Vu la requête, enregistrée le 6 juillet 2011, présentée pour Mme Nicole A, demeurant ..., par Me Fortunet ; Mme A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0915902/6-1 du 2 mai 2011 du Tribunal administratif de Paris en ce qu'il a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) à l'indemniser du préjudice ayant résulté des actes médicaux qui lui ont été dispensés à l'hôpital Lariboisière les 13 janvier et 25 avril 2006 en lui versant la somme de 123 500 euros ;
2°) à titre principal, de condamner l'AP-HP à lui verser la somme globale de 123 500 euros en réparation de ses différents préjudices et de réserver la somme à parfaire au titre de l'assistance d'une tierce personne et, à titre subsidiaire, de condamner l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser ces mêmes sommes ;
3°) de mettre à la charge de l'AP-HP ou de l'ONIAM une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 septembre 2012 :
- le rapport de Mme Renaudin, rapporteur,
- les conclusions de Mme Merloz, rapporteur public,
- et les observations de Me Fortunet, pour Mme A, et de Me Tsouderos, pour l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris ;
1. Considérant que les examens pratiqués en 2005 ont révélé que Mme A, qui se plaignait de l'augmentation importante d'une masse rétro-mandibulaire gauche, présentait un faux anévrisme de la carotide interne gauche de 35 mm de diamètre ; que Mme A a subi, le 13 janvier 2006 à l'hôpital Lariboisière (AP-HP), une intervention par voie endoluminale pour la mise en place de deux endoprothèses artérielles, ou stents ; que cependant l'anévrisme a persisté et s'est partiellement thrombosé, devenant inflammatoire ; qu'une nouvelle intervention pratiquée le 25 avril 2006 a donc été rendue nécessaire, l'équipe médicale ayant choisi de recourir à la même méthode thérapeutique par la pose d'un troisième stent ; qu'au cours de cette opération, un contrôle angiographique a révélé la survenance d'un accident vasculaire cérébral de type embolique, qui a occasionné, malgré une thrombolyse immédiate, une lésion ischémique fronto-temporale ; que Mme A a présenté, durant plusieurs mois, une aphasie d'expression et de compréhension ; qu'elle garde des séquelles à type de légère paralysie faciale et de dysphagie ; que la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux d'Ile-de-France (CRCI), saisie le 4 mai 2007 par Mme A, a rejeté sa demande d'indemnisation par un avis rendu le 25 septembre 2008 ; que Mme A a saisi en 2009 le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à la condamnation de l'AP-HP à l'indemniser du préjudice subi en lui versant la somme de 123 500 euros ; que par le jugement du 2 mai 2011, dont Mme A relève régulièrement appel, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande indemnitaire ainsi que la demande formulée par la caisse primaire d'assurance maladie du Vaucluse au titre de ses débours ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " - I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. (...) / II. - Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'incapacité permanente ou de la durée de l'incapacité temporaire de travail. / Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'incapacité permanente supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret. " ;
Sur la responsabilité pour faute de l'AP-HP :
En ce qui concerne les choix thérapeutiques opérés et la réalisation des interventions :
3. Considérant que si Mme A fait valoir que l'équipe médicale a commis une faute en faisant un choix thérapeutique inapproprié, il résulte de l'instruction, comme en ont jugé à bon droit les premiers juges, en premier lieu, que les interventions qu'elle a subies les 13 janvier et 25 avril 2006 étaient médicalement justifiées ; qu'en effet, si Mme A se prévaut de ce que le professeur de l'hôpital Bichat qu'elle a consulté préalablement à sa première opération a mentionné, dans un courrier en date du 18 juillet 2005 produit au dossier au sujet de la pathologie qu'elle présentait, que " ce type d'anévrisme ne se rompt pas, ne donne pas de complication hémorragique. " et qu'il lui aurait volontiers proposé pour ces raisons une abstention thérapeutique, il ressort également des termes de ce courrier que, compte tenu, d'une part, du siège inhabituel de la lésion ainsi que de son volume et du fait qu'elle avait beaucoup grossi depuis un an, ce qui pouvait plaider en faveur de son caractère dynamique et justifier un traitement, d'autant que le risque théorique de celle-ci était un accident embolique cérébral, il a proposé une intervention chirurgicale ou le traitement alternatif par la mise en place de stents ; que la nécessité de cette première intervention ressort également des analyses des experts, notamment du rapport des Docteurs B et C qui affirment que l'anévrisme de grand diamètre présenté par Mme A présentait un double risque de rupture et d'embolie et que son traitement était impératif ; que, de même le Professeur D indique dans son rapport susvisé que l'anévrisme pouvant entraîner une migration de caillots susceptibles de provoquer un accident vasculaire cérébral, l'indication thérapeutique était justifiée ; que, s'agissant de la seconde intervention pratiquée le 25 avril 2006, il résulte de l'instruction que la première intervention n'avait pas permis la résorption complète de la lésion, celle-ci continuant à être alimentée par un flux intra-anévrismal, qui est à l'origine de sa tuméfaction post-opératoire ; que le Professeur D relève que, dans ces circonstances, il était logique de procéder à un geste complémentaire et que les Docteurs B et C concluent que le traitement de cet anévrisme était impératif ;
4. Considérant, en second lieu, que si Mme A soutient que le traitement choisi n'était pas le traitement classique et qu'il existait une autre alternative consistant en un pontage, option thérapeutique au sujet de laquelle elle n'apporte au demeurant aucun élément au dossier, il résulte de l'instruction et notamment des rapports d'expertise que la voie endoluminale pour la mise en place de stents était appropriée ; qu'en effet, dans son courrier susmentionné du 18 juillet 2005, le professeur de l'hôpital Bichat explique que l'intervention chirurgicale classique, dont se prévaut la requérante, serait difficile et non dénuée de risques pour les structures nerveuses alentour " même réalisée par le meilleur des chirurgiens vasculaires " compte tenu du siège de l'anévrisme, alors que l'insertion d'un stent ne pose pas de problèmes pour les structures adjacentes et paraît être " la technique la plus sûre " ; que, compte tenu de ces circonstances précises, le fait que ce traitement alternatif soit moins documenté dans les études médicales que la chirurgie ne faisait pas obstacle à son choix ; qu'au demeurant le Professeur D relève que la patiente a choisi le traitement endo-vasculaire ; que les Docteurs B et C notent que l'indication du traitement endoluminal était acceptable malgré l'absence de séries pour confirmer sa validité et le traitement chirurgical comportant des risques d'embolisation et de lésion neurologique locale ; que, par ailleurs, s'agissant de l'intervention du 25 avril 2006, les Docteurs B et C relèvent que le choix de poser un stent était parfaitement justifié à cette date puisqu'il venait en complément du traitement antérieur et était à même d'arrêter le flux intra-anévrismal résiduel ; qu'il résulte donc de l'instruction que les choix thérapeutiques des deux opérations pratiquées n'étaient, contrairement à ce que soutiennent Mme A et l'ONIAM, pas fautifs ;
5. Considérant que si Mme A soutient que la dissection de la carotide ayant résulté de la pose de stents est la conséquence d'un défaut dans le geste médical, elle n'apporte aucun élément de nature à l'établir, alors qu'il résulte de l'instruction et notamment des différents rapports d'expertise que les interventions ont été réalisées conformément aux règles de l'art et que l'embolisation qui est survenue lors de la seconde intervention constitue un aléa thérapeutique, dont la prise en charge correspondait en outre aux bonnes pratiques médicales ; que c'est donc à bon droit que les premiers juges ont jugé qu'aucune faute médicale ne pouvait être imputée à l'AP-HP dans l'administration des soins prodigués à Mme A ;
En ce qui concerne le défaut d'information :
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. (...) / Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser. Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel. (...) / En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen. " ;
7. Considérant que les Docteurs B et C ont relevé dans leur rapport qu'il semblait que Mme A n'avait pas été informée des risques qui pouvaient résulter de la seconde intervention pratiquée le 25 avril 2006 ; que l'AP-HP n'établit pas le contraire ; que, par suite, en l'absence d'urgence rendant impossible l'information préalable du patient, ce défaut d'information a constitué une faute susceptible d'engager la responsabilité de l'AP-HP ;
8. Considérant toutefois que le défaut d'information n'engage la responsabilité de l'hôpital que dans la mesure où il prive le patient d'une chance de se soustraire au risque lié à l'intervention, laquelle doit être fixée à une fraction du préjudice subi ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment des rapports d'expertise, que cette deuxième intervention était indispensable compte tenu de l'évolution de la lésion présentée par Mme A après la première intervention, soit la persistance de sa croissance et d'importantes douleurs inflammatoires, les experts concluant comme il a été dit à un traitement " impératif " ; que s'il existait une alternative thérapeutique consistant en un traitement chirurgical classique, celui-ci comportait le même risque de complications emboliques, comme l'ont noté dans leur rapport les Docteurs B et C en concluant que le défaut d'information n'avait donc pas généré de perte de chances ; qu'ainsi, comme l'ont jugé à bon droit les premiers juges, le défaut d'information dont Mme A a été victime n'a pas entraîné pour elle, dans les circonstances de l'espèce, une perte de chance de se soustraire au risque qui s'est réalisé et ne lui ouvre, par suite, aucun droit à indemnisation ;
Sur l'indemnisation au titre de la solidarité nationale :
9. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise des Docteurs B et C, répondant à la question générale posée dans leur mission sur l'évolution spontanée de la pathologie présentée par Mme A, que celle-ci, qualifiée de rare, présente d'après la littérature médicale un risque d'accident vasculaire cérébral ou de décès spontané dans 50% des lésions, qui est donc le taux retenu par ces experts ; que contrairement à ce que soutient Mme A, ce taux n'a donc pas été déterminé par les experts en fonction de son état de santé entre les deux interventions qu'elle a subies ; que compte tenu de cette forte prédisposition au risque qui s'est finalement réalisé, les préjudices subis par la requérante ne peuvent être regardés comme ayant eu des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci au sens des dispositions du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique et n'ouvrent par conséquent pas droit à leur réparation au titre de la solidarité nationale, comme l'ont jugé à bon droit les premiers juges ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation de ses préjudices résultant des interventions pratiquées à l'hôpital Lariboisière les 13 janvier et 25 avril 2006 ; que, de même, la caisse primaire d'assurance maladie du Vaucluse n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement attaqué en ce qu'il a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'AP-HP à lui rembourser ses débours ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par Mme A doivent dès lors être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.
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N° 10PA03855
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N° 11PA03062