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22/04/2013 | FRANCE | N°09PA03829

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 22 avril 2013, 09PA03829


Vu l'arrêt du 20 octobre 2011 par lequel la Cour, avant de statuer sur les conclusions de la requête de la société Industria Masetto Schio (IMS) tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 2 508 464, 01 euros en réparation des préjudices résultant pour elle de l'illégalité fautive de l'arrêté ministériel du 27 juin 2001 portant interdiction de mise sur le marché et interdiction d'utilisation en France de certaines presses mécaniques pour le travail à froid des métaux, a ordonné une expertise en vue de déterminer les pertes de chiffres d'affaires enreg

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Vu l'arrêt du 20 octobre 2011 par lequel la Cour, avant de statuer sur les conclusions de la requête de la société Industria Masetto Schio (IMS) tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 2 508 464, 01 euros en réparation des préjudices résultant pour elle de l'illégalité fautive de l'arrêté ministériel du 27 juin 2001 portant interdiction de mise sur le marché et interdiction d'utilisation en France de certaines presses mécaniques pour le travail à froid des métaux, a ordonné une expertise en vue de déterminer les pertes de chiffres d'affaires enregistrées par ladite société susceptibles d'être directement liées à ladite mesure d'interdiction de mise sur le marché, de déterminer les frais de toutes natures liés à cette même interdiction et, de manière générale, de donner tous éléments et faire toutes constatations permettant à la Cour d'évaluer le montant des préjudices subis par la société IMS ;

Vu le rapport de l'expert enregistré le 8 octobre 2012 ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 avril 2013 :

- le rapport de M. Sorin, rapporteur,

- et les conclusions de M. Ladreyt, rapporteur public ;

1. Considérant que, par un arrêt du 20 octobre 2011, la Cour a, d'une part, jugé l'arrêté du 27 juin 2001, portant interdiction de mise sur le marché et interdiction d'utilisation en France de certaines presses mécaniques pour le travail à froid des métaux commercialisées par la société IMS, illégal et de nature à engager la responsabilité de l'Etat à l'égard de ladite société sur la période s'étendant du 27 juin 2001 au 4 décembre 2002, date de l'annulation de cet arrêté par le Conseil d'Etat, et, d'autre part, ordonné, avant de se prononcer sur le montant des préjudices réellement subis par la société IMS, une expertise en vue de déterminer les pertes de chiffres d'affaires susceptibles d'être directement liées à ladite mesure d'interdiction, les frais de toutes natures liés à cette même interdiction et, de manière générale, de donner tous éléments et faire toutes constatations permettant à la Cour d'évaluer le montant des préjudices subis par la société IMS ; que l'expert a déposé son rapport le 8 octobre 2012 ;

Sur le préjudice lié aux pertes de ventes des presses mécaniques visées par l'arrêté du 27 juin 2001 :

En ce qui concerne les pertes de ventes en France :

2. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment des conclusions du rapport d'expertise, que les documents produits par la société IMS pour justifier du lien entre l'arrêté du 27 juin 2001 et les pertes de ventes invoquées ne concernent pas les mêmes presses mécaniques et présentent des pertes différentes réalisées en France ; que l'expert relève ainsi que " les tableaux de ventes ne peuvent être considérés comme fiables " et qu'" aucun commentaire, aucune analyse, ni aucune information sur les possibilités de vente à des clients précis n'ont été fournis " ; que la société IMS n'apporte aucun élément de nature à contredire ces allégations ; que, toutefois, les documents produits, notamment sous forme de tableaux, convergent dans le sens d'une baisse continue des ventes des presses concernées entre 1997 et 2000, d'une légère reprise en 2001 et d'une nouvelle diminution en 2002 et 2003 ; que ces évolutions, qui concernent tant les presses directement visées par l'arrêté litigieux que les autres presses commercialisées par la société IMS, établissent l'existence d'un lien de causalité suffisamment direct entre l'arrêté du 27 juin 2001 et les pertes de vente subies, malgré les fluctuations de la conjoncture économique globale qui ont entraîné une diminution de l'investissement en presses mécaniques au cours des années 2000 à 2002, cette dernière année enregistrant un effondrement général des ventes ; qu'il y a lieu, pour établir le montant du préjudice ainsi subi, de retenir la méthode de l'expert, non contestée par les parties, consistant à extrapoler le chiffre d'affaires qui aurait pu être réalisé en l'absence d'intervention de l'arrêté du 27 juin 2001, à partir de la moyenne des chiffres d'affaires réalisés au cours des trois exercices précédents et d'imputer sur le résultat obtenu un pourcentage permettant de déterminer la marge opérationnelle, constitutive du préjudice subi, qu'aurait réalisée la société requérante ; qu'il sera ainsi fait une juste appréciation du préjudice subi en le fixant à 24 537, 69 euros pour les presses directement visées par l'arrêté du 27 juin 2001 et à 29 845, 31 euros pour les autres presses ;

En ce qui concerne les pertes de ventes en Europe :

3. Considérant que la société IMS se borne, pour établir le préjudice lié aux pertes de ventes hors de France, à produire un tableau relatif aux chiffres d'affaires réalisés entre 1996 et 2003 faisant état, s'agissant des presses concernées par l'arrêté du 27 juin 2001, d'une stabilité des ventes de 1999 à 2001 puis, à un niveau moins important, de 2002 à 2005 ; qu'ainsi, aucun lien ne peut être établi entre la baisse des ventes en 2002 et l'arrêté du 27 juin 2001 ; que, s'agissant des presses non concernées par l'arrêté annulé, les tableaux produits font état d'une diminution régulière des ventes de 1998 à 2003 ; que l'expert relève que " l'effet de l'interdiction en France sur les ventes hors de France est très indirect " et qu'il " ne paraît pas possible d'estimer des pertes de chiffres d'affaires susceptibles d'être directement liées à la mesure d'interdiction " ; que la société IMS n'apporte aucun élément de nature à contredire cette allégation ; que, par suite, il y a lieu de rejeter la demande tendant à la réparation du préjudice lié aux pertes de ventes en Europe ;

Sur les autres préjudices :

En ce qui concerne les frais de mise en conformité des presses :

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société IMS a exposé des frais de mise en conformité de ses presses à la suite de l'arrêté du 27 juin 2001 ; qu'il y a lieu de condamner l'Etat à lui verser, en réparation du préjudice ainsi subi, la somme de 3 770, 14 euros correspondant à la seule facture, en date du 11 juillet 2001, comprise dans la période d'indemnisation ; qu'en revanche, les autres factures produites étant antérieures à celle-ci, les conclusions tendant au remboursement des frais exposés ne peuvent qu'être rejetées ;

En ce qui concerne les frais de conseil juridique et technique :

5. Considérant, d'une part, que si la société IMS soutient avoir exposé des frais de conseil juridique et technique auprès d'un cabinet d'avocats parisien, la seule circonstance que les factures produites pour attester de la réalité de cette assertion, datées des 23 octobre 2001, 17 décembre 2001, 24 janvier 2002 et 20 février 2002, aient été émises durant la période de responsabilité ne suffit pas à établir leur lien avec l'illégalité fautive commise par l'Etat dès lors que la nature des prestations assurées n'y est pas précisée ; que, par suite, la société IMS ne justifie pas du caractère indemnisable de ce préjudice ;

6. Considérant, d'autre part, que si la seule facture émanant d'un cabinet d'avocats italien évoque, en son objet, le " ministero del Lavoro francese " et le " consigli di Stato di Parigi ", et peut par suite être regardée comme susceptible d'être en lien avec le présent contentieux, elle est datée du 19 mai 2003 et ne précise pas la date de la prestation assurée ; que, dans ces conditions, les conclusions tendant au remboursement de cette facture ne peuvent qu'être rejetées ;

En ce qui concerne les frais de personnel :

7. Considérant que, pour demander réparation du préjudice lié à l'emploi de deux salariés affectés exclusivement à la gestion du litige l'opposant à l'Etat français, la société IMS se borne à produire des bulletins de salaire couvrant la période d'août 1998 à octobre 2000, donc antérieure à la période d'indemnisation ; qu'en tout état de cause, la société IMS n'établit pas que ces deux salariés ont été affectés exclusivement à la gestion du litige l'opposant à l'Etat français ; que les conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice résultant de cet emploi ne peuvent qu'être rejetées ;

En ce qui concerne les frais de transport :

8. Considérant qu'il y a lieu d'indemniser la société IMS des frais exposés dans le cadre des déplacements auxquels ses dirigeants ont été contraints pendant la période d'indemnisation retenue ; qu'à ce titre, il y a lieu de condamner à l'Etat à lui verser les sommes de 88, 31 euros (déplacement à Rome au ministère du travail le 26 novembre 2001), 1 466, 25 euros (déplacement à Bruxelles les 11 et 12 juillet 2002), 601, 61 euros (frais à Bruxelles les 11 et 12 juillet 2002), 1 465, 29 euros (déplacement à Paris le 30 août 2001) et 125, 70 euros (frais à Paris le 30 août 2001), soit, au total, de 3 747, 16 euros ; qu'en revanche, les autres sommes demandées au même titre étant antérieures ou postérieures à la période d'indemnisation, les conclusions tendant à leur remboursement ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les frais d'expertise :

9. Considérant que les frais de l'expertise, liquidés et taxés à la somme de 6 745, 44 euros TTC par l'ordonnance du Président de la Cour en date du 26 novembre 2012, doivent être mis à la charge de l'Etat ;

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

10.Considérant que la société IMS a droit aux intérêts au taux légal de la somme de 61 900, 30 euros à compter du jour de la réception par le ministre chargé du travail de sa demande préalable, soit le 29 septembre 2004 ;

11. Considérant que la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année ; qu'en ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière ; que la capitalisation des intérêts a été demandée le 1er mars 2005, date de l'introduction du recours devant le Tribunal administratif de Paris ; qu'il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 29 septembre 2005, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris du 24 février 2009 est annulé.

Article 2 : L'Etat versera à la société IMS une somme de 61 900, 30 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 29 septembre 2004. Les intérêts échus à la date du 29 septembre 2005, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : Les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 6 745, 44 euros TTC par l'ordonnance du Président de la Cour en date du 26 novembre 2012, sont mis à la charge de l'Etat.

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N° 09PA03829


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 09PA03829
Date de la décision : 22/04/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MILLE
Rapporteur ?: M. Jean Pierre LADREYT
Rapporteur public ?: M. LADREYT
Avocat(s) : PIWNICA et MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2013-04-22;09pa03829 ?
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