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04/04/2013 | FRANCE | N°12PA03803

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre, 04 avril 2013, 12PA03803


Vu la requête, enregistrée le 7 septembre 2012, présentée pour la société La Tribune régie, dont le siège est 26/40 rue d'Oradour sur Glane à Paris (75725), par la société Capstan avocats ; la société La Tribune régie demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1122733/3-1 du 10 juillet 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 10 novembre 2011 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi et de la santé a retiré sa décision implicite de rejet du recours hiérarchique formé par Mme Gris

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Vu la requête, enregistrée le 7 septembre 2012, présentée pour la société La Tribune régie, dont le siège est 26/40 rue d'Oradour sur Glane à Paris (75725), par la société Capstan avocats ; la société La Tribune régie demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1122733/3-1 du 10 juillet 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 10 novembre 2011 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi et de la santé a retiré sa décision implicite de rejet du recours hiérarchique formé par Mme Grisoni, annulé la décision de l'inspecteur du travail du 22 avril 2011 autorisant le licenciement de cette dernière, et refusé d'autoriser le licenciement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite décision ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 mars 2013 :

- le rapport de Mme Renaudin, rapporteur,

- les conclusions de Mme Merloz, rapporteur public,

- et les observations de Me Peixoto, pour la société La Tribune régie, et de Me de Peyramont, pour Mme Grisoni ;

1. Considérant que le 24 février 2011, la société La Tribune régie a saisi l'inspecteur du travail d'une demande d'autorisation de licenciement de Mme Grisoni, directrice de clientèle qui détenait les mandats de membre du comité d'entreprise suppléante et déléguée du personnel suppléante, pour inaptitude, à la suite d'un avis d'inaptitude à la reprise de son travail, à l'issue d'arrêts maladie, donné par le médecin du travail le 18 janvier 2011 ; que, par une décision du 22 avril 2011, l'inspecteur du travail a accordé cette autorisation ; que Mme Grisoni a formé le 6 juin 2011 un recours hiérarchique contre cette décision, qui a été rejeté par décision implicite du ministre du travail, de l'emploi et de la santé ; que, toutefois, par une décision du 10 novembre 2011, le ministre a retiré sa précédente décision, a annulé la décision de l'inspecteur du travail et refusé d'autoriser le licenciement de Mme Grisoni, estimant que la demande de licenciement était en lien avec les mandats détenus par cette dernière ; que la société La Tribune régie a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à l'annulation de la décision du 10 novembre 2011 du ministre du travail ; que par jugement du 10 juillet 2012, dont la société La Tribune régie relève régulièrement appel, ce tribunal a rejeté sa demande ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1226-2 du code du travail : " Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 2421-16 de ce code : " L'inspecteur du travail et, en cas de recours hiérarchique, le ministre examinent notamment si la mesure de licenciement envisagée est en rapport avec le mandat détenu, sollicité ou antérieurement exercé par l'intéressé. " et qu'aux termes de l'article R. 2422-1 du même code : " Le ministre chargé du travail peut annuler ou réformer la décision de l'inspecteur du travail sur le recours de l'employeur, du salarié ou du syndicat que ce salarié représente ou auquel il a donné mandat à cet effet. (...) " ;

3. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés protégés bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par l'inaptitude physique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher si cette inaptitude est telle qu'elle justifie le licenciement du salarié, compte tenu des caractéristiques de l'emploi exercé à la date à laquelle l'inaptitude physique est constatée, de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé, des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi et de la possibilité d'assurer son reclassement dans l'entreprise ou dans le groupe auquel elle appartient ;

4. Considérant que le ministre chargé du travail peut légalement, dans le délai de recours contentieux, rapporter sa décision implicite rejetant le recours hiérarchique formé contre la décision de l'inspecteur du travail autorisant le licenciement d'un salarié protégé, qui est créatrice de droits au profit de l'employeur, dès lors que ces deux décisions sont illégales ;

5. Considérant que l'administration doit rechercher, même en cas de licenciement pour inaptitude d'un salarié protégé, si le licenciement envisagé est en rapport avec les fonctions représentatives exercées par l'intéressé ; que le ministre du travail n'a donc pas commis d'erreur de droit en recherchant si les agressions verbales et les pressions subies par la salariée, dont il a relevé qu'elles étaient à l'origine de son inaptitude médicale, étaient en rapport avec l'exercice de ses mandats ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le lendemain de la publication d'une dépêche de l'agence France presse, le 16 mars 2010, rapportant les propos de la directrice générale de la société selon lesquels le journal La Tribune pouvait disparaître des kiosques à la fin de l'année 2010, les élus du comité d'entreprise se sont réunis et ont mis au point un communiqué adressé aux salariés le jour même ; que Mme Grisoni, qui participait à cette réunion, a elle-même fait part de ses inquiétudes quant à la suppression, sur le site internet du journal, de rubriques comme celle de la gestion d'actifs et a rédigé une question en ce sens mise à l'ordre du jour de la prochaine réunion extraordinaire du comité d'entreprise ; qu'il ressort des témoignages concordants de collègues et du supérieur hiérarchique direct de Mme Grisoni versés au dossier que la directrice générale a pris violemment à partie Mme Grisoni devant ses collègues dès le lendemain de l'envoi de ce courrier électronique, puis avec insistance à plusieurs reprises, notamment lors de réunions de services ; qu'il ressort d'un compte-rendu d'enquête de la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine du 10 janvier 2011, au cours de laquelle la directrice générale a été entendue, qu'elle n'a pas contesté ces faits ; qu'il ressort également des témoignages produits que Mme Grisoni s'est trouvée en état de choc à la suite de cet incident, puis a développé des symptômes dépressifs ; que Mme Grisoni affirme que la directrice générale a fait pression sur elle dans le but d'obtenir l'affirmation publique de son soutien et sa désolidarisation des élus, ce qu'elle s'est sentie contrainte de faire lors de la réunion du comité d'entreprise du 25 mars ; qu'elle a été arrêtée par son médecin traitant le lendemain pour dépression réactionnelle ; qu'elle a repris le travail pendant quelques jours mais que l'attitude de sa directrice a persisté ; que le 2 avril, elle a été placée en arrêt maladie de plusieurs mois pour un état dépressif ; que, le 18 janvier 2011, à l'issue de deux visites médicales, le médecin du travail a déclaré l'intéressée inapte à la reprise de son poste de travail ; qu'ainsi, il ressort des pièces du dossier que l'inaptitude de Mme Grisoni est réactionnelle à une agression de la directrice générale de la société appelante suscitée par l'exercice, par l'intéressée, de son mandat de membre du comité d'entreprise ; que, dans ces conditions, la demande d'autorisation de licenciement présentée par la société appelante n'était en effet pas dépourvue de lien avec les mandats détenus par Mme Grisoni, comme l'a à bon droit estimé le ministre du travail ; que, par suite, le ministre était tenu, comme il l'a fait par la décision contestée du 10 novembre 2011, d'annuler la décision de l'inspecteur du travail, de rapporter sa décision implicite et de refuser l'autorisation sollicitée ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société La Tribune régie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 10 novembre 2011 du ministre du travail, de l'emploi et de la santé ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par la société La Tribune régie doivent dès lors être rejetées ;

9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société La Tribune régie la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme Grisoni et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société La Tribune régie est rejetée.

Article 2 : La société La Tribune régie versera à Mme Grisoni une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3 ème chambre
Numéro d'arrêt : 12PA03803
Date de la décision : 04/04/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme FOLSCHEID
Rapporteur ?: Mme Mathilde RENAUDIN
Rapporteur public ?: Mme MERLOZ
Avocat(s) : CAPSTAN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2013-04-04;12pa03803 ?
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