La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/04/2013 | FRANCE | N°12PA04201

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 08 avril 2013, 12PA04201


Vu la requête, enregistrée le 25 octobre 2012, présentée par le préfet de police ; le préfet demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1208701/2-2 en date du 17 septembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 24 avril 2012 refusant la délivrance d'un titre de séjour à M. D...et l'obligeant à quitter le territoire français, lui a enjoint de délivrer à l'intéressé un certificat temporaire de résidence portant la mention "vie privée et familiale" dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement et, enfin,

a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article L....

Vu la requête, enregistrée le 25 octobre 2012, présentée par le préfet de police ; le préfet demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1208701/2-2 en date du 17 septembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 24 avril 2012 refusant la délivrance d'un titre de séjour à M. D...et l'obligeant à quitter le territoire français, lui a enjoint de délivrer à l'intéressé un certificat temporaire de résidence portant la mention "vie privée et familiale" dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement et, enfin, a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. D...ainsi que ses conclusions prises au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié en dernier lieu par l'avenant du 11 juillet 2001 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 mars 2013 :

- le rapport de Mme Bailly, rapporteur,

- les conclusions de M. Ladreyt, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., pour M.D... ;

1. Considérant que M.D..., ressortissant algérien né en 1979, est entré en France en octobre 2005 ; qu'il a bénéficié de certificats de résidence portant la mention " étudiant " de 2005 à 2010 puis a sollicité son changement de statut et obtenu un certificat de résidence portant la mention " commerçant " valable du 2 février 2011 au 1er février 2012, prorogé par un récépissé valable jusqu'au 21 juin 2012, en qualité de gérant d'une SARL ; qu'il a sollicité le

22 mars 2012 le renouvellement de sa carte de séjour mention " commerçant " sur le fondement des stipulations des articles 5 et 7c de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ; que, par arrêté du 24 avril 2012, le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français ; que le préfet de police relève régulièrement appel du jugement du 17 septembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté précité et lui a enjoint de délivrer à l'intéressé un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Considérant que pour annuler l'arrêté du préfet de police en date du 24 avril 2012 rejetant la demande de renouvellement du certificat de résidence mention " commerçant " de

M.D..., le Tribunal administratif de Paris a considéré que le préfet de police avait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, compte tenu de l'intensité des liens familiaux de l'intéressé en France, de sa bonne intégration sociale ainsi que de la durée et des conditions de sa résidence sur le territoire national ; que ces stipulations sont cependant par elles-mêmes sans incidence sur l'appréciation par l'administration des justifications de la qualité de commerçant de M. D...alors que le renouvellement du titre de séjour de l'intéressé a été refusé au motif que son entreprise n'avait enregistré aucune activité depuis son inscription au registre du commerce et des sociétés et que le compte annuel de la société faisait apparaître une absence de chiffre d'affaires au titre de l'exercice correspondant à l'année 2011 ; qu'ainsi un tel moyen est inopérant à l'encontre d'une décision portant refus de renouvellement d'un titre de séjour en qualité de commerçant, délivré uniquement au regard de l'activité de l'intéressé ; que, par suite, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé, pour ce motif, l'arrêté précité ;

3. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M.D..., devant le Tribunal administratif de Paris et devant la Cour ;

Sur la légalité de l'arrêté contesté :

4. Considérant, en premier lieu, que, par un arrêté n° 2012-00242 en date du

12 mars 2012, régulièrement publié au bulletin municipal officiel de la ville de Paris le

23 mars 2012, le préfet de police a donné à M. C...A..., signataire des décisions contestées, délégation pour signer notamment les décisions de refus de titre de séjour assorties d'une obligation de quitter le territoire français ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le signataire de l'arrêté du préfet de police n'aurait pas été titulaire d'une délégation régulière, qui manque en fait, doit être écarté ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté contesté, qui vise l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les articles 5 et 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, et l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, fait mention, d'une part, de ce que l'entreprise de M.D..., " SARL Aberid ", n'a enregistré aucune activité depuis son inscription au registre du commerce et des sociétés, d'autre part de ce que le compte annuel de la société fait apparaître son absence de chiffre d'affaires au titre de l'exercice correspondant à l'année 2011 et, enfin, de ce que l'intéressé, célibataire et sans charges de famille en France, n'est pas démuni d'attaches familiales à l'étranger où réside une partie de sa fratrie et où il a vécu jusqu'à l'âge de 26 ans ; que le préfet de police ne pouvait apprécier l'activité de l'entreprise qu'au titre de la seule année 2011, l'exercice 2012 n'étant pas achevé à la date à laquelle il a pris l'arrêté, le 24 avril 2012 ; qu'ainsi, ledit arrêté, contrairement à ce que soutient M.D..., ne se borne pas à reprendre une formule stéréotypée mais comporte les considérations de fait et de droit sur lesquelles il est fondé ; que, par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté ; que, de même, doit être écarté le moyen tiré du défaut d'examen complet de la situation personnelle du requérant ainsi que celui tiré de l'erreur de fait ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M. D...a créé en 2011 une entreprise de prestations de services de télécommunication, d'informatique et de bureautique ; qu'il ne conteste pas l'absence d'activité et de chiffre d'affaires, relevée par le préfet de police, depuis l'immatriculation de l'entreprise au registre du commerce et des sociétés le 2 février 2011 ; que, de même, il ne conteste pas que l'entreprise n'est pas viable ; que

M. D...ne saurait se prévaloir de l'acquisition, hypothétique et, en tout état de cause, postérieure à la date de l'arrêté contesté, d'un nouveau fonds de commerce ; qu'ainsi le préfet de police a porté une juste appréciation sur la viabilité économique de l'activité en cause et sur le montant des ressources qu'en tirait M.D... ; qu'en outre, si celui-ci établit résider en France, depuis six ans à la date de l'arrêté litigieux, auprès de ses parents résidant régulièrement en France au bénéfice d'un titre de séjour valide jusqu'en décembre 2016, et de quatre de ses frères et soeurs, tous de nationalité française, la durée de son séjour ne suffit pas à caractériser l'erreur manifeste qu'aurait commise le préfet dans l'appréciation de sa situation personnelle ; qu'enfin M. D...n'établit pas qu'il serait la seule personne à pouvoir apporter une aide quotidienne à son père, âgé de 83 ans et atteint de cécité, à supposer qu'il l'assiste quotidiennement, alors pourtant qu'il fait état d'une fratrie nombreuse résidant en France ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que l'arrêté serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la vie personnelle de M. D...doit être écarté ;

7. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

8. Considérant que si, ainsi qu'il a été dit au point 2 , le moyen tiré d'une méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre d'une décision de refus de titre de séjour portant la mention " commerçant ", il peut en revanche être utilement invoqué à l'encontre de la décision faisant obligation à l'intéressé de quitter le territoire français ;

9. Considérant cependant qu'il ressort des pièces du dossier que M.D..., est entré régulièrement en France en octobre 2005 pour y suivre des études d'ingénierie et a résidé entre 2005 et 2010 sous couvert d'une carte de résident mention " étudiant ", ce qui ne lui donnait pas vocation à s'installer durablement sur le territoire français ; que l'intéressé, âgé de

32 ans, célibataire et sans enfant, a vécu en Algérie, où réside encore l'une de ses soeurs, jusqu'à l'âge de 26 ans ; que dans ces conditions, et malgré les attaches fortes de l'intéressé en France, compte tenu de la durée et des conditions de son séjour en France, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 24 avril 2012 refusant le renouvellement de la carte de résident mention " commerçant " de M. D...et obligeant celui-ci à quitter le territoire français ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1208701/2-2 du Tribunal administratif de Paris en date du

17 septembre 2012 est annulé.

Article 2 : La demande de M. D...devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.

''

''

''

''

2

N° 12PA04201


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 12PA04201
Date de la décision : 08/04/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MILLE
Rapporteur ?: Mme Pascale BAILLY
Rapporteur public ?: M. LADREYT
Avocat(s) : SHEBABO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2013-04-08;12pa04201 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award