La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/01/2013 | FRANCE | N°12PA02084

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre, 17 janvier 2013, 12PA02084


Vu la requête, enregistrée le 10 mai 2012, présentée pour M. A... C..., demeurant..., par Me D... ; M. C... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100218 du 9 février 2012 par lequel le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite du président du Congrès de la Nouvelle-Calédonie rejetant sa demande, formée le 21 octobre 2010, d'indemnisation du préjudice résulté des déconventionnements prononcés à son encontre par le comité de gestion du risque ;

2°) de condamner le territoire d

e Nouvelle-Calédonie à lui verser la somme de 98 478 789,40 francs CFP (827 552,85 ...

Vu la requête, enregistrée le 10 mai 2012, présentée pour M. A... C..., demeurant..., par Me D... ; M. C... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100218 du 9 février 2012 par lequel le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite du président du Congrès de la Nouvelle-Calédonie rejetant sa demande, formée le 21 octobre 2010, d'indemnisation du préjudice résulté des déconventionnements prononcés à son encontre par le comité de gestion du risque ;

2°) de condamner le territoire de Nouvelle-Calédonie à lui verser la somme de 98 478 789,40 francs CFP (827 552,85 euros) en réparation du préjudice que lui ont causé ces décisions illégales de déconventionnements ;

3°) de mettre à la charge du territoire de Nouvelle-Calédonie une somme de 4 784 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la délibération n° 490 modifiée du congrès de la Nouvelle-Calédonie du 11 août 1994 portant plan de promotion de la santé et de maîtrise des dépenses de soins sur le territoire de Nouvelle-Calédonie ;

Vu la délibération n° 34 du 22 août 1996 du congrès du territoire de la

Nouvelle-Calédonie, portant plan de redressement du régime prévoyance de la CAFAT ;

Vu la convention médicale modifiée, conclue le 17 décembre 1997 entre, d'une part, la CAFAT, la mutuelle des fonctionnaires, les provinces, la mutuelle des commerçants et la mutuelle SNL et, d'autre part, le syndicat des médecins libéraux de Nouvelle-Calédonie, approuvée par la délibération n° 123 du 28 juillet 1998 du congrès de la Nouvelle-Calédonie, reconduite tacitement, approuvée par la délibération n° 094/CP du 7 mai 2002 de la commission permanente du congrès de la Nouvelle-Calédonie ;

Vu le code de justice administrative dans sa version applicable en Nouvelle-Calédonie ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 janvier 2013 :

- le rapport de Mme Renaudin, rapporteur,

- les conclusions de Mme Merloz, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., pour le Congrès de Nouvelle-Calédonie ;

1. Considérant que M. A... C..., médecin, a, après avoir dirigé ses conclusions à l'encontre de la caisse de compensation des prestations familiales, des accidents du travail et de la prévoyance des travailleurs (CAFAT) par une première requête introduite devant le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, recherché la responsabilité de la Nouvelle-Calédonie devant ce même tribunal à raison des conséquences de trois décisions illégales de déconventionnement prises à son encontre et annulées par la juridiction administrative, soit, d'une part, les décisions des 5 avril et 18 octobre 2002 portant suspension de conventionnement d'un an, puis déconventionnement, prises par le comité de gestion du risque, annulées par jugement du 19 mars 2003 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, confirmé le 28 mai 2007 par un arrêt de la Cour devenu définitif, et, d'autre part, la décision du 5 mai 2003 du directeur de la CAFAT redonnant leur plein effet aux deux décisions précitées, annulée

elle-même par jugement du 19 août 2004 du même tribunal administratif ; que M. C... estime avoir subi un préjudice résultant de ces décisions, consistant principalement en une perte de revenus, une perte de clientèle et un préjudice moral, qu'il estime à la somme de 98 478 789,40 francs CFP ; que par jugement du 9 février 2012 dont M. C... relève régulièrement appel, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation de ces préjudices par la Nouvelle-Calédonie ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par le Congrès de la Nouvelle-Calédonie ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la délibération susvisée n° 34 du 22 août 1996 du congrès du territoire de la Nouvelle-Calédonie, portant plan de redressement du régime prévoyance de la CAFAT : " Afin de permettre d'accroître le partenariat entre les organismes de protection sociale associés au dispositif conventionnel de la maîtrise médicalisée des dépenses institué par la délibération modifiée n° 490 du 11 août 1994, il est créé un comité de la gestion du risque composé des représentants de chaque organisme. / Ce comité se réunit : (...) ; / - en formation technique, sur convocation du directeur de la CAFAT ou sur demande des deux organismes de protection sociale ou du directeur territorial des affaires sanitaires et sociales. Cette formation est composée des directeurs des organismes de protection sociale et des services de santé provinciaux ou de leur représentant dûment mandaté. / Conformément à l'article 20 de la délibération n° 490 du 11 août 1994, la CAFAT est chargée de la conduite de ce dispositif et préside, de droit, les réunions des formations du comité de gestion du risque. " ;

3. Considérant que le comité de la gestion du risque ayant été institué par le territoire de la Nouvelle-Calédonie par la délibération précitée, et cet organisme étant dépourvu de personnalité juridique, ses décisions engagent la responsabilité de la Nouvelle-Calédonie comme en ont jugé à bon droit les premiers juges ;

4. Considérant que les décisions des 5 avril et 18 octobre 2002 prises par le comité de gestion du risque ont été jugées illégales et annulées par les décisions juridictionnelles rappelées ci-dessus, en raison de l'incompétence de cet organisme pour prononcer les sanctions déterminées par la convention médicale conclue le 17 décembre 1997, encourues par les médecins en cas de non respect des tarifs et des dispositions conventionnelles, lesquelles ne relèvent que des organismes de protection sociale pris individuellement ;

5. Considérant que la décision du 5 mai 2003 du directeur de la CAFAT notifiant à M. C... un préavis au terme duquel les décisions des 5 avril et 18 octobre 2002 précitées du comité de la gestion du risque reprendraient leur plein effet, et par laquelle son auteur a ainsi agi au nom du comité de la gestion du risque dont il remettait en vigueur les décisions initiales, ont été jugées illégales et annulées par jugement du 19 août 2004 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, en raison de la même incompétence, et également de l'absence de respect des droits de la défense et en particulier de ceux prévus par la procédure de l'article 42 de la convention médicale précitée ;

6. Considérant que, si l'illégalité des décisions annulées est constitutive de fautes susceptibles d'engager la responsabilité de la puissance publique, ladite illégalité ne saurait donner lieu à réparation si ces décisions auraient pu légalement être prises par l'autorité compétente au terme d'une procédure régulière ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article 42 de la convention médicale du 17 décembre 1997 : " Non-respect des tarifs et des dispositions conventionnelles

- Paragraphe 1. - Lorsqu'un médecin ne respecte pas les dispositions de la convention, il peut, après mise en oeuvre des procédures prévues à la présente section, encourir les mesures suivantes : - (...) suspension du conventionnement avec ou sans sursis ; - déconventionnement.

- (...) Les suspensions du conventionnement sont également d'un mois, trois mois, six mois ou un an, suivant l'importance des griefs. Elles peuvent être assorties d'un sursis sans confusion des mesures précitées en cas de nouvelle suspension. La suspension du conventionnement peut également, dans des cas exceptionnels, être prononcée pour la durée de la convention. - Toute suspension du conventionnement entraîne suspension de la participation de la CAFAT au financement des cotisations sociales du médecin pour une durée égale à celle de la mise hors convention. - Paragraphe 2-A. - En cas de manquements répétés aux règles conventionnelles à caractère purement administratif ou financier, et notamment : - non-respect de tarifs opposables ; - non-respect des dispositions générales de la nomenclature des actes professionnels ; - non-respect des règles de remplissage des feuilles de soins et imprimés en vigueur ; - fausse facturation actes fictifs, double facturation (...) - Les organismes de protection sociale peuvent appliquer l'une des mesures prévues au paragraphe 1 du présent article à l'encontre du médecin concerné. Ils doivent au préalable communiquer leurs constatations audit médecin qui dispose d'un délai d'un mois pour présenter ses observations éventuelles ou être entendu à sa demande par les directeurs des caisses ou leurs représentants ; le médecin peut se faire assister par un confrère de son choix. (...) - Paragraphe 2-B. - En cas de manquements aux règles conventionnelles à caractère essentiellement médical, notamment :

- non-respect répété de la nomenclature générale des actes professionnels, sauf en ce qui concerne les dispositions générales visées au paragraphe 2-A ; - non-respect du tact et de la mesure des règles de formulation des ordonnances ; - non-respect répété des règles de suivi des malades atteints d'une affection exonérante ; - non-respect répété des règles de coordination et de continuité des soins ; non-respect des références médicales opposables. - la ou les parties intéressées transmettent le relevé de leurs constatations au comité médical paritaire. - Devant le mois suivant la transmission du relevé par l'organisme de protection sociale ou le syndicat, le comité médical paritaire communique au médecin les motifs de la plainte et l'informe des procédures pouvant être suivies à son encontre. Il l'invite à faire connaître ses observations dans le mois qui suit cette notification et, s'il y a lieu, lui adresse une mise en garde. - Le médecin peut, à sa demande, être entendu et se faire assister par un confrère de son choix. - Si après une nouvelle période de deux mois à l'issue des délais précédents, les organismes de protection sociale constatent que le médecin persiste dans son attitude, ils peuvent, après avis technique du comité médical paritaire pris dans un délai d'un mois, décider d'appliquer l'une des mesures prévues au paragraphe 1 du présent article. Cette décision est notifiée par la CAFAT au médecin concerné. " ;

S'agissant de la décision du 5 avril 2002 portant suspension de conventionnement pour une durée d'un an et sa remise en vigueur par la décision du 5 mai 2003 :

8. Considérant que la décision du 5 avril 2002 a été prise en raison des anomalies à caractère administratif relevées dans l'exercice de l'activité du DocteurC..., soit le

non-respect de la formalité de l'entente préalable, la facturation de visites à domicile au lieu de consultations au cabinet, la signature de plusieurs feuilles de soins pour un même acte et l'absence ou l'insuffisance de réponse au contrôle médical concernant des demandes de comptes rendus d'examen ; que si M. C... fait valoir que le contrôle médical aurait abusivement recueilli les témoignages de ses patients à son encontre, il n'établit pas ainsi que les abus d'actes qui ont été relevés à son encontre de manière répétitive à l'issue d'un suivi de sa pratique pendant plusieurs années, seraient matériellement inexacts ; que s'il prétend qu'il n'a pas pu se défendre pour contester les griefs qui lui étaient reprochés, il résulte de l'instruction qu'il a été mis à même de consulter les témoignages recueillis par le comité médical paritaire, qu'il a produit lui-même des contre-témoignages à ces derniers et qu'il a pu présenter ses observations devant le comité de gestion du risque avant que celui-ci ne décide d'une sanction à son encontre ; qu'il n'est donc pas fondé à soutenir que les décisions litigieuses n'auraient pas été prises s'il avait pu faire valoir sa défense ; que les faits reprochés à M. C..., pour lesquels ce dernier ne peut en tout état de cause se prévaloir de la loi n° 2002-1062 du 6 août 2002 portant amnistie, laquelle exclut les faits constituant des manquements à l'honneur et à la probité de l'amnistie des sanctions professionnelles, sont de nature à justifier le prononcé d'une sanction de suspension de conventionnement d'une durée d'une année, laquelle n'est pas disproportionnée au regard de la multiplicité et de la répétition des manquements commis ; que si les deux décisions de suspension de conventionnement des 5 avril 2002 et 5 mai 2003 sont entachées d'une illégalité fautive, elles auraient donc pu légalement être prises par l'autorité compétente au terme d'une procédure régulière et ne sauraient donner lieu à réparation ;

S'agissant de la décision du 18 octobre 2002 portant déconventionnement et sa remise en vigueur par la décision du 5 mai 2003 :

9. Considérant que par un jugement du 6 mars 2008, devenu définitif, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a jugé que ni la décision du 20 janvier 2003 portant déconventionnement ni sa " réactivation " par la décision du 5 mai 2003 n'ayant été précédées d'une mise en garde du comité médical et de la période d'observation de deux mois du praticien poursuivi à l'issue de laquelle peut être prise ce type de sanction, conformément aux prescriptions du paragraphe 2B de l'article 42 de la convention médicale du 17 décembre 1997, l'irrégularité ainsi commise avait eu une incidence déterminante sur la décision du comité de gestion du risque, qui n'aurait pu légalement être prise au terme d'une procédure régulière ;

10. Considérant qu'admettant dès lors l'existence d'un droit à réparation pour M. C..., c'est sur ce fondement que ce dernier a été indemnisé par le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie des préjudices résultant de l'illégalité fautive de ces deux décisions de déconventionnement au titre de ses pertes de revenus à hauteur de 6 500 000 francs CFP pendant la période au cours de laquelle il a été placé hors convention, ainsi que de son préjudice moral et de ses troubles dans les conditions d'existence résultant du discrédit et de l'atteinte portés à sa réputation professionnelle à hauteur de 1 500 000 francs CFP ;

11. Considérant que si M. C... fait valoir qu'il recherche la responsabilité de la Nouvelle-Calédonie, alors que c'est la CAFAT qui a été condamnée à l'indemniser par le jugement du 6 mars 2008, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé, en vertu du principe selon lequel une victime ne peut être indemnisée deux fois pour les mêmes préjudices, que l'intéressé ne justifiait pas de préjudices autres que ceux qui avaient ainsi été réparés, et rejeté sa demande ;

12. Considérant que c'est également à bon droit que les premiers juges ont considéré que M. C... ne pouvait se prévaloir des effets des décisions litigieuses, à défaut de les établir, au-delà de la période au cours de laquelle elles ont été exécutées, qui a pris fin le 1er décembre 2003, date à laquelle elles ont été suspendues par ordonnance du juge des référés du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ; qu'en effet si la portée de ces décisions s'est prolongée selon M. C... par la mise en oeuvre d'une information publique sur son déconventionnement dans les locaux du contrôle médical organisée par la CAFAT, les attestations qu'il produit ne sont pas suffisantes pour démontrer que cet organisme, à qui il n'appartenait pas d'assurer une publicité aux décisions de justice suspendant ou annulant les sanctions litigieuses, aurait poursuivi cette information après le 1er décembre 2003 ; que, de même, M. C... n'établit pas que la baisse de niveau de ses honoraires à compter de l'année 2004 jusqu'à la fin de son activité en 2009 serait imputable à des pertes définitives de clientèle trouvant leur origine dans la réactivation des sanctions litigieuses par le directeur de la CAFAT à compter du 5 juin 2003 ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la Nouvelle-Calédonie à réparer les préjudices que lui ont causé les décisions illégales de déconventionnement prononcées à son encontre par le comité de gestion du risque ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par M. C... doivent dès lors être rejetées ;

15. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par le Congrès de la Nouvelle-Calédonie et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : M. C... versera au Congrès de la Nouvelle-Calédonie une somme de

2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

''

''

''

''

5

N° 10PA03855

4

N° 12PA02084


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3 ème chambre
Numéro d'arrêt : 12PA02084
Date de la décision : 17/01/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme VETTRAINO
Rapporteur ?: Mme Mathilde RENAUDIN
Rapporteur public ?: Mme MERLOZ
Avocat(s) : CAVIGLIOLI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2013-01-17;12pa02084 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award