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25/03/2013 | FRANCE | N°11PA05288

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 25 mars 2013, 11PA05288


Vu la requête, enregistrée le 20 décembre 2011, présentée pour la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Puy de Dôme, dont le siège est rue Pelissier à Clermont-Ferrand Cedex 9 (63031), par Me Nemer ; la CPAM du Puy de Dôme demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0916741/6-3 du 27 octobre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etablissement français du sang (EFS) au remboursement des débours exposés pour le compte de M. Miletto ;

2°) de condamner l'EFS à lui verser la somme de 157 86

2,83 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 2 juin 2009, avec...

Vu la requête, enregistrée le 20 décembre 2011, présentée pour la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Puy de Dôme, dont le siège est rue Pelissier à Clermont-Ferrand Cedex 9 (63031), par Me Nemer ; la CPAM du Puy de Dôme demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0916741/6-3 du 27 octobre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etablissement français du sang (EFS) au remboursement des débours exposés pour le compte de M. Miletto ;

2°) de condamner l'EFS à lui verser la somme de 157 862,83 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 2 juin 2009, avec capitalisation ;

3°) à titre subsidiaire de condamner l'Office nationale d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser ladite somme ;

4°) de mettre à la charge de l'EFS ou de l'ONIAM une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 mars 2013 :

- le rapport de Mme Bailly, rapporteur,

- les conclusions de M. Ladreyt, rapporteur public,

- les observations de Me Boucher, pour l'ONIAM,

- et connaissance prise des notes en délibéré présentées pour l'ONIAM et pour la CPAM du Puy de Dôme, enregistrées le 6 mars 2013 ;

1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. Miletto a été hospitalisé le

5 avril 1985 au groupe hospitalier La Pitié Salpétrière pour y subir une intervention chirurgicale, après avoir été victime d'un accident du travail ; qu'au cours de l'intervention consistant en une néphrectomie sur le rein droit, il a bénéficié de plusieurs transfusions sanguines ; que la séropositivité de M. Miletto au VIH a été diagnostiquée le 18 juin 1995, ce qui a conduit le Fonds d'indemnisation des transfusés et hémophiles à indemniser l'intéressé ; que la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Loire, à laquelle était alors affilié M. Miletto a demandé au Tribunal administratif de Paris la condamnation de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) au remboursement de ses débours en septembre 1994 ; que par jugement du

20 mai 1997, le Tribunal administratif de Paris a fait droit à cette demande, en précisant, par une erreur matérielle, que M. Miletto avait été contaminé par le virus de l'hépatite C ; que par une demande, enregistrée le 6 décembre 2001 au Tribunal administratif de Paris, la CPAM de la Haute-Loire a demandé la condamnation de l'AP-HP à lui rembourser les débours exposés depuis le jugement du 20 mai 1997 en se prévalant uniquement de l'autorité de la chose jugée attachée audit jugement ; que cette demande a été rejetée par le Tribunal administratif de Paris par un jugement du 25 juillet 2006, confirmé par un arrêt de la Cour de céans du

24 novembre 2008 ; que par une demande du 2 juin 2009, la caisse primaire d'assurance maladie du Puy de Dôme, à laquelle est désormais affilié M. Miletto, a adressé à l'Etablissement français du sang, substitué dans les droits et obligations de l'AP-HP pour la part de ses anciennes activités transfusionnelles, une nouvelle demande d'indemnisation, qui a fait l'objet d'un rejet ; que la CPAM du Puy de Dôme relève régulièrement appel du jugement du 27 octobre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande indemnitaire ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que, pour rejeter la demande de la CPAM du Puy de Dôme, le Tribunal administratif de Paris a, après avoir jugé que le lien de causalité entre les transfusions administrées à M. Miletto durant son séjour à l'hôpital de la Pitié Salpétrière et sa contamination par le VIH devait être regardé comme établi et que l'Etablissement français du sang devait, dès lors, être tenu pour responsable de la contamination de M. Miletto par le VIH, considéré que les documents produits par la CPAM ne permettaient pas d'identifier les dépenses pouvant être rattachées au traitement nécessité par la séropositivité au VIH de M. Miletto ; que ce faisant le Tribunal administratif de Paris a méconnu son office dès lors qu'il lui appartenait dans le cas où il estimait insuffisants les éléments produits, et en particulier l'attestation du médecin conseil, d'inviter la caisse à faire préciser par ce dernier la méthode mise en oeuvre pour établir ce montant et d'ordonner toute mesure d'instruction afin de vérifier l'imputabilité des dépenses ; que le jugement attaqué est, de ce fait, entaché d'irrégularité et doit être annulé ;

3. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de la CPAM du Puy de Dôme ;

Sur les conclusions aux fins d'indemnisation :

4. Considérant, d'une part, que la caisse de sécurité sociale recevable à demander, en application de l'article L. 454-1 du code de la sécurité sociale dès lors qu'il s'agit des suites d'un accident du travail, le remboursement des frais supportés par l'assurance maladie en conséquence d'un dommage dont un tiers est responsable, est la caisse à laquelle la victime de ce dommage est affiliée ;

5. Considérant, d'autre part, que l'Etablissement français du sang, qui a repris les droits et obligations de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris pour les anciennes activités transfusionnelles du centre de transfusion sanguine du groupe hospitalier de la Pitié Salpétrière, doit être regardé comme responsable des conséquences dommageables de la mauvaise qualité des produits sanguins fournis ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du courrier du

22 octobre 1992 du directeur du centre d'hémobiologie - transfusion de Paris, centre rattaché au groupe hospitalier de la Pitié Salpétrière, que M. Miletto a reçu lors de l'intervention du

5 avril 1985 une unité de concentré globulaire portant le numéro 620114, prélevée et préparée par le centre de transfusion de la Pitié Salpétrière, pour laquelle l'hôpital a été informé dès le

14 mai suivant, qu'elle était porteuse d'anticorps anti LAV, dépistés par la méthode d'immunofluorescence ; que M. Miletto a de ce fait subi un contrôle le 18 juin suivant qui a révélé sa séropositivité au VIH ; que, contrairement à ce que fait valoir en défense l'Etablissement français du sang, le lien de causalité entre la transfusion d'un produit dont il a été démontré qu'il était contaminé et la contamination au VIH de M. Miletto doit être regardé comme établi ; qu'au demeurant, l'Etablissement français du sang se borne à contester ledit lien de causalité, sans apporter aucun élément permettant d'établir que cette contamination trouverait son origine dans une autre voie de transmission du virus ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'Etablissement français du sang doit être condamné à rembourser la CPAM du Puy de Dôme des débours exposés par l'assurance maladie au titre de la prise en charge médicale des conséquences de la contamination de

M. Miletto par le virus de l'immunodéficience humaine ; que l'ONIAM, chargé d'indemniser les seules victimes au titre de la solidarité nationale, doit en conséquence être mis hors de cause ;

En ce qui concerne l'exception de prescription quadriennale :

8. Considérant que le directeur de l'Etablissement français du sang oppose aux demandes indemnitaires de la Caisse présentées au titre des années 1996, 1997, 2003 et 2004 une exception de prescription quadriennale, en application de l'article 1er de la loi du

31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics en faisant valoir que la demande préalable n'a été adressée par la Caisse à l'Etablissement français du sang que le 2 juin 2009 ;

9. Considérant cependant qu'en application de l'article 2 de ladite loi, la prescription est interrompue, d'une part, par toute demande de paiement adressée par le créancier à l'autorité administrative, d'autre part, par tout recours formé devant une juridiction dès lors que cette demande ou ce recours est relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance et que le nouveau délai de quatre ans court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision juridictionnelle est passée en force de chose jugée ; qu'il est constant que la demande de la CPAM de la Haute-Loire, à laquelle était alors affilié M. Miletto, tendant au remboursement des sommes exposées depuis le jugement du Tribunal administratif de Paris du 22 mai 1997 a été enregistrée au greffe du Tribunal administratif de Paris le

6 décembre 2001 et faisait suite à une demande préalable du 29 juin 2000 ; que l'arrêt de la Cour de céans confirmant le rejet de la demande de la Caisse est intervenu le 24 novembre 2008 ; que, par suite, contrairement à ce que fait valoir l'Etablissement français du sang, la prescription n'était acquise pour aucune des années susmentionnées, le 2 juin 2009, lorsque la CPAM du Puy de Dôme a adressé à l'Etablissement français du sang la demande de remboursement de ses débours ;

En ce qui concerne les sommes dues à la CPAM du Puy de Dôme :

10. Considérant que la notification de débours produite par la CPAM à l'appui de sa demande, à laquelle est annexé un argumentaire médico-technique du médecin conseil du service médical de l'Auvergne, relevant que M. Miletto n'est atteint que d'une seule affection ayant entrainé une exonération du ticket modérateur à compter du 31 janvier 1996 pour affection grave et invalidante et que, par conséquent, tous les soins prescrits au titre de cette exonération peuvent être rattachés au fait accidentel en cause, est suffisante pour établir le lien de causalité entre les dépenses exposées et la contamination de M. Miletto par le VIH ; que la CPAM du Puy de Dôme est, par suite, fondée à demander la condamnation de l'Etablissement français du sang à lui verser la somme de 213 467,73 euros, arrêtée provisoirement à la date du 12 septembre 2012, avec intérêts de droit, ainsi qu'elle le demande à compter du 2 juin 2009 et capitalisation des intérêts échus au 20 décembre 2011, sur la somme de 157 862,83 euros, et pour le surplus, avec intérêts de droit à compter du 4 février 2013 ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'Etablissement français du sang doit être condamné à verser à la CPAM du Puy de Dôme la somme de 213 467,73 euros, avec intérêts de droit à compter du 2 juin 2009 et capitalisation des intérêts échus au 20 décembre 2011 sur la somme de 157 862,83 euros et pour le surplus, avec intérêts de droit à compter du

4 février 2013 ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées par l'ONIAM :

12. Considérant qu'il y a lieu, en application des dispositions précitées, de mettre à la charge de l'Etablissement français du sang la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la caisse primaire d'assurance maladie du Puy de Dôme et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la CPAM du Puy de Dôme une somme au titre des frais exposés par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 0916741 du Tribunal administratif de Paris du 27 octobre 2011 est annulé.

Article 2 : L'Etablissement français du sang est condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy de Dôme la somme de 213 467,73 euros, avec intérêts de droit à compter du 2 juin 2009 sur la somme de 157 862,83 euros et à compter du 4 février 2013 pour le surplus. Les intérêts de la somme de 157 862,83 euros échus le 20 décembre 2011 seront capitalisés à cette date pour produire eux- mêmes intérêts.

Article 3 : L'Etablissement français du sang versera à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy de Dôme la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par l'ONIAM au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 11PA05288


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 11PA05288
Date de la décision : 25/03/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme STAHLBERGER
Rapporteur ?: Mme Pascale BAILLY
Rapporteur public ?: M. LADREYT
Avocat(s) : SELARL BOSSU et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2013-03-25;11pa05288 ?
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