Vu la requête, enregistrée le 10 juin 2011, présentée pour la SARL Léonard de Vinci II, dont le siège est 31, rue Mademoiselle à Paris (75015), par Me Castro ; la SARL Léonard de Vinci II demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0800522 du 29 mars 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2002 à 2004, et, d'autre part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2004, ainsi que des pénalités correspondantes ;
2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités contestées ;
3°) d'ordonner la levée du nantissement du fonds de commerce inscrit près le greffe du Tribunal de commerce de Paris en date du 19 novembre 2007 ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 février 2013 :
- le rapport de Mme Oriol, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Dhiver, rapporteur public,
- et les observations de Me Bouchenafa, substituant Me Castro, avocat de la SARL Léonard de Vinci II ;
1. Considérant que la SARL Léonard de Vinci II, qui exerce une activité de restauration nord-africaine à l'enseigne " Le vent de sable " à Paris (75015), a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle le service, d'une part, l'a assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt au titre des exercices clos en 2003 et 2004 et, d'autre part, lui a assigné des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2004 ; que la SARL Léonard de Vinci II relève appel du jugement en date du 29 mars 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et la levée du nantissement du fonds de commerce ;
Sur les conclusions tendant à la levée du nantissement du fonds de commerce :
2. Considérant que comme l'ont relevé les premiers juges, il n'appartient qu'à l'autorité judiciaire, juge de l'exécution, de se prononcer sur de telles conclusions ;
Sur le bien-fondé des impositions contestées :
En ce qui le rejet de comptabilité et la charge de la preuve :
3. Considérant qu'aux termes de l'article 54 du code général des impôts : " Les contribuables mentionnés à l'article 53 A sont tenus de représenter à toute réquisition de l'administration tous documents comptables, inventaires, copies de lettres, pièces de recettes et de dépenses de nature à justifier l'exactitude des résultats indiqués dans leur déclaration (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'un redressement, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière, lorsque le litige ou le redressement est soumis au juge " ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le vérificateur, après avoir réalisé des sondages sur des périodes de quatre et cinq mois non consécutifs portant sur les exercices contrôlés, a constaté des discordances entre les recettes mensuelles de la SARL Léonard de Vinci II comptabilisées à partir de ses encaissements en caisse et en banque et celles apparaissant sur ses bandes de caisse ; qu'il n'est pas utilement contesté que celles-ci n'ont pas contribué à la détermination de son chiffre d'affaires ; que dès lors qu'aucune autre pièce justificative des recettes n'a pu être présentée lors des opérations de contrôle, le vérificateur était fondé à estimer que les recettes avaient été inscrites en comptabilité sans pouvoir être justifiées ; qu'en outre, au cours de la période vérifiée, la comptabilité de la SARL Léonard de Vinci II n'a pas fait apparaître de ventilation de ses recettes selon le mode de paiement utilisé entre les ventes à consommer sur place et celles à emporter ; qu'enfin, la société vérifiée n'a pas davantage été en mesure de présenter au vérificateur l'état détaillé de ses stocks de fin d'exercice ; que contrairement à ce qu'affirme la requérante, ces lacunes ne sauraient être comblées par l'indication du montant et de la nature de sommes remises en banque ; qu'ainsi, et alors, en tout état de cause, que la doctrine administrative n° 4 G-3341 du 25 juillet 1998 ne donne pas une interprétation différente de la loi fiscale, l'administration a pu, à bon droit, tenir la comptabilité de la SARL Léonard de Vinci II pour non probante en ce qui concerne le montant des recettes et procéder à une reconstitution extra-comptable de ces dernières ; que le caractère non probant de la comptabilité ayant été confirmé par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires dans sa séance du 17 janvier 2007, il appartient, en conséquence et en application du deuxième alinéa de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, à la requérante d'apporter la preuve de leur caractère exagéré ;
En ce qui concerne la reconstitution de recettes :
5. Considérant, d'une part, que pour reconstituer le chiffre d'affaires de la SARL Léonard de Vinci II, le vérificateur a mis en oeuvre la méthode dite " des vins " à partir d'un échantillon représentatif des vins en bouteille les plus fréquemment proposés à la vente ; que le montant des vins achetés a été déterminé après exercice d'un droit de communication auprès des fournisseurs de la société et présumé égal à celui des vins revendus, en l'absence d'inventaire des stocks ; que, par ailleurs, à partir d'un sondage effectué sur les bandes de caisses enregistreuses, le service a considéré que les vins représentaient 9 % des recettes de la société ; qu'afin de tenir compte des observations de la société, le chiffre d'affaires reconstitué a été diminué des recettes fondées sur les formules " vins compris " des 2 000 repas de groupe annuels ; qu'enfin, une défalcation de 10 % a été effectuée afin de tenir compte, d'une part, de la consommation du personnel et du dirigeant et, d'autre part, des pertes et offerts ; que si la société soutient néanmoins que cette méthode est arbitraire et viciée dans son principe, elle ne l'établit pas en se bornant à soutenir que le pourcentage de consommation personnelle était supérieur à celui qui a été retenu, que le vin, d'origine nord-africaine, comportait une proportion inhabituellement élevée de bouteilles bouchonnées et qu'elle organisait des banquets et des ventes au détail au profit de ses meilleurs clients ; qu'elle ne l'établit pas davantage en produisant, à l'appui de ses allégations, des pièces dénuées de toute valeur probante, notamment des attestations manuscrites postérieures aux années en litige ; qu'il suit de là que la requérante ne peut être regardée comme établissant le caractère excessivement sommaire de la méthode retenue, laquelle a pris en compte les données propres à l'entreprise vérifiée connues du service ;
6. Considérant, d'autre part, que si la SARL Léonard de Vinci II a proposé au service une méthode alternative de reconstitution de son chiffre d'affaires fondée sur celle dite " des solides ", elle n'a assorti cette proposition d'aucune pièce justificative en se bornant à produire deux tableaux annuels ; qu'en tout état de cause, comme l'ont relevé les premiers juges, dès lors que la société n'a pu justifier des coefficients de marge qu'elle soutient avoir appliqués à chaque type de plats, sa méthode alternative ne saurait être regardée comme permettant une approche plus fine de la réalité que celle retenue par le service qui n'était pas tenu, en l'absence de toute disposition législative ou règlementaire le prévoyant, de recourir à plusieurs méthodes de reconstitution ; qu'en conséquence, la SARL Léonard de Vinci II n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, du caractère exagéré de la reconstitution de son chiffre d'affaires pour la période en litige ;
En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :
7. Considérant qu'aux termes du I de l'article 256 du code général des impôts : " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel " ; qu'aux termes de l'article 278 dudit code, dans sa rédaction alors applicable : " Le taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée est fixé à 19,60 % " ; qu'aux termes de l'article 278 bis du code général des impôts : " La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 5,50 % en ce qui concerne les opérations d'achat, d'importation, d'acquisition intracommunautaire, de vente, de livraison, de commission, de courtage ou de façon portant sur les produits suivants : (...) 2° produits destinés à l'alimentation humaine (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que les ventes à emporter de produits alimentaires sont soumises au taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée tandis que les ventes à consommer sur place sont soumises au taux normal ;
8. Considérant que, lorsqu'un redevable réalise des ventes passibles de la taxe sur la valeur ajoutée selon des taux différents et tient une comptabilité qui ne permet pas de distinguer entre ces différentes catégories de ventes, il est passible de la taxe au taux le plus élevé sur la totalité de ses recettes ;
9. Considérant que la SARL Léonard de Vinci II a déclaré des ventes à emporter soumises au taux réduit de 5,5 % pour plus de 20 % du montant total de ses recettes comptabilisées ; que, toutefois, sa comptabilité et ses bandes de caisse enregistreuse ne faisaient pas apparaître, ainsi qu'il a été dit, la répartition entre les ventes sur place et les ventes à emporter ; qu'en outre, la société requérante ne justifie pas de la part de ses ventes à emporter dans son chiffre d'affaires global en se bornant à produire deux factures d'achats de barquettes à emporter en date des 26 mars et 2 avril 2004 et à soutenir qu'elle aurait acquis des emballages et préparé des repas ayant vocation à être consommés hors de l'établissement ; qu'elle n'est donc pas fondée à se plaindre de ce que l'administration a retenu un montant annuel de ventes à emporter de 36 500 euros, correspondant à 100 euros par jour, et mis à sa charge, pour le surplus, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au taux normal ;
Sur les pénalités :
10. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) " ;
11. Considérant que compte tenu du caractère irrégulier de la comptabilité, de l'importance des rappels et rectifications notifiés en raison des minorations de recettes, du caractère répété de ces minorations sur l'ensemble de la période vérifiée et de la collecte par la SARL Léonard de Vinci II de la taxe sur la valeur ajoutée au taux réduit sur des ventes irrégulièrement regardées comme étant à emporter, l'administration doit être regardée comme établissant l'intention délibérée de l'intéressée d'éluder l'impôt pour des montants importants ; qu'il suit de là qu'elle était donc fondée à assortir les droits et impositions rappelés de la majoration de 40 % prévue par les dispositions de l'article 1729 du code général des impôts précité ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL Léonard de Vinci II n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de décharge, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2002 à 2004, et, d'autre part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2004, ainsi que des pénalités correspondantes ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la SARL Léonard de Vinci II la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SARL Léonard de Vinci II est rejetée.
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N° 11PA02652
Classement CNIJ :
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