas de cette faculté et en faisant obligation à l'intéressée de quitter le territoire français, le préfet de police aurait procédé à une appréciation manifestement erronée des conséquences de son arrêté sur la situation personnelle de MlleB... ; qu'en effet, si l'intéressée est entrée en France à l'âge de dix-sept ans et, étant mineure, a été prise en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance, puis a bénéficié de la poursuite d'un suivi dans le cadre d'un contrat "jeune majeur" et présente une promesse d'embauche en qualité de femme de ménage, elle est célibataire, sans charge de famille et n'était en France que depuis à peine plus de trois ans à la date de la décision litigieuse ; que Mlle B...ne justifie par ailleurs pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays, où réside notamment sa soeur, et ne produit aucun document pour corroborer le décès allégué de ses deux parents, alors que l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides a relevé, dans sa décision de refus d'asile, le caractère évasif et confus de son récit concernant les circonstances du décès de ses proches et les risques auxquels elle prétend être exposée dans son pays ; qu'il ne ressort par ailleurs pas des pièces du dossier que l'état psychique de Mlle B...et les liens qu'elle a tissés en France durant son séjour soient tels que le préfet de police puisse être regardé comme ayant commis une erreur manifeste d'appréciation en ne prenant pas une mesure favorable à l'endroit de celle-ci ;

6. Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés tant devant le tribunal administratif que devant la Cour par MlleB... ;

Sur le refus de titre de séjour :

7. Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté litigieux manque en fait ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que le préfet de police indique dans son arrêté les circonstances de droit et de fait qui fondent sa décision de refus de délivrance à Mlle B...d'une carte de résident en qualité de réfugié ou d'une carte de séjour en qualité de bénéficiaire de la protection subsidiaire ; que le moyen tiré du défaut de motivation manque, en tout état de cause, en fait ;

9. Considérant, en troisième lieu, que MlleB..., n'ayant pas sollicité un titre de séjour sur un autre fondement que le 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile relatif à la carte de résident en qualité de réfugié, ne saurait utilement prétendre que le préfet de police aurait commis un excès de pouvoir en ne lui délivrant pas un titre de séjour en application des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 ou de l'article L. 313-14 dudit code, dès lors que l'autorité préfectorale n'avait pas l'obligation de rechercher si un titre de séjour d'une autre nature que celui sollicité aurait été susceptible, le cas échéant, d'être délivré à l'intéressée ;

10. Considérant, enfin, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'eu égard, d'une part, à l'état psychique de Mlle B...et, d'autre part, aux liens privés ou professionnels noués par elle en France, le préfet de police aurait méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droit de l'homme et des libertés fondamentales en ne l'autorisant pas à séjourner en France ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

11. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort de l'arrêté litigieux que le préfet de police a fait obligation à Mlle B...de quitter le territoire, en conséquence du refus de délivrance d'une carte de résident en qualité de réfugié ou d'une carte temporaire en qualité de bénéficiaire de la protection subsidiaire prévue à l'article L. 313-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ces qualités n'ayant pas été reconnues à l'intéressée par les instances compétentes ; que ledit arrêté mentionne l'article du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur le fondement duquel est énoncée cette obligation ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait ;

12. Considérant, en deuxième lieu, que, contrairement à ce que soutient MlleB..., le préfet de police était fondé, en vertu de l'article L. 511-1 du code susmentionné, à assortir son refus de délivrance d'une carte de résident ou d'une carte temporaire au titre respectivement du 8° de l'article L. 314-11 ou de l'article L. 313-13 du code susmentionné, d'une obligation de quitter le territoire français ;

13. Considérant, en troisième lieu, qu'eu égard à l'ensemble des circonstances de l'espèce analysées ci-dessus, et notamment aux conditions et à la durée du séjour de Mlle B...en France, le préfet de police, en assortissant son refus de titre de séjour d'une obligation de quitter le territoire français, n'a pas procédé à une appréciation manifestement erronée des conséquences d'une telle mesure sur la situation personnelle de l'intéressée ;

Sur le délai de départ volontaire :

14. Considérant qu'en estimant dans son arrêté que rien ne s'oppose à ce que

Mlle B...soit obligée de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, le préfet de police a suffisamment motivé sa décision et n'a pas fixé un délai manifestement trop bref eu égard à la situation de l'intéressée, célibataire, sans charge de famille et ne justifiant pas d'une insertion privée et professionnelle en France particulièrement ancienne ou profonde ;

Sur la décision fixant le pays de renvoi en cas d'exécution d'office de la mesure d'éloignement :

15. Considérant que Mlle B...ne justifie pas devant la Cour de la réalité des risques de traitements inhumains ou dégradants qu'elle prétend encourir personnellement en cas de retour au Nigéria ;

16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, faisant droit à la demande de MlleB..., le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 6 septembre 2012 refusant de délivrer un titre de séjour à MlleB..., faisant obligation à celle-ci de quitter le territoire français et fixant le pays de sa destination, lui a enjoint de délivrer à l'intéressée une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat le versement à Mlle B...de la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu d'annuler ledit jugement et de rejeter la demande de MlleB..., ainsi que les conclusions présentées par celle-ci devant la Cour, y compris celles présentées sur le fondement de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1217582/2-1 du 24 décembre 2012 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mlle B...devant le Tribunal administratif de Paris, ainsi que ses conclusions devant la Cour sont rejetées.

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N° 13PA00378


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 13PA00378
Date de la décision : 16/10/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme TANDONNET-TUROT
Rapporteur ?: Mme Sylvie APPECHE
Rapporteur public ?: M. EGLOFF
Avocat(s) : SULLI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2013-10-16;13pa00378 ?
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