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31/01/2013 | FRANCE | N°12PA03632

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre, 31 janvier 2013, 12PA03632


Vu la requête, enregistrée le 21 août 2012, présentée par le préfet de police ; le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°1208814/5-2 du 19 juillet 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande de M. B...A..., d'une part, en annulant l'arrêté du 24 avril 2012 refusant de lui renouveler son titre de séjour en qualité de commerçant, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination, d'autre part, en lui enjoignant de délivrer à l'intéressé un titre de séjour portant la mention " vi

e privée et familiale " dans un délai de trois mois à compter de la notifica...

Vu la requête, enregistrée le 21 août 2012, présentée par le préfet de police ; le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°1208814/5-2 du 19 juillet 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande de M. B...A..., d'une part, en annulant l'arrêté du 24 avril 2012 refusant de lui renouveler son titre de séjour en qualité de commerçant, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination, d'autre part, en lui enjoignant de délivrer à l'intéressé un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement, enfin en mettant à la charge de l'Etat la somme de 1 250 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande de M. A...devant le Tribunal administratif de Paris ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 janvier 2013 :

- le rapport de Mme Folscheid, rapporteur,

- et les conclusions de Mme Merloz, rapporteur public ;

1. Considérant que M. B...A..., né le 5 juin 1954 et de nationalité sud-coréenne, entré en France le 31 mai 2003 muni d'un visa long séjour, titulaire d'un titre de séjour " commerçant " délivré initialement le 18 juin 2003 et régulièrement renouvelé jusqu'au 12 mars 2012, a sollicité le 8 mars 2012 le renouvellement de ce titre sur le fondement du 2° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile afin de continuer à exercer l'activité de gérant de la société " CetK International " sise 64, rue Emeriau à Paris 15ème; que par un arrêté du 24 avril 2012, le préfet de police a rejeté sa demande de renouvellement aux motifs que, en contravention de l'article R. 313-36-1 du code précité, M. A... ne justifie pas avoir perçu de son activité commerciale des ressources d'un niveau équivalent au salaire minimum de croissance correspondant à un emploi à temps plein, que son avis d'impôt sur les revenus de l'année 2010 fait apparaître 1 836 euros de salaires déclarés et que l'expert-comptable de la société atteste le 5 mars 2012 que l'intéressé n'a perçu aucune rémunération en 2011 ; que le préfet a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a décidé qu'à l'expiration de ce délai, l'intéressé pourrait être reconduit d'office à la frontière à destination du pays dont il a la nationalité ou de tout pays où il est légalement admissible ; que par un jugement du 19 juillet 2012 dont le préfet de police demande l'annulation, le Tribunal administratif de Paris, faisant droit à la demande de M.A..., a annulé l'arrêté comme ayant méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur les conclusions du préfet de police dirigées contre le jugement du Tribunal administratif de Paris :

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : (...) 2° A l'étranger qui vient exercer une profession commerciale, industrielle ou artisanale, à condition notamment qu'il justifie d'une activité économiquement viable et compatible avec la sécurité, la salubrité et la tranquillité publiques et qu'il respecte les obligations imposées aux nationaux pour l'exercice de la profession envisagée.(...)" ; qu'aux termes de l'article R. 313-36-1 du code précité : " L'étranger qui sollicite le renouvellement de la carte de séjour temporaire délivrée au titre des dispositions du 2° de l'article L. 313-10 doit justifier qu'il continue de satisfaire aux conditions requises par lesdites dispositions. L'étranger admis au séjour pour créer une activité ou une entreprise produit à cet effet tout document établissant qu'il a réalisé son projet et que les ressources qu'il en tire sont d'un niveau équivalent au salaire minimum de croissance correspondant à un emploi à temps plein. L'étranger qui participe à une activité ou à une entreprise existante produit tout document établissant que les ressources qu'il en tire atteignent un niveau équivalent au salaire minimum de croissance correspondant à un emploi à temps plein. (...) " ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

4. Considérant que M. A...ayant demandé le renouvellement de son titre de séjour en qualité de commerçant, le préfet était tenu d'apprécier la situation du requérant au regard des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile régissant la délivrance d'une carte de commerçant ; que, dans le cadre de cette appréciation, il lui appartenait notamment d'apprécier si l'activité que M. A...se proposait d'exercer était économiquement viable ; que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ci-dessus reproduites, sont, par elles-mêmes, sans incidence sur l'appréciation par l'administration des justifications de la qualité de commerçant apportées par M. A...et ce alors même que le préfet a surabondamment apprécié la situation du requérant au regard de ces stipulations ; que, par suite, le préfet de police est fondé à soutenir c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé en toutes ses dispositions son arrêté du 24 avril 2012 en retenant le moyen tiré de la méconnaissance desdites stipulations qui est inopérant pour contester le refus de délivrance d'un titre de séjour en qualité de commerçant ;

5. Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...devant le Tribunal administratif de Paris et devant la Cour ;

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté :

En ce qui concerne la légalité du refus de titre de séjour :

6. Considérant, que par un arrêté n°2012-00242, régulièrement publié au bulletin municipal officiel de la ville de Paris du 12 mars 2012, le préfet de police a donné à M. Christophe Besse, conseiller d'administration de l'intérieur et de l'outre-mer, chef du 6ème bureau, délégation pour signer notamment les décisions de refus de titre de séjour ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le signataire de la décision attaquée n'aurait pas été titulaire d'une délégation régulière manque en fait ;

7. Considérant que le préfet de police a rejeté la demande de renouvellement de la carte de séjour de M. A...l'autorisant à exercer une activité professionnelle aux motifs, ainsi qu'il a été dit, que ce dernier, en contravention de l'article R. 313-36-1 du code précité, ne justifie pas avoir perçu de son activité commerciale des ressources d'un niveau équivalent au salaire minimum de croissance correspondant à un emploi à temps plein, que son avis d'impôt sur le revenu de l'année 2010 fait apparaître 1 836 euros de salaires déclarés et que l'expert-comptable de la société atteste le 5 mars 2012 que l'intéressé n'a perçu aucune rémunération en 2011 ; que le requérant, qui admet dans sa demande de première instance que les ressources tirées de l'activité de la société " CetK International " étaient insuffisantes pour les années 2010 et 2011 au regard des critères prévus par les textes, ne conteste pas utilement le bien fondé de ces motifs en se bornant à faire valoir qu'il justifie du sérieux dans le développement et la mise en place de nouveaux projets pour sa société " CetK International " ainsi que de ressources personnelles et distinctes, issues de son capital en Corée et de la vente d'un appartement de son épouse le 15 avril 2011 dans son pays d'origine ; qu'il n'est, par suite, pas fondé à soutenir que le préfet de police aurait méconnu les dispositions précitées du 2° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

8. Considérant que M. A...ne saurait utilement, pour soutenir que la décision attaquée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation, se prévaloir de la circulaire du 29 octobre 2007, relative à la procédure applicable aux ressortissants étrangers projetant d'exercer sur le territoire français une profession commerciale, industrielle ou artisanale, dès lors que celle-ci est dépourvue de valeur réglementaire ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions de M. A...tendant à l'annulation de la décision du préfet de police du 24 avril 2012 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour doivent être rejetées ; que le préfet de police est par suite fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif lui a enjoint de délivrer à M A...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ;

En ce qui concerne la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par M.A... :

10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...et son épouse sont entrés régulièrement en France le 31 mai 2003, munis de visa de long séjour, accompagnés de leurs jumeaux nés le 18 octobre 1993 ; que M. A...séjourne régulièrement depuis près de 9 ans sur le territoire sous couvert d'un titre de séjour " commerçant " qui lui a été accordé le 18 juin 2003, puis renouvelé chaque année jusqu'au 12 mars 2012, d'abord pour exercer les fonctions de directeur général de la société " Hyundai Corporation " située à Paris, puis, à partir de février 2004, pour occuper les fonctions de gérant de sa propre entreprise " CetK International " ; que son épouse a toujours été munie d'un titre de séjour " visiteur " depuis son arrivée en France ; que les deux enfants du couple, entrés sur le territoire national à l'âge de 9 ans, y résident régulièrement depuis lors et sont munis depuis leur majorité d'un titre de séjour mention " vie privée et familiale " en application des dispositions du 2° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que ces enfants ont d'abord suivi un enseignement bilingue en français et en anglais et que leurs bulletins de notes confirment le sérieux et la qualité de leur scolarité ; qu'en effet, le 3 juillet 2008, le fils du requérant a obtenu le diplôme national du brevet avec mention " assez bien " et qu'à la date de la décision contestée, il poursuivait ses études en classe de terminale scientifique 2 au lycée privé Saint-Sulpice à Paris ; que sa fille a acquis un niveau suffisant en langues française et anglaise pour intégrer l'école hôtelière " Eshotel Paris " pour l'année 2011/2012 en première année, dite " mise à niveau de BTS " ; qu'à la date de la décision contestée, elle effectuait son stage de première année au sein de l'établissement " Hôtel Four Seasons Resort Provence " à Cannes ; que si le préfet relève que la fille du requérant aurait effectué une année d'étude à l'étranger, cette année d'étude fait partie de son cursus scolaire ; que par ailleurs les époux A...ont vendu leurs biens immobiliers en Corée pour fixer leur résidence familiale à Paris, dans l'appartement qu'ils occupent avec leurs enfants, appartement de 375 m2 acquis dès le 5 avril 2004, situé au 60, rue Emeriau à Paris (15ème) ; qu'ils justifient en outre être en règle au regard de leurs obligations fiscales ; qu'enfin, sur le plan personnel M. A...préside l'association cultuelle " Eglise Presbytérienne Sonnan de Paris " depuis le mois de septembre 2006 et organise, dans le cadre de cette association, des distributions de repas aux plus démunis et des cours de soutien en langue française au profit de ses compatriotes ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble de ces circonstances, de l'intensité, de l'ancienneté et la stabilité des liens familiaux en France de M. A..., de son épouse et de leurs deux enfants qui y poursuivent leurs études, de leur intégration, de la durée et des conditions régulières de leur séjour en France, la décision portant obligation de quitter le territoire français a porté une atteinte disproportionnée au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 19 juillet 2012, le Tribunal administratif de Paris a annulé ses décisions du 24 avril 2012 faisant obligation à M. A...de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi ;

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

12. Considérant qu'il y a lieu, sans assortir cette injonction d'une astreinte, d'enjoindre au préfet de police de se prononcer à nouveau sur la situation de M. A...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; que, compte tenu des dispositions de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français prononcée par le présent arrêt implique nécessairement que l'intéressé soit muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce qu'il ait ainsi été de nouveau statué sur sa situation ;

Sur les conclusions de M. A...tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : L'article 1er du jugement du 19 juillet 2012 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a annulé l'arrêté du 24 avril 2012 refusant de renouveler le titre de séjour de M. A...et l'article 2 enjoignant au préfet de police de délivrer à M. A...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de réexaminer la situation administrative de M. A...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer durant cette période une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête présentées par le préfet de police est rejeté.

Article 4 : L'Etat versera à M. A...une somme de 1 000 euros en application de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 10PA03855

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N° 12PA03632


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3 ème chambre
Numéro d'arrêt : 12PA03632
Date de la décision : 31/01/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VETTRAINO
Rapporteur ?: Mme Bénédicte FOLSCHEID
Rapporteur public ?: Mme MERLOZ
Avocat(s) : DUPUY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2013-01-31;12pa03632 ?
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