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22/11/2012 | FRANCE | N°11PA03348

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre, 22 novembre 2012, 11PA03348


Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif, enregistrés les 22 juillet et 14 septembre 2011, présentés pour Mme Jie épouse , demeurant ..., par Me Dandaleix ; Mme demande à la Cour, dans l'état de ses dernières écritures :

1°) d'annuler le jugement n° 1018933/5-2 en date du 31 mars 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 juillet 2010 par lequel le préfet de police a refusé son admission exceptionnelle au séjour et l'a obligée à quitter le territoire français ;

2°) d'annuler pour exc

ès de pouvoir ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer ...

Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif, enregistrés les 22 juillet et 14 septembre 2011, présentés pour Mme Jie épouse , demeurant ..., par Me Dandaleix ; Mme demande à la Cour, dans l'état de ses dernières écritures :

1°) d'annuler le jugement n° 1018933/5-2 en date du 31 mars 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 juillet 2010 par lequel le préfet de police a refusé son admission exceptionnelle au séjour et l'a obligée à quitter le territoire français ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " dans le délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 novembre 2012 :

- le rapport de Mme Renaudin, rapporteur,

- et les conclusions de Mme Merloz, rapporteur public ;

1. Considérant que Mme , de nationalité chinoise, entrée en France le 28 septembre 1999, a sollicité le 1er juin 2010 son admission au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la commission du titre de séjour a émis, le 15 juin 2010, un avis favorable à la délivrance du titre de séjour sollicité ; que par un arrêté en date du 21 juillet 2010, le préfet de police a opposé un refus à sa demande de titre de séjour et l'a assorti d'une obligation de quitter le territoire français ; que Mme relève appel du jugement du 31 mars 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté susmentionné ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que les premiers juges se sont prononcés sur l'ensemble des moyens invoqués par Mme et en particulier sur la violation des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement attaqué manque en fait ;

Sur la légalité des décisions contestées :

3. Considérant que par un arrêté n° 2010-00225 du 12 avril 2010, régulièrement publié au bulletin municipal officiel de la ville de Paris du 16 avril suivant, le préfet de police a donné à Mme Béatrice , conseillère d'administration de l'intérieur et de l'outre-mer, chef du 10ème bureau, délégation pour signer tous actes en cas d'empêchement du sous-directeur de l'administration des étrangers et de son adjointe ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le signataire de la décision contestée n'aurait pas été titulaire d'une délégation régulière manque en fait ;

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

4. Considérant, en premier lieu, que la décision contestée comporte dans ses visas et ses motifs les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde et qui permettent de vérifier que l'administration préfectorale a procédé à un examen de la situation particulière de Mme au regard des stipulations et des dispositions législatives et réglementaires applicables ; que le préfet a notamment relevé que l'intéressée s'était mariée en Chine avec un compatriote qui résidait depuis irrégulièrement sur le territoire français et avec lequel elle avait eu trois enfants dont un né en France ; que dès lors qu'il ressort des termes mêmes de la décision contestée que la situation familiale de l'intéressée a bien été examinée, celle-ci n'avait pas à viser en particulier la convention relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ; que par ailleurs le préfet, en relevant que l'intéressée ne produisait pas d'éléments répondant à des considérations humanitaires ou à des motifs exceptionnels, a suffisamment motivé son refus de l'admettre au séjour au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que Mme n'est donc pas fondée à soutenir que le préfet de police a entaché sa décision d'un défaut de motivation ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. / La commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour exprime un avis sur les critères d'admission exceptionnelle au séjour mentionnés au premier alinéa. (...) / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. " ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la commission du titre de séjour a émis, le 15 juin 2010, un avis favorable à l'octroi d'un titre de séjour à la requérante qui est produit au dossier ; que la requérante n'est donc pas fondée à soutenir que la décision contestée est entachée d'un vice de procédure ;

7. Considérant, en troisième lieu, que l'avis rendu par ladite commission, lorsqu'elle est saisie par le préfet, ne lie pas celui-ci auquel il appartient de prendre, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, une décision sur la délivrance d'un titre de séjour au demandeur ; que l'ancienneté de la présence en France de Mme ne peut être regardée comme répondant par elle-même à une considération humanitaire ou comme constituant un motif exceptionnel au sens des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la présence en France de son époux et la naissance sur le sol national d'un de leurs trois enfants, ainsi que la scolarisation de ces derniers et la circonstance qu'elle ait exercé des activités professionnelles, ne justifient pas davantage de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels au sens des dispositions précitées ; que les circonstances, postérieures à la décision de refus de séjour contestée, qu'une fille de Mme suive une scolarité exemplaire et qu'elle soit gravement malade, sont sans influence sur la légalité de celle-ci ; qu'en conséquence, en refusant à Mme l'admission au séjour à titre exceptionnel, le préfet de police n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

8. Considérant, en quatrième lieu, que Mme ne peut utilement invoquer la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle ait présenté sa demande de titre de séjour sur ce fondement et que le préfet de police, qui n'avait pas à s'en saisir d'office, n'a pas examiné sa situation au regard des dispositions de cet article ;

9. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui . " ;

10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme se maintient en situation irrégulière en France depuis le rejet de sa demande d'asile politique par une décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides du 30 novembre 1999 confirmée par la commission des recours des réfugiés le 21 mars 2000 ; qu'elle a fait l'objet depuis de plusieurs invitations à quitter le territoire français et de mesures de reconduite à la frontière ; que son époux est également en situation irrégulière en France ; qu'elle a vécu jusqu'à l'âge de 35 ans en Chine où elle s'est mariée et où sont nés et ont vécu ses deux premiers enfants et n'est pas dépourvue de liens familiaux dans ce pays où réside sa mère ; que si elle a exercé diverses activités professionnelles, elle ne démontre pas une intégration particulière à la société française ; que dans ces circonstances, compte tenu des conditions de son séjour en France et nonobstant son ancienneté, en l'absence de tout obstacle l'empêchant de reconstituer sa cellule familiale dans son pays d'origine, la décision de refus du 21 juillet 2010 n'a pas porté au droit de Mme au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'ainsi, cette décision n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

11. Considérant, enfin, que le préfet de police n'a pas davantage entaché l'arrêté contesté d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'il emporte sur la situation personnelle de l'intéressée ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens ;

12. Considérant qu'il ressort des dernières pièces produites au dossier par Mme qu'une de ses filles est atteinte d'une grave maladie et a dû être hospitalisée dans un contexte d'urgence, le praticien la suivant à l'hôpital Trousseau attestant que les soins qui seront réalisés nécessitent une surveillance au long cours et la présence des membres de sa famille pour la prendre en charge ; que, dans les circonstances particulières de l'espèce, Mme est fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français, qui la contraindrait à l'éloigner de sa fille, est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ; que, par suite, cette décision doit être annulée ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 juillet 2010 du préfet de police en ce que celui-ci l'oblige à quitter le territoire français ;

Sur les conclusions à fins d'injonction :

14. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ;

15. Considérant qu'au regard du motif d'annulation retenu, le présent arrêt n'implique pas qu'il soit enjoint au préfet de police de délivrer une carte de séjour temporaire à Mme ; que, cependant, l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français implique que soit délivrée à cette dernière une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que le préfet de police ait à nouveau statué sur son droit au séjour et ce, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Considérant que Mme ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat le paiement à Me Dandaleix, conseil de Mme , d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement en date du 31 mars 2011 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté la demande de Mme tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 juillet 2010 du préfet de police en ce qu'il porte obligation de quitter le territoire français et cette dernière décision sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer à Mme une autorisation provisoire de séjour et de procéder au réexamen de sa situation dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Dandaleix la somme de 1 500 euros au titre au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus de la requête de Mme est rejeté.

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N° 11PA03348


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3 ème chambre
Numéro d'arrêt : 11PA03348
Date de la décision : 22/11/2012
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : Mme VETTRAINO
Rapporteur ?: Mme Mathilde RENAUDIN
Rapporteur public ?: Mme MERLOZ
Avocat(s) : DANDALEIX

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2012-11-22;11pa03348 ?
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