La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/11/2012 | FRANCE | N°11PA03467

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 27 novembre 2012, 11PA03467


Vu la requête, enregistrée le 28 juillet 2011, présentée pour Mme Sophie B, demeurant ... à Quimper (29000), par Me Pierrot ; Mme B demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0807246/6-2 du 4 février 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) à l'indemniser des préjudices subis du fait de son hospitalisation à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière ;

2°) de condamner l'AP-HP à lui verser les sommes de 445 958,46 euros au titre des postes de préjudice

à caractère patrimonial et de 108 496 euros au titre des postes de préjudice à ca...

Vu la requête, enregistrée le 28 juillet 2011, présentée pour Mme Sophie B, demeurant ... à Quimper (29000), par Me Pierrot ; Mme B demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0807246/6-2 du 4 février 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) à l'indemniser des préjudices subis du fait de son hospitalisation à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière ;

2°) de condamner l'AP-HP à lui verser les sommes de 445 958,46 euros au titre des postes de préjudice à caractère patrimonial et de 108 496 euros au titre des postes de préjudice à caractère personnel, avec intérêts de droit à compter de sa demande préalable du

31 janvier 2008 ;

3°) de mettre à la charge de l'AP-HP une somme de 2 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, qui sera versée à son avocat qui renonce à percevoir l'indemnisation au titre de l'aide juridictionnelle ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 novembre 2012 :

- le rapport de Mme Bailly, rapporteur,

- les conclusions de M. Ladreyt, rapporteur public,

- et les observations de Me Borie pour Mme B et celles de Me Garaud pour l'AP-HP ;

1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme B, alors âgée de 43 ans, a été admise le 29 novembre 2004 au centre hospitalier de la Pitié-Salpétrière, relevant de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP), dans le service de chirurgie orthopédique et traumatologique afin de subir une intervention chirurgicale pour traiter les séquelles d'un polytraumatisme, avec fractures des huitième et neuvième vertèbres thoraciques, survenu en mars 2003 ; que les suites opératoires de l'intervention pratiquée le 30 novembre 2004 ont été normales jusqu'à la survenue, le 2 décembre en fin de journée, d'une forte fièvre, d'une douleur thoracique et d'une accélération du rythme respiratoire ayant conduit le médecin anesthésiste à demander des examens biologiques et radiologiques complémentaires ; que les examens radiologiques ont dû être interrompus, en raison des vives douleurs immédiatement ressenties par la patiente ; que le 3 décembre, le chirurgien a noté l'apparition d'un déficit moteur des membres inférieurs ; qu'en dépit d'une nouvelle intervention pratiquée le lendemain, l'évolution des troubles neurologiques a été marquée par une récupération incomplète de la motricité des membres inférieurs, obligeant l'intéressée à marcher à l'aide de deux cannes anglaises ; qu'imputant ces troubles neurologiques à la maladresse de l'opérateur ayant effectué les examens radiologiques le 2 décembre 2004, Mme B a saisi l'AP-HP d'une demande tendant à l'indemnisation du préjudice subi ; qu'elle relève régulièrement appel du jugement du 4 février 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande indemnitaire ;

Sur la responsabilité de l'AP-HP :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute " ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise ordonnée par le juge des référés du Tribunal administratif de Paris, que le 2 décembre 2004, Mme B a subi un traumatisme lors des examens radiologiques réalisés postérieurement à l'intervention du 30 novembre 2004, par un choc de la cassette contenant le film radiographique contre la zone récemment opérée, alors que la moelle épinière n'était plus protégée par la partie postérieure des vertèbres compte tenu de la résection effectuée lors de l'opération chirurgicale en cause ; que les vives douleurs des deux membres inférieurs immédiatement ressenties par la patiente ont conduit l'opérateur de radiologie à interrompre les examens prescrits ; que Mme B s'est plainte, à son retour dans sa chambre, de sensations de décharges électriques dans la jambe droite et de difficultés à mobiliser le membre inférieur droit ; que le lendemain, le chirurgien qui l'avait opérée a noté l'apparition d'un déficit moteur complet du membre inférieur droit et un peu moins du gauche ainsi que des troubles de la sensibilité superficielle des deux pieds ; que l'hypothèse d'une compression médullaire, due à un éventuel déplacement du matériel d'ostéosynthèse installé lors de l'intervention chirurgicale ou à un hématome du site opératoire, a été écartée par le chirurgien qui a constaté, lors de la nouvelle intervention pratiquée le 4 décembre, d'une part que le matériel d'ostéosynthèse était en bonne position et d'autre part que l'hématome de quantité modérée n'était pas compressif et a alors noté, dans le compte-rendu opératoire que " l'hypothèse d'une contusion est fort probable car le fourreau dural dépasse du plan des plaques d'ostéosynthèse " ; que dans ces circonstances, et quels que soient les doutes exprimés par l'expert en raison de " l'absence de preuve formelle " s'agissant du mécanisme ayant conduit au déficit moteur mais qui relève que " la chronologie des événements plaide en faveur de ce mécanisme " et en note " le caractère relativement plausible en l'absence d'autre explication ", les troubles neurologiques présentés par Mme B doivent être regardés comme en relation directe de cause à effet avec la maladresse commise par l'opérateur radiologique lors de l'examen du 2 décembre 2004 qui n'a pas pris les précautions nécessitées par l'état de la patiente ou n'a pas disposé du personnel suffisant ou d'un équipement adapté pour mobiliser en douceur Mme B ; que s'agissant de soins courants, les troubles qui en sont résultés ne peuvent être regardés que comme révélant une faute commise dans l'organisation ou le fonctionnement du service, de nature à engager la responsabilité de l'AP-HP ; que Mme B est dès lors fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation du préjudice subi du fait de sa prise en charge à l'hôpital de la Pitié-Salpétrière ;

Sur l'évaluation du préjudice :

En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial :

S'agissant des dépenses de santé :

4. Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Finistère demande, dans le dernier état de ses écritures, le versement de la somme de 107 494,47 euros en remboursement de ses débours, en ce compris une somme de 53 347,32 euros correspondant aux frais d'hospitalisation à la Pitié-Salpétrière du 29/11/2004 au 25/01/2005 et une somme de 29 144,28 euros correspondant aux frais d'hospitalisation au centre hospitalier de Quimper du 25/01/2005 au 06/06/2005 ;

Quant aux frais d'hospitalisation :

5. Considérant cependant que les frais correspondant à l'intervention chirurgicale du

30 novembre 2004 nécessitée par l'état de santé de Mme B et réalisée dans les règles de l'art n'ont pas à être pris en charge par l'AP-HP ; qu'il résulte également de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, qu'en l'absence de complications neurologiques, les suites de l'intervention chirurgicale auraient nécessité une hospitalisation de quinze jours puis un séjour de trois mois dans un établissement de rééducation ; que la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère ne peut prétendre qu'au remboursement des frais supplémentaires liés au prolongement de l'hospitalisation de la patiente du fait des complications survenues ; qu'elle ne peut, par suite, prétendre qu'à la somme de 42 062,31 euros, correspondant aux 41 jours supplémentaires pendant lesquels Mme B a du séjourner à la Pitié-Salpétrière et à la somme de 9 273,18 euros, correspondant aux 42 jours supplémentaires de rééducation au centre hospitalier de Quimper ; qu'il suit de là qu'il y a lieu de mettre à la charge de l'AP-HP la somme de 51 335,49 euros en remboursement des frais d'hospitalisation supportés par la CPAM du Finistère ;

Quant aux autres dépenses de santé prises en charge par la CPAM du Finistère :

6. Considérant, d'une part, que la CPAM du Finistère demande en outre le remboursement des prestations en nature en lien avec l'accident médical du 30 novembre 2004 consistant en 2 431,54 euros d'honoraires médicaux, 3 688,12 euros de kinésithérapie pour la période antérieure à la consolidation et 1 554,51 euros pour la période postérieure à la consolidation de l'état de santé de Mme B, 1 616,35 euros de frais de transport et 5 303,13 euros de soins infirmiers, soit la somme de 14 593,65 euros qu'il y a lieu de lui allouer, au vu de l'attestation de débours du 8 novembre 2012 ;

7. Considérant, d'autre part, qu'il y a lieu de mettre à la charge de l'AP-HP une rente annuelle de 815,77 euros à verser à la CPAM du Finistère en remboursement des frais futurs de pharmacie exposés pour Mme B ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de mettre à la charge de l'AP-HP la somme de 65 929,14 euros, à laquelle doit s'ajouter la rente annuelle de

815,77 euros ;

9. Considérant par ailleurs que Mme B ne fait état d'aucune dépense de santé qui serait restée à sa charge ;

S'agissant des frais liés au handicap :

10. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que le retentissement personnel des séquelles fonctionnelles sur les activités de la vie quotidienne en lien avec les complications survenues nécessite l'assistance d'une tierce personne, pour certaines tâches d'entretien domestique, à concurrence de trois heures par semaine, soit sur une base de

57 semaines tenant compte des congés payés, 171 heures par an ; que Mme B demande que la somme correspondant à ces frais lui soit versée sous forme de capital ; qu'en tenant compte d'un coût horaire de 14 euros, ces besoins représentent une somme de 14 364 euros pour la période de septembre 2006, date de la consolidation de Mme B, à la date du présent arrêt et un capital de 56 929 euros, compte tenu d'un coefficient de capitalisation de 23,78 pour une rente viagère pour une femme aujourd'hui âgée de 51 ans, selon les tables de capitalisation de la Gazette du Palais, actualisées en mai 2011 ; qu'il y a lieu, par suite de mettre à la charge de l'AP-HP une somme de 71 293 euros à ce titre ;

En ce qui concerne les préjudices à caractère personnel :

11. Considérant, en premier lieu, que Mme B sollicite l'indemnisation des troubles dans les conditions d'existence subis au cours de la période d'incapacité temporaire totale de sept mois ainsi que de ceux subis du fait de l'incapacité permanente partielle de 28% dont elle reste atteinte ; qu'il résulte cependant de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que l'intervention chirurgicale nécessitée par l'état de santé de Mme B et réalisée dans les règles de l'art le 30 novembre 2004 visant à la réduction de la cyphose présentée par l'intéressée, compte tenu du polytraumatisme survenu en mars 2003, aurait entrainé une incapacité temporaire totale de trois mois et demi ; que Mme B ne peut, dans ces conditions, s'agissant du préjudice temporaire prétendre qu'à l'indemnisation des troubles dans ses conditions d'existence résultant de l'allongement de la période d'incapacité temporaire totale ; qu'il sera fait une juste appréciation de ces troubles en les évaluant à la somme de 1 750 euros ; que s'agissant du préjudice permanent, les séquelles en lien avec les complications, constituées par un déficit de la fonction de locomotion, des contractures douloureuses des membres inférieurs et des troubles urinaires intermittents ont été évaluées par l'expert à un taux d'IPP de 28% ; qu'il sera fait, dans les circonstances particulières de l'espèce, une juste appréciation du préjudice subi en l'évaluant à la somme de 40 000 euros, en ce inclus le préjudice d'agrément ;

12. Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que les souffrances physiques endurées par Mme B du fait des complications neurologiques ont été évaluées par l'expert à 4,5 sur une échelle de 7 ; que compte tenu du caractère disgracieux de la marche et de l'utilisation nécessaire de cannes anglaises, le préjudice esthétique a été évalué à 2,5 sur une échelle de 7 ; qu'il y a lieu d'accorder à Mme B, à ce titre, les sommes de 7 000 euros et de 2 500 euros ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de fixer l'indemnité due par l'AP-HP en réparation des préjudices de Mme B à la somme de 122 543 euros et la somme due en remboursement des débours de la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère à la somme de 65 929,14 euros, à laquelle doit s'ajouter la rente annuelle de 815,77 euros ;

Sur les intérêts :

14. Considérant que Mme B a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 122 543 euros, à compter de la date de réception de sa demande préalable du 31 janvier 2008 ; que la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère peut prétendre aux intérêts au taux légal à compter de l'enregistrement de son mémoire devant le Tribunal administratif de Paris, le 11 juin 2008 ;

Sur les frais d'expertise :

15. Considérant que les frais et honoraires d'expertises, taxés et liquidés à la somme de 2 314,35 euros par ordonnance du président du Tribunal administratif de Paris du 16 février 2007 sont mis à la charge définitive de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris ;

Sur l'indemnité forfaitaire :

16. Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère a droit à l'indemnité forfaitaire régie par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, pour le montant de 997 euros auquel elle est fixée, à la date du présent arrêt, par l'arrêté interministériel du 29 novembre 2011 ; qu'il y a lieu de mettre la somme de 997 euros à la charge de l'AP-HP ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'AP-HP la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère et non compris dans les dépens et la somme de 1 500 euros à verser à

Me Pierrot, sous réserve de renonciation à percevoir le montant correspondant de l'aide juridictionnelle ;

D E C I D E :

Article 1er : L'Assistance publique - Hôpitaux de Paris versera à Mme B la somme de 122 543 euros en réparation du préjudice subi, assortie des intérêts de droit à compter de la réception de sa demande préalable du 31 janvier 2008.

Article 2 : L'Assistance publique - Hôpitaux de Paris versera à la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère la somme de 65 929,14 euros en remboursement de ses débours, assortie des intérêts de droit à compter du 11 juin 2008 ainsi qu'une rente annuelle de 815,77 euros au titre des dépenses pharmaceutiques.

Article 3 : Les frais et honoraires d'expertises, taxés et liquidés à la somme de 2 314,35 euros par ordonnance du président du Tribunal administratif de Paris du 16 février 2007 sont mis à la charge définitive de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris.

Article 4 : L'Assistance publique - Hôpitaux de Paris versera à la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère la somme de 997 euros sur le fondement de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale et la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : L'Assistance publique - Hôpitaux de Paris versera à Me Pierrot la somme de

1 500 euros, sous réserve de sa renonciation à percevoir une indemnisation au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme Sophie B et de la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère est rejeté.

Article 7 : Le jugement n° 0807246/6-2 du Tribunal administratif de Paris du 4 février 2011 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

''

''

''

''

2

N° 11PA03467


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 11PA03467
Date de la décision : 27/11/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme STAHLBERGER
Rapporteur ?: Mme Pascale BAILLY
Rapporteur public ?: M. LADREYT
Avocat(s) : PIERROT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2012-11-27;11pa03467 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award