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10/12/2012 | FRANCE | N°11PA05131

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 10 décembre 2012, 11PA05131


Vu la requête, enregistrée le 12 décembre 2011, présentée par le préfet de police ; le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1109843/5-2 du 3 novembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé son arrêté du 18 janvier 2011 refusant à M. A la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination, d'autre part, lui a enjoint de délivrer à M. A un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trois mois à compter de la

notification du jugement et, enfin, l'a condamné à verser la somme de 1 500 ...

Vu la requête, enregistrée le 12 décembre 2011, présentée par le préfet de police ; le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1109843/5-2 du 3 novembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé son arrêté du 18 janvier 2011 refusant à M. A la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination, d'autre part, lui a enjoint de délivrer à M. A un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement et, enfin, l'a condamné à verser la somme de 1 500 euros à Me Pouly en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

2°) de rejeter la demande de première instance de M. A ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le

26 janvier 1990 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 novembre 2012 :

- le rapport de M. Sorin, rapporteur,

- et les conclusions de M. Ladreyt, rapporteur public ;

1. Considérant que M. A, de nationalité ivoirienne, né en 1983, entré en France en 2004, a bénéficié d'un titre de séjour temporaire en tant que stagiaire dans l'armée de l'air valable du 2 novembre 2004 au 1er novembre 2005 ; qu'il a fait l'objet d'un arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis en date du 2 août 2006 rejetant une demande de nouveau titre de séjour en qualité de salarié et l'invitant à quitter le territoire national, auquel il n'a pas déféré ; qu'il a, le 15 novembre 2010, sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", arguant de la présence en France de sa fille, B, née le 4 mai 2008, dont il est séparé de la mère mais sur laquelle il exerce conjointement avec elle l'autorité parentale en vertu d'un jugement du Tribunal de grande instance de Paris du 4 février 2010 qui lui accorde, par ailleurs, un droit de visite bimensuel, et d'un fils, C, né le 17 novembre 2010 d'une autre relation ; que, par arrêté du 18 janvier 2011, le préfet de police a rejeté cette demande et l'a obligé à quitter le territoire français ; que le préfet de police relève régulièrement appel du jugement du 3 novembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté précité ;

Sur le bien fondé du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article 3-1° de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990, publiée par décret du

8 octobre 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ;

3. Considérant que, pour annuler l'arrêté du 18 janvier 2011 rejetant la demande d'admission au séjour de M. A, le Tribunal administratif de Paris a considéré que l'arrêté méconnaissait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant aux motifs, d'une part, que l'intéressé justifie de la réalité de sa vie familiale auprès de sa fille B, née en France le 4 mai 2008, et de sa contribution, dans la mesure de ses moyens, à son entretien et à son éducation, d'autre part, que sa fille résidant auprès de sa mère titulaire d'une carte de résident valable jusqu'en 2017, son retour en Côte d'Ivoire afin d'y reconstruire la cellule familiale n'est pas envisageable et, enfin, que la décision litigieuse porte atteinte à l'intérêt supérieur de cet enfant ;

4. Considérant que M. A est célibataire et sans emploi, et n'apporte, hormis une attestation en date du 16 juin 2011 de la mère de sa fille, dont il est séparé, aucun élément de nature à établir qu'il contribuerait effectivement, dans la mesure de ses moyens, à l'éducation et à l'entretien de sa fille ; que s'il est établi que des visites à sa fille ont été organisées conformément au jugement du juge aux affaires familiales du Tribunal de grande instance de Paris en date du 4 février 2010, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ait effectivement exercé le droit qui lui a ainsi été reconnu ; que, dans ces circonstances, l'intéressé ne peut être regardé comme ayant l'essentiel de ses attaches affectives et sociales en France ni qu'il contribue régulièrement à l'éducation et à l'entretien de sa fille ; qu'aucune circonstance ne fait au demeurant obstacle à ce que celle-ci lui rende visite avec sa mère dans son pays d'origine dès lors qu'elles possèdent également la nationalité ivoirienne ; qu'enfin, M. A n'est pas dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine où réside sa mère et où il a vécu jusqu'à l'âge de 21 ans ; que, par suite, l'arrêté litigieux n'a pas porté au droit de M. A au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée compte tenu des buts en vue desquels il a été pris et n'a pas méconnu l'intérêt supérieur de sa fille ; qu'ainsi, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté précité du 18 janvier 2011 ;

5. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A devant le Tribunal administratif de Paris ;

Sur la légalité de l'arrêté du préfet de police du 18 janvier 2011 :

6. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 3-1° de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990, publiée par décret du 8 octobre 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

7. Considérant que M. A fait valoir que le refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire français impliquent une séparation contraire à l'intérêt supérieur de ses deux enfants ; que, s'agissant de sa fille, il ressort des pièces du dossier que le jugement du 4 février 2010 du Tribunal de grande instance de Paris a prévu l'exercice conjoint de l'autorité parentale, la résidence de B chez sa mère, un droit de visite au profit de M. A deux fois par mois en milieu neutre et en présence d'un tiers et, à la demande de la mère de l'enfant, l'absence de pension alimentaire ; que M. A ne justifie pas avoir habité avec cet enfant ; que, par ailleurs, l'intéressé justifie seulement avoir rencontré sa fille à l'occasion des visites médiatisées entre novembre 2010 et février 2011 ; que ces éléments ne suffisent cependant pas à établir que, à la date de l'arrêté attaqué, M. A contribuait effectivement à l'entretien et à l'éducation de son enfant ; qu'en outre, l'intéressé n'établit pas que sa fille, accompagnée de sa mère, serait dans l'impossibilité de lui rendre visite en Côte d'Ivoire ; qu'enfin, s'agissant de son fils C, né en 2010, M. A n'apporte aucun élément permettant d'établir qu'il contribuerait effectivement à son éducation et son entretien ni qu'il serait dans l'impossibilité de lui rendre visite en Côte d'Ivoire avec sa mère ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant sera écarté ;

8. Considérant, en second lieu, que les stipulations des articles 6 et 9 de la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 créent seulement des obligations entre Etats sans ouvrir de droits aux personnes privées ; que le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations est donc inopérant ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 18 janvier 2011 refusant à M. A la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français ; qu'il n'y a toutefois pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par l'Etat au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris du 3 novembre 2011 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions du préfet de police est rejeté.

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N° 11PA05131


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 11PA05131
Date de la décision : 10/12/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MILLE
Rapporteur ?: M. Julien SORIN
Rapporteur public ?: M. LADREYT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2012-12-10;11pa05131 ?
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