Vu la requête, enregistrée le 10 juin 2012, présentée pour M. A... B..., demeurant..., par Me C... ; M. B...demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1115430/6-2 du 3 avril 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 27 juin 2011 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande de titre de séjour et a assorti ce rejet d'une obligation de quitter le territoire français en fixant son pays de destination, et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de 15 jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir ledit arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de police, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, et dans les mêmes conditions, de réexaminer sa situation administrative et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention du 26 septembre 1994 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Mali sur la circulation et le séjour des personnes ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 janvier 2013 :
- le rapport de Mme Macaud, rapporteur,
- les conclusions de Mme Merloz, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., pour M.B... ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 113-1 du code de justice administrative : " Avant de statuer sur une requête soulevant une question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges, le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel peut, par une décision qui n'est susceptible d'aucun recours, transmettre le dossier de l'affaire au Conseil d'Etat, qui examine dans un délai de trois mois la question soulevée. Il est sursis à toute décision au fond jusqu'à un avis du Conseil d'Etat ou, à défaut, jusqu'à l'expiration de ce délai " ;
2. Considérant que M. B..., de nationalité malienne, a sollicité, le 5 mai 2011, son admission exceptionnelle au séjour en tant que salarié sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par un arrêté du 27 juin 2011, le préfet de police a opposé un refus à sa demande de titre de séjour et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français ; que M. B... relève appel du jugement du 3 avril 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté au motif, notamment, que le préfet de police n'avait pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant de délivrer le titre de séjour sollicité, dès lors que les circonstances invoquées par M. B..., en particulier le fait d'avoir travaillé pendant plusieurs années comme agent de propreté ou plongeur, ne suffisaient pas à établir que son admission exceptionnelle au séjour réponde à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels ;
3. Considérant qu'en vertu de l'article L. 111-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ce code s'applique " sous réserve des conventions internationales " ; qu'aux termes de l'article 15 de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Mali sur la circulation et le séjour des personnes du 26 septembre 1994 : " Les points non traités par la convention en matière d'entrée et de séjour des étrangers sont régis par la législation de l'Etat d'accueil. " ; que l'article 5 de la même convention stipule que " Les nationaux de chacun des Etats contractants désireux d'exercer sur le territoire de l'autre Etat une activité professionnelle salariée doivent, (...) pour être admis sur le territoire de cet Etat, justifier de la possession : / 1. D'un certificat de contrôle médical établi dans les deux mois précédant le départ et délivré : (...) / - en ce qui concerne l'entrée en France, par le consulat de France compétent, après un examen subi sur le territoire malien devant un médecin agréé par le consulat en accord avec les autorités maliennes. / 2. D'un contrat de travail visé par le ministère chargé du travail dans les conditions prévues par la législation de l'Etat d'accueil. ", l'article 6 de la convention exigeant en outre que le ressortissant malien soit muni d'un visa de long séjour ; qu'en vertu de l'article 10 de cette même convention, les nationaux maliens doivent, pour tout séjour sur le territoire français d'une durée excédant trois mois, posséder un titre de séjour qui est délivré et, le cas échéant, renouvelé, conformément à la législation de l'Etat d'accueil ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi du 16 juin 2011 : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) " ;
5. Considérant que la solution du litige soumis à la Cour dépend de la question de savoir comment, lorsque l'étranger sollicite la régularisation de sa situation de séjour en se prévalant de l'exercice d'une activité professionnelle salariée, le dispositif d'admission exceptionnelle au séjour défini à l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile se combine avec les stipulations précitées de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Mali et, en particulier, avec celles des articles 5 et 6 de cette convention, qui énoncent les conditions à remplir, pour être admis sur le territoire national, par les ressortissants maliens désireux d'exercer en France une activité professionnelle ;
6. Considérant que la requête de M. B... présente ainsi à juger les questions suivantes :
- Faut-il considérer que les stipulations précitées des articles 5 et 6 de la convention du 26 septembre 1994 se bornent à régir les conditions d'admission des ressortissants maliens sur le territoire ou qu'elles traitent également de la délivrance de titres de séjour pour l'exercice d'une activité salariée et, s'il convient de retenir cette seconde interprétation, que ces stipulations définissent les conditions d'attribution de tels titres à ces ressortissants de façon suffisamment précise pour faire obstacle à ce que ceux-ci puissent utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile '
- Dans cette dernière hypothèse, faut-il considérer que le préfet, lorsqu'il est saisi d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour pour l'exercice d'une activité salariée présentée sur le seul fondement de l'article L. 313-14 précité, est tenu de refuser de délivrer le titre de séjour sollicité, les moyens du requérant dirigés contre ce refus étant dès lors inopérants, ou qu'il doit alors requalifier la demande de l'intéressé comme ayant été présentée sur le fondement de la convention '
- Dans l'hypothèse où le préfet s'est, à tort, fondé sur l'article L. 313-14 pour statuer sur la demande de l'intéressé, le juge doit-il censurer sa décision pour erreur de droit et, s'agissant d'une méconnaissance du champ d'application de la loi, soulever d'office ce moyen si celui-ci n'est pas invoqué par le requérant ' Ou bien le juge peut-il procéder à une substitution de base légale de la décision en examinant si l'étranger remplit les conditions posées par la convention bilatérale, étant observé que l'autorité administrative dispose d'un plus large pouvoir d'appréciation pour l'examen d'une demande fondée sur l'article L. 313-14 ' Ou encore, et dans la mesure où les stipulations de cette convention n'interdisent pas au préfet de délivrer un titre de séjour à un ressortissant malien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit en usant de son pouvoir discrétionnaire, le juge peut-il examiner si le préfet aurait pris, dans les circonstances de l'espèce, la même décision si celui-ci s'était prononcé sur la demande dans le seul cadre du pouvoir général de régularisation dont il dispose '
7. Considérant que ces questions de droit, qui donnent lieu à des divergences de jurisprudence, soulèvent des difficultés sérieuses et sont susceptibles de se poser dans de nombreux litiges ; que, dès lors, il y a lieu de surseoir à statuer sur la présente requête et d'en transmettre le dossier au Conseil d'Etat pour avis en application des dispositions précitées de l'article L. 113-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
Article 1er : Il est sursis à statuer sur la requête de M. B...jusqu'à ce que le Conseil d'Etat ait fait connaître son avis sur les questions de droit posées au point 6 des motifs du présent arrêt ou, à défaut, jusqu'à l'expiration du délai de trois mois à compter de la communication du dossier prévue à l'article 2 ci-dessous.
Article 2 : Le dossier de la requête de M. B...est transmis au Conseil d'Etat.
Article 3 : Tous droits et moyens des parties sont réservés jusqu'en fin d'instance.
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N° 10PA03855
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N° 12PA02479