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27/06/2013 | FRANCE | N°12PA04823

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 27 juin 2013, 12PA04823


Vu la requête, enregistrée le 10 décembre 2012, présentée par le préfet de police de Paris, qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1211284/6-3 du 8 novembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 7 juin 2012 refusant à M. B...A...la délivrance d'un titre de séjour, obligeant l'intéressé à quitter le territoire français et fixant son pays de destination et a mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter

la demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de Paris ;

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Vu la requête, enregistrée le 10 décembre 2012, présentée par le préfet de police de Paris, qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1211284/6-3 du 8 novembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 7 juin 2012 refusant à M. B...A...la délivrance d'un titre de séjour, obligeant l'intéressé à quitter le territoire français et fixant son pays de destination et a mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de Paris ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 juin 2013 le rapport de Mme Tandonnet-Turot, président-rapporteur ;

1. Considérant que M.A..., né en 1965 et de nationalité algérienne, entré en France le 25 juin 2001 sous couvert d'un visa de court séjour valable un mois, a sollicité le 18 novembre 2011 son admission au séjour sur le fondement des stipulations du 1. de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ; que, par un arrêté du 7 juin 2012, le préfet de police a opposé un refus à sa demande, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ; que le préfet de police relève appel du jugement n° 1211284/6-3 du 8 novembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté comme ayant méconnu les stipulations du 1. de l'article 6 de l'accord précité et a mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Sur les conclusions du préfet de police dirigées contre le jugement du Tribunal administratif de Paris :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : 1° au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant (...) " ;

3. Considérant que, pour annuler l'arrêté litigieux du 7 juin 2012, les premiers juges ont considéré que l'intéressé devait être regardé comme établissant sa présence habituelle en France depuis plus de dix ans à la date dudit arrêté ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. A...se borne à produire pour les années 2001 à 2002 un certificat d'admission à l'aide médicale d'Etat, deux factures de magasins, un contrat de bail daté du 1er décembre 2002 et des quittances de loyer manuscrites concernant des périodes antérieures, ainsi que deux lettres de la préfecture sans indication de leur destinataire et une demande non signée d'asile territorial indiquant une adresse différente de celle portée sur le contrat de bail et les quittances pour la même période ; que, pour les années 2003 à 2010, M. A...produit un certificat de vaccination illisible, une lettre du service Hygiène habitat de la ville de Saint-Ouen, une attestation de domiciliation et une demande d'asile indiquant des adresses différentes pour la même période, un contrat de bail indiquant deux bailleurs différents, des quittances soit manuscrites, soit indiquant un loyer d'un montant inférieur à celui porté sur le contrat de bail, des factures d'EDF ainsi que des lettres de relance de cet établissement, des documents médicaux, une carte d'adhérent au comité des sans-logis, un protocole transactionnel conclu avec le propriétaire de son logement faisant référence à un contrat de bail d'une date différente de celui précédemment produit, un commandement de payer concernant un arriéré de loyers, des relevés d'un compte ouvert à la Caisse d'Epargne ne faisant état que de retraits d'espèces par carte bancaire et de versements de sommes en espèces ou par chèques ainsi que, pour les mêmes années, des avis d'imposition sur le revenu ne faisant état d'aucun revenu, des factures de magasins, une promesses d'embauche, une attestation de domiciliation postale, des courriers de la Caisse d'Epargne des attestations d'envoi de passe navigo, des avis d'échéance d'un contrat de protection juridique, tous ces documents indiquant, pour les mêmes périodes, des adresses différentes ; que ces pièces, dépourvues au surplus pour certaines de valeur probante, ne permettent pas d'établir la présence effective de M. A... en France au titre de ces années et, par suite, un séjour habituel de l'intéressé sur le territoire français depuis plus de dix ans ; que, par suite, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé son arrêté pour méconnaissance du 1. de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé ;

4. Considérant, cependant, qu'il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. A... devant le Tribunal administratif de Paris et devant elle ;

Sur la légalité de l'arrêté du préfet de police du 7 juin 2012 :

En ce qui concerne la légalité de la décision de refus d'admission au séjour :

5. Considérant, en premier lieu, que la décision portant refus d'admission au séjour en litige comporte l'exposé des motifs de fait et de droit qui en constituent le fondement et fait notamment état de ce que M. A...est célibataire et sans charges de famille en France et ne justifie pas être démuni d'attaches familiales à l'étranger, où résident ses parents et sa fratrie ; que cette décision mentionne également que, compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. A...à sa vie privée et familiale, que rien ne s'oppose à ce qu'il soit obligé de quitter le territoire français dans le délai de trente jours à compter de la notification du présent arrêté et, enfin, que l'intéressé n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'ainsi, et alors même que cette décision serait entachée d'erreurs de fait, au demeurant non démontrées, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'administration n'aurait pas procédé à un examen complet de la situation de ce dernier au regard des dispositions législatives et réglementaires applicables ; qu'il suit de là que le préfet de police a suffisamment exposé les considérations de droit et de fait sur lesquelles il s'est fondé pour prendre la décision litigieuse ; que le moyen tiré du défaut de motivation manque donc en fait ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : (...) 5. Au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus " ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...est célibataire et sans charges de famille, qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Algérie, où résident ses parents et au moins une partie de sa fratrie et où lui-même a vécu au moins jusqu'à l'âge de 36 ans ; qu'il est en France sans travail ni ressources déclarées ; que, dans ces conditions, la décision de refus d'admission au séjour litigieuse n'a pas porté au droit de M. A...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'ainsi, le préfet de police n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles du 5. de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;

8. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3. / (...) " ;

9. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le préfet est tenu de saisir la commission du titre de séjour du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles L. 313-11, L. 314-11, L. 314-12 et L. 431-3 du même code, ou aux stipulations équivalentes de l'accord franco-algérien, auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité, et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ou stipulations ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que M. A... n'était pas au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit un titre de séjour sur le fondement des stipulations du 1. ou du 5. de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé ; que, dès lors, le préfet n'était pas tenu de soumettre le cas de l'intéressé à la commission du titre de séjour avant de statuer sur sa demande d'admission au séjour ;

10. Considérant, enfin, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M.A..., qui ne fait pas état d'une réelle tentative de recherche d'emploi et est demeuré à la charge de la collectivité notamment au titre de la santé, soit particulièrement intégré personnellement ou professionnellement dans la société française, où il ne dispose d'aucun revenu,; que, par suite, le préfet de police n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ;

En ce qui concerne la légalité de l'obligation de quitter le territoire :

11. Considérant, en premier lieu, qu'en vertu des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans leur rédaction applicable au présent litige, la motivation de l'obligation de quitter le territoire français, se confond, s'agissant du principe d'une telle obligation, avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas, par conséquent, dès lors que ce refus est lui-même motivé et que les dispositions législatives qui permettent d'assortir le refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire français ont été rappelées, de mention spécifique pour respecter les exigences des stipulations de l'article 12 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 aux termes duquel les décisions d'éloignement indiquent leurs motifs de fait et de droit ; qu'en l'espèce, ainsi qu'il a été dit au point 4 ci-dessus, la décision refusant l'admission au séjour de M. A...est suffisamment motivée ; qu'ainsi, la décision portant obligation de quitter le territoire français, qui comporte, en dépit du caractère stéréotypé de certaines de ses formulations, les considérations de droit ainsi que les éléments de fait qui en constituent le fondement, est également suffisamment motivée ;

12. Considérant, en deuxième lieu, qu'ainsi qu'il a été dit précédemment, la décision portant refus d'admission au séjour n'est pas entachée d'illégalité ; que, par suite, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas été prise sur le fondement d'une décision portant refus de titre de séjour illégale ; que le moyen tiré d'une telle exception d'illégalité ne peut, dès lors, qu'être écarté ;

13. Considérant, en troisième lieu, que, si le préfet a indiqué dans l'arrêté en litige que M. A..." est entré en France le 25 juin 2001 selon ses déclarations ", alors que cette date est celle mentionnée sur le visa Schengen de court séjour valable un mois sous le couvert duquel l'intéressé est entré en France, cette erreur de fait reste sans incidence sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, dès lors que le préfet de police n'a pas fondé sa décision sur cette circonstance ; qu'il en est de même de la circonstance que le préfet aurait à tort indiqué que l'intéressé ne présentait " aucun document " pour le premier semestre de l'année 2007, au lieu de " aucun document suffisamment probant " ;

14. Considérant, en quatrième lieu, que M. A...ne saurait utilement se prévaloir de la circulaire du 19 décembre 2002, dont les prévisions sont dépourvues de caractère réglementaire ;

15. Considérant, enfin, que les moyens tirés de l'ancienneté du séjour en France de M. A..., du défaut de saisine de la commission du titre de séjour, de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation, qui reprennent ce qui a été précédemment développé à l'appui des conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus d'admission au séjour, doivent être écartés pour les mêmes motifs que précédemment ;

16. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le préfet de police est fondé, d'une part, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé son arrêté du 7 juin 2012 refusant l'admission au séjour de M. A...en lui faisant obligation de quitter le territoire français et en fixant le pays de sa destination et a mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, d'autre part, à demander en conséquence le rejet de la demande présentée par M. A...devant ce tribunal ; que, par voie de conséquence, les conclusions d'appel de M. A...à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1211284/6-3 du 8 novembre 2012 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions devant la Cour sont rejetées.

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N° 08PA04258

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N° 12PA04823


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 12PA04823
Date de la décision : 27/06/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme TANDONNET-TUROT
Rapporteur ?: Mme Suzanne TANDONNET-TUROT
Rapporteur public ?: M. EGLOFF
Avocat(s) : D.SULTAN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2013-06-27;12pa04823 ?
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