La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/06/2013 | FRANCE | N°12PA02510

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 06 juin 2013, 12PA02510


Vu la requête enregistrée par télécopie le 11 juin 2012 et régularisée par la production de l'original le 19 juin 2012, présentée par le préfet de police ; le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1118955/2-1 en date du 10 avril 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 11 juillet 2011 refusant à Mlle A...la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination, et, d'autre part, lui a enjoint de délivrer à l'intéressée un titre de séjour portan

t la mention "vie privée et familiale" et a mis à sa charge le versement de la ...

Vu la requête enregistrée par télécopie le 11 juin 2012 et régularisée par la production de l'original le 19 juin 2012, présentée par le préfet de police ; le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1118955/2-1 en date du 10 avril 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 11 juillet 2011 refusant à Mlle A...la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination, et, d'autre part, lui a enjoint de délivrer à l'intéressée un titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale" et a mis à sa charge le versement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi relative à l'aide juridique ;

2°) de rejeter la demande de Mlle A...présentée devant le Tribunal administratif de Paris ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 17 janvier 2013, admettant Mlle A...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de procédure civile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu la loi n° 99-944 du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience, en application de l'article R. 732-1-1 du code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 mai 2013 le rapport de Mme Oriol, premier conseiller ;

1. Considérant que Mlle A..., née le 5 mars 1977 à Montevideo (Uruguay), de nationalité uruguayenne, entrée en France le 6 janvier 2011 selon ses déclarations, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'estimant que l'intéressée n'entrait pas dans les prévisions de cet article, le préfet de police, par un arrêté du 11 juillet 2011, a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ; qu'il relève appel du jugement en date du 10 avril 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté, faisant droit à la demande de MlleA..., lui a enjoint de délivrer à l'intéressée un titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale" et a mis à sa charge le versement de la somme de 1 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi relative à l'aide juridique ;

Sur la fin de non recevoir opposée par MlleA... :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 775-10 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable à la date d'introduction de la présente requête : " Le délai d'appel est d'un mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification du jugement lui a été faite " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 10 avril 2012, a été notifié au préfet de police le 9 mai suivant ; que ce dernier disposait d'un délai franc d'un mois à compter de cette date pour saisir la Cour administrative d'appel de Paris d'une requête contre ce jugement ; que, toutefois, par application de l'article 642 du code de procédure civile, lorsque ce délai expire un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, il y a lieu d'admettre la recevabilité de la requête présentée le premier jour ouvrable suivant ; que, le 10 juin 2012 étant un dimanche, la requête du préfet de police, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris le premier jour ouvrable suivant, soit le lundi 11 juin 2012, n'était pas tardive ; que la fin de non-recevoir opposée par Mlle A...doit, par suite, être écartée ;

Sur les conclusions du préfet de police dirigées contre le jugement du Tribunal administratif de Paris :

4. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

5. Considérant, d'autre part, qu'aux termes des dispositions de l'article 12 de la loi du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité : " La conclusion d'un pacte civil de solidarité constitue l'un des éléments d'appréciation des liens personnels en France, au sens du 7° de l'article 12 bis de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, pour l'obtention d'un titre de séjour " ; que les dispositions de l'ordonnance, alors en vigueur, auxquelles il est ainsi fait référence prévoient que, sauf si la présence du demandeur constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention" vie privée et familiale" est délivrée de plein droit à l'étranger " dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus " ;

6. Considérant qu'il résulte de ces dispositions, éclairées par les débats parlementaires qui ont précédé l'adoption de la loi du 15 novembre 1999, qu'à elle seule la conclusion d'un pacte civil de solidarité par un ressortissant étranger, soit avec un ressortissant français, soit avec tout ressortissant étranger en situation régulière, n'emporte pas délivrance de plein droit d'une carte de séjour temporaire ; que la conclusion d'un tel contrat constitue cependant pour l'autorité administrative un élément de la situation personnelle de l'intéressé, dont elle doit tenir compte, pour apprécier si un refus de délivrance de la carte sollicitée par le demandeur, eu égard à l'ancienneté de la vie commune avec son partenaire, n'entraînerait pas une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée ;

7. Considérant que, pour annuler l'arrêté en litige, le tribunal administratif s'est fondé sur ce que Mlle A...avait conclu avec une ressortissante française un pacte civil de solidarité enregistré le 19 décembre 2008 au Tribunal d'instance de Paris 13ème, qu'elle établissait la réalité de leur vie commune à partir du 1er septembre 2009 et démontrait suivre avec assiduité des cours de langue et de culture françaises depuis le mois d'octobre 2009 ; qu'il en déduisait, eu égard à ces éléments, que l'arrêté attaqué du préfet de police devait être regardé comme ayant porté une atteinte disproportionnée au droit de Mlle A...à une vie privée et familiale normale et, par suite, comme pris en méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

8. Considérant, toutefois, que la réalité de la communauté de vie alléguée de Mlle A... avec sa partenaire ne ressort pas des quelques factures EDF, dont la plus ancienne remonte à mai 2010, établies à leur deux noms, de relevés de compte bancaire ou factures postérieurs à la date de l'arrêté attaqué, ainsi que de pièces supposées justifier de l'activité de bouquiniste de la partenaire de l'intimée, que celle-ci prétend aider, établies au nom de Mme C... A...; qu'en outre, comme le relève le préfet de police, il ressort des pièces du dossier que MlleA..., depuis la conclusion de son pacte civil de solidarité, effectue de nombreux allers-retours en Amérique latine, où elle a vécu au moins jusqu'à l'âge de 34 ans et où elle n'établit pas être dépourvue de toute attache familiale ; qu'ainsi, elle n'a présenté sa demande de titre de séjour que le 20 mai 2011 et a déclaré à cette occasion une entrée pour la dernière fois sur le territoire français le 16 mars 2011 ; que, dans ces conditions, quand bien même Mlle A...prendrait des cours de français depuis le mois d'octobre 2009, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a annulé son arrêté au motif qu'il aurait porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressée à sa vie privée et familiale et aurait été pris en méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

9. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mlle A...devant le Tribunal administratif de Paris et devant la Cour ;

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

10. Considérant, en premier lieu, que, par arrêté n° 2011-00412 du 8 juin 2011, régulièrement publié au bulletin municipal officiel de la ville de Paris du 14 juin suivant, le préfet de police a donné délégation à M. D... B..., adjoint au chef du 6ème bureau de la sous-direction de l'administration des étrangers relevant de la direction de la police générale de la préfecture de police, pour signer notamment les refus de séjour et les obligations de quitter le territoire français, en cas d'absence ou d'empêchement d'autorités dont il n'est pas établi qu'elles n'auraient pas été absentes ou empêchées lors de la signature de l'arrêté litigieux ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté comme manquant en fait ;

11. Considérant, en deuxième lieu, que pour rejeter la demande de titre de séjour présentée par Mlle A...sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de police a visé les textes applicables et exposé les circonstances de fait sur lesquelles il s'est fondé ; qu'il a notamment indiqué que Mlle A..., si elle s'était engagée dans les liens d'un pacte civil de solidarité, n'établissait pas le caractère stable et ancien de sa vie commune avec sa partenaire et ne remplissait aucune des conditions lui permettant d'obtenir un titre de séjour sur le fondement légal sollicité ; qu'il en déduisait par suite que compte tenu des circonstances propres de l'espèce, il n'avait pas été porté une atteinte disproportionnée à son droit à sa vie privée et familiale ; que, dès lors, la décision attaquée comporte l'énoncé des motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement, conformément à la loi du 11 juillet 1979 ; que, par suite, le moyen tiré de son défaut de motivation doit être écarté comme manquant en fait ;

12. Considérant, en troisième lieu, que, pour les motifs susévoqués, la décision portant refus de titre de séjour attaquée n'a pas été prise en méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle ne peut davantage, pour les mêmes motifs, être regardée comme entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui reprend ce qui a été précédemment développé à l'appui des conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour, doivent être écartés pour les mêmes motifs que précédemment, ainsi que celui tiré de l'exception d'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui reprend ce qui a été précédemment développé à l'appui des conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour et de celle portant obligation de quitter le territoire, doit être écarté pour les mêmes motifs que précédemment ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 11 juillet 2011 ; que les conclusions de Mlle A...à fin d'injonction et celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent en conséquence être rejetées ;

D E C I D E

Article 1er : Le jugement n° 1118955/2-1 du 10 avril 2012 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande de MlleA... présentée devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions devant la Cour sont rejetées.

''

''

''

''

2

N° 12PA02510

Classement CNIJ : 335-01-03

C


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 12PA02510
Date de la décision : 06/06/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMHOLTZ
Rapporteur ?: Mme Christelle ORIOL
Rapporteur public ?: Mme DHIVER
Avocat(s) : CERF

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2013-06-06;12pa02510 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award