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23/05/2013 | FRANCE | N°11PA03797

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre, 23 mai 2013, 11PA03797


Vu la requête, enregistrée le 16 août 2011, présentée pour l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) par MeE... ; l'ONIAM demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement no 0914286/6-1 du Tribunal administratif de Paris en date du 17 juin 2011 en ce qu'il l'a condamné à verser à Mme G...A...épouse C...et à M. D... C..., en leur qualité d'ayants droit de M. B... C..., la somme de 199 717,36 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 29 juin 2007 ;

2°) de faire une é

valuation poste par poste des préjudices subis et non au titre des " troubles de ...

Vu la requête, enregistrée le 16 août 2011, présentée pour l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) par MeE... ; l'ONIAM demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement no 0914286/6-1 du Tribunal administratif de Paris en date du 17 juin 2011 en ce qu'il l'a condamné à verser à Mme G...A...épouse C...et à M. D... C..., en leur qualité d'ayants droit de M. B... C..., la somme de 199 717,36 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 29 juin 2007 ;

2°) de faire une évaluation poste par poste des préjudices subis et non au titre des " troubles de toute nature dans les conditions d'existence " ;

3°) d'allouer la somme de 20 000 euros au titre des souffrances endurées, la somme de 6 856 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel, la somme de 400 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire total ;

4°) de confirmer les montants alloués par le tribunal au titre des pertes de gains (37 217,36 euros) et du préjudice esthétique (500 euros) ;

5°) de confirmer le jugement rendu sur les autres chefs ;

......................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ;

Vu la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009, notamment son article 67 dans sa version issue de la loi n° 2012-1404 du

17 décembre 2012 ;

Vu les décrets n° 2010-251 et n° 2010-252 du 11 mars 2010 ;

Vu l'arrêté du 10 novembre 2010, relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale ;

Vu l'avis du Conseil d'Etat n° 343823 du 18 mai 2011 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 avril 2013 :

- le rapport de Mme Folscheid, rapporteur,

- les conclusions de Mme Merloz, rapporteur public,

- et les observations de MeE..., pour l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, et de MeF..., pour les consortsC... ;

1. Considérant que, par le jugement attaqué du 17 juin 2011, le Tribunal administratif de Paris, après avoir mis l'Etablissement Français du Sang (EFS) hors de cause, a jugé que la responsabilité de cet établissement était engagée vis-à-vis de M. B... C...à raison de la contamination de ce dernier par le virus de l'hépatite C imputable aux transfusions dont il avait bénéficié en 1987 à l'hôpital Avicenne de Bobigny et à l'hôpital de l'Hôtel Dieu de Paris ; qu'en conséquence le tribunal a condamné l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), substitué à l'EFS venant aux droits de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, à réparer les conséquences dommageables résultant de cette contamination ; que les premiers juges ont arrêté à 199 717,36 euros la somme due à Mme G...A...épouse C...et à M. D...C..., en leur qualité d'ayants droit de M. B... C..., à 20 000 et 6 000 euros les sommes respectivement dues aux consorts C...en leur nom propre, et à 192 156,46 euros la somme due à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Seine-et-Marne ; que, par la présente requête, l'ONIAM relève régulièrement appel de ce jugement, dont il demande la réformation exclusivement en ce que, par son article 2, il l'a condamné à verser aux consorts C...en leur qualité d'ayants droit de M. B... C..., la somme de 199 717,36 euros qu'il estime excessive ; que, par la voie de l'appel incident, les consorts C...demandent également l'infirmation de ce jugement en ce que, en leur allouant ladite somme de 199 717,36 euros il n'a fait que partiellement droit à leurs demandes indemnitaires formées en leur qualité d'ayants droit de M. B...C... ;

2. Considérant que la somme de 199 717,36 euros contestée par les parties comprend d'une part la somme de 37 217,36 euros accordée par le tribunal aux ayants droit de M. B... C... au titre des pertes de revenus, d'autre part la somme de 162 500 euros mise à la charge de l'ONIAM en réparation des préjudices extrapatrimoniaux subis par M. B... C... ; que seule cette dernière somme de 162 500 euros, qui répare les préjudices personnels subis par la victime, est remise en cause tant par l'ONIAM que par les consortsC... ;

Sur les modalités de calcul retenues par le tribunal :

3. Considérant que l'ONIAM fait grief au tribunal d'avoir procédé à une évaluation du poste " troubles dans les conditions d'existence ", lequel tient compte du caractère évolutif de la pathologie, alors que M. B...C...étant décédé, l'indemnisation des dommages subis devait selon l'office se faire " poste par poste ", les craintes de la victime quant à l'évolution péjorative de son état de santé telles qu'il les a éprouvées de son vivant pouvant seulement, selon lui, faire l'objet d'une majoration de la réparation des souffrances endurées ; que l'ONIAM reproche également au tribunal d'avoir alloué une double indemnisation des mêmes préjudices en accordant, en sus d'une somme de 150 000 euros au titre des troubles dans les conditions d'existence, une somme de 12 000 euros au titre des souffrances endurées ;

4. Considérant toutefois que les souffrances endurées et le préjudice esthétique constituent, au sein de la catégorie des préjudices personnels, des chefs de préjudices distincts de celui constitué par les troubles de toute nature dans les conditions d'existence ; que d'ailleurs il ressort des termes mêmes du référentiel indicatif d'indemnisation par l'ONIAM des dommages imputables à la contamination par le virus de l'hépatite C, sur lequel l'établissement appelant fonde ses critiques, que les préjudices extrapatrimoniaux temporaires qui sont réparés " en l'absence d'indemnisation au titre des troubles de toute nature dans les conditions d'existence " comprennent le déficit fonctionnel temporaire, les souffrances endurées et le préjudice esthétique temporaire ; que ce même document définit le déficit fonctionnel temporaire comme " les troubles dans les conditions d'existence de toute nature " tels que notamment la perturbation de la vie familiale, la perte d'agrément et le préjudice sexuel temporaire ; qu'il précise que ce poste de préjudice fait l'objet d'une indemnisation forfaitaire ; que, par suite, l'ONIAM ne saurait faire grief aux premiers juges d'avoir évalué forfaitairement les troubles de M. C...dans ses conditions d'existence qu'ont constitué notamment, selon les énonciations du jugement attaqué, la durée de l'incapacité temporaire totale et le préjudice d'agrément ; que, de même, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé qu'il y avait lieu d'indemniser les souffrances endurées par M. B...C...et son préjudice esthétique en sus de ses troubles dans les conditions d'existence ; qu'ils n'ont pas, ce faisant, procédé à une double indemnisation des mêmes préjudices comme le soutient à tort l'ONIAM ; que si le référentiel indicatif d'indemnisation précité prévoit que, s'agissant d'une personne décédée, le caractère évolutif de la pathologie ne peut pas être retenu mais que les souffrances endurées pourront être majorées en raison des craintes légitimes éprouvées par la personne de son vivant quant à l'évolution de son état de santé et sa perte de chance de survie, aucune disposition législative ou réglementaire ne fait obstacle à ce que, comme l'a fait le tribunal en l'espèce, la nécessité de vivre avec le risque d'évolution défavorable de l'hépatite C, qui constitue une souffrance d'ordre psychique, soit prise en compte dans les troubles dans les conditions d'existence au lieu de faire l'objet d'une majoration de l'indemnisation des souffrances endurées, lesquelles s'entendent des souffrances physiques ;

Sur le quantum de la réparation :

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expert, que M. B... C..., âgé de cinquante-six ans lors de son décès en 2008, était atteint d'une hépatite chronique parvenue au stade de la cirrhose qui a nécessité cinq biopsies hépatiques entre 1994 et 2004, un traitement par saignées et des traitements anti-viraux pendant quatre mois en 1996, six mois en 1997 et 1998, six mois en 2004, quatre mois en 2005 et onze mois en 2006 ; que cette cirrhose post virale C a été compliquée d'insuffisance hépatique et de carcinome hépato-cellulaire indiquant la réalisation d'une greffe hépatique ; que cette greffe réalisée le

13 février 2008 a nécessité une nouvelle intervention chirurgicale le 24 février 2008, veille du décès de l'intéressé, lequel est directement lié à l'infection virale C ; que l'expert désigné par le tribunal administratif a évalué à trente-six mois la durée de l'incapacité temporaire totale compte tenu des différents traitements antiviraux et des hospitalisations pour complications de la maladie hépatique ; que, sur une échelle de 7, il a fixé à 5 le pretium doloris enduré par l'intéressé, à 1,5 son préjudice esthétique tenant aux lésions cutanées de porphyrie tardive dont il résulte de l'instruction qu'elles ne sont que partiellement imputables à la contamination litigieuse, à 3 son préjudice d'agrément et à 3 son préjudice moral ;

6. Considérant, en premier lieu, que, compte tenu de l'ensemble de ces circonstances, l'ONIAM est fondé à soutenir que les premiers juges ont fait une appréciation excessive des troubles de toute nature subis par M. B... C...dans ses conditions d'existence ; qu'il sera fait une juste appréciation de ces troubles, en raison de la durée de l'incapacité temporaire totale, du préjudice d'agrément et du préjudice moral incluant les craintes que l'intéressé a pu légitimement entretenir quant à l'évolution défavorable et à l'issue incertaine de son hépatite C, en les évaluant à la somme de 70 000 euros ; qu'en revanche, contrairement à ce que soutiennent les consortsC..., le tribunal n'a pas fait une appréciation insuffisante des souffrances endurées par M. B... C...et de son préjudice esthétique en les évaluant respectivement aux sommes de 12 000 euros et 500 euros ;

7. Considérant, en second lieu, que si les consorts C...sollicitent une indemnisation en leur qualité d'ayants droit au titre du déficit fonctionnel permanent qu'aurait subi leur époux et père, un tel préjudice n'est pas distinct de celui résultant du décès, lequel ne saurait ouvrir droit à réparation dans le chef du défunt ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'ensemble des préjudices extrapatrimoniaux subis par M. B...C...doit être évalué à la somme de 82 500 euros ; que par suite la somme globale de 199 717,36 euros accordée par le tribunal aux ayants droit de M. B... C...au titre tant des pertes de revenus que des préjudices personnels subis par leur époux et père doit être ramenée à la somme de 119 717,36 euros ; qu'il y a lieu de réformer le jugement attaqué dans cette mesure ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que l'ONIAM n'étant pas la partie perdante en la présente instance, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à sa charge une somme au titre des frais exposés par les consorts C...et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la CPAM de Seine-et-Marne présentées sur le fondement des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : La somme de 199 717,36 euros que l'ONIAM a été condamné à verser à Mme G... A...épouse C...et M. D... C...en leur qualité d'ayants droit de leur époux et père, par l'article 2 du jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 17 juin 2011, est ramenée à 119 717,36 euros.

Article 2 : Le jugement susmentionné du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il est contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de l'ONIAM est rejeté.

Article 4 : L'appel incident des consorts C...et leurs conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 5 : Les conclusions de la CPAM de Seine-et-Marne tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3 ème chambre
Numéro d'arrêt : 11PA03797
Date de la décision : 23/05/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Prés MOREAU
Rapporteur ?: Mme Bénédicte FOLSCHEID
Rapporteur public ?: Mme MERLOZ
Avocat(s) : WELSCH

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2013-05-23;11pa03797 ?
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