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27/06/2013 | FRANCE | N°12PA03412

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 27 juin 2013, 12PA03412


Vu la requête, enregistrée le 6 août 2012, présentée pour M. E...D..., demeurant..., par Me A...; M. D... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1203033/8 du 22 février 2012 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 février 2012 par lequel le préfet de police de Paris l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et a décidé son placement en rétention administrative ;

2°) d'annuler pour e

xcès de pouvoir ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une autorisat...

Vu la requête, enregistrée le 6 août 2012, présentée pour M. E...D..., demeurant..., par Me A...; M. D... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1203033/8 du 22 février 2012 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 février 2012 par lequel le préfet de police de Paris l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et a décidé son placement en rétention administrative ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour à compter du trentième jour suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 juin 2013 et le rapport de Mme Tandonnet-Turot, président-rapporteur ;

1. Considérant que M.D..., ressortissant tunisien né en 1973 et entré en France le 25 juillet 2005, selon ses dires, s'est vu délivrer un arrêté du 19 février 2012 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français en lui refusant un délai de départ volontaire, a décidé son placement en rétention et a fixé son pays de destination ; que, par la présente requête, il relève appel du jugement n° 1203033/8 du 22 février 2012 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. Considérant, en premier lieu, que, si le préfet a indiqué à tort dans l'arrêté attaqué que M. D..." ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français ", alors qu'il établit en appel qu'il est entré sous couvert d'un visa de court séjour valable un mois, cette erreur de fait reste sans incidence sur la légalité de sa décision, dès lors que le préfet a pu également fonder sa décision, ainsi qu'il l'a fait, sur la circonstance que l'intéressé était, à la date de son arrêté, " dépourvu de titre de séjour en cours de validité " ;

3. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des propres déclarations de l'intéressé relatées par l'officier de police judiciaire dans le procès-verbal du 18 février 2012, que M. D...est célibataire et sans charge de famille en France, qu'il n'exerce aucune activité professionnelle et ne dispose d'aucun revenu ; que les quelques documents produits par l'intéressé, qui font état, pour les mêmes périodes, d'adresses différentes, ne suffisent pas à apporter la preuve de sa présence ininterrompue sur le territoire français depuis 2005, ni de la réalité d'une adresse stable en France ; qu'il n'établit pas être démuni d'attaches familiales en Tunisie, où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de 32 ans ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et nonobstant la présence en situation régulière en France d'une personne présentée par le requérant, malgré la différence de leurs noms, comme étant son père, l'arrêté attaqué n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. D... une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

5. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 3, l'arrêté attaqué n'est pas entaché d'erreurs manifestes d'appréciation au regard tant de la situation personnelle de M. D...que de son intégration professionnelle en France ;

En ce qui concerne la décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

6. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente " ;

7. Considérant, d'une part, que la décision de refus de délai de départ volontaire, qui a été prise au visa des textes dont elle fait application et précise notamment que M. D...n'a pas été en mesure de présenter de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, n'a pas déposé de demande de titre de séjour et s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement, énonce suffisamment les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; qu'elle est, par suite, suffisamment motivée ; qu'il ne ressort par ailleurs pas des pièces du dossier que le préfet aurait refusé d'accorder à l'intéressé un délai de départ volontaire sans se livrer préalablement à une appréciation de la situation particulière de celui-ci et qu'il se serait cru tenu de refuser ce délai du seul fait que l'intéressé entrait dans l'un des cas prévus à l'article L. 511-1, II 3° précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

8. Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier que M. D...a fait l'objet d'un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière le 20 février 2009 auquel il n'a pas déféré et qu'il s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français ; qu'au surplus, il ne justifie pas présenter des garanties de représentation suffisantes, dès lors qu'il est démuni de passeport et qu'il n'établit pas disposer d'une adresse stable ; que l'intéressé ne justifie d'aucune circonstance particulière de nature à faire regarder le risque de fuite comme n'étant pas établi ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en considérant qu'il présentait un risque de fuite et en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire ne peut qu'être écarté ;

En ce qui concerne la décision relative au placement en rétention administrative :

9. Considérant, en premier lieu, que la décision ordonnant le placement en rétention administrative de M. D...a été signée par M. B...C..., qui disposait d'une délégation de signature à cet effet consentie par un arrêté en date du 24 octobre 2011 du préfet de police de Paris, régulièrement publié le 30 octobre 2011 au Bulletin municipal officiel de la Ville de Paris, pour signer tous actes, arrêtés et décisions dans la limite de ses attributions ; qu'au nombre de celles-ci figurent les mesures décidant le placement en rétention administrative ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte manque en fait ;

10. Considérant, en deuxième lieu, que la décision contestée, qui a été prise au visa des textes dont elle fait application, précise notamment que M.D..., qui n'a pas été en mesure de présenter de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, n'a pas déposé de demande de titre de séjour et s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement, et relève l'impossibilité d'exécuter la décision d'éloignement de l'intéressé en raison des formalités nécessaires à l'organisation matérielle de la reconduite, comporte de manière suffisamment circonstanciée l'énoncé des considérations de droit et de fait sur la base desquelles elle a été prise ; qu'elle est ainsi suffisamment motivée ; que, par ailleurs, rien ne permet d'estimer que la mesure d'éloignement critiquée aurait été prise sans que la situation de M. D... ait été effectivement examinée ;

11. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : (...) 6°) Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé " ;

12. Considérant, ainsi qu'il a été dit précédemment, qu'il ressort des pièces du dossier que M. D...a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement en 2009, qu'il n'a pas exécutée ; qu'il est, en outre, démuni de passeport ; qu'au regard de ces éléments, le préfet de police a pu, à bon droit, considérer que l'intéressé ne présentait pas de garanties de représentation effectives et en conséquence, en l'absence de perspective raisonnable d'exécution volontaire de la mesure d'éloignement, décider son placement en rétention administrative ;

13. Considérant, en quatrième lieu, que, si le préfet a indiqué à tort dans l'arrêté attaqué que M. D..." ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français ", alors que le requérant établit en appel qu'il est entré sous couvert d'un visa de court séjour valable un mois, cette erreur de fait reste sans incidence sur la légalité de la décision de placement en rétention, dès lors que le préfet a fondé cette décision sur la circonstance que l'intéressé ne présentait pas de garanties de représentation suffisantes ;

14. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1 l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation (...) " ;

15. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, M.D..., qui n'a pas exécuté la précédente mesure d'éloignement prise à son encontre, qui ne justifie pas, en tout état de cause, disposer d'une résidence stable et qui est démuni de tout document d'identité ou de voyage en cours de validité, ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite au sens des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors, le préfet de police n'a pas entaché sa décision d'une erreur dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé en prenant à son encontre une décision de placement en rétention administrative et non d'assignation à résidence ;

16. Considérant, en sixième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police ait entaché sa décision de placement en rétention administrative d'erreur manifeste d'appréciation au regard tant de la situation personnelle de l'intéressé que de ses garanties de représentation ;

17. Considérant, enfin, que, pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 3 ci-dessus, la décision en litige n'est pas disproportionnée eu égard à la situation personnelle de l'intéressé ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

18. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit précédemment, la décision portant obligation pour M. D...de quitter le territoire français n'est pas entachée d'illégalité ; que, par suite, la décision fixant le pays de renvoi de l'intéressé n'a pas été prise sur le fondement d'une décision portant refus de titre de séjour illégale ; que le moyen tiré d'une telle exception d'illégalité ne peut, dès lors, qu'être écarté ;

19. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 février 2012 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et a décidé son placement en rétention administrative ;

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

20. Considérant que le présent arrêt n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions aux fins d'injonction présentées par M. D...ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

21. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que M. D...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.

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N° 08PA04258

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N° 12PA03412


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 12PA03412
Date de la décision : 27/06/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme TANDONNET-TUROT
Rapporteur ?: Mme Suzanne TANDONNET-TUROT
Rapporteur public ?: M. EGLOFF
Avocat(s) : LAGRUE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2013-06-27;12pa03412 ?
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