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20/09/2012 | FRANCE | N°11PA05119

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre, 20 septembre 2012, 11PA05119


Vu la requête, enregistrée le 11 décembre 2011, présentée pour Mme Annick B, demeurant ..., par Me Guinard-Terrin ; Mme B demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1017667/6-3 du 29 septembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à ce que l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) soit condamnée à lui verser la somme de 32 800,45 euros en réparation des préjudices résultant de sa contamination par le virus de l'hépatite C ;

2°) de condamner l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à lui verser la somme de 32

800, 45 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Assistance publique-Hôpitaux de...

Vu la requête, enregistrée le 11 décembre 2011, présentée pour Mme Annick B, demeurant ..., par Me Guinard-Terrin ; Mme B demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1017667/6-3 du 29 septembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à ce que l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) soit condamnée à lui verser la somme de 32 800,45 euros en réparation des préjudices résultant de sa contamination par le virus de l'hépatite C ;

2°) de condamner l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à lui verser la somme de 32 800, 45 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 septembre 2012 :

- le rapport de Mme Macaud, rapporteur,

- les conclusions de Mme Merloz, rapporteur public,

- et les observations de Me Solassol, pour l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris ;

1. Considérant que Mme B a fait l'objet, le 15 juin 1999, à l'hôpital Rothschild, d'une intervention chirurgicale consistant en une dilatation urétérale progressive et aidée, avec une méatotomie et une méatoplastie par points séparés ; qu'une sonde urinaire a ensuite été laissée pendant trois jours, Mme B ayant quitté l'hôpital quelques jours après l'intervention ; qu'en mars 2000, des tests ont révélé que Mme B était contaminée par le virus de l'hépatite C, une biopsie hépatique pratiquée le 14 juin 2000 révélant une hépatite chronique modérément agressive ; qu'après un traitement par interféron d'une durée de sept mois, interrompu en raison d'effets secondaires thyroïdiens, la guérison virologique de Mme B a été constatée, la consolidation pouvant être fixée à la date du 9 mars 2007 ; qu'après le dépôt, en novembre 2008, du rapport de l'expert désigné par le Tribunal administratif de Paris, Mme B, imputant sa contamination à l'intervention chirurgicale pratiquée le 15 juin 1999 à l'hôpital Rotschild, a adressé une demande d'indemnisation au directeur de l'hôpital, demande que l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris a rejetée le 6 août 2010 ; que Mme B a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à la condamnation de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à lui verser la somme de 32 800,45 euros en réparation des préjudices subis, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne étant intervenue pour demander la condamnation de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à lui verser une somme de 43 569,72 euros au titre des débours qu'elle a exposés dans l'intérêt de Mme B ; que, par un jugement du 29 septembre 2011, le tribunal a rejeté ces demandes ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à la requête de Mme B :

2. Considérant que la requête d'appel de Mme B, qui ne constitue pas la reproduction littérale du mémoire de première instance et énonce de nouveau les motifs qui, selon elle, justifient la condamnation de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris qu'elle a demandée au tribunal administratif, répond aux exigences de motivation des requêtes d'appel prévues par l'article R. 411-1 du code de justice administrative ; que la fin de non-recevoir opposée par l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris doit par suite être écartée ;

Sur la responsabilité de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris :

3. Considérant que, pour rejeter la demande de Mme B, les premiers juges ont considéré qu'il n'était pas établi que Mme B était indemne de toute infection par le virus de l'hépatite C avant son hospitalisation en juin 1999 à l'hôpital Rothschild et qu'elle n'était, par suite, pas fondée à soutenir que son infection par le virus de l'hépatite C relevait d'une faute dans l'organisation et le fonctionnement du service hospitalier à l'occasion de l'intervention chirurgicale du 15 juin 1999 ; qu'il résulte toutefois de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que la contamination de Mme B par le virus de l'hépatite C a été mise en évidence le 15 mars 2000, les examens pré-opératoires réalisés le 10 février 1999 ayant par ailleurs montré des transaminases normales ; que si l'expert, comme l'a relevé le tribunal, n'a pas exclu l'hypothèse d'une contamination par le virus au moment de l'accouchement avec épisiotomie du 12 octobre 1983 à Meulan, il a également estimé que la contamination à l'occasion du geste chirurgical sanglant pratiqué sur Mme B à l'hôpital Rothschild en juin 1999 était la plus vraisemblable ; que si l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris fait valoir que des procédures de désinfection des endoscopes destinées à supprimer tout risque infectieux étaient mises en place en 1999 et que les sondes urinaires et matériel de perfusion étaient à usage unique, l'existence de ces protocoles ne saurait toutefois suffire, à elle-seule, à écarter la faute dans l'organisation et le fonctionnement du service révélée par la survenue, après son hospitalisation, de la contamination de Mme B par le virus de l'hépatite C ; que, par suite, Mme B et la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne sont fondées à engager la responsabilité pour faute de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B et la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leurs demandes tendant à l'indemnisation des préjudices subis par Mme B et au remboursement des débours engagés par la caisse au bénéfice de cette dernière ;

Sur les préjudices et leur réparation :

En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial :

S'agissant des dépenses de santé :

5. Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne justifie, par une attestation de son médecin conseil, de l'imputation aux conséquences dommageables de l'intervention du 15 juin 1999 à l'hôpital Rothshild, des dépenses de santé qu'elle a prises en charge au bénéfice de Mme B et qui s'élèvent, à la date du 3 mars 2012, à la somme globale de 23 896,07 euros comprenant des frais médicaux et pharmaceutiques ; qu'il y a lieu de mettre à la charge de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris la somme de 23 896,07 euros ;

6. Considérant qu'en ce qui concerne les dépenses de santé futures de Mme B, il résulte de l'instruction, en particulier de l'attestation de frais futurs produite par la caisse d'assurance maladie, que Mme B suit un traitement par Levothyrox et que son état de santé nécessite une consultation médicale annuelle ; qu'il y a lieu de prendre en compte à ce titre une somme annuelle de 47,96 euros et de mettre à la charge de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris la somme capitalisée de 436,58 euros que demande la caisse primaire d'assurance maladie ;

7. Considérant que Mme B n'allègue pas que des dépenses de santé aient été laissées à sa charge ; que l'indemnisation mise à la charge de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris au titre des débours de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne s'élève à la somme de 24 332,65 euros ;

S'agissant des pertes de revenus :

8. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que Mme B, employée par une caisse de retraite, a été placée en arrêt de travail du 18 au 23 janvier 2000, puis du 24 mars 2000 au 16 avril 2000, puis du 30 mai 2000 au 10 novembre 2000, période pendant laquelle elle a également pris des congés annuels ; qu'elle a été de nouveau en incapacité de travailler du 21 décembre 2000 au 20 janvier 2001, puis du 27 avril 2001 au 21 octobre 2001, date à laquelle elle a repris une activité à mi-temps thérapeutique jusqu'au 15 janvier 2002 ; que Mme B a été une nouvelle fois placée en arrêt de travail du 16 janvier 2002 au 31 décembre 2002, date depuis laquelle elle est arrêtée du fait d'une dépression ; que si Mme B demande la somme de 7 800,45 euros au titre d'une incapacité totale de travail d'une durée de sept mois correspondant à la période de son traitement par Interféron, il résulte des relevés de débours produits par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne que, durant la période du 23 avril 2000 au 31 décembre 2002 au cours de laquelle elle n'a pu exercer son activité professionnelle, l'intéressée a perçu des indemnités journalières d'un montant de 19 925,19 euros ; que Mme B n'établit pas, ni d'ailleurs n'allègue, que les indemnités journalières versées n'auraient pas compensé les pertes de revenus dont elle demande réparation, pertes de revenus qui ne sont, par ailleurs, justifiées ni par les pièces produites par l'intéressée ni par le rapport d'expertise qui ne mentionne pas l'existence d'une telle perte ; qu'en revanche, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne justifie avoir exposé la somme de 19 925,19 euros correspondant aux indemnités journalières versées à Mme B au cours de sa période d'incapacité temporaire totale imputable à l'hépatite C décelée le 15 mars 2000 ; qu'il y a ainsi lieu de mettre à la charge de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris la somme de 19 925,19 euros ;

En ce qui concerne le préjudice personnel :

9. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que Mme B, dont la contamination par le virus de l'hépatite C a été mise en évidence en mars 2000, a été traitée par bithérapie (Interféron Ribavirine) pendant sept mois, le traitement ayant été arrêté du fait des effets secondaires thyroïdiens ; que l'état de Mme B peut être regardé comme consolidé à la date du 9 mars 2007 ; que l'expert a évalué les souffrances endurées par Mme B, résultant d'une biopsie hépatique, du suivi d'un traitement d'une durée de sept mois et d'effets indésirables au niveau de la tyroïde, à 3 sur une échelle de 7, souffrances qui doivent être évaluées à la somme de 2 000 euros ; qu'eu égard à son âge et au taux d'incapacité permanente partielle, évalué à 5% par l'expert sur le fondement des résultats de la biospsie hépatique réalisée en 2001, soit antérieurement à la date de consolidation, il sera fait une juste appréciation du déficit fonctionnel permanent de Mme B en l'évaluant à la somme de 3 000 euros ; que le préjudice personnel total de Mme B s'élève donc à la somme de 5 000 euros ;

Sur les intérêts :

10. Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne a droit à ce que la somme de 44 257,84 euros qui lui est accordée porte intérêts à compter du 18 avril 2011, date d'enregistrement de sa demande devant le Tribunal administratif de Paris ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code justice administrative :

11. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, l'Assistance publique- Hôpitaux de Paris versera à Mme B ainsi qu'à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris du 29 septembre 2011 est annulé.

Article 2 : L'Assistance publique-Hôpitaux de Paris est condamnée à verser la somme de 5 000 euros à Mme B.

Article 3 : L'Assistance publique-Hôpitaux de Paris est condamnée à verser la somme de 44 257,84 euros à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne, somme qui sera assortie des intérêts à compter du 18 avril 2011.

Article 4 : L'Assistance publique-Hôpitaux de Paris versera, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 500 euros à Mme B ainsi qu'à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne.

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N° 10PA03855

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N° 11PA05119


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3 ème chambre
Numéro d'arrêt : 11PA05119
Date de la décision : 20/09/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme VETTRAINO
Rapporteur ?: Mme Audrey MACAUD
Rapporteur public ?: Mme MERLOZ
Avocat(s) : GUINARD-TERRIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2012-09-20;11pa05119 ?
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