La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/10/2012 | FRANCE | N°11PA04088

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre, 04 octobre 2012, 11PA04088


Vu la requête, enregistrée le 9 septembre 2011, présentée pour l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), dont le siège est ..., par Me Ribeiro ; l'ONIAM demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0906558/1 du 10 juin 2011 du Tribunal administratif de Melun, en tant qu'il a mis à sa charge la réparation de 10% du préjudice subi par les ayants droit de M. Jonas B à la suite de l'opération que ce dernier a subie le 30 mars 2007 au centre hospitalier de Lagny-sur-Marne, soit une somme de 1

3 043, 52 euros ;

2°) de le mettre hors de cause ;

..................

Vu la requête, enregistrée le 9 septembre 2011, présentée pour l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), dont le siège est ..., par Me Ribeiro ; l'ONIAM demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0906558/1 du 10 juin 2011 du Tribunal administratif de Melun, en tant qu'il a mis à sa charge la réparation de 10% du préjudice subi par les ayants droit de M. Jonas B à la suite de l'opération que ce dernier a subie le 30 mars 2007 au centre hospitalier de Lagny-sur-Marne, soit une somme de 13 043, 52 euros ;

2°) de le mettre hors de cause ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 septembre 2012 :

- le rapport de Mme Julliard, rapporteur,

- les conclusions de Mme Merloz, rapporteur public,

- et les observations de Me Feral, pour l'ONIAM ;

1. Considérant que M. Jonas C, âgé de 22 ans à l'époque des faits, en bonne santé et sans risque anesthésique détecté avant l'intervention, a été opéré le

30 mars 2007 au centre hospitalier de Lagny-sur-Marne d'une obstruction nasale ; qu'au cours de l'opération réalisée sous anesthésie générale, accompagnée d'une anesthésie locale de contact, est survenue une dépression respiratoire entraînant une sévère hypoxie et une encéphalopathie post-anoxique ; que le patient a été plongé dans un état végétatif chronique irréversible ; qu'à la suite de l'avis émis le 27 mars 2008 par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux d'Ile-de-France, aux termes duquel la réparation des dommages subis par l'intéressé incombait intégralement au centre hospitalier de

Lagny-sur-Marne, aucun accord n'ayant pu être trouvé avec l'assureur du centre, la SHAM, M. Jonas B, ainsi que ses parents, frères et soeurs, ont saisi le Tribunal administratif de Melun, d'une requête enregistrée le 10 septembre 2009, tendant à l'indemnisation de leurs préjudices ; que M. Jonas B étant décédé le 7 novembre 2009, l'instance a été poursuivie par ses ayants droit ; que l'office national d'indemnisation des accidents médicaux relève appel du jugement du 10 juin 2011 du Tribunal administratif de Melun, en tant que ce dernier, après avoir reconnu la responsabilité fautive du centre hospitalier de Lagny-sur-Marne et mis à la charge de celui-ci la réparation de 90% des préjudices indemnisables des requérants, a imputé à l'office la réparation de 10% des préjudices restants, à raison de l'existence d'un accident médical non fautif à l'origine du dommage subi par M. Jonas B lors de l'opération du 30 mars 2007, soit une somme de 13 043, 52 euros ;

Sur la mise en cause de l'ONIAM :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique :

" I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. / Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère. / II. - Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. (...) " ; qu'en vertu des articles L. 1142-17 et L. 1142-22 du même code, la réparation au titre de la solidarité nationale est assurée par l'ONIAM ;

3. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise, que l'hypoxie sévère dont a été victime M. Jonas B lors de son opération le

30 mars 2007 au centre hospitalier de Lagny-sur-Marne, est, selon les termes de l'expert,

" en rapport avec une dépression respiratoire induite par une association d'Hypnovel-Sufentanil alors que le patient avait reçu en prémédication 100 mg d'Atarax, une heure avant l'intervention et que la conjonction des effets dépresseurs respiratoires de ces deux agents et de l'arrêt des stimulations nociceptives a favorisé la survenue d'une dépression respiratoire qui n'a pas été reconnue par l'infirmière anesthésiste " ; que si le rapport précise que ces effets ont abondamment été étudiés dans la littérature médicale et sont connus de tous les anesthésistes, il n'allègue pas qu'une faute aurait été commise dans le choix, l'association ou le dosage des anesthésiants ; que l'ONIAM ne démontre pas le contraire ; qu'ainsi, c'est à bon droit que le tribunal a considéré que la dépression respiratoire et l'arrêt cardiaque qui ont plongé M. Jonas B dans un coma irréversible, puis ont entraîné son décès, constituent un accident anesthésique qui a eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présente le caractère de gravité exigé par les dispositions de l'article D. 1142-1 du code de la santé publique ;

4. Considérant, d'autre part, que la défaillance fautive dans la surveillance du patient, tant de la part de l'infirmière que du médecin anesthésiste, retenue par le tribunal et qui a entraîné pour M. Jonas B une perte de chance d'éviter les lésions irréversibles de son système nerveux central, n'est contestée par aucune des parties ; qu'il résulte également de l'instruction que c'est par une juste appréciation des faits de l'espèce que le tribunal a fixé le pourcentage de perte de chance induite par ces fautes à 90% et a, en conséquence, d'une part condamné le centre hospitalier de Lagny-sur-Marne à réparer à hauteur de ce taux les préjudices résultant pour les ayants droit de M. B de l'opération subie par lui le 30 mars 2007, d'autre part jugé, sur le fondement des dispositions de l'article L. 1142-1 et des règles de réparation de la perte de chance, qu'il appartenait à l'ONIAM d'indemniser au titre de la solidarité nationale la part de 10% du dommage subi résultant de l'accident thérapeutique non réparée par les indemnités à la charge du centre hospitalier responsable de la perte de chance ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'ONIAM et les consorts B ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a mis à la charge de l'ONIAM la réparation de 10% du préjudice subi par les

ayants droit de M. Jonas B à la suite de l'opération que ce dernier a subie le 30 mars 2007 au centre hospitalier de Lagny-sur-Marne ;

Sur les conclusions incidentes subsidiaires présentées par les consorts B :

6. Considérant que les consorts B soutiennent à bon droit que c'est par une interprétation erronée des dispositions précitées de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique que le tribunal a considéré que la fraction de 10% de leurs préjudices propres ne pouvait être indemnisée par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale ; qu'il résulte, en effet, des termes de cet article, éclairés par les travaux parlementaires préalables à l'adoption de la loi du 9 août 2004 qui a modifié la rédaction des dispositions de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique issues de la loi du 4 mars 2002, que l'ONIAM assure à ce titre la réparation des préjudices du patient et, en cas de décès, de ses ayants droit " en cette qualité et en leur nom personnel " ;

7. Considérant, en premier lieu, que c'est à bon droit que le tribunal a estimé que la somme de 8 426, 22 euros que les consorts B justifient avoir exposée au titre des frais d'obsèques devait leur être accordée, nonobstant le fait que le caveau creusé comporte trois places ; qu'il y a lieu de mettre à la charge de l'ONIAM 10% de cette somme, soit 842, 62 euros ;

8. Considérant, en second lieu, que la part revenant à l'ONIAM dans l'indemnisation des troubles dans les conditions d'existence et du préjudice moral subi par les consorts B lors de l'accompagnement de M. Jonas B durant les trente mois pendant lesquels celui-ci a été plongé dans le coma, ainsi que de leur préjudice moral lié à son décès, et dont le tribunal a fait une juste appréciation en la fixant à 45 000 euros pour chacun des parents et à 30 000 euros pour chacun des frères et soeurs de M. Jonas B, s'élève à 4 500 euros pour chacun des parents et 3 000 euros pour chacun des frères et soeurs de M. Jonas B ;

Sur les intérêts :

9. Considérant que les sommes mises à la charge de l'ONIAM par le présent arrêt porteront intérêt au taux légal à compter de la date d'introduction de la requête des consorts B devant le Tribunal administratif de Melun, soit le 10 septembre 2009 ;

Sur les conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie de

Seine-et-Marne tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ONIAM la somme demandée par la caisse primaire d'assurance maladie de

Seine-et-Marne au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de l'office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) est rejetée.

Article 2 : L'office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) versera aux consorts B la somme de 842, 62 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 10 septembre 2009.

Article 3 : L'office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) versera à chacun des parents de M. Jonas B la somme de 4 500 euros et à chacun des frères et soeurs de M. Jonas B la somme de 3 000 euros. Ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 10 septembre 2009.

Article 4 : Les conclusions de la Caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le jugement du 10 juin 2011 du Tribunal administratif de Melun est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

''

''

''

''

5

N° 10PA03855

2

N° 11PA04088


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3 ème chambre
Numéro d'arrêt : 11PA04088
Date de la décision : 04/10/2012
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : Mme FOLSCHEID
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: Mme MERLOZ
Avocat(s) : BJMR AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2012-10-04;11pa04088 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award