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18/10/2012 | FRANCE | N°12PA00018

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 18 octobre 2012, 12PA00018


Vu la requête, enregistrée le 3 janvier 2012, présentée pour la SARL Auteuil Investissement ayant son siège social 14 rue Avaulée à Malakoff (92240), par Me Meillard et Guillini ; la SARL Auteuil Investissement demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1017868 - 1022149 du 3 novembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du maire de Paris en date du 2 juillet 2010 portant préemption du lot n° 1 de l'ensemble immobilier sis

54-58 rue des Cascades et 357-359 rue des Pyrénées, Paris 20èm

e, et de la décision implicite rejetant son recours gracieux du 1er septembre...

Vu la requête, enregistrée le 3 janvier 2012, présentée pour la SARL Auteuil Investissement ayant son siège social 14 rue Avaulée à Malakoff (92240), par Me Meillard et Guillini ; la SARL Auteuil Investissement demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1017868 - 1022149 du 3 novembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du maire de Paris en date du 2 juillet 2010 portant préemption du lot n° 1 de l'ensemble immobilier sis

54-58 rue des Cascades et 357-359 rue des Pyrénées, Paris 20ème, et de la décision implicite rejetant son recours gracieux du 1er septembre 2010 ;

2°) d'annuler ces décisions ;

3°) d'enjoindre à la ville de Paris, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt, de lui proposer l'acquisition du bien illégalement préempté, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la ville de Paris la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 octobre 2012 :

- le rapport de M. Bergeret, rapporteur,

- les conclusions de Mme Vidal, rapporteur public,

- et les observations de Me Loctin pour la ville de Paris ;

1. Considérant que la SCI Résidence des Cascades, propriétaire de la majeure partie de l'immeuble, anciennement à usage de foyer PTT, sis 54-58 rue des Cascades et 357-359 rue des Pyrénées, Paris 20ème, en a promis la vente à la SARL Auteuil Investissement, au prix de 7 230 096 euros incluant une commission d'agence de 330 096 euros ; qu'au vu de la déclaration d'intention d'aliéner reçue en mairie le 3 mai, une décision de préemption de ce bien immobilier a été prise le 2 juillet 2010, au prix de 5 000 000 d'euros commission comprise, pour y réaliser une " résidence sociale " ; que la SCI Résidence des Cascades et la SARL Auteuil Investissement ont demandé au Tribunal administratif de Paris l'annulation de cette décision et de celles ayant implicitement rejeté leurs recours gracieux ; que la SARL Auteuil Investissement relève appel du jugement en date du 3 novembre 2011 par lequel sa demande a été rejetée ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que si la SARL Auteuil Investissement fait valoir que le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il n'a pas visé son mémoire en réplique, enregistré le 20 avril 2011, il résulte de l'examen de la minute de ce jugement que ce moyen manque en fait ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

3. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des pièces du dossier que par une délibération du 21 mars 2008, le conseil de Paris a accordé à son maire une délégation de pouvoirs dans les matières visées à l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales, comprenant l'exercice, au nom de la commune, des droits de préemption définis par le code de l'urbanisme ; que l'article 2 de cette délibération précise que le maire est autorisé à consentir, sur les matières ainsi déléguées, des délégations de signature dans les conditions prévues à l'article L. 2511-27 du même code, en vertu duquel à Paris, Lyon et Marseille, le maire peut déléguer sa signature au directeur général des services de la mairie et aux responsables de services communaux ; que par arrêté en date du 17 juin 2008, transmis au représentant de l'Etat le même jour et publié au bulletin municipal officiel de la ville de Paris le 24 juin suivant, qui était donc exécutoire à la date de la décision de préemption contestée, le maire a délégué sa signature à M. Bernard A, maire-adjoint, par application de l'article L. 2122-23 du code général des collectivités territoriales, pour " signer tous les actes et décisions, notamment les décisions de préemption " ; qu'aux termes de cet article L. 2122-23 : " (...) Sauf disposition contraire dans la délibération portant délégation, les décisions prises en application de celle-ci peuvent être signées par un adjoint (...) agissant par délégation du maire dans les conditions fixées à l'article L. 2122-18 " ; que la circonstance que la délibération du 21 mars 2008 précisait que le maire disposait par ailleurs du droit de déléguer sa signature sur le fondement des dispositions de l'article L. 2511-27 ne constituait pas une " disposition contraire " au sens de l'article L. 2122-23 par laquelle le conseil municipal aurait voulu faire obstacle aux possibilités de délégation de signature décidées par le maire, en vertu des dispositions précitées de l'article L. 2122-23, au profit d'un adjoint bénéficiant d'une délégation de pouvoir délivrée en vertu de l'article L. 2122-18 ; qu'il résulte de ce qui précède que la SARL Auteuil Investissement n'est pas fondée à soutenir que la décision de préemption contestée est entachée d'incompétence ;

4. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. / Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé (...) Lorsque la commune a délibéré pour définir le cadre des actions qu'elle entend mettre en oeuvre pour mener à bien un programme local de l'habitat ou, en l'absence de programme local de l'habitat, lorsque la commune a délibéré pour définir le cadre des actions qu'elle entend mettre en oeuvre pour mener à bien un programme de construction de logements locatifs sociaux, la décision de préemption peut, sauf lorsqu'il s'agit d'un bien mentionné à l'article L. 211-4, se référer aux dispositions de cette délibération (...) " ; qu'en vertu de l'article L. 300-1 du même code : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en oeuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date et, d'autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption ; que, parmi les actions et opérations d'aménagement mentionnées à l'article L. 300-1 figurent notamment celles ayant pour objet la mise en oeuvre d'une politique locale de l'habitat ;

5. Considérant que la décision de préemption attaquée, qui indique qu'elle est prise " afin de permettre la réalisation sur la parcelle d'une résidence sociale de 140 studios environ ", est ainsi suffisamment motivée ; qu'il en résulte que la SARL Auteuil Investissement ne peut, en tout état de cause, utilement faire valoir qu'elle serait entachée d'insuffisance de motivation du fait qu'elle fait par ailleurs référence à la délibération du conseil de Paris en date des 1er et 2 octobre 2007 par laquelle a été approuvé le programme de logements locatifs sociaux de la ville de Paris pour les années 2008 à 2010, alors qu'une telle possibilité de motivation d'une décision de préemption par référence à une délibération approuvant un programme local de l'habitat ou un programme de logements sociaux, posée par le dernier alinéa précité de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme, serait inconstitutionnelle ;

6. Considérant, en troisième lieu, que si la SARL Auteuil Investissement soutient que la décision contestée aurait été décidée sans examen particulier des données de l'affaire, le maire saisissant systématiquement toutes les occasions de préempter pour atteindre l'objectif chiffré de 6 000 nouveaux logements sociaux par an que la ville s'est assigné par sa délibération précitée des 1er et 2 octobre 2007, il ressort au contraire des pièces du dossier que la décision de préemption, prise notamment au vu de l'étude de faisabilité réalisée le 23 juin 2010 par la direction du logement et de l'habitat de la ville de Paris, a été précédée d'une réflexion sur l'opportunité de préempter le bien immobilier dont il s'agit et a pris en compte les données particulières de l'espèce ;

7. Considérant, enfin, qu'il ressort des termes mêmes de l'étude de faisabilité précitée du 23 juin 2010 qui procède à un historique et à une description assez détaillée de l'immeuble concerné, et qui évalue les modalités, techniques et financières, d'une transformation en résidence sociale ou foyer de jeunes travailleurs de 140 chambres, pour un coût global prévisionnel de 14 millions d'euros, soit moins de 5 000 euros par m² habitable, que le projet par lequel est motivé l'opération de préemption contestée, qui s'inscrit par ailleurs dans le cadre de la délibération précitée des 1er et 2 octobre 2007 fixant le cadre des actions à mener pour réaliser, notamment au moyen de préemptions, le programme de logements locatifs sociaux sur les années 2008 à 2010, est réel et plausible ; qu'à cet égard, ni la circonstance que la ville ait repris l'engagement pris par l'acquéreur, mentionné dans la déclaration d'intention d'aliéner, de proroger pour six ans les baux en cours, ni celle que par une lettre du 21 février 2008 à l'ancien propriétaire, l'adjoint au maire, chargé du logement, avait indiqué au propriétaire qu'au vu des études alors menées par différents bailleurs sociaux, le bien immobilier n'était pas compatible avec un conventionnement en logement social et ne serait donc pas préempté en cas de cession, ne sont de nature à établir l'absence de caractère réel du projet en cause ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SARL Auteuil Investisssement n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que la SARL Auteuil Investisssement étant partie perdante dans la présente instance, ses conclusions formées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à hauteur de 2 000 euros aux mêmes conclusions présentées à son encontre par la ville de Paris ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête présentée par la SARL Auteuil Investissement est rejetée.

Article 2 : La SARL Auteuil Investissement versera une somme de 2 000 euros à la ville de Paris en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 12PA00018


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 12PA00018
Date de la décision : 18/10/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme LACKMANN
Rapporteur ?: M. Yves BERGERET
Rapporteur public ?: Mme VIDAL
Avocat(s) : GUILLINI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2012-10-18;12pa00018 ?
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