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23/05/2013 | FRANCE | N°12PA03191

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre, 23 mai 2013, 12PA03191


Vu la requête, enregistrée le 23 juillet 2012, présentée par le préfet de police ; le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1204720/3-3 du 19 juin 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande de M. C...D..., d'une part en annulant l'arrêté du 17 février 2012 refusant de délivrer à ce dernier un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français, d'autre part en lui enjoignant de réexaminer la situation de M. D... dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement, enfin en me

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Vu la requête, enregistrée le 23 juillet 2012, présentée par le préfet de police ; le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1204720/3-3 du 19 juin 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande de M. C...D..., d'une part en annulant l'arrêté du 17 février 2012 refusant de délivrer à ce dernier un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français, d'autre part en lui enjoignant de réexaminer la situation de M. D... dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement, enfin en mettant à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l' article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande de M. D...devant le Tribunal administratif de Paris ;

......................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu la loi n° 99-944 du 15 novembre 1999 relative au Pacte Civil de solidarité ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 avril 2013 :

- le rapport de Mme Folscheid, rapporteur ;

1. Considérant que M. C... D..., né le 1er janvier 1964 et de nationalité ivoirienne, entré en France en 2000 selon ses déclarations, a sollicité le

19 décembre 2011 un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que par un arrêté du 17 février 2012, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi, aux motifs qu'il ne justifiait pas d'une ancienneté de vie commune suffisante avec la ressortissante de nationalité ivoirienne, titulaire d'une carte de résident valable jusqu'au 18 mars 2019, à laquelle il était lié par un pacte civil de solidarité souscrit le 23 juillet 2010, et qu'il ne justifiait pas être démuni d'attaches familiales à l'étranger où résident ses parents et sa fratrie ; que, par un jugement du 19 juin 2012 dont le préfet de police demande l'annulation, le Tribunal administratif de Paris, faisant droit à la demande de

M. D..., a annulé l'arrêté comme ayant méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile susvisé : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. (...) " ; qu'aux termes de l'article 12 de la loi du 15 novembre 1999 : " La conclusion d'un pacte civil de solidarité constitue l'un des éléments d'appréciation des liens personnels en France, au sens du 7° de l'article 12 bis de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, pour l'obtention d'un titre de séjour. " ;

3. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 12 de la loi du 15 novembre 1999, éclairées par les débats parlementaires qui ont précédé l'adoption de la loi, qu'à elle seule la conclusion d'un pacte civil de solidarité par un ressortissant étranger, soit avec un ressortissant français soit avec tout ressortissant étranger en situation régulière, n'emporte pas délivrance de plein droit d'une carte de séjour temporaire ; que la conclusion d'un tel contrat constitue cependant pour l'autorité administrative un élément de la situation personnelle de l'intéressé, dont elle doit tenir compte, pour apprécier si un refus de délivrance de la carte sollicitée par le demandeur, compte tenu de l'ancienneté de la vie commune avec son partenaire, n'entraînerait pas une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée ;

4. Considérant que, pour annuler l'arrêté du 17 février 2012 pris à l'encontre de M. D... par le préfet de police au motif de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les premiers juges ont estimé que cet arrêté portait au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par cette décision en relevant qu'alors même qu'il n'était pas démuni d'attaches familiales dans son pays d'origine, l'intéressé justifiait par des pièces nombreuses et concordantes résider en France et vivre en concubinage depuis 2007 avec une ressortissante ivoirienne titulaire d'une carte de résident valable jusqu'en 2019, démontrait le caractère ancien et stable de cette relation et avait conclu le 23 juillet 2010 un pacte civil de solidarité avec sa compagne ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier, que M.D..., dont la date d'entrée en France n'est pas établie, s'est maintenu sur le territoire français de manière irrégulière depuis lors et n'a pas déféré à deux arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière pris à son encontre les 5 mars 2009 et 12 avril 2010, dont la légalité a été confirmé par le Tribunal administratif de Paris le

1er juillet 2009 pour le premier et par la Cour administrative d'appel de Versailles le 22 septembre 2010 pour le second ; que les seuls documents produits au titre des années 2007 et 2009, constitués de factures à l'adresse de sa concubine ou de courriers à leurs deux noms, ne suffisent pas pour établir l'ancienneté de sa résidence habituelle en France ni l'ancienneté et la réalité de sa relation avec la ressortissante ivoirienne avec laquelle il n'a conclu un pacte civil de solidarité que dix-sept mois avant l'édiction de l'arrêté du préfet de police ; qu'enfin, M. D... dispose de fortes attaches familiales dans son pays d'origine, où résident ses parents ainsi que ses quinze frères et soeurs et où il a vécu jusqu'à l'âge de 36 ans ; qu'il est sans charge de famille en France et qu'en outre, lors de son premier procès verbal d'audition du 4 mars 2009 il a déclaré être père de trois enfants nés et vivant en Côte d'Ivoire ; que dans ces circonstances, eu égard aux conditions de séjour de M. D...et au caractère récent de sa vie privée et familiale en France, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a annulé son arrêté au motif qu'il méconnaissait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

5. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D... devant le Tribunal administratif de Paris et devant la Cour ;

6. Considérant, que par un arrêté n° 2011-00824 du 24 octobre 2011 régulièrement publié au bulletin municipal officiel de la ville de Paris du 28 octobre suivant, le préfet de police a donné à M. René Burgues, conseiller d'administration de l'intérieur et de l'outre-mer, chef du 9ème bureau, délégation pour signer notamment les décisions de refus de titre de séjour assorties d'une obligation de quitter le territoire français ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le signataire de la décision attaquée n'aurait pas été titulaire d'une délégation régulière manque en fait ;

7. Considérant que l'arrêté litigieux, qui vise les textes dont il fait application, est suffisamment motivé en droit ; que, par ailleurs, en mentionnant que M.D..., né le 1er janvier 1964 à Divo, est entré en France en 2000 selon ses déclarations, qu'il ne remplit pas les conditions prévues par l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'il a souscrit le 23 juillet 2010 une déclaration de pacte civil de solidarité avec Mlle A...B..., ressortissante de nationalité ivoirienne, titulaire d'une carte de résident valable jusqu'au 18 mars 2019, qu'il ne peut justifier d'une vie commune ancienne et établie avec sa partenaire, en indiquant qu'il n'atteste pas être démuni d'attaches familiales à l'étranger où résident ses parents et sa fratrie, qu'il n'est donc pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé à sa vie privée et familiale, en précisant qu'il ne remplit pas non plus les conditions prévues par l'article L. 313-14 du code précité dès lors qu'il n'est pas en mesure d'attester de façon probante une ancienneté de résidence en France depuis plus de dix ans et en relevant enfin que l'intéressé n'établit pas être exposé en cas de retour dans son pays d'origine à des traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'auteur de la décision attaquée a suffisamment exposé les faits sur lesquels il s'est fondé ; qu'ainsi le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté doit être écarté ;

8. Considérant qu'aucune des circonstances invoquées par M. D...n'est de nature à faire regarder la décision contestée comme entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette mesure sur la situation personnelle et familiale de l'intéressé ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 17 février 2012 et lui a enjoint de réexaminer la situation de M. D...dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent jugement ; que, par voie de conséquence de l'annulation dudit jugement, doivent être également rejetées les conclusions de M. D...à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées devant la Cour ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 19 juin 2012 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. D... devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions à fin d'injonction et d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées devant la Cour sont rejetées.

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N° 12PA03191


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3 ème chambre
Numéro d'arrêt : 12PA03191
Date de la décision : 23/05/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Prés MOREAU
Rapporteur ?: Mme Bénédicte FOLSCHEID
Rapporteur public ?: Mme MERLOZ
Avocat(s) : SYLLA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2013-05-23;12pa03191 ?
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