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31/12/2012 | FRANCE | N°11PA04443

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre, 31 décembre 2012, 11PA04443


Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 octobre 2011 et 1er février 2012, présentés pour l'agence polynésienne de diffusion, dont le siège social est sis Vallée de Tipaerui BP 334 à Papeete (98713), par Me Eftimie-Spitz ; l'agence polynésienne de diffusion demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100169 du 30 juin 2011 par lequel le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté n° 2395/CM du 23 décembre 2010 portant modification de l'arrêté n° 171 CM du 7 février 1992 ;r>
2°) d'annuler ledit arrêté n° 2395/CM du 23 décembre 2010 ;

3°) de mettre à la ...

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 octobre 2011 et 1er février 2012, présentés pour l'agence polynésienne de diffusion, dont le siège social est sis Vallée de Tipaerui BP 334 à Papeete (98713), par Me Eftimie-Spitz ; l'agence polynésienne de diffusion demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100169 du 30 juin 2011 par lequel le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté n° 2395/CM du 23 décembre 2010 portant modification de l'arrêté n° 171 CM du 7 février 1992 ;

2°) d'annuler ledit arrêté n° 2395/CM du 23 décembre 2010 ;

3°) de mettre à la charge de la Polynésie française la somme de 300 000 F CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision 2001/822/CE du 27 novembre 2001 du Conseil relative à l'association des pays et territoires d'outre-mer à la Communauté européenne ;

Vu la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 modifiée portant statut d'autonomie de la Polynésie française ;

Vu la loi n° 2004-193 du 27 février 2004 complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française ;

Vu la décision 2969 AE du 21 août 1981 relative aux prix et marges applicables aux livres, articles scolaires et articles de papeterie commercialisés sur le territoire ;

Vu l'arrêté n° 171 CM du 7 février 1992 fixant le régime général des prix et des marges des produits aux différents stades de la commercialisation dans le territoire ;

Vu l'arrêté n° 489 CM du 10 avril 2007 modifiant l'arrêté n° 171 CM du 7 février 1992 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 décembre 2012 :

- le rapport de Mme Folscheid, rapporteur,

- et les conclusions de Mme Merloz, rapporteur public ;

1. Considérant que, par la décision susvisée du 21 août 1981, le conseil de gouvernement de la Polynésie française a fixé le prix maximal de vente de tout livre, article scolaire et article de papeterie, le montant maximal de la marge globale réglementée et la liste des produits soumis à la marge maximale de 50% ; que cette décision a été intégrée à l'arrêté du 7 février 1992 établissant une réglementation générale des prix et des marges des produits aux différents stades de la commercialisation dans le territoire ; que les annexes 1 et 2 de cet arrêté, fixant respectivement la liste des produits de première nécessité et la liste des produits de grande consommation, ont été remplacées par un nouvel arrêté du 10 avril 2007 ; que notamment l'annexe 2 B relative aux produits non alimentaires de grande consommation retient désormais, pour les articles scolaires, une liste de 17 rubriques correspondant à des familles d'articles dont la marge globale est fixée à 50% à l'exception des rubriques " livres scolaires " et " cahiers scolaires " où elle est fixée à 33,33%, la marge des " autres livres et articles de papeterie " étant libre ; que l'arrêté du 23 décembre 2010, qui a abrogé la décision du 21 août 1981, a modifié à nouveau l'annexe 2 B en spécifiant les caractéristiques de certains articles déjà listés et en complétant la liste par six nouveaux articles scolaires ; que l'agence polynésienne de diffusion, qui exerce une activité de distribution dans les secteurs de la papeterie et de la librairie, a saisi le Tribunal administratif de la Polynésie française d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 23 décembre 2010 ; que cette demande a été rejetée par jugement du 30 juin 2011 dont cette société relève régulièrement appel par la présente requête ;

Sur la légalité de l'arrêté n° 2395 CM du 23 décembre 2010 :

En ce qui concerne les erreurs de droit :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 10 de l'arrêté susvisé du 7 février 1992 : " Sont considérés comme produits de grande consommation, les produits alimentaires ou industriels importés figurant à l'annexe 2 du présent texte au regard d'un numéro de nomenclature douanière. Sont également considérés comme produits de grande consommation, les produits locaux mentionnés comme tels à l'annexe 2 du présent texte." ; que l'annexe 2 B de cet arrêté, reprise par l'arrêté susvisé du 10 avril 2007 et l'arrêté litigieux du 23 décembre 2010, mentionne les articles scolaires comme étant au nombre des produits de grande consommation ;

3. Considérant que l'agence polynésienne de diffusion soutient que les articles scolaires visés dans l'annexe 2 B telle que modifiée par l'arrêté attaqué du 23 décembre 2010 ne sont pas référencés dans la nomenclature douanière, en violation des dispositions précitées de l'article 10 de l'arrêté du 7 février 1992 ; que toutefois la Polynésie française soutient, sans être contestée sur ce point, que depuis que les marges des articles scolaires sont réglementées, il n'a jamais été fait référence à des numéros de nomenclature douanière ; qu'à supposer même que l'annexe 2 B de l'arrêté du 7 février 1992 comportât, dans sa version originelle, l'indication pour chaque article d'un numéro de la nomenclature douanière, il est constant que cette mention n'a pas été reprise dans la nouvelle rédaction de l'annexe 2 B issue de l'arrêté du 10 avril 2007 dont la requérante n'a pas contesté la légalité ; qu'en tout état de cause, et ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif, le référencement des produits par rapport à cette nomenclature ne constituait pas une condition de validité de l'annexe ; que, par suite, l'absence de référence à la nomenclature douanière est sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué ;

4. Considérant, en deuxième lieu, et ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif, qu'il appartient à la Polynésie française, sans que sa compétence ne soit autrement restreinte que par les seules limites qu'elle s'est fixée, de déterminer parmi les produits de grande consommation ceux des articles scolaires dont la marge doit être encadrée ou plafonnée ; que la liste figurant à l'annexe 2 B telle que modifiée par l'arrêté litigieux identifie clairement les articles en cause, dont la dénomination est plus précise que celle retenue dans la liste résultant de l'arrêté du 10 avril 2007 qui énumérait des articles correspondant à des familles de produits et non à un produit déterminé ; que la requérante ne saurait sérieusement soutenir que l'identification des articles telle qu'elle est ainsi opérée par l'arrêté attaqué serait sujette à contestation ; que la circonstance que la liste résultant de cet arrêté serait plus large que celle figurant dans un courriel du service des affaires économiques de la Polynésie française du 19 juin 2007 est sans incidence dès lors que ce courriel, qui n'a fait l'objet d'aucune publication, est dépourvu de toute valeur juridique ;

5. Considérant, en troisième lieu, que la société appelante fait valoir que la liste litigieuse englobe de nombreux autres produits qui ne sont pas destinés à l'activité scolaire mais qui constituent des fournitures de bureau à l'usage des entreprises ou des particuliers ; qu'elle ne démontre toutefois pas que ces produits ne sont pas également utilisés dans le milieu scolaire ; que son affirmation selon laquelle seuls les articles figurant sur les listes demandées par les établissements scolaires peuvent être regardés comme articles scolaires est dénuée de toute pertinence et contredit même les intérêts dont elle se prévaut dès lors que les listes de fournitures exigées desdits établissements sont plus longues que celle des articles scolaires à marge réglementée figurant dans l'arrêté attaqué ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit en effet que ne doivent figurer dans cette liste que les articles à usage exclusivement scolaire, l'administration gardant sur ce point son pouvoir d'appréciation ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la liste mentionnée à l'annexe 2 B comporterait des articles non scolaires doit être écarté ;

En ce qui concerne l'erreur manifeste d'appréciation :

6. Considérant que les modifications apportées à la liste des articles scolaires et les adjonctions revêtent un caractère limité et ne concernent aucun produit auquel il pourrait être dénié un usage scolaire ; que, par suite, l'appréciation à laquelle s'est livrée la Polynésie française en arrêtant cette liste n'est pas entachée d'erreur manifeste ;

En ce qui concerne la violation du principe de sécurité juridique :

7. Considérant que l'exercice du pouvoir réglementaire implique pour son détenteur la possibilité de modifier à tout moment les normes qu'il définit sans que les personnes auxquelles sont, le cas échéant, imposées de nouvelles contraintes puissent invoquer un droit au maintien de la réglementation existante ; qu'en principe, les nouvelles normes ainsi édictées ont vocation à s'appliquer immédiatement, dans le respect des exigences attachées au principe de

non-rétroactivité des actes administratifs ; que, toutefois, il incombe à l'autorité investie du pouvoir réglementaire, agissant dans les limites de sa compétence et dans le respect des règles qui s'imposent à elle, d'édicter, pour des motifs de sécurité juridique, les mesures transitoires qu'implique, s'il y a lieu, cette réglementation nouvelle ; qu'il en va ainsi lorsque l'application immédiate de celle-ci entraîne, au regard de l'objet et des effets de ses dispositions, une atteinte excessive aux intérêts publics ou privés en cause ;

8. Considérant que l'agence polynésienne de diffusion fait valoir qu'en s'abstenant de prévoir des dispositions transitoires, l'arrêté attaqué a porté à ses intérêts privés une atteinte injustifiée ; que, toutefois, les modifications apportées à une réglementation n'impliquent que soient prévues des dispositions transitoires que pour autant qu'elles soient rendues nécessaires ; qu'en l'espèce, il résulte de la comparaison des réglementations applicables que la nouvelle liste établie par l'arrêté attaqué est plus restrictive quant aux types de produits, et par suite plus favorable aux intérêts de l'appelante, que celle résultant de l'arrêté antérieur du 10 avril 2007 ; qu'il n'est donc pas établi que les changements apportés par l'arrêté attaqué nécessitaient de la part de la Polynésie française des dispositions transitoires ; que la requérante ne saurait établir une quelconque atteinte à ses intérêts en se fondant sur la comparaison entre la liste des articles mise en place par l'arrêté querellé, et celle figurant sur le courrier électronique précité daté du 19 juin 2007, dépourvu de toute valeur juridique, qui lui a été adressé par le service des affaires économiques et qui prévoit une limitation consentie de façon non réglementaire par l'administration ; qu'ainsi, le moyen tiré de la violation du principe de sécurité juridique doit être écarté ;

En ce qui concerne la violation du principe de la liberté du commerce et de l'industrie :

9. Considérant que l'agence polynésienne de diffusion reprend en cause d'appel et dans les mêmes termes qu'en première instance le moyen tiré de la violation par l'arrêté attaqué du principe de la liberté du commerce et de l'industrie, en alléguant que la réduction excessive, par la Polynésie française, des marges commerciales de certains produits porte atteinte à ce principe ; qu'ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif, dont il y a lieu sur ce point d'adopter les motifs, l'argumentation de l'appelante est inopérante dès lors qu'elle se fonde une fois encore sur une comparaison entre le nombre de références couvertes par l'arrêté litigieux du 23 décembre 2010 et celui figurant dans le courriel du 19 juin 2007 qui est dépourvu de toute valeur juridique ainsi qu'il a été dit ; que le moyen doit donc être écarté ;

En ce qui concerne la méconnaissance de la décision 2001/822/CE du Conseil des communautés européennes :

10. Considérant que l'agence polynésienne de diffusion reprend également en cause d'appel le moyen tiré de la méconnaissance, par l'arrêté attaqué, des dispositions des articles 48 et 54 de la décision 2001/822/CE du Conseil relative à l'association des pays et territoires d'outre-mer à la Communauté européenne au motif qu'il a pour effet de provoquer une distorsion de la concurrence en favorisant les entreprises de grande distribution ; qu'elle ne saurait toutefois se prévaloir utilement à cet effet de ce que l'arrêté contesté ajoute 558 références supplémentaires aux 586 déjà réglementées selon la " liste du 19 juin 2007 " dès lors que cette dernière liste ne figure que dans un courriel dépourvu de valeur juridique ; que l'allégation d'une hypothétique baisse de son chiffre d'affaires n'est donc pas établie nonobstant l'analyse comptable produite au dossier établie à la demande de la société par un expert comptable, lequel s'est également référé à la " circulaire de juin 2007 " pour bâtir ses hypothèses et en tirer des conclusions ; que la société appelante ne démontre pas davantage que les grands distributeurs de la place tels que " Carrefour " renonceraient, par le seul effet de l'arrêté attaqué, à s'approvisionner en articles scolaires auprès d'importateurs locaux comme elle pour privilégier leurs centrales d'achat ; qu'elle n'est ainsi pas fondée à soutenir que l'arrêté attaqué aurait pour effet de fausser le jeu de la concurrence en favorisant la grande distribution ou qu'il constituerait une restriction déguisée du commerce ni, a fortiori, que le but poursuivi par l'administration serait de supprimer l'un des deux compétiteurs de la place pour instaurer un monopole au profit de celui qui resterait ; que, dès lors, le moyen tiré de la violation des dispositions communautaires précitées doit être écarté ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'agence polynésienne de diffusion n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de la Polynésie française a, par le jugement attaqué, rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 décembre 2010 ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la Polynésie française, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance une somme au titre des frais que l'agence polynésienne de diffusion a exposés dans l'instance et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'agence polynésienne de diffusion la somme de 600 euros que demande la Polynésie française sur ce même fondement ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête présentée par l'agence polynésienne de diffusion est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la Polynésie française tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 10PA03855

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N° 11PA04443


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3 ème chambre
Numéro d'arrêt : 11PA04443
Date de la décision : 31/12/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VETTRAINO
Rapporteur ?: Mme Bénédicte FOLSCHEID
Rapporteur public ?: Mme MERLOZ
Avocat(s) : EFTIMIE-SPITZ

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2012-12-31;11pa04443 ?
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