Vu la requête, enregistrée le 15 mai 2012, présentée pour la société Cargill France SAS, dont le siège est 18/20 rue des Gaudines BP 8215 à Saint Germain en Laye (78108), par Me A... ; la société Cargill France SAS demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0903943/1 du 9 mars 2012 par lequel le Tribunal administratif de Melun a seulement fait droit à sa demande tendant à l'annulation de la décision du 25 mars 2009 par laquelle le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville a annulé la décision d'inaptitude prise par l'inspecteur du travail le 28 novembre 2008 à l'égard de Mme B...C..., en tant que le ministre s'est déclaré incompétent pour statuer sur l'aptitude de Mme C...à occuper un emploi ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite décision dans son ensemble et de confirmer la décision de l'inspecteur du travail ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ;
.....................................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 février 2013 :
- le rapport de Mme Renaudin, rapporteur,
- les conclusions de Mme Merloz, rapporteur public,
- et les observations de Me D..., pour la société Cargill France ;
1. Considérant que Mme B...C..., employée par la société Cargill France en qualité d'agent technique de production, a, à l'issue d'arrêts maladie, fait l'objet le 10 septembre 2008 d'un avis d'inaptitude du médecin du travail pris après deux examens médicaux ; qu'elle a contesté le 9 octobre 2008 l'avis du médecin du travail auprès de l'inspecteur du travail, en vertu de l'article L. 4624-1 du code du travail ; qu'elle a été licenciée par la société Cargill France le 30 octobre 2008 ; que l'inspecteur du travail a statué sur la demande de MmeC..., après avis du médecin inspecteur du travail, par décision du 28 novembre 2008, confirmant son inaptitude ; que saisi d'un recours hiérarchique de Mme C... contre la décision de l'inspecteur du travail du 28 novembre 2008, le ministre du travail, par décision du 25 mars 2009, d'une part, a annulé cette décision, et, d'autre part, s'est déclaré incompétent pour statuer à nouveau sur l'aptitude de Mme C...à occuper un emploi ; que la société Cargill France a contesté cette décision du ministre du travail devant le Tribunal administratif de Melun qui, par jugement du 9 mars 2012, a annulé cette décision en tant seulement que le ministre se déclarait incompétent pour statuer sur l'aptitude de Mme C... ; que la société Cargill France relève régulièrement appel de ce jugement en tant qu'il n'a fait que partiellement droit à sa demande ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'aucun principe juridique ne s'oppose à ce que le juge procède à l'annulation partielle d'une décision dès lors que les dispositions en cause sont divisibles de celles du reste de la décision ; que l'arrêté contesté du ministre du travail du 25 mars 2009 comportant deux décisions distinctes, soit celle par laquelle il a statué sur la légalité de la décision de l'inspecteur du travail et celle par laquelle il devait se prononcer à nouveau sur la situation de MmeC..., le juge de l'excès de pouvoir pouvait, après avoir jugé légale la décision du ministre du travail d'annuler la décision de l'inspecteur du travail, ne prononcer l'annulation de la décision du ministre qu'en tant que celui-ci s'était estimé incompétent pour se prononcer sur l'aptitude de Mme C...à un poste de travail ; que le moyen tiré de l'irrégularité du jugement en raison de l'annulation partielle de cette décision ne peut qu'être écarté ;
Au fond :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1226-2 du code du travail : " Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. / Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. / L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail. " et qu'aux termes de l'article L. 4624-1 du même code : " Le médecin du travail est habilité à proposer des mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge, à la résistance physique ou à l'état de santé physique et mentale des travailleurs. / L'employeur est tenu de prendre en considération ces propositions et, en cas de refus, de faire connaître les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite. / En cas de difficulté ou de désaccord, l'employeur ou le salarié peut exercer un recours devant l'inspecteur du travail. Ce dernier prend sa décision après avis du médecin inspecteur du travail. " ;
4. Considérant que le ministre du travail, par sa décision du 25 mars 2009, a annulé la décision de l'inspecteur du travail, au motif qu'elle était insuffisamment motivée et ne permettait pas à l'employeur d'envisager un aménagement de poste ou un reclassement de la salariée ; qu'il résulte en effet des dispositions précitées de l'article L. 1226-2 du code du travail que le médecin du travail doit indiquer, dans les conclusions écrites qu'il rédige à l'issue de visites médicales de reprise, les considérations de fait de nature à éclairer l'employeur sur son obligation de proposer au salarié un emploi approprié à ses capacités et notamment les éléments objectifs portant sur ces capacités qui le conduisent à recommander certaines tâches en vue d'un éventuel reclassement dans l'entreprise ou, au contraire, à exprimer des contre-indications ; qu'une telle obligation, qui peut être mise en oeuvre dans le respect du secret médical, s'impose également à l'inspecteur du travail lorsque celui-ci, en cas de difficulté ou de désaccord, est amené à statuer sur l'aptitude professionnelle du salarié ;
5. Considérant que la décision de l'inspecteur du travail du 28 novembre 2008 concluant à l'inaptitude de Mme C...au poste d'agent de production et à tout poste dans l'établissement de la Ferté-sous-Jouarre ne s'appuie que sur l'avis du médecin du travail qu'elle valide sur la forme et au fond, sans donner aucune explication sur les capacités de la salariée à travailler, ni sur les contre-indications pouvant restreindre ces dernières ; que si la société requérante fait valoir que l'avis du médecin du travail l'a suffisamment éclairée, préalablement à la décision de l'inspecteur du travail, sur l'étendue de son obligation de reclassement, dont elle a d'ailleurs tenu compte dans ses recherches de postes sur les différents sites de l'entreprise et du groupe, cet avis lui-même se borne à indiquer que la salariée est définitivement inapte à la situation de travail sans possibilités de reclassement sur le site de la Ferté-sous-Jouarre ; que s'il précise cependant qu'un poste de reclassement pouvait être proposé à Mme C...sur un autre site de l'entreprise ou du groupe, il n'indique pas les tâches que cette dernière serait susceptible d'exercer en fonction de ses capacités ; que dès lors le ministre du travail a pu légalement estimer que la décision de l'inspecteur du travail, qui au surplus ne reprend pas la possibilité retenue par le médecin du travail de proposer un poste géographiquement différent à MmeC..., ne permettait pas à l'employeur d'envisager un aménagement de poste ou un reclassement de la salariée ; que les premiers juges ont donc à bon droit rejeté la demande d'annulation de la décision du ministre du travail formée par la société Cargill France, en tant qu'elle annule la décision de l'inspecteur du travail pour défaut de motivation ;
6. Considérant que, lorsqu'il est saisi d'un recours hiérarchique contre une décision de l'inspecteur du travail statuant sur la contestation de l'avis émis par le médecin du travail sur l'aptitude d'un salarié à exercer ses fonctions, le ministre compétent doit, soit confirmer cette décision, soit, si celle-ci est illégale, l'annuler puis se prononcer de nouveau sur l'aptitude du salarié en tenant compte des circonstances de droit et de fait prévalant à la date à laquelle il prend sa propre décision ;
7. Considérant que les dispositions du code du travail précitées n'impliquent pas que la contestation présentée par le salarié ou l'employeur devant l'inspecteur du travail, sur le fondement de l'article L. 4624-1 du code du travail, de l'avis émis par le médecin du travail sur l'aptitude du salarié à occuper son emploi doive, à peine d'irrecevabilité, être introduite avant que le licenciement du salarié déclaré inapte ait pris effet ; que, de même, la circonstance que le salarié ait été licencié à la date à laquelle statue l'autorité administrative n'altère pas sa compétence pour connaître de cette contestation ; que, par suite, le ministre s'est à tort déclaré incompétent pour statuer sur l'aptitude de la salariée, après avoir annulé la décision de l'inspecteur du travail au motif que celle-ci avait été licenciée lorsqu'il a pris la décision litigieuse ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Cargill France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun n'a fait droit à sa demande tendant à l'annulation de la décision du 25 mars 2009 du ministre du travail qu'en tant que celui-ci s'est déclaré incompétent pour statuer sur l'aptitude de Mme C... à occuper un emploi ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par la société Cargill France doivent dès lors être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société Cargill France SAS est rejetée.
''
''
''
''
5
N° 10PA03855
2
N° 12PA02159