Vu la requête, enregistrée le 7 septembre 2012, présentée pour la société Fracar, dont le siège est 21 rue Violet à Paris (75015), par MeB... ; la société Fracar demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1105225/3-2 du 11 juillet 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris, a refusé d'abroger l'arrêté du 15 novembre 1990 portant " réglementation de la fermeture hebdomadaire au public dans le département de Paris des établissements ou parties d'établissements vendant au détail à poste fixe ou ambulant (marchés couverts et découverts) de l'alimentation générale, de l'épicerie, de la crémerie, des fromages, des fruits et légumes et des liquides à emporter " ;
2°) d'annuler ladite décision implicite du préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris ;
3°) d'enjoindre, à titre principal, au préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris, d'abroger l'arrêté en date du 15 novembre 1990 et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande tendant à l'abrogation dudit arrêté ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ;
.....................................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 mai 2013:
- le rapport de Mme Folscheid, rapporteur,
- les conclusions de Mme Merloz, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., pour la société Fracar, et de Me A..., pour l'union nationale des syndicats de détaillants en fruits, légumes et primeurs (UNFD), le syndicat union de métiers alimentaires de proximité (UMAP), la fédération CGT des personnels du commerce, de la distribution et des services, la fédération nationale des détaillants en produits laitiers, l'union professionnelle des fromagers de l'Ile-de-France et le syndicat fédération des syndicats CFTC commerce services et force de vente (CFTC - CSFV) ;
1. Considérant que la société Fracar, qui exploite à Paris un magasin à commerces multiples à prédominance alimentaire sous l'enseigne Carrefour City, relève appel du jugement du 11 juillet 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite et de la décision expresse du 16 février 2011 par lesquelles le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, a refusé d'abroger son arrêté du 15 novembre 1990 imposant la fermeture totale au public, soit le dimanche, soit le lundi toute la journée de 0 à 24 heures, des " établissements ou parties d'établissements vendant au détail à poste fixe ou en ambulance (marchés couverts et découverts), de l'alimentation générale, de l'épicerie, de la crémerie, des fromages, des fruits et légumes et des liquides à emporter " ;
Sur les interventions :
2. Considérant que le syndicat SUD Commerces et Services Ile-de-France, l'union nationale des syndicats de détaillants en fruits, légumes et primeurs (UNFD), le syndicat union de métiers alimentaires de proximité (UMAP), la fédération CGT des personnels du commerce, de la distribution et des services, la fédération nationale des détaillants en produits laitiers, l'union professionnelle des fromagers de l'Ile-de-France et le syndicat fédération des syndicats CFTC commerce services et force de vente (CFTC - CSFV) ont intérêt au maintien de la décision contestée imposant un jour complet de fermeture aux établissements de vente au détail de denrées alimentaires ; qu'ainsi, leur intervention est recevable ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 221-5 devenu L. 3132-3 du code du travail : " Le repos hebdomadaire est donné le dimanche. " ; qu'aux termes de l'article L. 221-6 devenu L. 3132-13 du même code : " Dans les commerces de détail alimentaire, le repos hebdomadaire peut être donné le dimanche à partir de treize heures (...) " et qu'aux termes de L. 221-17 devenu l'article L. 221-17 devenu l'article L. 3132-29 du même code : " Lorsqu'un accord est intervenu entre les organisations syndicales de salariés et les organisations d'employeurs d'une profession et d'une zone géographique déterminées sur les conditions dans lesquelles le repos hebdomadaire est donné aux salariés, le préfet peut, par arrêté, sur la demande des syndicats intéressés, ordonner la fermeture au public des établissements de la profession ou de la zone géographique concernée pendant toute la durée de ce repos. Ces dispositions ne s'appliquent pas aux activités dont les modalités de fonctionnement et de paiement sont automatisées. Toutefois, lorsque cet arrêté concerne des établissements concourant d'une façon directe au ravitaillement de la population en denrées alimentaires, il peut être abrogé ou modifié par le ministre chargé du travail. La décision du ministre ne peut intervenir qu'après l'expiration d'un délai de six mois à compter de la mise en application de l'arrêté préfectoral ; elle doit être précédée de la consultation des organisations professionnelles intéressées. " ;
4. Considérant, en premier lieu, que la société Fracar, comme elle l'avait fait en première instance, fait grief à l'arrêté litigieux du 15 novembre 1990 d'être intervenu en l'absence d'accord préalable des organisations syndicales conforme aux dispositions précitées de l'article L. 3132-29 du code du travail ; que, pour écarter à bon droit ce moyen, les premiers juges ont d'abord relevé que, si l'accord mentionné à l'article L. 3132-29 du code du travail n'a pas à prendre la forme d'un document écrit et signé dans les conditions alors prévues au titre III du livre I du même code, et si la demande que les syndicats intéressés doivent adresser au préfet afin qu'il ordonne la fermeture au public des établissements concernés pendant la durée du repos hebdomadaire n'est pas subordonnée au respect de formalités particulières, ces dispositions impliquent néanmoins que l'accord entre les syndicats d'employeurs et de travailleurs résulte d'échanges et de discussions menés simultanément et collectivement entre ces différentes organisations ; qu'il ressort des pièces du dossier que la réunion, qui s'est tenue le 8 juin 1990 dans les locaux de la préfecture, avait pour objet l'application de la réglementation relative à la fermeture des établissements ou parties d'établissements vendant au détail à poste fixe ou en ambulance (marchés couverts et découverts) de l'alimentation générale, de l'épicerie, de la crémerie, des fromages, des fruits et légumes et des liquides à emporter à Paris ; que cette réunion, à laquelle étaient conviées treize organisations syndicales dont huit étaient des organisations patronales, a permis des échanges et des discussions entre les représentants des diverses organisations ; que, notamment, sept organisations d'employeurs de ce secteur professionnel, dont la fédération des magasins d'alimentation et de service d'Ile-de-France (FEDIMAS), devenue la fédération des entreprises du commerce et de la distribution (FCD), ont donné leur point de vue par écrit et six étaient présentes à la réunion ; qu'il ressort du compte-rendu de la réunion que la totalité des participants a opté pour une fermeture totale d'une journée le dimanche ou le lundi ; que le document intitulé " projet d'accord " a été signé par cinq des six organisations patronales représentées à la réunion ; qu'enfin, la société appelante n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté litigieux résulterait d'une initiative de la préfecture dès lors que les organisations syndicales ont conclu leur protocole d'accord en demandant expressément au préfet de Paris de prendre un arrêté sur les bases qu'elles avaient définies, manifestant ainsi qu'il répondait à une volonté majoritaire des participants ; que le moyen tiré de ce que l'arrêté litigieux n'aurait pas été pris conformément aux dispositions de l'article L. 3132-29 du code du travail doit, par suite, être écarté ;
5. Considérant, en deuxième lieu, que la société Fracar soutient que le préfet ne pouvait valablement étendre son arrêté à une profession non signataire de l'accord dès lors que le commerce qu'elle exploite appartient à la catégorie spécifique des magasins à commerces multiples et ne relève pas du champ d'application de l'arrêté qui vise les commerces spécialisés ; que toutefois les dispositions précitées de l'article L. 3132-29 du code du travail ne font pas obstacle à ce que l'administration puisse, comme elle l'a fait par l'arrêté préfectoral du 15 novembre 1990 qui vise les établissements, situés dans le département de Paris, vendant au détail des denrées alimentaires, ordonner la fermeture une journée entière par semaine des établissements ou parties d'établissement d'une profession et d'une région déterminée et interdire de façon générale la vente, le jour de cette fermeture, des articles faisant l'objet de cette profession, quel que soit le mode de distribution ou de fabrication de ceux-ci ; que, s'il est constant que la société appelante exploite un magasin à commerces multiples, dont le code d'activité selon la nomenclature de l'INSEE n'est pas identique à celui des commerces d'alimentation générale, la vente au détail de denrées alimentaires ne saurait être regardée, pour l'application de l'article L. 3132-13 du code du travail, comme une profession distincte selon le mode de distribution des produits, par des commerces spécialisés ou des magasins à commerces multiples ; que la circonstance que la FCD, syndicat représentatif du commerce alimentaire exploité en grande distribution, régulièrement consultée, n'aurait pas signé l'accord préalable visé à l'article L. 3132-29 du code du travail est, par suite, sans incidence dès lors qu'il n'est pas établi que les syndicats signataires, même s'ils ne représentaient que les commerces spécialisés, n'exprimaient pas la volonté de la majorité indiscutable de la profession concernée ; que dans ces conditions, l'arrêté du 15 novembre 1990 pouvait légalement s'appliquer aux magasins à commerces multiples dont l'activité prédominante est, comme celle de la société appelante, la vente au détail de produits alimentaires ;
6. Considérant, en dernier lieu, que la société appelante se borne, pour le surplus, à soutenir, comme elle l'avait fait devant les premiers juges, que des changements de circonstances de droit et de fait devaient entraîner l'abrogation de l'arrêté du 15 novembre 1990, en raison d'une part de l'intervention de la loi du 10 août 2008 modifiant les règles de représentativité des syndicats, d'autre part de ce qu'elle subissait la concurrence déloyale et un détournement de clientèle par un concurrent direct situé à 200 mètres de son magasin ouvrant le dimanche et le lundi toute la journée, de ce que s'était produit dans l'opinion d'un nombre important de commerçants intéressés un changement de nature à modifier la volonté de la majorité d'entre eux, et enfin de ce que l'ouverture des magasins à commerces multiples le dimanche répond à un besoin des consommateurs parisiens ainsi que d'une certaine catégorie de salariés, notamment les étudiants ; que ces moyens ainsi articulés par la société Fracar, qui ne comportent aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation qu'elle avait développée devant le Tribunal administratif de Paris, ont été écartés à bon droit par les premiers juges ; qu'il y a lieu, dès lors, de les écarter par adoption des motifs retenus par les premiers juges ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Fracar n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris, par le jugement attaqué, a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions par lesquelles le préfet de Paris a refusé d'abroger l'arrêté litigieux ;
Sur les conclusions à fins d'injonction :
8. Considérant que le présent arrêt qui rejette les conclusions aux fins d'annulation présentées par la société Fracar n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de l'appelante aux fins d'injonction ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant, d'une part, qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le tribunal ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par la société appelante doivent, dès lors, être rejetées ;
10. Considérant, d'autre part, qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de l'union nationale des syndicats de détaillants en fruits, légumes et primeurs (UNFD), du syndicat union de métiers alimentaires de proximité (UMAP), de la fédération CGT des personnels du commerce, de la distribution et des services, de la fédération nationale des détaillants en produits laitiers, de l'union professionnelle des fromagers de
l'Ile-de-France et du syndicat fédération des syndicats CFTC commerce services et force de vente (CFTC - CSFV) tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
Article 1er : L'intervention du syndicat SUD Commerces et Services Ile-de-France, de l'union nationale des syndicats de détaillants en fruits, légumes et primeurs (UNFD), du syndicat union de métiers alimentaires de proximité (UMAP), de la fédération CGT des personnels du commerce, de la distribution et des services, de la fédération nationale des détaillants en produits laitiers, de l'union professionnelle des fromagers de l'Ile-de-France et du syndicat fédération des syndicats CFTC commerce services et force de vente (CFTC - CSFV) est admise.
Article 2 : La requête de la société Fracar est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par l'union nationale des syndicats de détaillants en fruits, légumes et primeurs (UNFD), le syndicat union de métiers alimentaires de proximité (UMAP), la fédération CGT des personnels du commerce, de la distribution et des services, la fédération nationale des détaillants en produits laitiers, l'union professionnelle des fromagers de l'Ile-de-France et le syndicat fédération des syndicats CFTC commerce services et force de vente (CFTC - CSFV) sont rejetées.
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N° 10PA03855
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N° 12PA03802