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10/12/2012 | FRANCE | N°11PA02420,11PA02589

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 10 décembre 2012, 11PA02420,11PA02589


Vu, I, la requête, enregistrée le 23 mai 2011 sous le n° 11PA02420, présentée pour

M. Bruno , demeurant ... à Boulazac (24750), par Me Bleykasten ; M. demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0703719/5 du 15 mars 2011 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à réparer les préjudices résultant de l'illégalité fautive de la décision du préfet du Val-de-Marne du

13 septembre 2002 procédant à la fermeture de la maison de retraite du Bois-Clary, consistant, d'une part, à concurrence d'u

ne somme de 105 000 euros, dans la perte de valeur des actions de la société du même no...

Vu, I, la requête, enregistrée le 23 mai 2011 sous le n° 11PA02420, présentée pour

M. Bruno , demeurant ... à Boulazac (24750), par Me Bleykasten ; M. demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0703719/5 du 15 mars 2011 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à réparer les préjudices résultant de l'illégalité fautive de la décision du préfet du Val-de-Marne du

13 septembre 2002 procédant à la fermeture de la maison de retraite du Bois-Clary, consistant, d'une part, à concurrence d'une somme de 105 000 euros, dans la perte de valeur des actions de la société du même nom qu'il possédait, d'autre part, à concurrence d'une somme de

2 000 euros, dans l'impossibilité de recouvrer la créance qu'il détenait sur ladite société au titre de ses comptes courants et, enfin, dans la perte de la chance d'éviter la fermeture de ladite maison de retraite du Bois-Clary ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 199 638,38 euros, à titre de dommages et intérêts, augmentée des intérêts à taux légal et de la capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu, II, la requête, enregistrée le 25 mai 2011 sous le n° 11PA02589, présentée pour M. Bruno , demeurant ... à Boulazac (24750), venant aux droits de M. Jean-Marc , par Me Bleykasten ; M. demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0703717/5 du 15 mars 2011 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à réparer les préjudices résultant de l'illégalité fautive de la décision du préfet du Val-de-Marne du

13 septembre 2002 procédant à la fermeture de la maison de retraite du Bois-Clary et consistant, d'une part, à concurrence de la somme de 1 050 000 euros, dans la perte de valeur des actions de la société du même nom qu'il possédait, d'autre part, à concurrence de la somme de 2 000 euros, dans l'impossibilité de recouvrer la créance qu'il détenait sur ladite société au titre de ses comptes courants et enfin, dans la perte de la chance d'éviter la fermeture de ladite maison de retraite du Bois-Clary ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 403 178,40 euros à titre des dommages et intérêts, augmentée des intérêts à taux légal et de la capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code de l'action sociale et des familles ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 novembre 2012 :

- le rapport de M. Sorin, rapporteur,

- et les conclusions de M. Ladreyt, rapporteur public ;

1. Considérant que, par un arrêté en date du 13 septembre 2002, le préfet du Val-de-Marne a décidé la fermeture de l'établissement recevant des personnes âgées dit " Clinique de retraite du Bois-Clary ", motif pris de l'absence de réponse des dirigeants et gestionnaires de cette structure, notamment messieurs Jean-Marc et Bruno , aux mises en demeure et injonctions concernant les travaux de salubrité, la prise en charge des personnes âgées dépendantes et l'arrêt des admissions de nouveaux résidents, et de ce que les conditions d'installation, d'organisation et de fonctionnement de l'établissement compromettaient la santé, la sécurité et le bien-être physique et moral des personnes âgées résidentes ; que le Tribunal administratif de Melun, par un jugement du 24 février 2003 confirmé par un arrêt du

23 juin 2004 de la Cour administrative d'appel de Paris, a annulé cet arrêté, motif pris de la méconnaissance du principe du contradictoire, la brièveté du délai accordé aux consorts pour la préparation du conseil départemental d'hygiène du 10 septembre 2002, au cours duquel ils devaient présenter leurs observations, ne leur ayant pas permis de se préparer dans des conditions compatibles avec le respect de ce principe, alors que ce conseil départemental a émis à l'unanimité un avis favorable à la fermeture de l'établissement ; que M. Bruno , en son nom propre et venant aux droits de son père décédé, M. Jean-Marc , ancien gérant de la maison de retraite du Bois-Clary et propriétaire de près de la moitié des parts sociales de la société en assurant l'exploitation, relève, par deux requêtes distinctes qui ont fait l'objet d'une instruction commune et qu'il convient de joindre pour statuer par un seul arrêt, régulièrement appel des jugements du Tribunal administratif de Melun n°s 0703717/5 et 0703719/5 du 15 mars 2011 qui ont rejeté ses demandes tendant à la condamnation de l'Etat à réparer le préjudice subi lié à la fermeture illégale de la maison de retraite du Bois-Clary par l'arrêté du 13 septembre 2002 ;

Sur la régularité des jugements attaqués :

2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le Tribunal administratif de Melun a répondu à tous les moyens soulevés devant lui par M. ; qu'il n'était en revanche pas tenu de répondre à toute l'argumentation que le requérant avait présentée à l'appui de ses moyens ; qu'ainsi, la circonstance que le tribunal n'ait pas relevé que des travaux de réfection des chambres du troisième étage avaient été réalisés et que le taux de dépendance de l'ensemble des résidents avait été mesuré, n'est pas de nature à entacher les jugements litigieux d'irrégularité ;

Sur le bien-fondé des jugements attaqués :

3. Considérant, en premier lieu, que M. soutient que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la décision de fermeture de la maison de retraite du Bois-Clary avait été prise par l'administration avant l'organisation des nombreuses visites de l'établissement, révélant ainsi un défaut d'objectivité et d'impartialité, ainsi que cela ressort de la mention du rapport de la dernière visite d'inspection, en date du 24 juillet 2002, selon laquelle " la fermeture programmée de l'établissement est plus que jamais d'actualité et inéluctable " ; que, toutefois, il résulte de l'instruction qu'entre le 26 mai 2000 et le 24 juillet 2002, six visites de la maison de retraite du Bois-Clary ont été organisées par la direction de la prévention et de l'action sociale du département du Val-de-Marne et par la direction départementale des affaires sanitaires et sociales de la préfecture du Val-de-Marne ; que ces visites ont donné lieu à la rédaction de rapports communiqués aux dirigeants de la maison de retraite les mettant en demeure de remédier aux dysfonctionnements graves identifiés ; que ceux-ci ont répondu à deux reprises, les 12 mars 2001 et 19 décembre 2001, aux observations formulées par les services départementaux ; que, malgré les travaux réalisés, les services d'inspection ont, à l'occasion de chaque visite effectuée, constaté la perpétuation de graves dysfonctionnements, notamment en matière d'hygiène et de sécurité, de nature à mettre en danger les résidents de la maison de retraite ; que, dans ces conditions, eu égard au nombre important de visites réalisées et aux multiples possibilités offertes aux dirigeants de remédier aux dysfonctionnements constatés, la mention du rapport de la dernière visite d'inspection, en date du 24 juillet 2002 selon laquelle " la fermeture programmée de l'établissement est plus que jamais d'actualité et inéluctable " ne saurait être sérieusement interprétée comme révélant de la part de l'administration un manque d'impartialité et d'objectivité à l'égard de la maison de retraite du Bois-Clary ; que, par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé qu'il n'était pas établi que le préfet du Val-de-Marne n'aurait pas procédé à un examen objectif, impartial et complet de la situation de cette maison de retraite ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que M. soutient que plusieurs recommandations du rapport d'inspection du 27 novembre 2001 ont été mises en oeuvre, à savoir la signature des contrats de séjour par les familles des résidents, le retrait du mot " clinique " sur les enseignes extérieures, le " girage " des résidents et la perspective de réalisation de travaux de réfection des revêtements des sols pour les étages du bâtiment autres que le rez-de-chaussée, que, par ailleurs, de nombreux travaux et mesures de réorganisation ont été entrepris afin de répondre aux conclusions des rapports d'inspection dont la maison de retraite du Bois-Clary a fait l'objet, qu'aucun incident particulier n'a été constaté par les services médicaux et sociaux, tels infections ou maladies, ce qui est de nature à relativiser le problème d'hygiène évoqué dans les rapports, enfin, que les résidents de la maison de retraite du Bois-Clary témoignent de leur satisfaction à l'égard de l'établissement ;

5. Considérant toutefois qu'il résulte de l'instruction que, malgré les travaux entrepris et l'amélioration de l'organisation administrative de l'établissement, l'état de celui-ci, tant au plan administratif qu'en termes d'hygiène et de la sécurité des résidents, demeurait déplorable à la date de l'arrêté de fermeture litigieux ; que le rapport de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales du 24 juillet 2002 relevait en effet que le registre des entrées et sorties des résidents n'était toujours pas à jour, que, malgré des progrès sensibles, l'hygiène alimentaire n'était pas respectée, que le circuit du linge ne permettait pas d'assurer une étanchéité entre le linge propre et le linge sale, que le défaut d'entretien des locaux générait des odeurs désagréables et la multiplication des mouches dans les chambres, que l'hygiène des résidents n'était pas assurée, l'un d'entre eux ayant d'ailleurs été vu le soir de l'inspection recouvert d'un drap souillé d'excréments sans qu'aucun dispositif d'appel n'existe pour alerter l'équipe soignante, qu'alors même qu'elles étaient occupées, plusieurs chambres étaient fermées à clé, interdisant ainsi à leurs occupants d'en sortir, et qu'il a été constaté chez plusieurs personnes âgées des hématomes de la face et des membres supérieurs ; que, par un courrier en date du 14 août 2002, le préfet du Val-de-Marne relève que, le soir de la visite d'inspection du 24 juillet 2002, seuls deux agents étaient présents pour s'occuper de trente-neuf résidents répartis sur trois étages, illustration du manque récurent de personnel qualifié ;

6. Considérant que si M. fait valoir que la maison de retraite du Bois-Clary a fait l'objet, au cours des deux années qui ont vu se succéder les inspections administratives, de nombreuses améliorations organisationnelles et hygiéniques, il n'apporte aucun élément de nature à contredire les constatations relevées par la direction départementales des affaires sanitaires et sociales dans son rapport de la visite du 24 juillet 2002 et n'établit ni même n'allègue que les travaux en cours de réalisation auraient pu, dans des délais compatibles avec la sécurité des résidents, remédier aux dysfonctionnements ainsi identifiés ; que, par suite, c'est à bon droit que le Tribunal administratif de Melun a jugé que, malgré l'illégalité procédurale dont il était entaché, l'arrêté du 13 septembre 2002 était justifié au fond et n'était donc pas de nature à engager la responsabilité de l'Etat à l'égard des dirigeants et gestionnaires de la maison de retraite du Bois-Clary ;

7. Considérant, en troisième lieu, que si M. soutient que le non-respect de la procédure contradictoire ayant précédé le conseil départemental d'hygiène du 10 septembre 2002 lui a fait perdre une chance d'éviter la fermeture de la maison de retraite arrêtée par le préfet du Val-de-Marne à la suite de ce conseil le 13 septembre 2002, il résulte de l'instruction, et il n'est pas contesté que, comme l'a à juste titre relevé le tribunal administratif, le préfet avait, le 14 août 2002, informé l'avocat des consorts de la tenue prochaine de ce conseil ; que le rapport de l'inspection du 24 juillet 2002 mentionnait que celui-ci se tiendrait le 10 septembre 2002 ; que l'avocat des requérants avait d'ailleurs dès le 4 septembre adressé par courrier ses observations au conseil ; que les nombreux rapports d'inspection et les réponses apportées par les consorts ont en tout état de cause permis aux membres du conseil départemental d'hygiène d'accéder à une connaissance précise de la situation de la maison de retraite du Bois-Clary ; qu'enfin, il n'est pas établi qu'un délai supplémentaire pour la préparation des interventions orales des consorts , à supposer qu'elles aient pu apporter des éléments que le conseil départemental n'avait pas déjà en sa possession, et dont au demeurant les requérants ne précisent pas quelle aurait été leur teneur, aurait été de nature à modifier l'appréciation portée par les membres de ce conseil sur l'état de la maison de retraite du Bois-Clary ; que, dans ces conditions, M. n'est pas fondé à soutenir que l'illégalité procédurale dont est entaché l'arrêté du 13 septembre 2002 lui aurait fait perdre une chance sérieuse d'éviter la fermeture de la maison de retraite, à la gestion de laquelle il contribuait ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande et celle de M. Jean-Marc tendant à l'engagement de la responsabilité de l'Etat du fait de l'illégalité fautive de la fermeture de la maison de retraite du Bois-Clary par l'arrêté du préfet du Val-de-Marne du 13 septembre 2002 ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête M. est rejetée.

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N°s 11PA02420, 11PA02589


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 11PA02420,11PA02589
Date de la décision : 10/12/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme MILLE
Rapporteur ?: M. Julien SORIN
Rapporteur public ?: M. LADREYT
Avocat(s) : BLEYKASTEN ; BLEYKASTEN ; BLEYKASTEN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2012-12-10;11pa02420.11pa02589 ?
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