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22/11/2012 | FRANCE | N°11PA01734

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre, 22 novembre 2012, 11PA01734


Vu la requête, enregistrée le 7 avril 2011, présentée pour l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), dont le siège est 36 avenue du Général de Gaulle Tour Galliéni 2 à Bagnolet Cedex (93175), par le cabinet Vatier et associés ; l'ONIAM demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0810318/6-2 du 25 janvier 2011 du Tribunal administratif de Paris en ce qu'il l'a condamné à verser à M. Philippe A la somme de 19 000 euros en réparation des préjudices personnels subis par celui-ci du

fait de sa contamination par le virus de l'hépatite C et de ramener cette...

Vu la requête, enregistrée le 7 avril 2011, présentée pour l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), dont le siège est 36 avenue du Général de Gaulle Tour Galliéni 2 à Bagnolet Cedex (93175), par le cabinet Vatier et associés ; l'ONIAM demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0810318/6-2 du 25 janvier 2011 du Tribunal administratif de Paris en ce qu'il l'a condamné à verser à M. Philippe A la somme de 19 000 euros en réparation des préjudices personnels subis par celui-ci du fait de sa contamination par le virus de l'hépatite C et de ramener cette indemnité à de plus justes proportions dans la limite d'un montant de 3 600 euros ;

2°) de réformer le jugement précité en ce qu'il l'a condamné au remboursement des débours supportés par la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Val d'Oise ;

3°) de condamner M. A et la CPAM du Val d'Oise à lui rembourser la différence entre les sommes allouées en première instance et celles de l'arrêt à intervenir ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ;

Vu la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009 ;

Vu les décrets n° 2010-251 et n° 2010-252 du 11 mars 2010 relatifs à l'indemnisation des victimes de préjudices résultant de contaminations par le virus d'immunodéficience humaine ou par le virus de l'hépatite C causées par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang ainsi qu'à l'indemnisation des victimes de préjudices résultant de vaccinations obligatoires ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 novembre 2012 :

- le rapport de Mme Folscheid, rapporteur,

- et les conclusions de Mme Merloz, rapporteur public ;

1. Considérant que, par jugement du 25 janvier 2011, le Tribunal administratif de Paris a reconnu l'origine transfusionnelle de la contamination de M. Philippe A par le virus de l'hépatite C, celle-ci ayant été diagnostiquée le 20 novembre 1990, à la suite de l'administration entre 1960 et 1987 dans divers établissements hospitaliers de nombreux produits sanguins, notamment des injections de facteurs de la coagulation en raison de son hémophilie ; que ce tribunal a condamné l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), substitué à l'Etablissement français du sang (EFS) en vertu des dispositions du IV de l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008, à verser à M. A une somme de 19 000 euros en réparation des préjudices résultant de sa contamination par le virus de l'hépatite C, et à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Val d'Oise une somme de 23 258, 11 euros ; que l'ONIAM, qui ne conteste pas le droit de M. A à être indemnisé par la solidarité nationale ni par suite sa propre condamnation à indemniser l'intéressé, demande, dans le dernier état de ses écritures, la réformation de ce jugement d'une part en ce que le tribunal a fait une appréciation excessive des préjudices subis par M. A, d'autre part en ce que le tribunal l'a condamné à rembourser à la CPAM du Val d'Oise les frais médicaux et pharmaceutiques engagés pour M. A ; que, par la voie de l'appel incident, la CPAM du Val d'Oise demande l'infirmation dudit jugement en ce qu'il a limité à la somme de 23 258, 11 euros sa créance qui s'élève à la somme de 23 371, 78 euros ;

Sur la mise hors de cause du CHI de Créteil et de la société hospitalière des assurances mutuelles (SHAM) :

2. Considérant qu'il y a lieu de faire droit à la demande de mise hors de cause du

CHI de Créteil et de la SHAM, aucune conclusion n'étant dirigée contre eux ;

Sur les préjudices subis par M. A :

Quant aux dépenses de santé :

3. Considérant qu'il résulte les dispositions du IV de l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008, selon lesquelles l'ONIAM se substitue à l'EFS dans les procédures tendant à l'indemnisation des préjudices mentionnés à l'article L. 1221-14 du code de la santé publique, en cours à la date d'entrée en vigueur de cet article et n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable, que le législateur a entendu, dans ces procédures, substituer l'ONIAM à l'EFS tant à l'égard des victimes que des tiers payeurs ; qu'il s'ensuit qu'en l'espèce, ce que l'ONIAM au demeurant ne conteste plus dans le dernier état de ses écritures, la CPAM du Val d'Oise peut exercer contre l'ONIAM le recours subrogatoire prévu par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis à la Cour que la CPAM du

Val d'Oise a produit une pièce établie le 27 novembre 2009 par son service contentieux récapitulant l'ensemble des prestations servies à son assuré, pour un montant total de 23 371, 78 euros, dont 1 894, 97 euros correspondant aux trois hospitalisations de M. A, et une " attestation d'imputabilité " établie par le praticien-conseil référent du recours contre tiers ; que cette attestation indique les dates des hospitalisations également mentionnées sur la fiche précitée ; que si, en revanche, ladite attestation ne détaille pas les frais de soins, qui s'élèvent selon la fiche à 2 560, 69 euros pour les frais médicaux et 18 916, 12 euros pour les frais pharmaceutiques, son auteur précise qu'il a écarté " les soins étrangers au problème " et que les frais en question correspondent aux " soins locaux et honoraires des praticiens médicaux et paramédicaux à compter du 20 novembre 1990, notamment le traitement par Interféron Pégylé et Ribavirine depuis le 11 mars 2005 " ; que, dans les circonstances de l'espèce, ces éléments d'information, qui sont corroborés par le rapport de l'expert, suffisent, sans qu'il soit besoin de recourir à une expertise ou toute autre mesure d'instruction, pour admettre l'imputabilité de la totalité des frais dont la caisse demande le remboursement au seul traitement de l'hépatite C dont a été atteint M. A ; que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, le montant total des dépenses de santé s'élève à 23 371, 78 euros, la caisse ayant actualisé dans un mémoire enregistré au greffe du tribunal le 19 juin 2010 le montant provisoire de sa créance fixé initialement à 23 258, 11 euros ;

Quant aux préjudices à caractère personnel :

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que l'hépatite chronique C de M. A, diagnostiquée en 1990, s'est caractérisée par l'absence, avant 2002, de manifestations cliniques et notamment d'asthénie, puis par l'apparition en 2002 d'une fibrose et d'une asthénie minimes qui ont persisté et justifié la mise en place le 11 mars 2005 d'un traitement par Interféron Pégylé et Ribavirine poursuivi jusqu'en février 2006 ; que trois mois après le début du traitement, le taux de transaminases de M. A était normalisé, le virus n'était plus détectable et l'asthénie demeurait modérée ; que l'efficacité du traitement antiviral a été confirmée huit mois après l'arrêt du traitement par un certificat médical daté du 11 octobre 2006, date à laquelle l'intéressé a consulté le Docteur B du pôle médico-chirurgical d'hépato-gastro-entérologie de Paris ;

6. Considérant que l'expert a retenu au titre des préjudices liés directement et exclusivement à la contamination de M. A par le VHC une incapacité temporaire totale de six jours, une incapacité temporaire partielle de 5% entre janvier 2002 et mars 2005, puis de 15% entre mars 2005, date du début du traitement antiviral, et mai 2005, date de la constatation d'une disparition du virus, enfin des souffrances physiques évaluées à 3 sur une échelle de 1 à 7 ; qu'en l'absence de tout document médical postérieur à 2006 produit par l'intéressé, permettant de démontrer l'existence d'une évolution défavorable depuis cette date, il y a lieu de considérer que M. A est guéri de sa pathologie, laquelle n'a donc entraîné aucun déficit fonctionnel permanent ; que l'expert n'a retenu aucun préjudice esthétique ; que si M. A fait état au titre de ce préjudice du psoriasis dont il est atteint, il n'est pas démontré que cette pathologie serait en lien avec l'hépatite ; qu'en outre, s'il fait valoir l'existence d'un préjudice d'agrément résultant de la nécessité d'éviter la consommation d'alcool et de l'impossibilité de pratiquer des loisirs durant les traitements, ces éléments ne caractérisent pas l'existence d'un préjudice d'agrément distinct des autres troubles dans les conditions d'existence que ceux déjà pris en compte ;

7. Considérant qu'en l'absence de déficit fonctionnel permanent, rien ne faisait obstacle à ce que le tribunal procède à une évaluation globale des différents préjudices subis par M. A et sus-rappelés au titre des troubles dans ses conditions d'existence ; que, contrairement à ce que soutient l'ONIAM, les premiers juges n'ont pas tenu compte, et ne le pouvaient d'ailleurs pas, d'un préjudice spécifique de contamination, la contamination par le virus de l'hépatite C ne constituant pas, par elle-même, un préjudice indemnisable distinct de celui réparé au titre des troubles de toute nature dans les conditions d'existence ; que s'ils ont à tort tenu compte des craintes que M. A peut encore entretenir quant à l'évolution de son état de santé alors qu'il est guéri, il convient toutefois, pour apprécier les troubles de toute nature subis par l'intéressé dans ses conditions d'existence, de prendre en compte les craintes qu'il avait pu légitimement entretenir quant à l'évolution de son état pendant la période comprise entre 1990, où il a eu connaissance de sa contamination par le VHC, et 2006, où il doit être regardé comme guéri ; qu'en évaluant ces troubles à la somme totale de 19 000 euros, les premiers juges ont fait une appréciation excessive des préjudices personnels subis par M. A ; que cette somme doit être ramenée à 6 000 euros ;

Sur les sommes dues par l'ONIAM :

8. Considérant d'une part que l'indemnité due par l'ONIAM à la CPAM du Val d'Oise au titre des dépenses de santé intégralement prises en charge par celle-ci s'élève à la somme de 23 371, 78 euros assortie des intérêts légaux à compter du 23 juillet 2008 ;

9. Considérant, d'autre part, que l'indemnité due par l'ONIAM à M. A doit être ramenée à 9 000 euros, incluant les frais d'expertise laissés à la charge de M. A, somme assortie des intérêts légaux à compter du 12 juin 2008, capitalisés à compter du 12 juin 2009 et à chaque date anniversaire de cette date ;

Sur les conclusions présentées par l'ONIAM aux fins de remboursement :

10. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L. 11 du code de justice administrative que les décisions des juridictions administratives sont exécutoires ; que, lorsque le juge d'appel infirme une condamnation prononcée en première instance, sa décision, dont l'expédition notifiée aux parties est revêtue de la formule exécutoire prévue à l'article R. 751-1 du code de justice administrative, permet par elle-même d'obtenir, au besoin d'office, le remboursement de sommes déjà versées en vertu de cette condamnation ; qu'ainsi les conclusions de l'ONIAM tendant à ce que la Cour condamne M. A au remboursement des sommes qu'il a dû verser au titre de l'exécution du jugement attaqué, dont le montant est réformé en appel, sont sans objet ; qu'elles ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'ONIAM, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. A au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La somme de 22 000 euros, assortie des intérêts légaux à compter du 12 juin 2008, capitalisés à compter du 12 juin 2009 et à chaque date anniversaire de cette date, que l'ONIAM a été condamné à verser à M. A par l'article 1er du jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 25 janvier 2011 est ramenée à 9 000 euros.

Article 2 : La somme de 23 258, 11 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du

23 juillet 2008, que l'ONIAM a été condamné à verser à la CPAM du Val d'Oise, par l'article 2 du jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 25 janvier 2011, est portée à 23 371, 78 euros.

Article 3 : Le jugement susmentionné du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il est contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de l'ONIAM est rejeté.

Article 5 : Les conclusions de M. A tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 10PA03855

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N° 11PA01734


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3 ème chambre
Numéro d'arrêt : 11PA01734
Date de la décision : 22/11/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme VETTRAINO
Rapporteur ?: Mme Bénédicte FOLSCHEID
Rapporteur public ?: Mme MERLOZ
Avocat(s) : ASSOCIATION D'AVOCATS VATIER et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2012-11-22;11pa01734 ?
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