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21/12/2012 | FRANCE | N°11PA05124

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 21 décembre 2012, 11PA05124


Vu la requête, enregistrée le 12 décembre 2011, présentée par le préfet de police ; le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1107763/3-3 du 8 novembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé l'arrêté du 25 novembre 2010 par lequel il a refusé à M. E...D...la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination, d'autre part, lui a enjoint de délivrer à l'intéressé un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai

de deux mois à compter de la notification du jugement et, enfin, l'a condamné à v...

Vu la requête, enregistrée le 12 décembre 2011, présentée par le préfet de police ; le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1107763/3-3 du 8 novembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé l'arrêté du 25 novembre 2010 par lequel il a refusé à M. E...D...la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination, d'autre part, lui a enjoint de délivrer à l'intéressé un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et, enfin, l'a condamné à verser 1 000 euros à Me A... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

2°) de rejeter la demande de M.D... ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision du 26 avril 2012 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris, accordant à M. D...le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale dans le cadre de la présente instance, à la suite de sa demande du 15 février 2012 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 décembre 2012 :

- le rapport de Mme Bailly, rapporteur,

- et les conclusions de M. Ladreyt, rapporteur public ;

1. Considérant que M.D..., de nationalité ghanéenne, a sollicité son admission au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par un arrêté du 25 novembre 2010, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français ; que le préfet de police relève régulièrement appel du jugement du 8 novembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté précité ;

Sur le bien fondé du jugement attaqué :

2. Considérant que, pour annuler l'arrêté du 25 novembre 2010 rejetant la demande d'admission au séjour de M.D..., le Tribunal administratif de Paris a estimé que le préfet de police avait méconnu les dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que l'intéressé ne peut pas bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que, toutefois, les attestations et certificats médicaux produits par M.D..., qui ne comportent aucune précision sur le traitement suivi, n'établissent pas que l'intéressé serait dans l'impossibilité de le poursuivre dans son pays d'origine et n'étaient, par suite, pas suffisamment circonstanciés pour remettre en cause l'appréciation portée par le médecin, chef du service médical de la préfecture de police, qui, dans son avis du 12 octobre 2010, avait estimé que l'intéressé pouvait bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine ; que, par suite, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté précité du 25 novembre 2010 ;

3. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M.D..., devant le Tribunal administratif de Paris et devant la Cour ;

Sur la légalité de la décision de refus de titre de séjour :

4. Considérant, en premier lieu, que, par un arrêté du 20 septembre 2010, régulièrement publié au bulletin municipal officiel de la ville de Paris du 24 septembre 2010, le préfet de police a donné à M. B...C..., attaché principal d'administration de l'intérieur et de l'outre-mer, délégation pour signer notamment les décisions de refus de titre de séjour assorties de l'obligation de quitter le territoire français ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le signataire de l'arrêté attaqué n'aurait pas été titulaire d'une délégation régulière, manque en fait ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que le préfet n'est tenu, en application de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de saisir la commission du titre de séjour que du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions permettant d'obtenir de plein droit un titre de séjour, et non de tous les étrangers qui sollicitent un tel titre ; que M. D...n'établissant pas être en situation de bénéficier de plein droit d'un titre de séjour en France, le préfet de police n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour ;

6. Considérant, en troisième lieu, que la décision litigieuse vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'elle mentionne que M. D...ne remplit pas les conditions de l'article L. 313-11 11° de ce code dès lors que le médecin, chef du service médical de la préfecture de police, a estimé le 12 octobre 2010 que si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut effectivement bénéficier d'un traitement médical approprié dans son pays d'origine ; qu'elle indique enfin que cette décision ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale ; qu'ainsi, elle comporte les considérations de fait et de droit sur lesquelles elle est fondée ; que, par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté ;

7. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. " ;

8. Considérant que M. D...fait valoir qu'il ne peut effectivement bénéficier du traitement requis, dans son pays d'origine ; que, toutefois, l'intéressé n'apporte aucune pièce ni sur ses ressources financières ni sur le coût du traitement dans son pays d'origine ; que, par suite, M. D...n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police ne pouvait légalement lui refuser le titre de séjour qu'il sollicitait sans méconnaître les dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

9. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile susvisé : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit: (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) " ;

10. Considérant que M. D...fait valoir qu'il vit en France depuis 2004, qu'il y a développé des relations amicales et qu'il n'a plus d'attaches familiales au Ghana ; que, toutefois, l'intéressé est célibataire et sans charge de famille ; qu'en outre, il ne démontre pas être dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine où résident un frère et une soeur et où il a vécu jusqu'à l'âge de 23 ans ; que, par suite, la décision litigieuse n'a pas porté au droit de M. D...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise ; qu'ainsi, le préfet de police n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

11. Considérant, enfin, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. D...soit particulièrement intégré dans la société française ; que, par suite, le préfet de police n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

12. Considérant que, les moyens dirigés contre la décision portant refus de titre de séjour ayant été écartés, le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de cette décision ne peut qu'être écarté, par voie de conséquence ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

13. Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ; que ce dernier texte énonce que " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;

14. Considérant que si M. D...fait valoir qu'il est menacé et qu'il risque des traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays d'origine en raison de l'engagement de son frère contre les forces gouvernementales, il n'apporte aucun élément probant au soutien de ses allégations ; que, dans ces conditions, M. D...n'établit pas être personnellement menacé en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'ainsi, le préfet de police n'a méconnu ni l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 25 novembre 2010 refusant de délivrer un titre de séjour à M. D...et l'obligeant à quitter le territoire ; que le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation de cet arrêté, n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions aux fins d'injonction présentées par M. D...doivent être rejetées ; qu'enfin, les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante en la présente instance, verse à

M. D...une somme au titre des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris du 8 novembre 2011 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. D...devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.

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N° 11PA05124


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 11PA05124
Date de la décision : 21/12/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MILLE
Rapporteur ?: Mme Pascale BAILLY
Rapporteur public ?: M. LADREYT
Avocat(s) : EMBE-NKULUFA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2012-12-21;11pa05124 ?
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